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12/05/2016 | FRANCE | N°14/21785

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 mai 2016, 14/21785


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 MAI 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21785 (absorbant 14/24714)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 4ème chambre - RG n° J014000546









APPELANTES



SA LVMH FRAGRANCE BRANDS, exerçant son activ

ité sous le nom commercial 'PARFUMS GIVENCHY'

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 572 082 253

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité a...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 MAI 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21785 (absorbant 14/24714)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 4ème chambre - RG n° J014000546

APPELANTES

SA LVMH FRAGRANCE BRANDS, exerçant son activité sous le nom commercial 'PARFUMS GIVENCHY'

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 572 082 253

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : B 399 227 354

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société XL INSURANCE COMPANY LIMITED

prise en son établissement en France situé [Adresse 4]

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 4] - GRANDE BRETAGNE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société AIG EUROPE LIMITED, venant aux droits de CHARTIS EUROPE, elle-même venant aux droits de AIG EUROPE SA

prise en son établissement en France situé [Adresse 6]

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 4] - ROYAUME UNI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistées de Maître Nicolas MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0139

INTIMÉES

SA SCHENKER SA

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 5]

N° SIRET : B 550 502 942

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Maître Anastasia TROTSKY, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Christophe HUNKELER du PARTNERSHIPS THOMAS COOPER, avocat au barreau de PARIS, toque : J116

SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY

ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 6]E (SUISSE)

N° SIRET : B 390 549 822

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY FRANCE - MSC

ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Maître Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistées de Maître Fabrice LEMARIÉ, avocat au barreau du HAVRE

PARTIE INTERVENANTE

Société TERMINAL NORMANDIE MSC

ayant son siège social [Adresse 11]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER, à la Cour, toque : P0240

Assistée de Maître Marie-Noëlle RAYNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P132, substituant Maître Mathieu CROIX, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, rédacteur

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile,

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

La société LVMH Fragrance Brands (ci-après « LVMH ») a confié au mois d'août 2010 à la société Schenker, commissionnaire de transport, l'acheminement d'un lot de parfums de marque Givenchy au départ de [Localité 8] et à destination du Paraguay, via le port [Établissement 1].

La marchandise était répartie au sein d'un conteneur en 724 colis d'un poids total de 4.127 Kilos.

La société Schenker a confié le transport routier de ce conteneur de [Localité 8] au Havre à la société Transports Lecercle, puis le transport maritime à la société Mediterranean Shipping Compagny (ci-après « MSC ») du Havre jusqu'au Paraguay.

Le 27 juillet 2010, le conteneur a été pris en charge par la société Terminal Normandie MSC (« TN-MSC »), manutentionnaire portuaire au Havre de la société MSC.

Le 3 août 2010, il a été constaté que le conteneur avait été ouvert et qu'une partie de la marchandise avait disparu (mails échangés le 3 août avec le représentant de LVMH avant l'embarquement et le 4 août demandant à la société Schenker de fermer le conteneur et de le faire partir en l'état). Le 5 août 2010, le conteneur a été chargé à bord du navire MSC Alessia au port [Établissement 1] "en l'état". Le conteneur est arrivé au Paraguay le 16 octobre 2010.

C'est dans ce contexte que s'inscrit l'instance engagée par la société LVMH et ses quatre compagnies d'assurance par assignation en date du 1er mars 2012, à l'encontre de la société Schenker et de la société MSC en réparation du préjudice subi.

Le 2 mars 2012, la société Schenker a assigné la société MSC afin que celle-ci soit condamnée à la relever et la garantir de toute condamnation à intervenir au profit des demanderesses.

Le 16 mai 2012, la société MSC a assigné la société TNMSC afin que celle-ci soit condamnée à la relever et la garantir de toute condamnation à intervenir au profit des demanderesses.

Par jugement en date du 9 octobre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a fait partiellement droit aux demandes dirigées contre les sociétés Schenker et MSC et :

- joint les causes ;

- dit que l'action des demanderesses n'est pas prescrite et qu'elles ont intérêt et qualité pour agir ;

- condamné la société Schenker à payer à la société LVMH, la société Axa Corporate Solutions, la société Allianz Global Corporate, la société Xl Insurance Company Limited et la société Chartis Europe, la somme de 3.333,35 DTS ou sa contre valeur au jour du prononcé du présent jugement, avec intérêts au taux légal, à compter de la date d'assignation et anatocisme, débouté pour le surplus ;

- condamné la société MSC à garantir la société Schenker de ces condamnations ;

- condamné la société TN-MSC à garantir la société MSC de ces condamnations ;

- dit les parties mal fondées dans leurs demandes plus amples ou contraires et les en débouté ;

- dit n'y avoir à application de l'article 700 du code de procédure civil.

Vu l'appel interjeté par les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions Assurance, Allianz Global Corporate & Speciality SE, XL Insurance Company Limited, AIG Europe Limited, le 30 octobre 2014 contre cette décision,

Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés LVMH, Axa Coporate Solutions Assurances, Allianz Global Corporate & Speciality SE, XL Insurance Company Limited, AIG Europe Limited, le 20 mai 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et déclarer les sociétés Axa Corporate Solutions et autres recevables et bien fondées en leur appel ;

- réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement les sociétés Schenker et MSC à payer les sommes de :

* 63.252 euros aux compagnies d'assurances requérantes et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 septembre 2011 ;

* 1.500 euros à la société LVMH au titre de la franchise restée à sa charge, et ce avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure ;

* 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* ordonner la capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Schenker le 18 janvier 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- décerner acte à la société Schenker France de son intervention aux lieux et droits de la société Schenker SA à la suite de la fusion absorption de cette dernière par la société Schenker France ;

- constater que l'indemnité d'assurance versée par les sociétés Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company Limited et Chartis Europe excède le préjudice réparable effectivement subi par assuré LVMH, à supposer qu'il soit établi.

En conséquence

- dire et juger les sociétés Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company Limited et Chartis Europe irrecevables en leur action contre la société Schenker SA, devenue Schenker France, pour toute demande supérieure à la somme de 51.801,620 euros ;

- constater que la société LVMH a reçu de ses assureurs une indemnité supérieure de 20% au préjudice qu'elle allègue et qu'elle n'a, de ce fait subi, aucun préjudice ;

- dire et juger la société LVMH irrecevable à agir à l'encontre de la société Schenker SA, devenue Schenker France ;

- constater que la société Schenker, devenue Schenker France, n'a commis aucune faute personnelle au titre de l'organisation du transport litigieux, et, de manière générale, à l'égard des appelantes LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciallity, XL Insurance Company, et Chartis Europe ;

- constater que les justificatifs versés aux débats par les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company, et Chartis Europe au soutien de leur préjudice allégué n'ont pas été établis contradictoirement à la société Schenker et MSC, de sorte que ces justificatifs doivent être écartés des débats ;

- constater que les justificatifs versés aux débats par les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciallity, XL Insurance Company, et Chartis Europe, au soutien de leur préjudice, sont totalement inexploitables, de sorte qu'ils ne permettent pas de comprendre le chiffrage des colis prétendument manquants et comportent des références erronées, des incohérences et inexactitudes les rendant totalement inexploitables et dépourvus de toute valeur probante ;

- dire et juger que les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company, et Chartis Europe n'apportent pas la preuve de l'existence et du montant du préjudice qu'elles prétendent avoir subi ;

- dire et juger mal fondé l'ensemble des demandes et prétentions formées par les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company, et Chartis Europe à l'encontre de la société Schenker SA, devenue Schenker France ;

- dire et juger que la somme maximale qui pourrait, le cas échéant, être accordée aux sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company, et Chartis Europe serait seulement la contre-valeur en euros de 3.333,35 DTS (666,67 DTC x 5 palettes = 3.333,35 DTS), conformément aux limitations d'indemnités issues de l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1925, telle qu'amendée ;

- débouter les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company, et Chartis Europe de tout surplus qu'elles réclament au titre du préjudice allégué ;

- condamner solidairement, in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés MSC - France SA et MSC S.A. à relever et garantir la société Schenker SA, devenue Schenker France, de toutes les condamnations qu'elle pourrait, le cas échéant, être condamnée à régler aux sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company, et Chartis Europe, et ce, notamment, en principal, intérêts, frais, dépens, sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant à payer à la société Schenker S.A, devenue Schenker France, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société MSC le 27 août 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer la société LVMH et les sociétés AXA CS, Allianz GC&S, XL Insurance et Chartis Europe recevables mais mal fondées en leur appel ;

- recevoir la société MSC en son appel incident et la déclarer bien fondée ;

- recevoir la société TNMSC en son appel incident et le déclarer mal fondé en ce qu'il tend à mettre hors de cause cette dernière ;

A titre principal,

- réformer le jugement entrepris en qu'il a déclaré la société LVMH et ses assureurs recevables à agir ;

- constater que l'indemnisation intervenue excède de 20% les préjudices allégués par la société LVMH qui ne pouvait transmettre par subrogation plus de droits qu'elle n'en avait alors ;

- juger les sociétés Axa CS, Allianz GC&S, XL Insurance et Chartis Europe irrecevables en leur action contre la société MSC pour toute demande excédant la somme de 51.801,60 euros ;

- constater que la société LVMH a perçu une indemnité supérieure de 20% aux préjudices qu'elle allègue et qu'elle ne souffre donc plus d'aucun préjudice ;

- juger la société LVMH irrecevable à agir contre la société MSC

- constater que la société MSC n'a accordé aucun report de la prescription ni à la société LVMH ni à ses assureurs ;

- juger que les demandes de la société LVMH et des sociétés Axa CS, Allianz GC&S, XL Insurance, et Chartis Europe formulées contre la société MSC sont prescrites et donc irrecevables.

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé partiellement fondées les prétentions des sociétés LVMH et ses assureurs s'appuyant sur des éléments non contradictoires et insuffisants ;

- constater que la société MSC n'a été rendue destinataire d'aucune réserve ni invitation à expertise, qu'ainsi le rapport SGS et l'attestation des douanes ont été établis de manière non contradictoire et sont invérifiables, voire inintelligibles, en l'état ;

- juger inopposables à la société MSC et dépourvus de force probante le rapport SGS et l'attestation des douanes ;

- constater que les préjudices vantés par la société LVMH et ses assureurs ne sont prouvés ni dans leur principe, ni dans leur quantum ;

- débouter la société LVMH et les sociétés Axa CS, Allianz CG&S, XL Insurance et Chartis Europe de leurs demandes et dire sans objet l'assignation en garantie de la société Schenker contre la société MSC.

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a évalué à 3.333,35 DTS la limitation de responsabilité du transporteur maritime ;

- juger que la responsabilité au poids de la société MSC ne saurait excéder la somme de 1.294 DTS ou sa contre-valeur en euros au jour de la livraison au Paraguay ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société TN-MSC à relever et garantir la société MSC de toutes condamnations prononcées à son encontre.

En tout état de cause,

- condamner tout succombant à payer à la société MSC la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Terminal Normandie MSC le 1er juin 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société TNMSC responsable du préjudice subi par les appelantes ;

En conséquence,

- débouter la société LVMH et ses assureurs de leurs demandes ;

- rejeter la demande en garantie de la société MSC à l'encontre de la société TNMSC.

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé partiellement fondées les prétentions des sociétés LVMH ;

- constater que la réalité du quantum du préjudice de la société LVMH et ses assureurs ne sont (sic) ;

- débouter la société LVMH et ses assureurs de leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en qu'il a évalué à 3.333, 35 DTS la limitation de responsabilité ;

- dire et juger que la responsabilité de la société TNMSC ne pourra en aucun cas dépasser 1.294 DTS ou sa contre-valeur en euro au jour de l'arrêt à intervenir.

En tout état de cause,

- condamner les sociétés LVMH, Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Speciality, XL Insurance Company Limited, Chartis Europe, Schenker SA et MSC à régler à la société TNMSC la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

La société LVMH et les compagnies d'assurance appelantes soutiennent qu'elles sont recevables en leurs demandes, que la subrogation légale est établie et qu'aucune prescription ne leur est opposable. Elles indiquent que le montant du vol des marchandises s'élevait à 70.817,62 US $, que l'indemnisation du préjudice subi comprend une majoration de 2% au titre des frais de transport et de 10% au titre des frais d'assurance, qu'en appliquant le taux de change à cette somme, après déduction de la franchise de 1.500 €, on aboutit à la somme de 63.252 € qui a été payée. Elles soutiennent que c'est pour ce montant que la subrogation est applicable, que cette somme correspond au préjudice subi, dont elles sont bien fondées à demander réparation au commissionnaire de transport et à ses substitués, responsables du vol. Elles indiquent qu'il n'est pas contesté que le conteneur a été ouvert et pillé alors qu'il était sous la responsabilité de la compagnie MSC et de son substitué, la société TN MSC en attente du chargement à bord du navire. Elles indiquent avoir fait faire un constat à l'arrivée au Paraguay, constat permettant d'établir l'importance des manquants et le quantum du sinistre, ce qui justifie de prendre en compte tous les colis manquants et non pas un seul, comme l'a fait à tort le tribunal.

La société Schenker soutient que les appelantes sont irrecevables à agir à hauteur des sommes qu'elles réclament, que la société LVMH ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue, l'expertise effectuée après l'arrivée des marchandises au Paraguay étant non contradictoire et inexploitable et les constatations effectuées par les autorités locales ayant été réalisées plusieurs jours après l'arrivée de la cargaison, que la société MSC a engagé sa responsabilité en qualité de transporteur maritime garant des marchandises se trouvant sous sa garde et été informée du vol par son mandataire la société TN-MSC, que la société LVMH reconnaît elle-même avoir donné des instructions précises de ne pas annuler le départ de la cargaison, malgré le vol dont elle a été informée lors du stockage de la cargaison au Havre, qu'en tout état de cause la somme maximale qui pourrait être accordée serait seulement la contre-valeur en euros de 3.333, 35 DTS pour un seul colis, et qu'elle devra être intégralement relevée et garantie par MSC et TN-MSC des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

La société MSC soutient que l'action engagée contre elle est prescrite. Elle indique, sur le fond, que les demandes d'indemnisation formées contre elle ne sont pas justifiées, que les constatations effectuées à destination étaient non contradictoires, que LVMH ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'elle allègue, qu'elle a elle-même fait le choix de ne pas procéder à une expertise au Havre, alors qu'elle avait été informée du vol, que les sommes réclamées ne sont pas justifiées, qu'elle devra être garantie par la société TN-MSC.

La société TN-MSC soutient qu'il n'est nullement établi que le vol ait eu lieu lorsque le conteneur était sous sa responsabilité, que le conteneur est bien entré et sorti de son terminal avec un plomb, que les connaissements de MSC et de la société Schenker ne font état d'aucune réserve, que les rapports produits par LVMH ont été établis plusieurs jours après le déchargement du conteneur sans qu'il soit possible de vérifier si celui-ci était bien plombé à l'arrivée, qu'il a pu y avoir des vols entre le moment de l'arrivée et les constatations, que ces dernières n'ont aucune valeur probante, qu'aucune pièce comptable ne vient confirmer le chiffrage du préjudice.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

- Sur la subrogation

Considérant qu'aux termes de l'article 1251 du code civil, la subrogation a lieu de plein droit (...) au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ;

Qu'aux termes de l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ;

Qu'aux termes de l'article L.172-29 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie ;

Considérant qu'il est constant toutefois que l'assureur, après avoir indemnisé son assuré, ne peut invoquer la subrogation légale que s'il était contractuellement tenu de procéder à ce paiement ;

Qu'ainsi, une indemnisation accordée à titre de geste commercial, ou même dans la croyance erronée qu'elle était due, ne permet pas de bénéficier de la subrogation légale à concurrence de cette indemnisation ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte de la police d'assurance n° 98.0824 et de l'attestation d'assurance versées aux débats que le principe de la subrogation légale des compagnies d'assurance dans les droits de leur assurée LVMH était prévu à concurrence des pourcentages fixés conventionnellement mis à la charge de chaque compagnie d'assurance, étant précisé que l'assuré conserverait à sa charge une franchise de 1.500 euros ;

Que la société LVMH a signé un acte de subrogation et de cession de droits au bénéfice des quatre compagnies d'assurance et indiqué avoir été indemnisée à hauteur de 63.252 euros par lesdites compagnies et conservé à sa charge une franchise de 1.500 euros ;

Qu'en conséquence, même si le quantum de l'indemnisation allouée est discuté par les parties au litige et fera l'objet d'une appréciation sur le bien fondé d'une telle indemnisation, les appelantes sont recevables à revendiquer à leur profit la subrogation légale dans les droits de la société LVMH ;

- Sur la prescription de l'action principale contre le transporteur MSC

Considérant qu'il résulte de l'article 3 § 6, alinéa 4, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924 que l'action contre le transporteur qui a pour fondement le contrat de transport maritime se prescrit par un an à compter de la délivrance de la marchandise ;

Qu'en l'espèce, la livraison de la marchandise a eu lieu le 16 octobre 2010 ;

Qu'en conséquence, sauf à établir un report de prescription, l'action intentée contre le transporteur devait être engagée avant le 16 octobre 2011 ;

Que la société LVMH et les compagnies d'assurance ont assigné la société Schenker et la société MSC, le 1er mars 2012, soit après l'expiration du délai d'un an ;

Que le fait que la société Schenker ait accordé plusieurs reports de la prescription est sans incidence sur l'action intentée par les demanderesses à l'encontre de la société MSC qui n'a accordé de report qu'à la société Schenker et non à la société LVMH ou aux compagnies d'assurance ;

Que la prescription de l'action principale de LVMH et des quatre compagnies d'assurance appelantes contre la société MSC est dès lors acquise ;

Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.

- Sur la responsabilité des intervenants au transport

Considérant que le commissionnaire de transport et le transporteur maritime sont tous deux tenus d'une obligation de résultat ;

Que le commissionnaire de transport est responsable de son fait personnel et de celui de ses substitués ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le conteneur a subi une "perte" de marchandise entre le moment où il a été enlevé à [Localité 8] et le moment où il est arrivé au Paraguay ;

Qu'il est même établi que c'est entre le moment de l'arrivée du conteneur au port [Établissement 1] et son embarquement que le conteneur a été ouvert ;

Qu'il résulte des mails échangés que la société Schenker a eu connaissance du pillage du conteneur le 3 août 2010, qu'elle en a informé LVMH et que c'est sur instructions de cette dernière que le conteneur a été refermé le 5 août et expédié au Paraguay sans expertise préalable de la quantité manquante ;

Qu'aucune réserve n'a été faite à l'arrivée du conteneur ;

Que ce n'est qu'au Paraguay que les autorités douanières ont procédé, 3 jours après l'arrivée du conteneur, à l'évaluation du contenu du conteneur et qu'un comparatif a été effectué par la société SGS ;

Que ce comparatif a été effectué de façon non contradictoire ;

Qu'il a relevé un manquement de 95 colis ;

Que toutefois, les constatations effectuées plus de deux jours après la livraison par les douanes et par la société SGS, de façon non contradictoire, ne permettent pas de rapporter la preuve du préjudice allégué, ni de valablement établir le quantum des pertes subies et de l'indemnisation qui pourrait être due ;

Qu'en l'absence d'éléments probants rapportés par les appelantes, il est impossible de faire le lien entre les 95 colis relevés manquants après l'arrivée au Paraguay et les colis volés au Havre ;

Que le pointage réalisé ainsi n'est pas fiable ;

Que la société LVMH qui a demandé à la société Schenker la poursuite du transport, en refermant le conteneur en toute connaissance de l'ouverture de celui-ci et du pillage du conteneur, vu la différence de poids, ne peut dès lors rechercher la responsabilité des entreprises de transport pour les manquants constatés après l'arrivée ;

Qu'elle ne peut dès lors, ni les compagnies d'assurance qui se sont subrogées à elle, quand bien même elles l'auraient indemnisée, rechercher la responsabilité du commissionnaire de transport, du transporteur ou de leurs substitués, pour les vols commis dont elle avait connaissance, ces derniers n'étant pas responsables de la décision prise par LVMH de refermer le conteneur, sans aucune réserve ni aucune expertise préalable permettant de fixer son préjudice ;

Que même si l'existence du sinistre ne pose aucune difficulté puisque la marchandise était sous la garde de la société TN-MSC dans le port [Établissement 1], mandataire de la société MSC, et qu'un vol a eu lieu à ce moment là, les choix effectués par LVMH, contraires aux dispositions de la police d'assurance, auraient pu entraîner un refus de prise en charge par les compagnies d'assurance, et ne permettent dès lors pas d'agir sur le fondement de la subrogation légale ;

Qu'il ne résulte en effet d'aucun élément du dossier que la somme de 63.252 euros versée par les compagnies d'assurance corresponde à la réalité du préjudice indemnisable subi par la société LVMH, ni que les compagnies d'assurance étaient tenues de verser cette somme ;

Que la société LVMH a totalement assumé la prise en charge des pertes liées au vol puisqu'elle a fait refermer le conteneur sans vérification ni réserves ;

Que c'est dès lors à tort que le tribunal a fait droit, même partiellement à la demande formulée par la société LVMH et les compagnies d'assurance subrogées ;

Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter les parties demanderesses de leurs demandes d'indemnisation à l'égard de la société Schenker et de MSC ;

Que par voie de conséquence, les appels en garantie sont sans objet et que le jugement sera également infirmé sur ce point ;

Qu'il y a lieu d'allouer aux sociétés défenderesses et appelées en garantie une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 2.000 euros chacune, somme à laquelle les appelantes, qui succombent, seront tenues.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action de la société LVMH et des sociétés Axa Corporate Solutions Assurance, Allianz Global Corporate & Speciality SE, XL Insurance Company Limited et AIG Europe Limited recevable et non prescrite à l'égard de la société Schenker,

L'infirmant pour le surplus,

Déclare prescrite l'action engagée par la société LVMH et les sociétés Axa Corporate Solutions Assurance, Allianz Global Corporate & Speciality SE, XL Insurance Company Limited et AIG Europe Limited contre la société MSC,

Déboute la société LVMH et les sociétés Axa Corporate Solutions Assurance, Allianz Global Corporate & Speciality SE, XL Insurance Company Limited et AIG Europe Limited de leurs demandes,

Dit que les appels en garantie sont sans objet,

Condamne la société LVMH et les sociétés Axa Corporate Solutions Assurance, Allianz Global Corporate & Speciality SE, XL Insurance Company Limited et AIG Europe Limited, chacune à payer à la société Schenker, la société MSC et la société TN-MSC la somme à chacune de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne LVMH et les quatre compagnies d'assurance aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

B.REITZERL. DABOSVILLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/21785
Date de la décision : 12/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°14/21785 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-12;14.21785 ?
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