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11/05/2016 | FRANCE | N°15/01801

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 mai 2016, 15/01801


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Mai 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01801 et 15/2349



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/03227





APPELANTE

Mademoiselle [F] [L]

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1984

à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB 10





INTIMÉE

SAS ALYZIA

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Mai 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01801 et 15/2349

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/03227

APPELANTE

Mademoiselle [F] [L]

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB 10

INTIMÉE

SAS ALYZIA

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

N° SIRET : 484 821 236 00011

représentée par Me Paul ROMATET, avocat au barreau de PARIS, toque : J 43

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Chantal GUICHARD, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE'

La SAS Alyzia a pour activité principale assistance en escale de compagnies aériennes sur les zones aéroportuaires [Établissement 1] et de [Établissement 2].

Elle applique la convention collective du transport aérien-personnel au sol.

Mme [L] a été engagée par la SAS Alyzia en qualité d'agent de passage suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du'9 avril 2010.

En dernier état, son salaire mensuel s'élevait à la somme de 2391,46 euros.

La SAS Alyzia lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre du 13 juillet 2011.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin de voir prononcer la nullité de celui-ci et ordonner sa réintégration.

Par jugement du 19 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Bobigny a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et lui a accordé une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de ce jugement, Mme [L] demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau de prononcer la nullité du licenciement, d'ordonner sa réintégration à son poste de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de condamner la SAS Alyzia à lui verser 133 921,76 euros à titre de rappel de salaires depuis la date de son licenciement, outre les congés payés afférents.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'allocation de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

Elle réclame au surplus paiement des sommes suivantes :

- 60'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et en tout état de cause,

- 20'000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi et pour le licenciement discriminatoire,

- 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Alyzia conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté que le licenciement reposait sur des motifs objectifs sans lien avec la participation de la partie appelante à des mouvements de grève mais de l'infirmer en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle s'oppose à l'ensemble des prétentions formulées et réclame, à son tour, 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la jonction des instances ;

La cour est saisie de deux recours formés contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny opposant Madame [F] [L] et la société Alyzia relatifs à un même contrat de travail.

Il y a lieu de joindre ces deux instances, en raison de l'existence entre les litiges d'un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble, et ce par application de l'article 367 du code de procédure civile.

Sur la demande d'annulation du licenciement ;

Selon l'article L. 1132-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.

L'article L. 1132-4 du code du travail ajoute que toute disposition ou tout acte pris à l'égard du salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Comme éléments laissant supposer qu'elle a été licenciée en raison de l'exercice normal du droit de grève, Mme [L] invoque':

- sa participation, avec plusieurs autres de ses collègues aux grèves déclenchées dans l'entreprise par le syndicat CFCT, entre avril 2010 et juillet 2011,

- la reconnaissance judiciaire du caractère licite du mouvement de grève par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 17 août 2011,

- l'injonction donnée à la SAS Alyzia par le même juge, aux termes de la dite ordonnance de cesser les mesures disciplinaires et discriminatoires engagées contre les salariés grévistes,

- la tenue de listes des salariés grévistes, sur lesquelles son nom apparaît,

- le constat que les mesures disciplinaires et spécialement de licenciement visaient pour l'essentiel les grévistes affiliés au syndicat CFTC,

- le désistement de la SAS Alyzia consécutivement aux jugements rendus ayant prononcé la nullité du licenciement puis la réintégration de six autres salariés, licenciés dans les mêmes circonstances, sous des prétextes de fautes professionnelles et de non-respect du règlement intérieur,

-la concomitance entre les mouvements de grève et la mise en 'uvre des procédures de licenciement.

- le caractère fallacieux des motifs invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave, puisque son refus de faire des heures supplémentaires était justifié par l'exigence légale du temps de repos et par l'impossibilité de modifier l'heure de sa prise de poste du lendemain.

Au regard des documents communiqués, les éléments précédemment évoqués, pour l'essentiel matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer que la décision de l'employeur est discriminatoire.

La SAS Alyzia répond que le licenciement de la partie appelante est totalement étranger aux événements invoqués et repose uniquement sur le manquement professionnel relevé.

La lettre de licenciement fait état d'une insubordination caractérisée par le refus de la salariée de prolonger la journée du 28 juin 2011 en raison d'un retard d'avion et d'effectuer des heures supplémentaires dans le respect du contingent légal, et d'un abandon de poste du fait qu'elle a quitté son poste à 17 h30, soit une demi-heure avant la fin théorique de son service pour se rendre en salle de repos et regarder la télévision, sans autorisation de sa hiérarchie.

Il est encore fait grief à Mme [L] d'avoir pendant l'entretien préalable manifesté un manque de respect envers sa hiérarchie en ayant eu recours à des écarts de langage tels que « elle 'ne comprenait rien'», Mme X «'avait vu la vierge'».

La SAS Alyzia communique aux débats un échange de mails tendant à établir que la salariée «'était partie de son propre chef de l'embarquement'», ce que conteste Mme [L] qui soutient, sans l'établir, avoir eu l'accord du régulateur.

L'employeur verse aussi l'attestation de Mme [Y] [P] qui témoigne des propos tenus par la salariée lors de l'entretien préalable tels que précédemment reportés.

Il n'est pas utilement contesté que la salariée était prévue sur le planning du lendemain et que la réalisation des horaires supplémentaires qui lui étaient demandés pouvait compromettre le respect du repos journalier légalement posé.

En l'absence d'antécédents, les motifs invoqués ne pouvaient caractériser un motif sérieux de licenciement, ainsi que l'ont relevé à bon escient les premiers juges.

Dans ces conditions, l'employeur n'établit pas que le licenciement notifié le 13 juillet 2011 était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et spécialement à l'exercice normal du droit de grève par la salariée, courant juin 2011.

Le licenciement sera en conséquence annulé.

Sur les conséquences de cette annulation du licenciement';

Lorsque le licenciement est annulé, la réintégration du salarié est de droit si elle est demandée comme en l'espèce.

Il sera en conséquence fait droit à cette demande de réintégration dans l'emploi occupé par la salariée ou un emploi équivalent et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours après la notification du présent arrêt.

Dès lors qu'il caractérise une atteinte à la liberté d'exercer son droit de grève, garanti par la Constitution, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période.

Le licenciement discriminatoire subi par la partie appelante est à l'origine d'un préjudice moral distinct qui, dans le cas présent, sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité de 210 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d'appel.

La SAS Alyzia, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 15/01801 et 15/02349.

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du licenciement,

Ordonne la réintégration de Mme [L] à son poste de travail ou un poste équivalent sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt,

Condamne la SAS Alyzia à verser à Mme [L] une indemnité correspondant à l'intégralité des salaires depuis la date de son licenciement jusqu'à la réintégration,

Condamne la SAS Alyzia à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

- 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour le licenciement discriminatoire,

- 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Alyzia de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Alyzia aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/01801
Date de la décision : 11/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/01801 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-11;15.01801 ?
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