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11/05/2016 | FRANCE | N°15/00521

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 mai 2016, 15/00521


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Mai 2016



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00521



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 13/00550





APPELANTE

Madame [D] [W] épouse [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]r>
comparante en personne,

assistée de Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB 10





INTIMÉE

SAS ALYZIA

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

N° ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Mai 2016

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00521

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 13/00550

APPELANTE

Madame [D] [W] épouse [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB 10

INTIMÉE

SAS ALYZIA

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

N° SIRET : 484 821 236 00011

représentée par Me Paul ROMATET, avocat au barreau de PARIS, toque : J 43

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Chantal GUICHARD, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Alyzia a pour activité principale assistance en escale de compagnies aériennes sur les zones aéroportuaires [Établissement 1] et de [Établissement 2].

Elle applique la convention collective du transport aérien-personnel au sol.

Mme [W] a été engagée par la SAS Alyzia en qualité d'agent superviseur de trafic suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du'19 juin 2006 .

En dernier état, son salaire mensuel s'élevait à la somme de 2780,80 euros.

La SAS Alyzia lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre du 11 juillet 2011.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin de voir prononcer la nullité de celui-ci et ordonner sa réintégration.

Par jugement du 10 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Bobigny l'a déboutée de ses prétentions.

Appelante de ce jugement, Mme [W] demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau de prononcer la nullité du licenciement, d'ordonner sa réintégration à son poste de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de condamner la SAS Alyzia à lui verser 155 724,80 euros à titre de rappel de salaires depuis la date de son licenciement, outre les congés payés afférents.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse de condamner la SAS Alyzia à lui régler les sommes suivantes':

- 5567,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- 2827,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 100'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et en tout état de cause,

- 20'000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi et pour le licenciement discriminatoire,

- 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Alyzia conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté que le licenciement reposait sur des motifs objectifs sans lien avec la participation de la partie appelante à des mouvements de grève.

Elle s'oppose à l'ensemble des prétentions formulées et réclame, à son tour, 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur le statut protecteur';

Mme [W] soutient que le licenciement prononcé est nul dans la mesure où elle bénéficiait du statut protecteur prévu aux termes de l'article 2411-8 du code du travail qui dispose que le licenciement d'un représentant syndical au comité d'entreprise ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, ce à quoi, l'employeur réplique que le syndicat CFDT avait révoqué sa désignation le 20 avril 2011.

Le syndicat par la voie du secrétaire général [K] [V] a en effet adressé au DRH de la société Alyzia une lettre ayant pour objet l'annulation de la désignation de Mme [W] comme représentant syndical au comité central d'entreprise.

C'est en vain que pour combattre ce document lui retirant le mandat de représentant syndical au comité d'entreprise, Mme [W] soutient que ni elle même, ni l'inspecteur du travail n'avaient été informés de cette prétendue annulation, qu'il s'agit d'un faux, qu'elle verse aux débats les bons de délégation qu'elle a remplis et explique que l'employeur lui a réglé les dites heures.

En l'absence de toute plainte contre ce document dont elle soutient sans le démontrer qu'il est un faux, la cour relève que la salariée ne peut utilement revendiquer un statut que seul le syndicat pouvait lui reconnaître et que par ce document, il lui avait retiré.

Les bons de délégation et la participation à une réunion à laquelle elle avait été convoquée ne peuvent suffire en effet à remettre en cause la validité du retrait de sa désignation tel qu'il résulte de la lettre du 20 avril 2011.

Le moyen tiré de la nullité du licenciement en raison de l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail est inopérant.

Sur la demande d'annulation du licenciement discriminatoire';

Selon l'article L. 1132-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.

L'article L. 1132-4 du code du travail ajoute que toute disposition ou tout acte pris à l'égard du salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, la salariée concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Comme éléments laissant supposer qu'elle a été licenciée en raison de l'exercice normal du droit de grève, Mme [W] invoque':

- sa participation, avec plusieurs autres de ses collègues aux grèves déclenchées dans l'entreprise par le syndicat CFCT, entre avril 2010 et juillet 2011,

- la reconnaissance judiciaire du caractère licite du mouvement de grève par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 17 août 2011,

- l'injonction donnée à la SAS Alyzia par le même juge, aux termes de la dite ordonnance de cesser les mesures disciplinaires et discriminatoires engagées contre les salariés grévistes,

- la tenue de listes des salariés grévistes, sur lesquelles son nom apparaît,

- le constat que les mesures disciplinaires et spécialement de licenciement visaient pour l'essentiel les grévistes affiliés au syndicat CFTC,

- le désistement de la SAS Alyzia consécutivement aux jugements rendus ayant prononcé la nullité du licenciement puis la réintégration de six autres salariés, licenciés dans les mêmes circonstances, sous des prétextes de fautes professionnelles et de non-respect du règlement intérieur,

-la concomitance entre les mouvements de grève et la mise en 'uvre des procédures de licenciement,

- le caractère fallacieux des motifs invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave.

Au regard des documents communiqués, les éléments précédemment évoqués, pour l'essentiel matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer que la décision de l'employeur est discriminatoire.

La SAS Alyzia répond que le licenciement de la partie appelante est totalement étranger aux événements invoqués et repose sur les multiples manquements professionnels relevés.

Elle invoque les sanctions précédemment notifiées à la salariée et spécialement deux avertissements notifiés pour des retards les 4 mars 2009 et 8 mars 2010.

La lettre de licenciement fait état de 11 retards entre le 1er mai 2011 et le 26 juin 2011, dont l'un d'eux était de 33 minutes.

La SAS Alyzia communique aux débats le règlement intérieur qui confirme le caractère fautif de tout retard, un tableau de bord et un récapitulatif informatisé des retards allégués.

Outre le manque de fiabilité du système de pointage et son inopposabilité aux salariés, la partie appelante invoque la responsabilité de l'employeur s'agissant des retards allégués et l'accord d'entreprise en ce qui concerne le quart d'heure d'habillage avant la prise de poste.

S'agissant de l'inopposabilité du système de pointage, la salariée invoque le moyen selon lequel la société ne démontre pas qu'il a été satisfait à la procédure légale d'information et de consultation préalable des représentants élus du personnel, aucun procès verbal n'ayant été établi à cette fin.

Toutefois, ce moyen est inopérant dans la mesure où la validité de la mise en place de la pointeuse n'est subordonnée qu'à la seule déclaration auprès de la CNIL et à l'information des salariés, exigences respectées par la SAS Alysia ainsi que cela ressort des pièces communiquées, étant précisé que le règlement intérieur mentionne l'existence du dit système.

En revanche, les dysfonctionnements du service de navette assuré par l'employeur sont établis par les divers comptes-rendus des réponses aux questions des délégués du personnel de janvier, mars, octobre et novembre 2011.

Même si ces perturbations sont nécessairement prévisibles du fait de leur récurrence, la constatation selon laquelle la SAS Alyzia a rémunéré des retards révèle une habituelle tolérance de l'employeur pour des retards limités en lien avec la durée variable et aléatoire du trajet de la seule navette fonctionnant pour acheminer les salariés sur le site de pointage et non en lien avec l'habillage qui a lieu après le badgeage.

Dans ce contexte, les retards relevés ne peuvent caractériser un motif sérieux de licenciement.

Dans ces conditions, l'employeur n'établit pas que le licenciement notifié le 11 juillet 2011 était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et spécialement à l'exercice normal du droit de grève par la salariée, courant juin 2011.

Le licenciement sera en conséquence annulé.

Sur les conséquences de cette annulation du licenciement';

Lorsque le licenciement est annulé, la réintégration du salarié est de droit si elle est demandée comme en l'espèce.

Il sera en conséquence fait droit à cette demande de réintégration dans l'emploi occupé par la salariée ou un emploi équivalent et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours après la notification du présent arrêt.

Dès lors qu'il caractérise une atteinte à la liberté d'exercer son droit de grève, garanti par la Constitution, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période.

Le licenciement discriminatoire subi par la partie appelante est à l'origine d'un préjudice moral distinct qui, dans le cas présent, sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande d'accorder à la salariée une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Alyzia, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du licenciement,

Ordonne la réintégration de Mme [W] à son poste de travail ou un poste équivalent sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt,

Condamne la SAS Alyzia à verser à Mme [W] une indemnité correspondant à l'intégralité des salaires depuis la date de son licenciement jusqu'à la réintégration,

Condamne la SAS Alyzia à verser à Mme [W] les sommes suivantes :

- 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour le licenciement discriminatoire,

- 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Alyzia de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Alyzia aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/00521
Date de la décision : 11/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/00521 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-11;15.00521 ?
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