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11/05/2016 | FRANCE | N°14/03510

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 mai 2016, 14/03510


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Mai 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03510



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mai 2010 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° 06/01775





APPELANTE

Madame [J] [I]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4](76)

[Adresse 5]

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comparante en personne

assistée de Me Romain ROSSI-LANDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0014 substitué par Me Caroline PEUGNET, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

LOGIAL-OPH

N° SI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Mai 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03510

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mai 2010 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° 06/01775

APPELANTE

Madame [J] [I]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4](76)

[Adresse 5]

[Localité 1]

comparante en personne

assistée de Me Romain ROSSI-LANDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0014 substitué par Me Caroline PEUGNET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

LOGIAL-OPH

N° SIRET : 388 956 302 00029

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Bouziane BEHILLIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1403

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Chantal GUICHARD, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de Madame [J] [I] et celles de LOGIAL OPH venant aux droits de l'office de l'Habitat social d'[Localité 2] visées et soutenues à l'audience du 15 mars 2016.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] a été engagée par l'OPHLM de la ville d'Alfortville à compter du 1er septembre 1985 en qualité de gardienne, par décision N°945 du 28 août 1985, son statut étant celui d'un agent contractuel de droit public non titulaire et son lieu de travail situé au [Adresse 1] classé en zone urbaine sensible.

A la suite de la création de l'Office de l'Habitat social (OHSA) en 1992 les contrats de travail de l'OPHLM et de la SEMVA (société d'économie mixte) ont été repris par l'Office.

Le décret du 17 juin 1993 portant règlement statutaire des personnels, ne relevant pas du statut de la fonction publique territoriale, employés par les offices publics d'aménagement et de construction a annulé le précédent règlement de 1974 et mis en place le nouveau statut des personnels des OPAC'; Ce texte a été communiqué à Madame [I] avec l'arrêté et les annexes, par lettre du 24 juin 1993.

Madame [I] a régularisé un contrat de travail portant modification de son statut d'agent contractuel de droit public non titulaire en un statut salarié de droit privé à la date du 1er janvier 1994. Un accord collectif d'entreprise a été signé le 23 juin 1994.

Le 24 février 2006, Madame [I] a reçu un courrier l'informant d'une nouvelle affectation géographique dans la même ville au [Adresse 2] conformément à son contrat de travail, refusée par la salariée par lettre du 28 février 2006 au motif que son état de santé et la dangerosité du site étaient incompatibles.

Le 7 mars 2006, Madame [I] a été déclarée «'inapte temporaire'» par le médecin du travail et mise en arrêt de travail jusqu'au 21 mars suivant pour état dépressif puis à nouveau du 4 au 11 mai 2006, puis du 1er juin au 5 juin suivant.

Le 10 mars 2006, une pétition de 103 locataires en faveur de Madame [I] a été adressée à la direction pour s'opposer à sa mutation dans un autre lieu renouvelée par lettre du 11 avril 2006 au Maire d'[Localité 2]. Un délégué syndical est aussi intervenu en sa faveur par lettres du 17 mars 2006 et du 18 avril 2006 auprès du directeur général de l'OPH.

Le 6 juin 2006, Madame [I] a été déclaréepar le médecin du travail, apte au poste avec des réserves sur les tâches à accomplir.

Par lettre du 8 juin 2006, l'OPH a renoncé à la mutation.

Madame [I] et deux autres collègues ont saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 3] de diverses demandes le 1er septembre 2006.

Par décision notifiée le 11 décembre 2007, Madame [I] s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la période du 11 décembre 2007 au 11 décembre 2010.

De nombreux courriers ont été envoyés à l'OPH, au Maire d'[Localité 2], à l'inspection du travail, au médecin du travail, à la police et au procureur de la république par Madame [I], entre 2006 et 2008.

La salariée a reçu un avertissement pour son comportement et ses propos relatifs à ses demandes répétées de rémunération supplémentaire. Cette sanction a été contestée par la salariée par lettre du 17 juin 2008.

Par lettre en date du 24 juin 2008, Madame [I] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 2 juillet suivant avec mise à pied à titre conservatoire'; elle a sollicité un report qui lui a été refusé par l'employeur. Par lettre du 2 juillet 2008, conformément à la règlementation, l'OPH a soumis à Madame [I] un projet de sanction consistant en un licenciement pour faute grave afin de recueillir ses observations et l'a informée de sa faculté de saisir la commission disciplinaire.

Une nouvelle pétition de locataires a été adressée à l'OPH le 27 juin 2008.

Madame [I] a été licenciée pour faute grave le 11 juillet 2008 en raison de ses correspondances, de son indiscipline, du dénigrement de l'employeur, de la divulgation d'informations confidentielles aux locataires, de son agressivité permanente.

Par jugement rendu en audience de départage le 20 mai 2010, LOGIAL OPH a été condamné à payer à Madame [I] les sommes de':

- 5.025 € à titre d'indemnité de préavis,

- 502 € au titre des congés payés,

- 20.100 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 1.926 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'employeur devant en outre remettre à Madame [I] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes au jugement,les demandes supplémentaires étant rejetées et LOGIAL OPH étant condamnée aux dépens.

Madame [I] a interjeté appel du jugement le 6 août 2010 et demande à la cour :

- sa confirmation ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- son infirmation pour le surplus,

- la condamnation de la LOGIAL OPH à lui payer les sommes de':

Au titre de l'indemnité légale de licenciement':

20.100 € sans adjonction de primes, 25.164 € avec les primes,

Au titre de l'indemnité spéciale':

1.926 € sans adjonction de primes, 2.411 € avec les primes,

Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis':

5.025 € sans adjonction de primes et 502 € au titre des congés payés, 6.291 € avec les primes et 629 € au titre des congés payés,

Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse':

52.250 € sans adjonction de primes, 62.910 € avec les primes,

- D'ordonner la délivrance de bulletins de paie, d'une attestation ASSEDIC conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

- Au titre de rappel de la prime de fin d'année': 11.732 € et 1.173 au titre des congés payés afférents,

- Au titre de rappel de la prime d'ancienneté': 17.364 € et 1.736 € au titre des congés payés afférents,

10.000 € au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

LOGIAL OPH sollicite l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de Madame [I] et la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire, et ce, avec intérêts de droit à compter de'la notification de l'arrêt,

Pour le surplus, Il demande à la cour de :

- Constater que les demandes de Madame [I] trouvent leur origine dans le changement de statut en 1993 et la signature d'un nouveau contrat le 1er janvier 1994,

- relever que la demande Madame [I] est prescrite depuis le 1er janvier 1999,

A défaut de,

- Confirmer le jugement,

- Débouter Madame [I] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Madame [I] à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant ceux de l'éventuelle exécution.

SUR CE,

Sur les primes

Madame [I] soutient que dès le mois de novembre 1985, elle a bénéficié d'une prime de fin d'année versée en mai et novembre et à compter de septembre 1990 d'une prime d'ancienneté versée mensuellement, mais que depuis le décret du 17 juin 1993, elle n'a plus reçu, la prime d'ancienneté. Elle note aussi que sa prime annuelle a été supprimée. Elle admet que son salaire a été revalorisé tout en soutenant que ceci est dû à l'accord collectif de 1994. Elle fait valoir qu'en signant son contrat de travail emportant modification de son statut d'agent contractuel de droit public non titulaire en statut de salarié, elle n'a pas mesuré les conséquences de la signature de ce contrat.

Toutefois, le changement de statut s'imposait à tous ainsi que le fait d'inclure les primes dans le salaire de base, ce que ne conteste pas réellement la salariée.

Les premiers juges ont en outre considéré à bon droit que les droits conférés aux salariés par un usage ne sauraient correspondre à un avantage acquis individuellement et que la prime de fin d'année dite 13.25 a été intégrée dans le salaire de base conformément à l'usage. Concernant la prime d'ancienneté, le changement de statut en 1993 et l'accord collectif ultérieurement conclu se substituent aux dispositions de l'arrêté du 17 mai 1974 prévoyant cette prime d'ancienneté. Il est aussi avéré que le salaire de base a été considérablement revalorisé pour tenir compte de ces primes étant relevé que Madame [I] a bénéficié d'une rémunération supérieure à celle prévue par les dispositions réglementaires.

Au surplus, la cour relève que Madame [I] n'a jamais contesté ces suppressions de primes jusqu'à son licenciement soit pendant plus de 10 ans.

Outre la disparition de cet usage consécutivement au changement de statut et à l'accord collectif pris la cour relève que Madame [I] est forclose en ses demandes.

Sur le licenciement

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise'et qui peut seule justifier une mise à pied à titre conservatoire ; il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule'et la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement du 11 juillet 2008 fait état des griefs suivants: ses correspondances nombreuses, son indiscipline, le dénigrement de l'employeur, la divulgation d'informations confidentielles aux locataires, son agressivité permanente.

D'après les pièces produites par les parties, Madame [I] a, à compter de l'année 2006 jusqu'à son licenciement, envoyé de multiples courriers à son employeur, notamment.

La salariée soutient que la lettre de licenciement est fondée sur neuf correspondances adressées à l'employeur alors que seules, les trois dernières contiennent des faits non prescrits.

L'employeur considère que l'envoi depuis 2006 de très nombreuses lettres tant à lui-même qu'à l'inspection du travail, au Maire d'[Localité 2] et au procureur de la République caractérisent autant d'actes d'insubordination répétés.

Les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, selon lesquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissnce ne s'opposent pas à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

L'examen des documents versés par l'employeur montre que parmi les lettres qu'il invoque pour justifier le licenciement, certaines ont été rédigées et adressées à divers destinataires dans le délai de deux mois avant l'engagement de la procédure en sorte qu'il peut invoquer aussi les envois de lettres antérieurs.

A cet égard, il est avéré que la salariée a, entre 2006 et 2008, adressé de multiples lettres dont les copies étaient envoyées à l'inspection du travail, au Maire d'[Localité 2], et au procureur de la République, ce qui, dans le rapport qu'elle entretenait avec son employeur, révèle un comportement pour le moins déplacé de nature à jeter le discrédit sur l'employeur auprès des institutions voire déloyal. Ce discrédit est conforté par les deux pétitions signées par des locataires en sa faveur à deux reprises en 2006 et en 2008 et les interventions du délégué syndical.

Au surplus, les termes utilisés confirment la volonté de la salariée de dénigrer les positions adoptées par l'employeur et par suite, de remettre en cause son pouvoir de direction et son autorité.

Les déclarations que comportent ces lettres, leur ton, leur envoi en copie à des tiers caractérisent une attitude de dénigrement systématique à laquelle la salariée n'a pas mis un terme malgré la notification de l'avertissement la mettant en garde contre son comportement tout à la fois, déplacé et inapproprié.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Il convient de relever que l'employeur a fait preuve d'une relative tolérance au regard de la durée de ces faits. En conséquence, ces faits ne peuvent donc justifier une rupture immédiate du contrat de travail.

Le licenciement sera requalifié de licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc confirmé s'agissant des sommes allouées : 5.025 € à titre d'indemnité de préavis, 502 € au titre des congés payés, 20.100 € à titre d'indemnité de licenciement,1.926 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement dû en exécution de l'article 28 du décret de 1993.

Sur les autres demandes

Le premier juge a, à bon droit, satisfait à la demande de Madame [I] tendant à se voir remettre un bulletins de paie et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision.

Aucune circonstance n'impose que cette injonction soit assortie d'une astreinte. Madame [I] sera déboutée de cette demande.

Madame [I] sera aussi déboutée de ses autres demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, compte tenu de l'analyse des faits telle qu'elle a été précédemment exposée et qui ne met pas en exergue aucune déloyauté de la part de l'employeur.

Succombant en son appel, Madame [I] supportera la charge des dépens.

Si l'équité commande de laisser aux parties la charge de leurs propres frais irrépétibles en cause d'appel, le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé à Madame [I] une somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Déboute les parties de toute autre demande,

Laisse aux parties la charge de leurs frais irrépétibles et de leurs propres dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/03510
Date de la décision : 11/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/03510 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-11;14.03510 ?
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