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06/05/2016 | FRANCE | N°15/13802

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 06 mai 2016, 15/13802


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 06 MAI 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/13802



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de Marseille - RG n°





APPELANT



Monsieur [J] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1

]



Représenté par Me Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : R019



INTIMÉE



SA COMPAGNIE MARITIME MARFRET, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 06 MAI 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/13802

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de Marseille - RG n°

APPELANT

Monsieur [J] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

Représenté par Me Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : R019

INTIMÉE

SA COMPAGNIE MARITIME MARFRET, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° Siret : B 339 834 178 (Marseille)

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Olivier RAISON, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Alexia LUBRANO

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Monsieur [Z], spécialisé, en Guyane française, notamment dans la vente de feux d'artifice de divertissement, importe les feux d'artifice en Chine, en provenance de métropole, auprès la société Pyragic Industrie. Monsieur [Z] a recours à un transitaire, la société SIFA Transit, lequel a fait appel à la société de transport maritime MARFRET, pour assurer le transport des marchandises du [Localité 2] au port de [Localité 1].

La société MARFRET a, en novembre 2008, indiqué au transitaire qu'elle n'acceptait pas d'assurer le transport des feux d'artifice fabriqués en Chine dont elle arguait de la dangerosité.

Se prévalant de ce que ce refus était constitutif d'un refus de vente, d'un abus de position dominante et d'une rupture brutale de la relation commerciale, Monsieur [Z] a, le 26 avril 2010, assigné la société MARFRET devant le tribunal de commerce de Marseille.

Par jugement du 16 septembre 2011, le tribunal de commerce de Marseille :

- a débouté Monsieur [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- l'a condamné à payer à la COMPAGNIE MARITIME MARFRET les sommes de 4.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer une amende civile d'un montant de 2.000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- a ordonné l'exécution provisoire.

Monsieur [Z] a interjeté appel du jugement le 10 décembre 2013.

Prétentions des parties

Monsieur [Z], par conclusions signifiées le 6 mars 2014, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement critiqué, et statuant à nouveau,

- condamner la société MARFRET à lui payer la somme de 147.290 euros à titre de dommages et intérêts ;

- assortir cette condamnation des intérêts aux taux légal à compter de l'assignation ;

- ordonner à la société MARFRET d'accepter de transporter, à la demande de Monsieur [Z], les feux d'artifices dûment agrées, et sans exiger une assurance d'un montant de 200.000.000 $ ;

- rejeter les demandes de la société MARFRET ;

- condamner la société MARFRET à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir que la société MARFRET est en position dominante sur le marché des importations et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer, ainsi que cela ressort d'un avis de l'Autorité de la concurrence aux termes duquel l'accord de partage de vaisseau passé entre la société MARFRET et la société CMA-CGM, baptisé « VSA » (Vessel sharing agreement) réalisait un monopole de fait, et d'un rapport des Etats généraux de l'outre-mer en Guyane établissant que des secteurs comme le transport maritime sont en situation de position dominante.

Il soutient que MARFRET a abusivement refusé de réaliser la prestation de transport commandée, alors que cette prestation portait sur un service nécessaire à la préservation d'une situation de concurrence, le transport maritime étant la seule voie d'importation en raison de l'interdiction du recours au transport par avion.

L'appelant conteste enfin l'argument de l'intimée selon lequel le refus tiendrait à des motifs de sécurité, alors que ses produits ont été admis et dédouanés en France et qu'ils ont donc acquis le statut communautaire.

La société COMPAGNIE MARITIME MARFRET , par conclusions signifiées le 2 mai 2014, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce du 16 septembre 2011 en toutes ses dispositions;

- débouter Monsieur [Z] de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- condamner Monsieur [Z] à payer à MARFRET les sommes de 20.000 euros pour procédure abusive, ou, à tout le moins, confirmer le jugement sur le montant de la condamnation prononcée de ce chef, et de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle conteste toute position dominante. S'agissant de l'avis de l'Autorité de la concurrence et de l'existence éventuelle d'une société crée de fait entre les sociétés MARFRET ET CMA-CGM, elle précise en effet que l'accord « VSA » a été réalisé sans accord de prix, que chaque partie conserve sa politique commerciale et que le service reste, en tout état de cause, très peu rentable.

Elle soutient en outre, que, dans l'hypothèse où une situation de position dominante serait reconnue, l'appelant ne démontre pas la réalité d'un abus de cette position.

Elle conteste de plus avoir opposé un refus de vente à Monsieur [Z] alors qu'elle ne lui a opposé qu'une simple restriction sur les conditions de transport.

Elle conteste enfin avoir commis une faute en refusant de transporter les marchandises en cause, la dangerosité de ces produits étant démontrée à la fois par les nombreux accidents survenus sur terre et sur mer et par la non-conformité, aux standards de sécurité, d'une proportion élevée des feux d'artifice produits en Chine.

Sur la rupture brutale, elle réfute l'existence d'une relation commerciale établie avec Monsieur [Z], qui n'est pas en mesure de produire des factures établissant un flux d'affaires entre les parties. Elle ajoute que le fait de poser des conditions plus strictes pour le transport de marchandises dangereuses ne saurait, en toute hypothèse, être assimilé à une rupture brutale de la relation commerciale établie au sens de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce.

MOTIFS

Sur l'abus de position dominante

Considérant que l'article L.420-2 du code de commerce dispose qu'« est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L.420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur un marché intérieur, ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de ses soumettre à des conditions commerciales injustifiées (...) » ;

Considérant que seule la pratique restrictive de concurrence peut caractériser l'abus ;

Considérant qu'il est constant que MARFRET, invoquant le fait que « les feux d'artifice en provenance de Chine sont interdits par tous les armements », a, par courriel au transitaire en date du 18 avril 2008, refusé d'assurer le transport des feux d'artifice fabriqués en Chine (pièce n° 11 communiquée par l'appelant) ;

Mais considérant que l'appelant ne rapporte pas la preuve que ce refus de vente aurait faussé le jeu de la concurrence, dès lors d'une part, qu'aucun refus de transport de MARFRET ne vise les produits pyrotechniques fabriqués dans l'Union européenne, d'autre part, que Monsieur [Z] ne démontre pas que ce refus serait susceptible de léser le consommateur ' il n'est à cet égard pas soutenu les produits marqués CE ne seraient pas de nature à répondre aux besoins des consommateurs et aux règles de la concurrence ' qu'enfin, la preuve n'est pas rapportée qu'aucun autre armement n'était susceptible de desservir [Localité 1] ;

Que, par ailleurs, un refus de vente ne saurait être répréhensible s'il est justifié par un impératif de sécurité ; que tel est le cas en l'espèce ;

Qu'il n'est en effet pas contesté que les feux d'artifice, répertoriés en classe 1 par le code IMDG « matières et objets explosifs », relèvent des produits dangereux ; qu'il appartient à Monsieur [Z], qui se prévaut de la conformité des articles litigieux, d'en rapporter la preuve ; que c'est toutefois vainement qu'il invoque :

- les décisions des 24 mai et 27 octobre 1994, 20 janvier 1995, 3 juillet 1996, 5 et 17 décembre 1997, 6 juillet et 6 décembre 1999 du ministre chargé de l'industrie portant agrément d'artifices de divertissement (pièce n° 42 communiquée par l'appelant) qui ne démontrent ni que les produits faisant l'objet de la commande de transport litigieuse figuraient parmi les articles objet de ces autorisations, ni qu'ils bénéficiaient, comme il le prétend, du marquage CE, ni qu'ils répondaient aux prescriptions applicables en matière de transport, ces décisions prévoyant, en leur article 3, que « les agréments donnés (') le sont sans préjudice des autres dispositions réglementaires applicables aux produits concernés, notamment en matière de transport, de conservation, de vente et d'utilisation » ;

- les factures établies par le fournisseur Pyragic Industrie (pièce n° 14 communiquée par MARFRET) qui, si elles mentionnent un numéro de certification, n'établissent pas que les marchandises litigieuses correspondaient à ce modèle ;

- les autorisations d'exportation de poudres et substances explosives obtenues par Pyragic Industrie les 25 août 2009 et 4 septembre 2009, soit à une date postérieure à celle du litige (pièce n° 21 communiquée par l'appelant) ;

Qu'en revanche, MARFRET justifie des multiples accidents sur terre et sur mer ayant impliqué des feux d'artifice d'origine chinoise et des dispositions prises par les transporteurs maritimes en ce qui concerne ces produits (pièces n° 1 à 6 communiquées par MARFRET), éléments qui suffisent à établir l'indiscutable dangerosité de ces marchandises ;

Que, dans ces conditions, l'application du principe de précaution autorisait MARFRET à poser des restrictions au transport des articles produits en Chine ;

Qu'il se déduit de ces éléments que MARFRET n'a commis aucun refus de vente répréhensible ; que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé sur ce point ;

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

Considérant que l'article L.442-6 I, 5° du code de commerce dispose qu''engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure.' ;

Considérant que Monsieur [Z] ne rapporte pas la preuve de l'existence, entre les parties, d'une relation commerciale établie, la mention de l'enseigne « Super Matoury » sous laquelle exerce Monsieur [Z] sur certains connaissements (pièce n° 24 communiquée par l'appelant), ne démontrant pas la réalité de relations directes avec la société de transport maritime, l'appelant n'opposant aucun élément à l'affirmation de MARFRET selon laquelle elle ne contractait pas avec Monsieur [Z], mais avec le transitaire SIFA Transit ; que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur [Z] de sa demande de ce chef ;

Sur la procédure abusive

Considérant que, si Monsieur [Z] s'est mépris sur ses droits, MARFRET ne démontre pas que Monsieur [Z] s'emploie essentiellement, par la présente procédure, à lui nuire, alors que le signalement auquel il a procédé auprès de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Antilles ' Guyane a donné lieu à une enquête ; que la preuve n'est, par ailleurs, pas rapportée que Monsieur [Z] ait fait preuve, dans le cadre de la présente instance, d'une mauvaise foi faisant dégénérer le droit d'agir en justice en abus ; qu'en conséquence, la Cour infirmera le jugement entrepris sur ce point, dira n'y avoir lieu à condamnation à une amende civile et à dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l'équité commande de condamner Monsieur [Z] à payer à MARFRET la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur la condamnation de Monsieur [J] [Z] à une amende civile et à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

STATUANT A NOUVEAU des chefs infirmés,

DIT n'y avoir lieu à condamnation à amende civile,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Monsieur [J] [Z] à payer à la SA COMPAGNIE MARITIME MARFRET la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE Monsieur [J] [Z] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/13802
Date de la décision : 06/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°15/13802 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-06;15.13802 ?
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