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06/05/2016 | FRANCE | N°12/11875

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 06 mai 2016, 12/11875


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 06 mai 2016

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11875

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2012 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/05167





APPELANT

Monsieur [F] [U] né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

Chez Mme [M] [Q]

[Adresse 1]

représenté par Monsieur [E] [A], ès-

qualité de curateur, représentés par Me Eric DRAGONE, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Robert JEGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0334





INTIME

Monsieur [K] [C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 06 mai 2016

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11875

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2012 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/05167

APPELANT

Monsieur [F] [U] né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

Chez Mme [M] [Q]

[Adresse 1]

représenté par Monsieur [E] [A], ès-qualité de curateur, représentés par Me Eric DRAGONE, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Robert JEGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0334

INTIME

Monsieur [K] [C]

[Adresse 2]

non comparant, représenté par Me Rania FAWAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R241

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Valérie AMAND, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller

Monsieur Christophe BACONNIER, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Ulkem YILAR, Greffier stagiaire à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [F] [U] a conclu avec Monsieur [K] [C] un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 septembre 2007 pour l'employer comme chauffeur de maître.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports: salariés chauffeur de maître particulier.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 16.786,65 euros.

A la date des faits, il est constant que Monsieur [F] [U] séjournait dans des hôtels de luxe.

Monsieur [K] [C] est resté 3 mois à la disposition de Monsieur [F] [U] sans avoir jamais été payé du moindre salaire ni remboursé de l'avance des frais de location du véhicule de marque Mercedes qu'il louait.

Suite à plusieurs plaintes, Monsieur [F] [U] a été condamné par jugement du 20 janvier 2011 à 2 ans d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis mise à l'épreuve pour diverses escroqueries notamment, et en particulier pour avoir trompé Monsieur [K] [C] pour le déterminer à louer un véhicule de marque Mercedes et travailler pour lui comme chauffeur de maître pendant 3 mois, en faisant usage de la fausse qualité d'associé du groupe BAUGHMAN FINANCIAL et en établissant deux faux ordres de virements de BAUGHMAN FINANCIAL GROUP.

Monsieur [F] [U] a aussi été condamné à payer à Monsieur [K] [C] les sommes de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel et 2.000 € pour le préjudice moral, dispositions confirmées en appel par arrêt du 8 janvier 2013.

Monsieur [F] [U] fait l'objet d'une curatelle renforcée prononcée par jugement du 13 avril 2006.

Cette mesure de protection était ignorée de Monsieur [K] [C].

Contestant les conditions d'exécution de son contrat de travail et réclamant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, Monsieur [C] a, parallèlement à la procédure pénale préalablement mentionnée, saisi le 6 mai 2008 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 8 novembre 2012 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision réputée contradictoire (Monsieur [F] [U] et son curateur n'ont pas comparu) suivante :

«' (') Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [K] [C] aux torts de Monsieur [F] [U] avec effet au 31 décembre 2007.

Condamne Monsieur [F] [U] à payer à Monsieur [K] [C]':

33.573,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

50.359,95 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'octobre à décembre 2007 inclus,

5.035,99 euros au titre de congés payés afférents.

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 28 octobre 2008 pour les créances salariales et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées.

Ordonne à Monsieur [F] [U] de remettre à M. [K] [C] un certificat de travail, des bulletins de paie pour les mois d'octobre à décembre 2007 inclus et l'attestation destinée au Pôle Emploi conformes au présent jugement.

Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise au juge des tutelles du tribunal d'instance de TOULON.

Condamne M. [F] [U] à payer à M. [K] [C] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [K] [C] du surplus de ses prétentions.

Condamne M. [F] [U] aux entiers dépens. (')»

Monsieur [F] [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 18 décembre 2012.

L'affaire a été appelée à l'audience du 17 décembre 2015.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées, Monsieur [F] [U] assisté de son curateur demande à la cour de :

«Vu les 465 et suivants du Code civil,

Vu l'article 5 du code de procédure pénale,

Vu les jurisprudences citées,

Constater l'état d'impécuniosité de Monsieur [U] et son impossibilité manifeste à exécuter le Jugement de première instance,

DONNER ACTE de l'intervention de Monsieur [E] [A] es qualité de curateur de Monsieur [U] en lieu et place de l'UDAF DU VAR.

INFIRMER Le Jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS du 8 novembre 2012.

Statuer à nouveau,

A titre principal :

Constater l'absence de l'UDAF DU VAR es qualité de curateur audit contrat

Constater le préjudice financier qui résulte directement de ce contrat pour Monsieur [U]

DIRE ET JUGER nul et non avenu dans tous ses effets le contrat de travail en date du 27.09.2007 dont se prévaut Monsieur [C] pour avoir été passé par un majeur sous curatelle renforcée sans l'assistance de son curateur et comme lui portant préjudice.

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que le contrat entre les parties n'a jamais été exécuté par les parties en présence de sorte qu'il est inopposable et non avenue et de nul effet.

A titre très subsidiaire,

DIRE ET JUGER que Monsieur [C] a déjà obtenu réparation de ses préjudices liée au contrat de travail du 26/09/2007 devant la juridiction pénale.

DIRE ET JUGER l'action de Monsieur [C] irrecevable en vertu du principe « une via electa »

En conséquence et en tout état de cause,

INFIRMER le Jugement du 8/11/2012.

DEBOUTER Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Monsieur [C] à verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 CPC.

A titre infiniment subsidiaire,

RAMENER à de plus justes proportions les sommes prévues au contrat du 26/09/2007

CONFIRMER le Jugement du 8/11/2014 en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes d'indemnités compensatrice de préavis, de non respect de la procédure de licenciement, et pour travail dissimulé.

Constater le caractère excessif des sommes prévues au contrat,

DIRE ET JUGER QUE Monsieur [U] et l'UDAF DU VAR sont fondés à opposer la réduction pour excès du contrat.

En conséquence,

Dire et juger que les sommes dues au titre de rappel de salaire ne pourront excéder 7500 euros.

Débouter Monsieur [C] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif.

Statuer ce que de doit sur les frais irrépétibles et les dépens »

A l'appui de ces moyens, Monsieur [F] [U] fait valoir en substance que':

- à titre principal le contrat de travail de Monsieur [K] [C] est nul en raison de ce que ce contrat n'a pas été passé avec l'assistance du curateur alors que Monsieur [F] [U] aurait du être assisté (art 467 et 465 du code civil), que c'est un acte qui engage son patrimoine et lui a occasionné un préjudice'; il importe peu à cet égard que Monsieur [K] [C] ignorait l'existence de la curatelle'; le contrat de travail litigieux doit être regardé comme un acte de disposition au regard du salaire convenu et de sa situation de fortune': il perçoit l'AAH

-à titre subsidiaire, le contrat de travail n'a pas été exécuté, Monsieur [C] n'ayant eu aucune mission et ayant été logé gratuitement 3 mois à l'hôtel

à titre très subsidiaire, Monsieur [K] [C] est irrecevable sur le fondement de l'article 5 du Code de procédure pénale au motif qu'il a saisi le juge pénal des mêmes demandes que le juge civil

-à titre infiniment subsidiaire, il y a lieu de réduire les sommes mises à la charge de Monsieur [F] [U] sur le fondement de l'article 465 du code civil'; il faut ainsi tenir compte de ce que Monsieur [F] [U] ne perçoit que les minimas sociaux et fixer le salaire de Monsieur [K] [C] à 2500 € brut par mois et limiter les rappels de salaires à 7500 €.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées, Monsieur [K] [C] s'oppose à toutes les demandes de Monsieur [F] [U] et demande à la cour de:

« DIRE RECEVABLE ET BIEN FONDE l'appel formé par Monsieur [C],

Et ce faisant,

CONFIRMER le jugement du Conseil des prud'hommes de Paris du 8 novembre 2012 en ce qu'il reconnaît que le contrat de travail daté du 26 septembre 2007 était valable, et qu'il prononce la rupture du contrat de travail daté du 26 septembre 2007 aux torts de l'employeur, à savoir de Monsieur [U] et de Monsieur [E] [A] ès qualités de curateur,

INFIRMER partiellement le jugement du Conseil des Prud'hommes de Paris du 8 novembre 2012 en ce qu'il ne fait pas droit à toutes les demandes et prétentions de Monsieur [C],

Conséquemment,

Condamner Monsieur [U] et Monsieur [E] [A] ès qualités de curateur, à lui régler les sommes suivantes:

Indemnité compensatrice de préavis: 16.786,65 €

Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 1.678,66 €

Dommages et Intérêts pour non respect de la procédure de licenciement: 16.786,65 €

Dommages et Intérêts pour rupture abusive du contrat (6 mois)': 100.719,90 €

Rappels de salaires d'octobre, novembre, décembre 2007 et de janvier à mai 2008 134.293,20 €

Rappel d'heures d'astreinte': 800 €

Indemnité compensatrice de congés payés d'octobre 2007 à Mai 2008': 13.429,32 €

Dommages et intérêts pour travail dissimulé en application de l'article L 8223-1 du Code du Travail: 100.719,90 €

Condamner Monsieur [U] et Monsieur [E] [A] ès qualités de curateur, à lui remettre d'un certificat de travail du 26/09/2007 au 5/06/2008, des bulletins de paye y afférents, de la lettre de licenciement et d'une Attestation Pôle Emploi sous astreinte de 150 € par jour de retard,

Débouter Monsieur [U] et Monsieur [E] [A] ès qualités de Curateur de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

Condamner Monsieur [U] et Monsieur [E] [A] ès qualités de Curateur, à lui régler une somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 560 du Code de Procédure Civile,

Condamner Monsieur [U] et Monsieur [E] [A] ès qualités de Curateur à régler à Monsieur [C], une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine en application de l'article 1153 du Code Civil,

Condamner Monsieur [U] et Monsieur [E] [A] ès qualités de Curateur, aux entiers dépens».

A l'appui de ces moyens, Monsieur [C] fait valoir en substance que':

- le contrat de travail est valable

- il n'est pas nul car Monsieur [K] [C] ignorait l'existence de la curatelle'; en outre l'assistance par le curateur n'était pas obligatoire s'agissant d'un acte relatif à la vie professionnelle regardé comme un acte d'administration dans l'annexe 2 au décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatifs aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle étant précisé de surcroît que Monsieur [F] [U] avait un train de vie luxueux avant les faits et lors des faits

- les instances pénales et prud'homales n'ont pas le même objet et ses demandes sont recevables

- la résiliation judiciaire de ce contrat doit être confirmée en raison des manquements imputables à Monsieur [F] [U] qui ne lui a versé aucun salaire alors qu'il s'est tenu à sa disposition d'octobre à décembre 2007 inclus

- il a droit aux salaires dus du 1er octobre 2007 au 6 mai 2008, date de la résiliation judiciaire prononcée par le conseil de prud'hommes, soit 134.293,20 € majorés de 10 % au titre des congés payés

- il a aussi droit aux indemnités de rupture, savoir l'indemnité de préavis (16.786,65 € + 10 % au titre des congés payés), des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure ( 16.786,65 €), des dommages et intérêts pour rupture abusive (6 mois soit 100.719,90 €)

- il a en outre droit à 800 € de rappel d'heures d'astreinte et à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (100.719,90 €)'; en effet Monsieur [F] [U] n'a notamment jamais procédé à la DPAE,

- il a enfin droit à 5000 € à titre de l'article 560 du Code de procédure civile.

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les débats ont notamment porté sur les faits invoqués à l'appui du licenciement et les éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs arguments contraires.

Les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 18 mars 2016 prorogé au 6 mai 2016 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la validité du contrat de travail

Monsieur [F] [U] soutient que le contrat de travail de Monsieur [K] [C] est nul'; Monsieur [K] [C] s'oppose à ce moyen.

Le contrat de travail constitue un acte relatif à la vie professionnelle regardé comme un acte d'administration dans l'annexe 2 au décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatifs aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle.

L'article 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 dispose :

« Constituent des actes d'administration les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal.

Figure dans la colonne 1 du tableau constituant l'annexe 1 du présent décret une liste des actes qui sont regardés comme des actes d'administration.

Figure dans la colonne 1 du tableau constituant l'annexe 2 du présent décret une liste non exhaustive d'actes qui sont regardés comme des actes d'administration, à moins que les circonstances d'espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu'ils répondent aux critères de l'alinéa 1er en raison de leurs conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie»

L'article 465 du code civil dispose notamment':

« A compter de la publicité du jugement d'ouverture, l'irrégularité des actes accomplis par la personne protégée ou par la personne chargée de la protection est sanctionnée dans les conditions suivantes : (')

« 2° Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice»

L'article 467 du code civil dispose notamment':

« La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

Lors de la conclusion d'un acte écrit, l'assistance du curateur se manifeste par l'apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.

A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l'est également au curateur. »

Il ressort de ces textes que Monsieur [F] [U] qui est sous curatelle renforcée doit être assisté par son curateur pour passer des actes de disposition et que le contrat de travail litigieux qui, par principe, est regardé comme un acte d'administration serait susceptible d'être regardé comme un acte de disposition «en raison de ses conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie», et que dans ce cas, il serait susceptible d'être annulé «s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice».

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour faire droit au moyen de nullité soulevé par Monsieur [F] [U]'; en effet Monsieur [F] [U] n'établit pas du tout la situation exacte de sa fortune, à l'époque des faits et même aujourd'hui puisqu'il se borne à produire un relevé de gestion de l'UDAF de 2013, une attestation de paiement de la CAF de 2015 et un relevé de comptes bancaires de 2015 (une page 1 sur 2 pour les quatre comptes ouverts à son nom à la caisse d'épargne); cependant ces pièces de 2013 ou de 2015 ne permettent aucunement de connaître sa situation de fortune aujourd'hui ou en 2007 et 2008, à une époque où il est constant qu'il a régulièrement séjourné dans des hôtels de luxe; dans ces conditions la cour retient que Monsieur [F] [U] ne justifie aucunement que le contrat de travail litigieux doit être regardé comme un acte de disposition «en raison de ses conséquences importantes sur le contenu ou la valeur de son patrimoine, sur ses prérogatives ou sur son mode de vie».

Dans ces conditions, la cour dit que le contrat de travail litigieux constituait un acte d'administration susceptible d'être passé seul par Monsieur [F] [U]; par suite les conditions d'application de l'article 465 du code civil ne sont pas réunies au profit de Monsieur [F] [U] et le moyen de nullité qu'il soulève est rejeté.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes de Monsieur [K] [C] (art 5 CPP)

Monsieur [F] [U] soutient que Monsieur [K] [C] est irrecevable sur le fondement de l'article 5 du Code de procédure pénale au motif qu'il a saisi le juge pénal des mêmes demandes que le juge civil.

Monsieur [K] [C] s'oppose à ce moyen en soutenant que les instances pénales et prud'homales n'ont pas le même objet et ses demandes sont recevables.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que les instances pénales et prud'homales n'ont pas le même objet; en effet l'action publique et l'action civile examinée par la juridiction répressive concernent les faits qualifiés d'escroquerie et l'indemnisation des préjudices en résultant alors que la présente action prud'homale concerne les conditions d'exécution et de rupture du contrat de travail passé entre Monsieur [K] [C] et Monsieur [F] [U].

Par suite la cour dit que Monsieur [K] [C] est recevable en toutes ses demandes.

Sur la résiliation judiciaire

Monsieur [K] [C] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de Monsieur [F] [U].

A l'appui de ses demandes Monsieur [K] [C] soutient qu'il n'a pas été payé pendant les 3 mois d'octobre à décembre 2007 inclus durant lesquels il s'est tenu à la disposition de Monsieur [F] [U] et que ces faits caractérisent un manquement suffisamment grave de l'employeur pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Monsieur [F] [U] s'y oppose en soutenant que Monsieur [K] [C] n'a exécuté aucune prestation; il précise que faute d'exécution, le contrat de travail litigieux est inopposable et non avenu et de nul effet.

Il est de droit bien établi que le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent; que les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur [K] [C] apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir qu'il n'a pas été payé pendant les 3 mois d'octobre à décembre 2007 inclus durant lesquels il s'est tenu à la disposition de Monsieur [F] [U].

La cour retient en outre que ces manquements sont d'une gravité telle qu'ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail ; il est donc suffisamment prouvé par Monsieur [K] [C] que Monsieur [F] [U] a manqué à ses obligations d'employeur.

En conséquence, la cour dit que la demande de résiliation est fondée, et que la rupture est imputable à l'employeur.

La cour fixe la date de la résiliation judiciaire au 31 décembre 2007 au motif que Monsieur [K] [C] ne soutient ni n'établit qu'il a continué à se tenir à la disposition de Monsieur [F] [U].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [K] [C] et en ce qu'il a fixé la date d'effet de cette résiliation judiciaire au 31 décembre 2007.

Les moyens contraires de Monsieur [F] [U] ou plus amples de Monsieur [K] [C] sont rejetés.

Sur les rappels de salaires

Monsieur [K] [C] demande :

- la somme de 134.293,20 euros au titre des rappels de salaires pour les mois de d'octobre 2007 à mai 2008

- la somme de 13.429,32 euros au titre de l'indemnité de congés payés pour la période correspondante (1/10 de 134.293,20 euros)

Monsieur [F] [U] s'y oppose en soutenant que les sommes doivent être réduites à 7500 € tout au plus pour les rappels de salaires après réduction du salaire à 2500 € par mois.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que Monsieur [K] [C] apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que les rappels de salaires réclamés sont justifiés pour la période de 3 mois couvrant octobre, novembre et décembre 2007; Monsieur [F] [U] ne produit pas de son côté suffisamment d'éléments de preuve contraires permettant de faire droit à son moyen de réduction tiré de l'article 465 du code civil; en l'occurrence la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que les rappels de salaires réclamés sont justifiés à hauteur de 50.359,95 € majoré de 10 % au titre des congés payés.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a octroyé à Monsieur [K] [C]':

- la somme de 50.359,95 euros au titre des rappels de salaires,

- la somme de 5.035,99 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur les rappels de salaires (1/10 de 50.359,95 euros).

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour rappelle que la résiliation judiciaire prononcée à l'initiative du salarié aux torts de l'employeur produit les effets d'une licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le salarié peut prétendre aux dommages et intérêts prévus par les articles L. 1235-1 ou 1235-5 du Code du travail.

Monsieur [K] [C] demande la somme de 100.719,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Monsieur [F] [U] s'y oppose.

Monsieur [K] [C] ayant travaillé 3 mois pour Monsieur [F] [U], il y a lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du Code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, compte tenu de l'âge de Monsieur [K] [C], de son ancienneté de 3 mois, de la perte des avantages en nature, des difficultés financières générées par la situation que Monsieur [C] a subie, et du dommage moral qui a été nécessairement subi par Monsieur [K] [C] à la suite de la perte de son emploi dans des conditions injustes, que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 33.573,30 euros.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a octroyé à Monsieur [K] [C] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 33.573,30 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

La cour rappelle que la résiliation judiciaire prononcée à l'initiative du salarié aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le salarié peut prétendre à l'indemnité de préavis même s'il ne l'a pas exécuté.

Monsieur [K] [C] demande la somme de 16.786,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; Monsieur [F] [U] s'y oppose sans articuler cependant de moyen précis sur le quantum.

A l'examen des moyens, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que l'indemnité de préavis doit être fixée à la somme de 16.786,65 euros.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [C] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne Monsieur [F] [U] à payer à Monsieur [K] [C] la somme de 16.786,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Monsieur [K] [C] demande la somme de 1.678,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; Monsieur [F] [U] s'y oppose.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 16.786,65 euros, l'indemnité compensatrice de préavis due à Monsieur [K] [C] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à Monsieur [K] [C] est fixée à la somme de 1.678,66 euros.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [C] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne Monsieur [F] [U] à payer à Monsieur [K] [C] la somme de 1.678,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur les dommages et intérêts pour procédure irrégulière

Monsieur [K] [C] demande une indemnité de 16.786,65 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ; Monsieur [F] [U] s'y oppose.

En cas de résiliation judiciaire, il n'est pas dû de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

Sur la demande de rappel d'astreinte

Monsieur [K] [C] demande la somme de 800 euros à titre de rappel d'astreinte ; Monsieur [F] [U] s'y oppose.

Il n'est développé aucun moyen de ce chef par Monsieur [K] [C] ; par suite la demande de rappel d'astreinte est rejetée

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [C] de sa demande de de rappel d'astreinte.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L.'8223-1 du Code du travail

Monsieur [K] [C] demande la somme de 100.719,90 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé; Monsieur [F] [U] s'y oppose en soutenant que la volonté délibérée de frauder n'est pas établie.

Il résulte de l'article L.'8223-1 du Code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que Monsieur [K] [C] n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que la dissimulation de son travail était intentionnelle de la part de Monsieur [F] [U].

Il convient donc de rejeter la demande de Monsieur [K] [C] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L.'8223-1 du Code du travail.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [C] de sa demande formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé .

Sur la délivrance de documents

Monsieur [K] [C] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il n'est pas contesté que les documents demandés ne lui ont pas été remis ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par Monsieur [K] [C].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé qu'il a ordonné à Monsieur [F] [U] de remettre Monsieur [K] [C] le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision,

Rien ne permet de présumer que Monsieur [F] [U] va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Sur la demande reconventionnelle formée sur le fondement de l'article 560 du Code de procédure civile

La demande de dommages et intérêts formée sur le fondement de l'article 560 du Code de procédure civile par Monsieur [F] [U] est rejetée, rien ne permettant de retenir que Monsieur [F] [U] s'est abstenu de comparaître en première instance sans motif légitime .

Sur les demandes accessoires

Les intérêts au taux légal courent à compter du 28 octobre 2008 pour les créances salariales et à compter du prononcé du jugement déféré pour les autres sommes allouées.

La cour condamne Monsieur [F] [U] aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner Monsieur [F] [U] à payer à Monsieur [K] [C] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette le moyen de nullité du contrat de travail de Monsieur [K] [C] soulevé par Monsieur [F] [U],

Dit que Monsieur [K] [C] est recevable en toutes ses demandes,

Infirme le jugement'mais seulement en ce qu'il a en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [C] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne Monsieur [F] [U] à payer à Monsieur [K] [C]':

la somme de 16.786,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

la somme de 1.678,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 28 octobre 2008 pour les créances salariales et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées.

Ordonne à Monsieur [F] [U] de remettre à Monsieur [K] [C] un certificat de travail, des bulletins de paie pour les mois d'octobre à décembre 2007 inclus et l'attestation destinée au Pôle Emploi conformes au présent arrêt.

Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise au juge des tutelles du tribunal d'instance de TOULON.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne Monsieur [F] [U] aux dépens de la procédure d'appel.

Condamne Monsieur [F] [U] à verser à Monsieur [K] [C] une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le conseiller faisant fonction de président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/11875
Date de la décision : 06/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/11875 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-06;12.11875 ?
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