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04/05/2016 | FRANCE | N°13/11714

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 mai 2016, 13/11714


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 04 Mai 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11714



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 11/14983





APPELANT

Monsieur [X] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1978

représenté par Me Laure IELT

SCH, avocat au barreau de PARIS, P0038







INTIMEE

SAS DPD FRANCE anciennement dénommée SAS EXAPAQ

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 444 420 830

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 04 Mai 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11714

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 11/14983

APPELANT

Monsieur [X] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1978

représenté par Me Laure IELTSCH, avocat au barreau de PARIS, P0038

INTIMEE

SAS DPD FRANCE anciennement dénommée SAS EXAPAQ

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 444 420 830

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, D0223 substitué par Me Sabine GONCALVES, avocat au barreau de PARIS, D0223

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [X] [O] a été engagé par la SAS EXAPAQ suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 septembre 2004, pour exercer les fonctions de chauffeur livreur, statut ouvrier, coefficient 118 de la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, au sein de l'établissement EXAPAQ 276 au [Localité 3]. Par avenant signé le 8 décembre 2010, il a été transféré au sein de l'établissement EXAPAQ 076 à [Localité 4] avec maintien des clauses contractuelles. Il exerçait, en dernier lieu, les fonctions de conducteur courte distance VL, avec une qualification inchangée, et percevait une rémunération mensuelle de 1 658.44 €.

L'entreprise employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés.

Le 17 novembre 2009, M. [X] [O] a été victime d'un accident de travail en tombant dans un trou situé dans le sol de l'entrepôt et il s'est trouvé en arrêt de travail jusqu'au 16 mai 2011.

Lors de la visite médicale de reprise du 23 mai 2011, le médecin du travail a conclu dans les termes suivants :

«' Inapte au poste de chauffeur livreur. Serait apte à la conduite de camion sans manutention, ne pas monter et descendre du camion plus de six fois par jour, ne pas monter et descendre trop d'escalier, ne pas porter plus de 15 quinze kilos ».

Lors de la seconde visite médicale de reprise du 6 juin 2011, le médecin du travail a émis l'avis suivant :

« Inapte à tous les postes proposés par l'entreprise».

Par lettre recommandée du 12 juillet 2011, la société EXAPAQ a convoqué M. [X] [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour inaptitude fixé au 27 juillet 2011, compte tenu de l'impossibilité de reclassement.

Un licenciement pour inaptitude a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 1er août 2011, rédigé en ces termes :

«' Impossibilité de reclassement suite à une inaptitude définitive pour raison médicale.

Suite aux avis du Médecin du Travail des 23/05/2011 et 6/06/2011, vous avez été déclaré «'Inapte à tous les postes proposés pour l'entreprise ».

Suivant les prescriptions du Médecin du Travail, nous avons recherché des possibilités de reclassement pouvant vous être offertes.

Le 7 juin 2011, nous vous avons adressé un questionnaire afin de comprendre et d'étudier au mieux les possibilités de reclassements en adéquation tant que ce peu avec vos souhaits.

Conformément aux restrictions médicales, nous vous avons proposé, par courrier recommandé avec AR le 22/06/2011, deux postes de reclassement (Agent de quai à Exapaq SAS-Etablissement 093 et Opérateur Point 1 à Exapaq SAS -Etablissement 077).

Conformément à la législation, nous avons consulté le 2/06/2011, les délégués du personnel qui ont émis un avis favorable sur le projet de reclassement.

Par courrier recommandé avec AR reçu le 1/07/2011 et 5/07/2011, vous nous avez informé de votre refus des postes proposés.

Nous vous rappelons que nous devons faire des recherches de reclassement dans le groupe et proposer un poste de reclassement aux regards des restrictions médicales, ce reclassement pouvant entrainer des modifications d'organisation (temps de travail, rémunération, classification).

Les demandes de poste adressées à l'ensemble du groupe n'ont pas permis de trouver d'autre poste disponible et compatible avec les restrictions médicales.

Par conséquent, comme précisé dans notre courrier du 11/07/2011, il nous est impossible de vous reclasser sur un poste compatible avec les restrictions médicales.

Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour les motifs évoqués ci- dessus.

Compte tenu de votre inaptitude suite à accident du travail, vous n'effectuerez pas votre préavis de trois mois (deux mois conventionnels et un mois au titre de votre statut de travailleur handicapé), préavis qui vous sera néanmoins indemnisé par une indemnité spéciale de préavis.

Votre licenciement sera effectif à la date de première présentation du présent courrier...».

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [X] [O] a saisi, le 26 octobre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, lequel, par jugement rendu le 19 juin 2013, a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de ses demandes en indemnisation pour licenciement abusif et frais irrépétibles.

Le 9 décembre 2013, M. [X] [O] a interjeté appel de cette décision.

Le 3 avril 2015, la SAS EXAPAQ a changé de dénomination sociale en devenant la SAS DPD France.

Par conclusions visées par le greffe le 16 février 2016 et soutenues oralement, M. [X] [O] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS DPD France, venant aux droits de la société EXAPAQ à lui verser la somme de 21 660 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en rejetant les demandes en procédure abusive formées à son égard.

Par conclusions visées par le greffe le 16 février 2016 et soutenues oralement, la société DPD France sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement pour inaptitude de M. [X] [O] était fondé suite à l'impossibilité de reclassement et à la consultation régulière des délégués du personnel.

Elle sollicite la condamnation du salarié à lui verser les sommes suivantes :

' 3 000 € au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile

' 3 000 € au titre de l'article 1382 du code civil

' 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, «' Lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarie à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail».

Conformément à l'article L1226-12 du code du travail, « Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 , soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions».

Les règles protectrices applicables aux victimes d'accidents du travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine l'accident de travail et que l'employeur en avait connaissance.

L'accident du travail dont a été victime le salarié le 17 novembre 2009 a entraîné un arrêt de travail jusqu'au 16 mai 2011 et se trouve à l'origine de son inaptitude constatée par le médecin du travail lors de la deuxième visite médicale de reprise du 6 juin 2011 ayant donné lieu à l'avis suivant : «'Inapte à tous les postes proposés pour l'entreprise ».

M. [X] [O] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté son obligation de reclassement, en relevant que celui-ci n'a pas tenu compte de l'avis du médecin du travail qui, par courrier en date du 10 juin 2011, répondant à son interrogation sur des propositions de reclassement, lui a indiqué que le salarié «'serait apte à la conduite de camion sans manutention. Il ne devra pas monter et descendre du camion plus de six fois par jour, donc ne pas monter et descendre plus de trois escaliers par jour. Il ne devra pas porter de colis se plus de 15 quinze kilos».

Il soutient que l'employeur lui a soumis des propositions de poste ne correspondant ni à ses souhaits, ni à son ancien poste aménagé, ni à la formation suivie pendant son arrêt de travail et n'a interrogé que quelques établissements sur les 65 dont elle dispose en France, et ce, avant que la réponse susvisée du médecin du travail en date du 10 juin 2011. Il ajoute qu'en outre les délégués du personnel n'ont pas été informés de l'avis donné par le médecin du travail le 10 juin 2011 et n'ont donc pas été loyalement consultés.

La société DPD France, pour sa part, fait valoir qu'elle a satisfait à ses obligations légales eu égard aux indications de la médecine du travail, au niveau de formation du salarié, à ses compétences professionnelles ainsi qu'à ses souhaits, précisant qu'elle a effectué des recherches de reclassement selon les dernières précisions données par le médecin du travail et qu'elle a régulièrement consulté et fourni l'ensemble des informations nécessaires aux délégués du personnel.

*

L'obligation de reclassement n'est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens renforcée dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur de démontrer par des éléments objectifs qu'il a satisfait à cette obligation et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait confronté.

En l'espèce à la suite de l'avis du médecin du travail déclarant M. [X] [O] «'inapte 'à tous les postes proposés par l'entreprise'» en date du 6 juin 2011, l'employeur a demandé au médecin du travail par lettre du même jour de lui «'préciser par retour de courrier les tâches et aptitudes restantes de M. [X] [O]'», et par lettre du 10 juin suivant le médecin du travail lui a répondu que «'M. [X] [O] serait apte à la conduite de camion sans manutention. Il ne devra pas monter et descendre du camion plus de 6 fois par jour, donc ne pas monter et descendre plus de 3 escaliers par jour. Il ne devra pas porter de colis de plus de 15 quinze kilos ».

Cependant, sans attendre la réponse du médecin du travail à son courrier du 6 juin 2011 lui demandant des précisions, l'employeur a sollicité dès le lendemain les responsables des établissements se trouvant en Île de France, mais aussi à [Localité 5], [Localité 6], [Localité 7], [Localité 8], [Localité 9], [Localité 10], [Localité 11], [Localité 12], [Localité 13], [Localité 14], [Localité 15], [Localité 16], [Localité 17], [Localité 18], [Localité 19], [Localité 20], [Localité 21] ... Aucun de ces établissements n'avait de poste à proposer à M. [O] en reclassement et la majorité des réponses négatives est parvenue à l'entreprise entre les 7 et 10 juin 2011.

Après avoir consulté les délégués du personnel réunis le 22 juin 2011, l'employeur a proposé au salarié deux postes, soit un poste d'agent de quai à [Localité 22] et un poste d'opérateur point I à [Localité 23].

Par courriers recommandés des 1er et 5 juillet 2011, M. [X] [O] a refusé ces deux postes qui comportaient une baisse significative de rémunération, de sorte que le refus opposé par le salarié ne peut lui être reproché.

Il ressort des pièces produites que l'employeur n'a pas tenu compte des préconisations du médecin du travail dans sa lettre du 10 juin pour procéder aux recherches de reclassement, ces préconisations n'ayant en effet pas été communiquées aux responsables des établissements de l'entreprise, et qu'il n'a pas non plus communiqué aux délégués du personnel, consultés le 22 juin 2011, cette même lettre du médecin du travail précisant les conditions dans lesquelles un reclassement était susceptible d'intervenir, de sorte que la consultation des délégués du personnel n'a pas été faite de manière utile et loyale.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société DPD France a fait preuve de précipitation dans la mise en 'uvre de la procédure de licenciement pour inaptitude, qu'elle n'a pas respecté les obligations lui incombant en matière de reclassement et de consultation loyale des délégués du personnel en application de l'article L. 1226-10 du code du travail. Ce manquement à ses obligations ouvre droit pour M. [X] [O] à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire conformément aux dispositions de l'article L. 1226-15 du même code.

M. [X] [O] qui aurait perçu un salaire moyen de 1685.44 € s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoqué par l'accident de travail, est donc fondé en sa demande en indemnisation spécifique qu'il convient de fixer à la somme de 20 500 €.

Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes formées par la société DPD France

L'employeur ne démontre pas le caractère abusif de la procédure d'appel, ni la mauvaise foi du salarié. Il sera donc débouté de ses demandes au titre des articles 32-1 du code de procédure civile et 1382 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société DPD France qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en versant à M. [X] [O] une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS DPD France, venant aux droits de la SAS EXAPAQ, à verser à M. [X] [O] la somme de 20 500 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L.1226-15 du code du travail ;

DEBOUTE la SAS DPD France, venant aux droits de la SAS EXAPAQ, de ses demandes au titre des articles 32-1 du code de procédure civile et 1382 du code civil ;

CONDAMNE la SAS DPD France, venant aux droits de la SAS EXAPAQ, à verser à M. [X] [O] une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS DPD France, venant aux droits de la SAS EXAPAQ, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/11714
Date de la décision : 04/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/11714 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-04;13.11714 ?
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