La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2016 | FRANCE | N°15/11628

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 14 avril 2016, 15/11628


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 AVRIL 2016



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 15/11628



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 20 Mars 2015 - RG n° 2013015008





APPELANTS





1) Monsieur [D] [N]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

de nationa

lité française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Sébastien DUFAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0265





2) Madame [W] [U] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1969 à...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 AVRIL 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/11628

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 20 Mars 2015 - RG n° 2013015008

APPELANTS

1) Monsieur [D] [N]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sébastien DUFAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0265

2) Madame [W] [U] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 3] (60)

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien DUFAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0265

INTIMÉES

1) SARL GUY CHANZY ET ASSOCIES

immatriculée au RCS de PARIS sous le n°408 495 695

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Bérangère DALLOZ de la SCP RAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 133, substituant Me Patricia LE TOUARIN-LAILLET

2) SA COVEA RISKS

[Adresse 3]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

aux droits de laquelle viennent :

- La Société Civile MMA IARD MUTUELLES

inscrite au RCS du MANS sous le n° 775 652 126

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- La SA MMA IARD

inscrite au RCS du MANS n°440 048 882

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Suite à la décision n°2015C-83 de l'Autorité de Contrôle Prudentiel du 22 octobre 2015 publiée au Journal Officiel du 16 décembre 2015.

Représentées par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Bérangère DALLOZ de la SCP RAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 133, substituant Me Patricia LE TOUARIN-LAILLET

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président et Madame Christine ROSSI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Conseillère

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d'une autre Chambre afin de compléter la Cour

Qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine ROSSI, Conseillère, dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, conseiller faisant fonction de président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.

*

À compter respectivement du 27 mai 2008 et du 1er septembre 2008, chacune des deux sociétés que monsieur [N] animait, Grand Palais Communication et Grand Palais Editions - ci-après dénommées les sociétés GPC et GPE ' est devenue par l'effet de la réunion de toutes les parts sociales en une seule main, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.

Ces opérations d'acquisition par monsieur [N], des parts sociales des deux sociétés dont il était le gérant, ont été accompagnées par l'expert comptable de ces sociétés, la société Guy Chanzy et Associés. En raison de redressements fiscaux sur les exercices 2007-2008, 2009-2010 et de la contestation par l'administration de ce que les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée auraient manifesté une option à l'impôt sur les sociétés, les bénéfices et réserves ont été réputés distribués aux associés en proportion de leurs droits par l'administration qui a réclamé auprès de monsieur [N] la somme de 177.671 euros. À la suite des deux procédures administratives introduites par monsieur [N], d'une part, et monsieur et madame [N], d'autre part, à l'encontre des redressements qui leur étaient opposés, deux arrêts en date du 5 juin 2015 ont été rendus par la cour administrative d'appel qui a réduit la base d'imposition des époux [N] pour les années 2009 et 2010 d'un montant de 11.999,73 euros et a confirmé les condamnations prononcées à l'encontre de monsieur [N] à hauteur de 119.877 euros, de monsieur et madame [N] à hauteur de 26.722 euros, et pour lesquelles mises en demeure de payer ont été notifiées.

Par jugement en date du 20 mars 2015, le tribunal de commerce de Paris a débouté monsieur et madame [N] de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la société Guy Chanzy et Associés et de son assureur, les a condamnés aux dépens et a rejeté toutes autres prétentions. Les premiers juges ont considéré ne pas disposer des éléments nécessaires à l'évaluation des préjudices.

Monsieur et madame [N] ont interjeté appel de cette décision.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées le 6 août 2015, monsieur et madame [N] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 20 mars 2015, en ce qu'il a été jugé que la société Guy Chanzy et Associés avait commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles vis-à-vis des sociétés GPC et GPE, qui engageait sa responsabilité civile et pour le surplus, réformer le jugement attaqué,

- condamner solidairement la société Guy Chanzy et Associés et la société Covéa Risks à régler en leur lieu et place directement entre les mains du trésor public l'intégralité de la somme de 146.699 euros ou de toute somme qui viendrait à être recalculée et qui serait mise à leur charge, ou pour le moins de les garantir pour l'intégralité des sommes dont le recouvrement est mis en 'uvre à leur égard, et plus généralement de toutes conséquences qu'ils auraient à subir au titre des redressements qui leur ont été notifiés le 2 août 2011 par la direction du contrôle fiscal d'Ile de France,

- condamner solidairement la société Guy Chanzy et Associés et la société Covéa Risks à leur rembourser toutes les sommes qu'ils se sont trouvés ou se trouveront contraints d'engager pour leur défense dans le cadre de la procédure fiscale en cours,

- condamner solidairement la société Guy Chanzy et Associés et la société Covéa Risks à leur payer en dommages-intérêts à titre de compensation du préjudice moral qu'ils subissent du fait de leur refus d'assumer les conséquences de leurs obligations, la somme de 5.000 euros ainsi que la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 22 janvier 2016, la société Guy Chanzy et Associés et les sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard, toutes deux venant au droits de la société Covea Risks, demandent à la cour de juger que la faute alléguée à l'encontre de société Guy Chanzy et Associés n'est pas démontrée, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes ; y ajoutant, de condamner les époux [N] à payer à la société Guy Chanzy et Associés et aux sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard venant au droits de la société Covea Risks la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur des sommes de119.877 et 26.722 euros au titre des redressements

Comme l'a relevé le tribunal, dans la mesure où la lettre de mission couvrait l'assistance en droit fiscal avec facturation au temps passé et où la société Guy Chanzy et Associés avait accompagné ses clients dans la transformation des deux sociétés en eurl en leur facturant à cet égard des honoraires spécifiques, la formalisation auprès de l'administration fiscale de l'option en faveur de l'impôt sur les sociétés, et, à tout le moins, l'information de ses clients quant aux conséquences d'une non option au dit impôt, comptaient parmi les diligences qui incombaient à la société d'expertise comptable. Or, en s'étant limitée comme elle le prétend, à accomplir cette formalité auprès de l'administration fiscale, non pas au moyen d'un envoi recommandé, mais sous la forme d'une lettre simple sans pouvoir se ménager la preuve de son envoi, la société d'expertise comptable a failli à ses obligations contractuelles. Elle ne peut valablement reprocher aux époux [N] de n'avoir pas tiré argument, dans le cadre des recours menés, de ce que l'administration fiscale avait réclamé aux deux sociétés le versement de l'imposition forfaitaire annuelle - IFA -, en effet, celle-ci certes due par les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, n'a été réclamée que lors de la première année, en sorte que cette circonstance isolée n'aurait pas permis d'établir que l'option en cause avait bien été formalisée.

Dès lors, et conformément aux dispositions de l'article 1147 du code civil, la société Guy Chanzy et Associés doit réparation des préjudices étant résultés de sa défaillance et dont il incombe à monsieur et madame [N], demandeurs en paiement de dommages et intérêts, d'établir la réalité en application des dispositions de l'article 1315 du même code, étant rappelé qu'il s'agit de les replacer dans la situation où ils se seraient trouvés si l'acte dommageable ne s'était pas produit, et, qu'aux termes de l'article 1149 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier s'évaluent en considération de la perte qu'il a subie et du gain dont il a été privé.

À titre liminaire, il importe de rappeler, d'une part, qu'un redressement fiscal n'est pas en lui-même constitutif d'un préjudice indemnisable dès lors qu'il ne fait que rétablir l'impôt normalement dû, d'autre part, que les intérêts de retard appliqués à ces redressements ne sauraient mieux caractériser un dommage, étant l'accessoire de l'impôt normalement dû et constituant la contrepartie du temps durant lequel le contribuable a continué à bénéficier de sommes qui devaient être versées au fisc ; seules, en effet, les pénalités pouvant donner lieu à indemnisation.

Ceci étant, si monsieur et madame [N] ont subi un préjudice résultant de ce que l'ensemble des bénéfices et réserves des sociétés ont été réputés distribués faute d'option pour l'impôt sur les sociétés, il leur incombe d'apporter les éléments nécessaires à la liquidation de leur dommage. Aussi leur appartenait-il de décomposer les chefs de redressements afin de permettre la distinction entre ce qui résulte des redressements fiscaux des sociétés et ce qui résulte de ce que l'option à l'impôt sur les sociétés n'a pas été admise par les autorités fiscales, en effet, monsieur [N] a contribué à son propre préjudice, certaines des écritures comptables des sociétés, et dont il porte seul la responsabilité, ayant été rejetées par l'administration fiscale. Il revenait donc aux appelants de donner tous éléments permettant de distinguer la part des redressements exclusivement imputables à l'absence d'option à l'impôt sur les sociétés, et par voie de conséquence à la société d'expertise comptable, seul montant qu'ils étaient fondés à réclamer à cette dernière. Il sera encore relevé que si cette option n'avait pas été discutée par l'administration, l'impôt aurait été acquitté par les sociétés et aurait donc réduit d'autant les revenus susceptibles d'être distribués à monsieur [N], associé unique.

Pour ces motifs il convient de débouter monsieur et madame [N] de leur demande en paiement au titre des sommes mises à leur charge du chef des redressements, le jugement déféré étant à cet égard confirmé. De même, sera rejetée la demande en paiement au titre des honoraires engagés dans le cadre du contentieux fiscal, laquelle demande n'est en tout état de cause ni déterminée ni déterminable.

En revanche, il y a lieu d'accueillir partiellement la demande de monsieur et madame [N] en réparation d'un préjudice moral, n'étant pas contestable que le redressement tire au moins en partie son origine de l'absence d'option à l'impôt sur les sociétés. Les intimés seront condamnés de ce chef à leur payer in solidum la somme globale de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel

La solution retenue fonde de faire masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié, d'une part, par monsieur et madame [N], et, d'autre part, in solidum par la société Guy Chanzy et Associés et les sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard, toutes deux venant au droits de la société Covea Risks.

La solution retenue justifie de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme partiellement, le jugement rendu le 20 mars 2015 par le tribunal de commerce de Paris ;

Y ajoutant et y substituant partiellement,

Condamne in solidum la société Guy Chanzy et Associés et les sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard, toutes deux venant au droits de la société Covea Risks, à payer à monsieur [D] [N] et madame [W] [U] épouse [N] la somme globale de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié, d'une part, par monsieur et madame [N], et, d'autre part, in solidum par la société Guy Chanzy et Associés et les sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard, toutes deux venant au droits de la société Covea Risks, avec droit de recouvrement direct au profit de madame Jeanne Baechlin qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Pauline ROBERT Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/11628
Date de la décision : 14/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°15/11628 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-14;15.11628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award