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14/04/2016 | FRANCE | N°15/07451

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 14 avril 2016, 15/07451


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 14 AVRIL 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07451



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 13/04443





APPELANTE



FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION

prise en la personne de ses représentants lé

gaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Représentée par Me Zahra AMRI-TOUCHENT, avocat...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 14 AVRIL 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07451

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 13/04443

APPELANTE

FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Représentée par Me Zahra AMRI-TOUCHENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0722, avocat plaidant

INTIMEE

SA LA POSTE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

Représentée par Me Laurent MARQUET DE VASSELOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

Statuant sur l'appel interjeté par la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION d'un jugement rendu le 10 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Paris qui, saisi par ce syndicat de demandes tendant essentiellement à voir interpréter et exécuter l'article 3.5 de l'accord salarial pour l'année 2001, interpréter et exécuter l'article 3.5 de l'accord salarial pour l'année 2003, dire que les compléments Poste des agents contractuels doivent être de mêmes niveaux que les compléments Poste des fonctionnaires, condamner en conséquence la société LA POSTE à exécuter ces articles conformément à l'interprétation qui en sera donnée et à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, a débouté la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION de l'ensemble de ses demandes, rejeté les prétentions fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION aux dépens,

Vu les dernières conclusions du 31 décembre 2015 de la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION, qui demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant':

- interpréter et exécuter l'article 3.5 de l'accord salarial pour l'année 2001,

- interpréter et exécuter l'article 3.5 de l'accord salarial pour l'année 2003,

- dire que les compléments Poste des agents contractuels doivent être de mêmes niveaux que les compléments Poste des fonctionnaires,

En conséquence':

- condamner la société LA POSTE à exécuter ces articles conformément à l'interprétation qui sera donnée,

- condamner LA POSTE à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente,

- condamner LA POSTE à lui verser la somme de 7 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner LA POSTE aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions de la société anonyme LA POSTE (ci-après dénommée LA POSTE) en date du 12 janvier 2016 , intimée qui demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- condamner la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION aux entiers dépens,

La cour se référant expressément aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture du 14 janvier 2016,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

La loi du 2 juillet 1990 a créé, à compter du 1er janvier 1991, l'établissement public LA POSTE et autorisé cet exploitant public à recruter, aux côtés des fonctionnaires relevant d'un statut particulier, des agents contractuels relevant du régime des conventions collectives.

Par décision du conseil d'administration de LA POSTE du 27 avril 1993 a été approuvé le principe de la création d'un «'complément indemnitaire ayant vocation à regrouper les primes et indemnités qui, actuellement, constituent un complément de rémunération'», qui «'sera applicable à tous les agents [de droit public] qu'ils soient ou non fonctionnaires'» et «'sera mis en 'uvre progressivement, selon des modalités à négocier avec les organisations syndicales'».

Les instructions des 3 août 1993 et 25 février 1994 ont précisé l'incidence de l'appréciation (sur la manière de servir) et des absences sur le calcul de ce complément indemnitaire.

D'abord réservé aux fonctionnaires et aux agents contractuels de droit public, le bénéfice de ce «'complément indemnitaire Poste'», bientôt dénommé «'complément Poste'», a été étendu aux agents contractuels de droit privé par décision du 9 décembre 1994 du directeur général de LA POSTE, approuvée par le conseil d'administration le 25 janvier 1995, lequel a parallèlement décidé de définir un «'champ de normalité'» pour chaque niveau de fonction, représentant «'la plage à l'intérieur de laquelle le complément Poste ou la rémunération de base de chaque agent doit se situer'».

Par décision en date du 4 mai 1995, le président de LA POSTE a notamment énoncé les principes et les règles permanentes de convergence et d'évolution du complément Poste ainsi que les étapes de leur mise en 'uvre.

Dans un accord salarial pour l'année 2001 signé le 10 juillet 2001, à l'article 3.5 («'seuils de recrutement du Complément Poste des agents des niveaux I.1 à II.1': modalités de paiement, montant pour 2001 et principes d'évolution pluri annuelle'»), il a notamment été convenu que «'fin 2003 les compléments Poste des agents contractuels des niveaux I2, I3 et II1 ser[aient] égaux au montant des compléments Poste des fonctionnaires de même niveau'» et que, «'s'agissant des agents contractuels de niveau I1, le processus de convergence [était] également confirmé'».

Par un accord du 8 juillet 2003 (article 3.5 intitulé «'seuils de recrutement du Complément Poste des agents des niveaux I.1 à II.1': modalités de paiement et montants pour 2003'»), après détermination des montants alloués aux agents engagés par contrat de travail à durée indéterminée ou par contrat de travail à durée déterminée, il a été stipulé': «'conformément à l'engagement conclu dans l'accord salarial du 10 juillet 2001 selon lequel fin 2003, les compléments Poste des agents contractuels des niveaux I2, I3 et II1 seront égaux aux montants des compléments Poste des fonctionnaires de même niveau, une mesure exceptionnelle de 38,12 € permet de porter le versement biannuel effectué au 2ème semestre 2003 (payé en septembre 2003) au niveau de celui effectué pour les fonctionnaires à cette même date, soit pour un agent à temps complet le versement en septembre 2003 de 343,02 €'».

Le complément Poste des fonctionnaires a ensuite progressé annuellement en fonction des pourcentages d'augmentation et des valeurs des champs de normalité fixés par des actes réglementaires publiés au Bulletin des Ressources Humaines (BRH).

Celui des salariés a évolué en fonction des accords collectifs signés par l'employeur et les organisations syndicales représentatives, qui chaque année (sauf pour l'année 2009) ont déterminé son montant par niveau de fonction, les 07 juillet 2004, 23 juin 2005, 07 juillet 2006, 21 mars 2007, 06 mai 2008, 22 décembre 2009, 20 décembre 2010, 09 février 2012 et 28 février 2013, jusqu'à l'accord signé le 05 février 2015 prenant effet le 1er juillet 2015 qui a supprimé, en ce qui concerne les personnels des classes I à III, le dispositif du complément Poste pour lui substituer un complément de rémunération «'d'un montant identique pour les salariés et les fonctionnaires ayant le même niveau de fonction'» ainsi qu'une indemnité de carrière antérieure personnelle «'constituée de la différence entre le complément Poste actuellement versé à chaque agent quel que soit son statut et le Complément de Rémunération'».

De nombreuses actions judiciaires relatives au complément Poste ont été engagées par des salariés de droit privé s'estimant défavorisés.

Par arrêt du 27 février 2009, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel avait exactement décidé que le principe «'à travail égal salaire égal'» avait été méconnu après avoir relevé que le montant du complément poste versé aux salariés de droit privé avait été inférieur à celui versé aux fonctionnaires jusqu'à ce que des accords conclus en 2001 et 2003 comblent l'écart existant, que l'objet de ce complément poste était défini non par référence aux catégories juridiques mais comme venant rétribuer le niveau de la fonction et la maîtrise du poste et que M. X... effectuait le même travail qu'un fonctionnaire de même niveau exerçant les mêmes fonctions, et retenu que LA POSTE ne fournissait pas d'explication sur le niveau annuel inférieur du complément poste servi à l'agent de droit privé, ce dont il résultait que la différence de traitement pour la période se situant entre 1998 et 2003 n'était justifiée par aucune raison objective pertinente.

Par arrêt du 6 février 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le conseil de prud'hommes avait exactement décidé que le principe «'à travail égal salaire égal'» avait été méconnu après avoir relevé d'une part, que le complément poste, dont l'objet est défini non par référence aux catégories juridiques mais comme venant rétribuer le niveau de la fonction et la maîtrise du poste, perçu par les salariés, agents de droit privé, était inférieur à celui perçu par les fonctionnaires de même niveau effectuant le même travail et d'autre part, que LA POSTE fournissait pour seule explication à cette différence, la mise en place d'un champ de normalité qui organisait l'inégalité de traitement entre les agents en fonction de leur statut juridique, ce dont il résultait que cette différence de traitement n'était justifiée par aucune raison objective pertinente.

Par une série d'arrêts en date du 9 décembre 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a':

- jugé que ni la nécessité de maintenir les avantages acquis par les fonctionnaires avant la généralisation à compter du 1er janvier 1995 du complément poste, ni leur historique de carrière distinct, ni leur ancienneté comparée à celle des agents de droit privé de même niveau exerçant les mêmes fonctions ne constituaient des critères pertinents pour justifier une différence de traitement au titre du complément poste entre les premiers et les seconds (pourvois n° 14-18033, 14-18036, 14-18037, 14-18039, 14-18043, 14-18047, 14-23573, 14-24948, 14-24951,14-24953, 14-24952, 14-24954, 14-24955, 14-25386, 14-25387, 14-25166, 14-25167, 14-25172 à 14-25174, 14-25182 à 14-25184, 14-25187, 14-25194, 14-25195, 14-25198 à 14-25201, 14-25206, 14-25207, 14-25223, 14-25224, 14-25229, 14-25233, 14-25236, 14-25231, 14-25232 et 14-25230),

- rejeté dans d'autres cas le pourvoi formé par des salariés, en jugeant que la cour d'appel avait légalement justifié de sa décision en ayant constaté que les salariés n'avaient pas occupé les mêmes fonctions que le fonctionnaire avec lequel ils se comparaient (pourvois n° 14-23558, 14-23560, 14-23561, 14-23563 à 14-23572, 14-23574 à 14-23579 et 14-23582), ou en ayant souverainement apprécié la maîtrise de son poste par le salarié par rapport au fonctionnaire auquel il se comparait (pourvois n° 14-22430, 14-23559 et 14-23562).

Au plan collectif, la FEDERATION SUD DES ACTIVITES POSTALES ET DE TELECOMMUNICATIONS et la FEDERATION COMMUNICATION CONSEIL CULTURE ' F3C CFDT ont saisi le 18 octobre 2011 le tribunal de grande instance de Paris de demandes tendant essentiellement, sur le fondement d'une violation du principe de l'égalité de traitement, à la régularisation par la société LA POSTE des compléments Poste de l'ensemble des agents contractuels de droit privé de façon à ce qu'ils soient concordants avec les compléments Poste les plus élevés perçus par les agents de droit public de mêmes niveaux et fonctions, demandes que ledit tribunal a rejetées par jugement du 04 février 2014 confirmé en appel le 18 juin 2015 par cette cour (Pôle 6 ' Chambre 2).

Aux termes d'une assignation délivrée le 28 février 2013 à LA POSTE, la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION a quant à elle saisi le tribunal de grande instance de Paris de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendu le jugement entrepris.

MOTIFS

Créé le 27 avril 1993 par décision du conseil d'administration de LA POSTE, le complément Poste qui avait pour objectif de regrouper les primes et indemnités constituant un complément de rémunération (à distinguer de celles liées à la qualité d'agent public) a dans un premier temps concerné uniquement les agents de droit public.

Ces primes et indemnités cristallisées dans le complément Poste ont été supprimées par décision du conseil d'administration du 25 janvier 1995, mais il a été tenu compte de leur montant pour fixer le complément Poste de chaque agent de droit public, dont le montant différait ainsi d'un agent à l'autre.

C'est afin d'obtenir une convergence autour de la «'logique de fonction'» se substituant à «'la gestion par corps et grades'» que la décision précitée a introduit le système dit des champs de normalité, représentant pour chaque niveau de fonction «'la plage à l'intérieur de laquelle le complément Poste ou la rémunération de base de chaque agent doit se situer'».

Par décision du 04 mai 1995, le président de LA POSTE a défini la rémunération de référence des agents, constituée de deux éléments':

- le traitement indiciaire pour les fonctionnaires et le salaire de base pour les agents contractuels, qui est lié au grade et rémunère l'ancienneté et l'expérience';

- le complément Poste, qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste.

Il a précisé que chaque champ de normalité était ainsi divisé en trois secteurs égaux, bas, médian et haut, le classement dans un de ces secteurs étant déterminant de l'évolution ultérieure du montant du complément, de plus en plus lente du secteur bas au secteur haut.

Il a également précisé les conditions dans lesquelles l'appréciation annuelle de chaque agent a un impact sur le niveau du complément Poste, une appréciation dite D («'ne satisfait pas aux exigences du poste'») entraînant une diminution du montant perçu, et une appréciation dite A («'remplit partiellement les exigences du poste'») ayant pour conséquence un défaut d'augmentation.

Le complément Poste est donc par définition lié à la fonction exercée et à l'appréciation portée sur la façon dont l'agent satisfait aux exigences du poste auquel il est affecté.

Au regard de cette définition, le critère du statut, c'est-à-dire de la catégorie juridique (fonctionnaire ou salarié de droit privé) dont relèvent les agents de LA POSTE, ne permet pas de les considérer dans une situation différente au même niveau de fonctions et ne constitue pas davantage un critère pertinent permettant de justifier une différence de traitement dans le cadre de la fixation du complément Poste entre des agents se trouvant donc dans une situation identique.

Pour les mêmes raisons, l'ancienneté ou la date de recrutement, l'historique de carrière, les avantages acquis ou le respect d'une logique de compensation qu'évoque LA POSTE ne sont pas des critères de différenciation pertinents.

Or, ces critères ont néanmoins été mis en 'uvre en 1995 lorsqu'il a été tenu compte du niveau des primes et indemnités perçues par les fonctionnaires et agents de droit public pour les remplacer par un complément indemnitaire fixé au même montant, afin de maintenir leur rémunération et compenser ainsi la perte de ces primes et indemnités.

Ainsi que l'écrit LA POSTE, «'la disparité du complément Poste des fonctionnaires s'est inscrite dans un rapport d'environ un à presque deux'», «'l'hétérogénéité des compléments Poste des fonctionnaires pour un même niveau de fonction éta[nt] consubstantielle à la réforme mise en oeuvre'».

En outre, si ainsi que le soutient à juste titre la fédération, les décisions fondatrices du complément Poste n'excluaient pas à l'origine les salariés des champs de normalité ' la décision précitée du 04 mai 1995 prévoit en effet en son titre 4 que «'les agents contractuels relevant de la convention commune ACC 11 à ACC III.3'» sont concernés par la mise en 'uvre des règles de convergence du complément indemnitaire, et au paragraphe 512 de son titre 5 énonçant les principes de constitution des champs de normalité, que «'la même disposition est applicable pour les agents contractuels de droit public ou privé, sauf à l'égard de ceux pour lesquels un seuil unique de complément est fixé (ACC 23 à ACC 33 et ACO 2)'» ' les parties s'accordent à dire qu'en définitive, le système des champs de normalité n'a jamais été appliqué aux agents contractuels de droit privé, LA POSTE ajoutant à cet égard qu'à la différence des fonctionnaires, il n'y avait pas de grande hétérogénéité des compléments Poste d'un salarié à l'autre de sorte qu'en l'absence de disparité à résorber, il était inutile de les soumettre à un régime de champs de normalité quel qu'il soit.

Or, même si en application de la décision précitée du 04 mai 1995 le complément Poste des nouveaux fonctionnaires recrutés après 1995 a été fixé au minimum du secteur bas du champ de normalité, il n'en reste pas moins que conformément aux décisions successives publiées au BRH, leur complément Poste a ensuite fait l'objet d'une revalorisation annuelle généralement calculée sur la base d'un pourcentage de l'écart existant entre son montant et le niveau bas du secteur immédiatement supérieur.

Il en résulte que contrairement au cas des salariés, l'évolution du complément Poste de tous les fonctionnaires a tenu compte de leur date de recrutement et par voie de conséquence de leur ancienneté.

C'est ainsi par exemple que deux fonctionnaires exerçant la même fonction mais recrutés à un an d'intervalle ne percevaient pas le même complément Poste.

Dans ces conditions, il a bien existé une inégalité originelle, selon l'expression employée à bon droit par l'appelante.

C'est pour y remédier qu'en sus de la mise en place des mécanismes de convergence concernant directement les fonctionnaires (recrutement après 1995 au minimum du secteur bas du champ de normalité, progression du montant du complément Poste de plus en plus faible du secteur bas au secteur haut), LA POSTE a signé avec les organisations syndicales représentatives les accords collectifs des 10 juillet 2001 et 08 juillet 2003.

C'est à juste titre que LA POSTE fait valoir qu'au cas où, en procédant à la fixation des niveaux du complément Poste des agents de droit privé, les accords d'entreprise susvisés consacreraient une inégalité de fait avec les niveaux des compléments Poste perçus par les agents de droit public, et dès lors que ces accords sont négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et des intérêts des salariés concernés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, cette différence de traitement entre des catégories professionnelles distinctes ou au cas présent entre des agents relevant de statuts juridiques distincts, lesquels doivent être assimilés aux catégories professionnelles dans le cadre de l'application du principe de libre négociation, serait présumée justifiée, de sorte qu'il appartiendrait à la fédération appelante de démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle, ce qu'elle n'allègue même pas.

En tout état de cause, la fédération appelante soutient d'abord que les articles 3.5 des accords des 10 juillets 2001 et 08 juillet 2003 doivent être interprétés par la cour dans la mesure où LA POSTE ne les aurait pas appliqués en respectant leur lettre et leur esprit.

Toutefois, contrairement à son argumentation et ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, il s'évince des stipulations considérées, qui dans leur intitulé font expressément référence aux seuils de recrutement du complément Poste des agents de niveaux I.1 à II.1, que le principe de convergence des montants du complément Poste des fonctionnaires et de celui des salariés s'inscrit dans une double limite tenant d'une part à leur objet puisqu'elles ne visent que les seuils de recrutement, et d'autre part à leur portée puisqu'elles concernent exclusivement les agents occupant des fonctions de niveaux I.1, I.2, I.3 et II.1.

Les tracts et la déclaration préalable de la fédération syndicale des PTT SUD en 2001 ainsi que le «'Mémo CGT des contractuels de La Poste'» produits par l'intimée démontrent que les fédérations syndicales ne se sont nullement méprises sur cette double limite dans laquelle s'inscrivaient les accords d'entreprise de 2001 et 2003 (pièces n° 24 à 27).

La fédération appelante produit ensuite un tableau synthétisant les différences systématiques entre le montant du complément Poste des salariés et celui des fonctionnaires, en faveur de ces derniers, au cours des années 1995 à 2013 pour les niveaux de fonction I.2 à III.3 (sa pièce n° 15), ainsi qu'une analyse individualisée comparant les situations de M. [H], agent de droit privé de niveau I.2, et de Mme [K], agent de droit privé à temps partiel de niveau II.1, à celles de quelques fonctionnaires.

Cependant, ce tableau présente des montants de complément Poste théoriques sur la base de la seule classification des agents et s'avère de ce fait inexploitable en l'absence de plus amples renseignements sur la situation réelle de ces agents référents.

Quant aux exemples de M. [H] et de Mme [K], nonobstant quelques erreurs de calcul à la marge, la fédération appelante est bien fondée à s'en prévaloir pour mettre en exergue une différence, globalement au détriment de ces agents de droit privé, entre le montant de leur complément Poste et celui des fonctionnaires auxquels ils sont comparés.

Mais ces deux cas ne suffisent pas à justifier d'une rupture collective d'égalité, alors que LA POSTE se prévaut de plusieurs arguments et exemples contraires':

- Elle démontre tout d'abord que l'application des accords salariaux pour 2001 et 2003 a abouti à ce que le complément Poste des agents de droit privé des catégories I.2 à II.1, inférieur en 2001 et 2002 au minimum du secteur bas des champs de normalité applicables aux fonctionnaires,est devenu supérieur à ce minimum à compter de l'année 2003, même si ainsi que le souligne la fédération appelante, ce rattrapage a été de courte durée dans la mesure où le BRH RH5 du 09 février 2004 (pièce n° 11 de l'appelante) a prévu en son article 21 que le complément Poste des fonctionnaires notés B et E situé dans le secteur bas de leur champ de normalité serait revalorisé à compter du 1er octobre 2003 à hauteur de 25 % de l'écart entre le montant de leur complément Poste et le niveau bas du secteur médian';

- Elle justifie ensuite, par la production des circulaires annuelles relatives aux dispositions et mesures salariales présentant pour les années 2010 à 2013 les dispositions salariales résultant pour les agents de droit privé des accords salariaux correspondants et les mesures applicables aux fonctionnaires (ses pièces n° 20 à 23), que le principe de convergence entre le complément Poste des agents de droit privé et celui des fonctionnaires a porté ses fruits puisque ces circulaires mentionnent toutes, pour ce qui concerne ces derniers, que leur complément Poste «'ne peut en aucun cas être inférieur au seuil de recrutement du complément Poste d'un salarié de même niveau de grade'»';

- Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, au travers de l'analyse comparative et individualisée de la situation équivalente ' fonctions exercées identiques et même niveau de classification, outre une ancienneté comparable ' de salariés de droit privé et de fonctionnaires référents, LA POSTE établit également sur la base de bulletins de paie versés aux débats la stricte égalité du complément Poste perçus par les premiers et les seconds en 2012 et 2013';

- Enfin page 86 de ses conclusions, LA POSTE construit un graphique, non critiqué par la fédération appelante, présentant la répartition par catégories (fonctionnaires et salariés) des compléments Poste perçus en 2014, dont il ressort en particulier que plus de 120 000 agents, parmi lesquels près de 30 000 fonctionnaires, perçoivent le même complément Poste pour un même niveau de fonction, en l'occurrence le montant de base.

Il s'ensuit que la fédération appelante, sur laquelle repose la charge de la preuve de l'inégalité de traitement qu'elle allègue, ne démontre pas que LA POSTE n'aurait pas respecté les accords d'entreprise des 10 juillet 2001 et 08 juillet 2003, ni qu'elle aurait méconnu de façon générale le principe de l'égalité de traitement lors de l'attribution annuelle du complément Poste des agents de droit public et des agents de droit privé au détriment de ces derniers.

De surcroît, si par voie d'accord d'entreprise le complément Poste des salariés est revalorisé chaque année à hauteur d'un montant fixe et uniforme, de sorte que contrairement aux fonctionnaires l'impact de l'appréciation portée sur la maîtrise du poste apparaît inexistant en ce qui les concerne, le critère de la maîtrise du poste reste néanmoins au regard de la définition précitée du complément Poste un critère individuel pertinent, faisant obstacle à toute régularisation automatique et collective des compléments Poste alloués aux salariés par alignement sur ceux des fonctionnaires sans examen des situations individuelles de chacun de ces agents.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La fédération appelante, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';

Condamne la FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/07451
Date de la décision : 14/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°15/07451 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-14;15.07451 ?
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