RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 14 Avril 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02545
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juin 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de EVRY RG n° 20501422EV
APPELANTE
Madame [D] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Marie-dominique HYEST, avocat au barreau d'ESSONNE substituée par Me Julie PITOT, avocat au barreau D'ESSONNE
INTIMEES
CPAM DE L'ESSONNE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
SA DIDIER S.I.P.C.
[Adresse 3]
[Adresse 1]
représentée par Me Isabelle ZAKINE-ROZENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque: J007
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 4]
[Adresse 4]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC et Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillers, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Monsieur Luc LEBLANC, faisant fonction de Président
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
Madame Marie-Odile FABRE-DEVILLERS, Conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laïla NOUBEL , lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Luc LEBLANC ,faisant fonction de Président et par Madame Laïla NOUBEL, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
La Cour statue sur renvoi après cassation de l'arrêt du 19 février 2009 ayant partiellement confirmé le jugement rendu le 12 juin 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige opposant Mme [L] à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et à la société Didier SIPC ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que Mme [L], employée par la société Didier SIPC en qualité d'agent administratif, a établi, le 18 juin 2004, une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical faisant état de douleurs scapulaires droite et gauche; qu'estimant que l'intéressée n'avait accompli aucun des travaux limitativement fixés au tableau n° 57A, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a transmis le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France; qu'au vu de l'avis défavorable rendu par ce comité, la caisse primaire a refusé de prendre en charge la maladie invoquée par la salariée au titre de la législation sur les risques professionnels; que Mme [L] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction des affaires de sécurité sociale qui l'a déboutée de sa demande ; que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel en date du 19 février 2009 a été annulé par la Cour de cassation, sur le fondement des articles R 142-24-2 et L 461-1 du code la sécurité sociale, au motif qu'il incombait aux juges du fond de recueillir l'avis d'un autre comité régional avant de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie ;
Par arrêt du 14 novembre 2013, la cour autrement composée, a désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Orléans-Centre pour qu'il donne son avis sur le l'existence d'un lien direct de causalité entre les douleurs scapulaires droite et gauche invoquées par Mme [L] et son travail habituel et a sursis à statuer dans l'attente de cet avis.
Après avoir pris connaissance de cet avis, Mme [L] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement, reconnaître le caractère professionnel des douleurs scapulaires dont elle souffre et condamner la caisse primaire à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Après avoir rappelé que son emploi d'agent administratif ne se limitait pas à la gestion du standard téléphonique mais comprenait aussi un important travail de classement, impliquant la manipulation répétée de classeurs, colis et archives lourdes rangés en hauteur, elle invoque également les gestes répétitifs effectués avec les calculatrices, agrafeuses et perforatrices et ce sur une longue durée et à un rythme soutenu.
Selon elle, son activité professionnelle est la cause directe de ses douleurs scapulaires. Elle rappelle aussi qu'en 1989, elle a été victime d'un accident du travail lui ayant causé un traumatisme cervical avec douleurs au niveau des ceintures scapulaires droite et gauche et que depuis, ses épaules sont fragiles.
Elle estime donc remplir les conditions prévues à l'article L 461-1,alinéa 3, du code de la sécurité sociale pour bénéficier de la législation professionnelle en raison du lien direct existant avec son travail habituel et se prévaut de différents certificats médicaux rattachant la symptomatologie douloureuse de l'épaule à son activité professionnelle. Enfin, elle souligne le fait que la juridiction n'est pas liée par l'avis du CRRMP, lequel est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions de confirmation du jugement. Après avoir rappelé que la maladie invoquée par Mme [L] n'est présumée d'origine professionnelle, au titre du tableau n° 57 A, qu'en présence de travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule alors que l'intéressée occupait un emploi administratif, elle considère que le lien entre cette maladie et le travail habituel n'est pas établi.
Elle se prévaut en effet des avis concordants des deux comités régionaux successivement consultés qui ont exclu tout rapport de causalité et rappelle que ces avis s'imposent aux caisses de sécurité sociale.
Dans ses conclusions oralement soutenues par son conseil, la société Didier S.I.P.C. demande à la cour de confirmer le jugement. Subsidiairement, elle conclut à l'inopposabilité de la prise en charge en raison de l'inobservation par la caisse primaire des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale. Enfin, elle poursuit la condamnation de Mme [L] à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle précise en effet que Mme [L] s'occupait essentiellement du suivi des factures fournisseurs et des commandes ainsi que de la gestion administrative des stocks, ce qui n'impliquait aucun mouvement répétitif ou contraint de l'épaule.
De même, elle conteste le lien nouvellement invoqué par Mme [L] entre ses douleurs aux épaules et un accident qui serait survenu en 1989 en faisant observer que cet accident est étranger au litige dont l'objet porte uniquement sur les douleurs scapulaires ayant fait l'objet d'une déclaration de maladie professionnelle le 18 juin 2004. Sur la prise en charge de cette maladie, elle se range aux avis concordants des comités régionaux et fait observer que les certificats médicaux produits par Mme [L] n'établissent pas non plus que ses douleurs aux épaules résultent directement de ses fonctions professionnelles.
Au soutien de sa demande d'inopposabilité, elle indique que la caisse primaire ne l'a pas informée à toutes les étapes de la procédure, en violation du principe du contradictoire. Notamment, elle dit ne pas avoir été avisée de tous les éléments de l'instruction et ne pas avoir été prévenue de la saisine de la commission de recours amiable.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article L 461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée de l'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle que désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; qu'en ce cas, il est nécessaire de recevoir l'avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et celui d'un autre comité lorsque un recours est introduit devant les juridictions ;
Considérant qu'en l'espèce, le 18 mai 2005, le comité régional d'Ile de France saisi par la caisse a délivré un avis défavorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle invoquée par Mme [L] en l'absence de rapport de causalité établi entre cette maladie et les expositions incriminées ;
Considérant que le comité régional a relevé en effet que "la nature et l'intensité des mouvements des épaules réalisés par Mme [L] lors de son travail ne sont pas de nature à induire une pathologie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule. Il n'est donc pas possible de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 18 juin 2004" ;
Considérant ensuite que le comité régional d'[Localité 1] Centre saisi à la suite de la cassation de l'arrêt du 19 février 2009 a rendu, le 4 novembre 2014, un avis défavorable à la reconnaissance de la maladie en l'absence de rapport de causalité établi entre la maladie soumise à instruction et les expositions incriminées ;
Considérant que ce second comité a écarté l'existence d'un lien de causalité direct entre les douleurs scapulaires droite et gauche de Mme [L] et son travail habituel après avoir étudié les gestes, contraintes et postures générées par le poste de travail occupé par l'assurée, analysé les éléments médico-administratifs figurant au dossier, pris en considération l'avis du médecin du travail du 16 décembre 2004 et entendu l'ingénieur-conseil de la CARSAT ;
Considérant qu'il existe donc deux avis concordants sur l'absence de lien de causalité entre le travail habituel accompli par Mme [L] et la pathologie péri-articulaire dont elle est atteinte ; que ces avis s'imposent à la caisse primaire dans les mêmes conditions que celles fixées aux articles L 315-1 et L 315-2 du code de la sécurité sociale ;
Considérant que pour demander néanmoins la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie, l'intéressée se réfère essentiellement aux certificats médicaux de son médecin traitant ;
Considérant cependant que si ces certificats énoncent que la "symptomatologie douloureuse de l'épaule est en rapport avec la pathologie de la coiffe des rotateurs", ils ne permettent pas d'établir un lien direct entre cette affection et son travail habituel ;
Considérant qu'il est seulement affirmé que cette pathologie doit bénéficier d'une reconnaissance en maladie professionnelle mais ces certificats ne précisent pas en quoi l'activité professionnelle de la salariée la conduisait à effectuer des mouvements répétés ou forcés de l'épaule ; qu'il n'en résulte pas la preuve que les douleurs éprouvées par Mme [L] ont été directement provoquées par son travail habituel ;
Considérant que de même, l'employeur souligne à juste titre que plusieurs certificats médicaux évoquent un accident dont la salariée aurait été victime le 26 mai 1989 alors que cet événement est étranger au présent litige portant sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle déclarée le 18 juin 2004 et non sur les conséquences d'un fait accidentel soudain survenu à une date précise ;
Considérant qu'ainsi, si les douleurs dont souffre l'intéressée ne sont pas contestées, leur origine professionnelle n'est aucunement établie ;
Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [L] de sa demande de prise en charge de la maladie déclarée le 18 juin 2004 au titre de la législation professionnelle ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que succombant en son appel, Mme [L] sera quant à elle déboutée de sa demande à ce titre;
Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt du 14 novembre 2013,
Déclare Mme [L] mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déboute Mme [L] de sa demande de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée le 18 juin 2004 ;
Rejette la demande de la société Didier S.I.P.C. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboute Mme [L] de sa propre demande à ce titre ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
Dispense l'appelante du paiement du droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.
Le Greffier, Le Président,