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13/04/2016 | FRANCE | N°15/08254

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 13 avril 2016, 15/08254


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 13 Avril 2016



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08254



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/01812



APPELANTE

Me [Z] [K] de la SELAS MCM et Associés en qualité de mandataire judiciaire de la SARL LVP

[Adresse 5]

[Localité 2]

repr

ésenté par Me Frédéric AUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970 substitué par Me Laureen ABRAM-PROFETA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970



Me [J] [I] en qua...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 13 Avril 2016

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08254

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/01812

APPELANTE

Me [Z] [K] de la SELAS MCM et Associés en qualité de mandataire judiciaire de la SARL LVP

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par Me Frédéric AUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970 substitué par Me Laureen ABRAM-PROFETA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970

Me [J] [I] en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL LVP

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Frédéric AUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970 substitué par Me Laureen ABRAM-PROFETA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970

SARL LVP

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 383 904 174 00059

représentée par Me Frédéric AUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970 substitué par Me Laureen ABRAM-PROFETA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970

INTIMES

Monsieur [U] [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Danielle MARSEAULT DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Marina DUCOTTET CHAREYRON, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [U] [C] a été engagé par la société LVP Radia Shalom le 16 avril 2001 sous contrat à durée indéterminée en qualité de technicien radio.

Son salaire brut mensuel s'élevait en dernier lieu à la somme de 1.898,05 euros.

Monsieur [C] a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 27 janvier 2014.

A la suite de deux visites du médecin du travail des 19 juin et 10 juillet 2014, il a été déclaré inapte définitif à tout poste dans l'entreprise.

Par jugement du 18 décembre 2014 du tribunal de commerce de Paris, la société LVP Radio Shalom a été déclarée en redressement judiciaire.

Par courrier du 4 février 2015, la société LVP Radio Shalom a notifié au salarié les motifs liés à son impossibilité de reclassement.

Par courrier daté du 5 février 2015, Monsieur [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par courrier du 16 mars 2015, Monsieur [C] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 mars suivant. Il a été licencié pour inaptitude le 22 avril 2015.

Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de faire qualifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 30 juin 2015, le conseil de prud'hommes a partiellement fait droit à ses demandes et fixé sa créance au passif du redressement judiciaire de la société LVP Radio Shalom représentée par Maître [J] en qualité d'administrateur judiciaire aux sommes suivantes :

- 1.898,05 euros au titre des salaires, outre les congés afférents,

- 502,06 euros au titre du rappel de congés payés,

- 4.270,61 euros au titre du rappel de congés payés,

- 3.796,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 6.832 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15.200 euros à titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 1.121,57 euros au titre du salaire pour le mois de décembre 2014, en deniers ou quittance,

- 112,25 euros au titre des congés afférents en deniers ou quittance,

- 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civil.

Le jugement ordonne également la remise des documents de fin de contrat et déclare le jugement opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest dans la limite de sa garantie légale et réglementaire et des plafonds applicables.

La société LVP Radio Shalom, Maître [J] ès qualités et Maître [Z] en qualité de mandataire judiciaire ont régulièrement interjeté appel de cette décision et demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes.

Ils sollicitent également la somme de 1.500 euros au titre des frais de procédure.

Monsieur [C] demande à la cour de rejeter des débats les conclusions des appelants notifiées tardivement et de constater l'appel non soutenu.

A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la société LVP Radio Shalom et des mandataires ès qualités à lui verser les sommes de 2.000 euros pour appel abusif et 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'associe aux explications de la société et de ses mandataires sur le fond des demandes.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la demande de rejet de conclusions et de constat de l'appel non soutenu

Le conseil du salarié demande le rejet des conclusions de l'employeur et des organes de la procédure collective, transmises tardivement puisque notifiées le 17 février 2016, veille de l'audience.

Il convient de rappeler que s'agissant d'une procédure orale, les parties peuvent présenter des demandes et observations le jour de l'audience. Il ne sera pas fait droit à cette demande de rejet, le principe du contradictoire n'étant pas méconnu dans ce cas d'espèce.

Sur la demande de rappel de salaire

Sur le rappel de salaire ordonné par l'ordonnance de référé du 28 novembre 2014

Par ordonnance de référé du 28 novembre 2014, dont il n'a pas été relevé appel, la société LVP Radio Shalom a été condamnée à verser à Monsieur [C] la somme de 481,91 euros à titre de complément de salaire pour la période du 27 janvier au 15 mai 2014 et la somme de 5.020,64 euros à titre de provision sur salaire pour la période du 10 août 2014 au 31 octobre 2014.

L'employeur fait valoir que les juges du fond ne sont pas tenus par la décision rendue en référé et que du fait de l'absence d'autorité de la chose jugée au principal des ordonnances de référé, ils doivent vérifier le bien-fondé de la décision prise en référé en fait comme en droit.

Il ajoute que Monsieur [C] s'est désisté de son instance par courrier du 27 juin 2014 et qu'en conséquence l'instance était éteinte. Il ne pouvait former les mêmes demandes devant une autre juridiction au cours d'une autre instance conformément à l'article R1452-6 du code du travail.

En raison du principe de l'unicité de l'instance édicté par l'article R1452-6 du même code, les demandes formées par le salarié devant le juge des référés étaient manifestement irrecevables.

Il sollicite dès lors le remboursement des sommes versées au titre du complément de salaire pour la période du 27 janvier au 15 mai 2014.

S'agissant des salaires dus pour la période comprise entre le 10 août et le 31 octobre 2014, l'employeur fait valoir que Monsieur [C] était toujours en arrêt maladie du 2 juillet au 29 septembre 2014 et qu'il n'a pas à rémunérer le salarié durant cette période, déjà indemnisée par la sécurité sociale et alors que le salarié avait épuisé ses droits à complément de salaire sur la base de 100 jours au cours des douze derniers mois.

Il sollicite en conséquence le remboursement de la somme de 5.020,64 euros accordée à titre de provision par l'ordonnance de référé.

Il ressort des pièces régulièrement versées aux débats que le 19 mai 2014, Monsieur [C] avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir une visite médicale auprès de la médecine du travail. Par suite, le bureau de conciliation a constaté dans une décision du 2 juillet 2014, le désistement d'instance du salarié.

Aux termes de l'article 398 du code de procédure civile, le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action mais seulement extinction de l'instance. Dès lors, en application de l'article 385 du même code, la constatation de l'extinction de l'instance ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance si l'action n'est pas éteinte par ailleurs.

Enfin, la règle de l'unicité de l'instance résultant de l'article R1452-6 du code du travail n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond.

En conséquence, les demandes formées par Monsieur [C] devant le conseil de prud'hommes de Paris en la formation des référés étaient recevables.

Sur le complément de salaire pour la période comprise entre le 27 janvier et le 15 mai 2014

L'employeur ne contestant pas être redevable des sommes accordées à Monsieur [C] au titre du complément de salaire pour la période du 27 janvier au 15 mai 2014, il sera alloué au salarié la somme de 481,91 euros à ce titre.

Sur le rappel de salaire pour la période comprise entre le 10 août et le 17 décembre 2014

L'employeur fait valoir que Monsieur [C] était toujours en arrêt maladie jusqu'au 29 septembre 2014 et que l'assurance maladie lui a versé :

- 2.897,82 euros du 24 février au 2 juin 2014,

- 2.172,96 euros sur la période du 1er juin au 11 août 2014,

- 995,94 euros sur la période du 25 août au 26 septembre 2014.

Il ajoute que sur cette période le salarié a également perçu de l'AGS les sommes de :

- 1.793,22 euros au titre des salaires du 1er au 31 août 2014,

- 3.528,59 euros au titre des rappels de salaire du 1er septembre au 31 octobre 2014.

Il conteste le versement effectué par l'AGS pour la période comprise entre le 10 et le 31 août 2014, estimant que l'avis d'inaptitude est daté du 10 juillet et que par conséquent les salaires ne sont dus qu'à compter du 10 août 2014.

Compte tenu des ces éléments, il constate que Monsieur [C] a perçu pour la période d'août à septembre 2014 un salaire bien supérieur à son salaire moyen.

L'employeur estime également que le salarié ne justifie pas que ses arrêts de travail aient été prolongés et qu'il n'a rien perçu au titre des IJSS pour la période postérieure au 29 septembre 2014.

Il sollicite en conséquence le débouté des demandes formées au titre du rappel de salaire et la condamnation du salarié à rembourser les sommes qu'il a perçues à défaut pour lui de produire les décomptes des indemnités journalières.

En application des dispositions des articles L1226-4 et L1226-11 du code du travail, à défaut de reclassement ou de licenciement dans le délai d'un mois à compter de l'examen de reprise, l'employeur doit verser au salarié, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi occupé avant la suspension du contrat de travail.

Pendant le délai d'un mois qui s'écoule entre la visite de reprise et la reprise du versement des salaires, le salarié, qui n'est pas en mesure de fournir sa prestation de travail, n'est pas rémunéré par l'employeur.

Le montant de cette rémunération présente un caractère forfaitaire, ce qui signifie qu'il ne peut faire l'objet d'aucune déduction. L'employeur ne peut donc pas en déduire le montant des prestations sociales servies au salarié, notamment par un organisme de prévoyance ou la sécurité sociale.

Par ailleurs, le salaire correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail, et au paiement duquel l'employeur est tenu en application de l'article L1226-4 du code du travail, comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié et ouvre droit, par application de l'article L. 3141-22, à une indemnité de congés payés.

Dès lors, compte tenu du deuxième avis d'inaptitude en date du 10 juillet 2014, Monsieur [C] peut prétendre à la reprise du paiement de ses salaires (outre les congés afférents) à hauteur de :

- 1.224,54 euros pour la période comprise entre le 10 et le 31 août 2014,

- 1.898,05 euros pour le mois de septembre 2014,

- 1.898,05 euros pour le mois d'octobre 2014,

- 1.898,05 euros pour le mois de novembre 2014,

- 1.121,57 euros pour la période comprise entre le 1er et le 17 décembre 2014.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que Monsieur [C] ait perçu une somme supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre et notamment pour la période comprise entre le 1er et le 10 août 2014.

Par conséquent, au regard de ces éléments, il convient d'allouer à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- 1.224,54 euros pour la période comprise entre le 10 et le 31 août 2014,

- 1.898,05 euros pour le mois de septembre 2014,

- 1.898,05 euros pour le mois d'octobre 2014,

- 1898,05 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de novembre 2014, outre les congés afférents,

- 1.121,57 euros pour la période comprise entre le 1er et le 17 décembre 2014, outre les congés afférents.

Monsieur [C] reconnaissant que ces sommes lui ont été versées, la condamnation sera prononcée en deniers ou quittance. Le jugement déféré sera confirmé.

Sur les demandes de rappel de salaire au titre des congés payés

Sur les congés payés dus à la date du 31 mai 2014

Monsieur [C] fait valoir que son bulletin de salaire de mai 2014 mentionne qu'il lui est dû 40 jours de congé au titre de l'année précédente outre les congés acquis en 2013/2014. Il estime que l'employeur doit lui régler 67,5 jours.

L'employeur conteste le décompte du salarié estimant que le solde de jours de congé ne peut être supérieur à 55 jours et qu'à tout le moins les congés payés ne peuvent se reporter d'année en année indéfiniment.

Aux termes de l'article L3141-1 du code du travail, tout salarié a droit, dès lors qu'il en remplit les conditions, à un congé annuel payé à la charge de son employeur. Ces congés doivent être pris annuellement. Le report d'une année sur l'autre est exclu, sous réserve de l'application des dérogations légales autorisant le report ou la capitalisation des congés. Mais c'est à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a pris les mesures pour que le salarié prenne effectivement ses congés.

L'article L3141-3 du même code prévoit que le salarié a droit à un congé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail et que la durée totale du congé exigible ne peut excéder 30 jours ouvrables.

Il ressort des pièces versées aux débats et notamment des bulletins de salaire de Monsieur [C] que ce dernier bénéficiait au 1er juin 2013 de 39 jours de congés payés (9 jours acquis en 2011-2012 et 30 jours acquis en 2012-2013). L'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir qu'elle l'a mis en mesure de les prendre l'ensemble de ses jours de congé acquis en 2011-2012. Monsieur [C] peut par conséquent prétendre au paiement des 9 jours acquis sur cette période.

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail.

Il n'est pas contesté que Monsieur [C] a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 27 janvier 2014, dès lors compte tenu de son impossibilité de prendre ses congés payés annuels à partir de cette date, il peut prétendre au paiement des 30 jours acquis au titre de l'exercice 2012-2013 outre les congés acquis sur la période 2013-2014 soit 30 jours.

Compte tenu des pièces versées aux débats, il apparaît qu'au 31 mai 2014, Monsieur [C] bénéficiait de 69 jours de congés, le jugement déféré sera par conséquent confirmé.

Sur les congés payés dus pour la période comprise entre le 10 août et le 31 octobre 2014

L'employeur fait valoir qu'il s'agit d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, de telle sorte qu'il n'appartient pas à la société LVP Radio Shalom de régler cette créance.

Il ajoute que le contrat de travail du salarié étant suspendu pour cause de maladie non professionnelle, cette période n'est pas considérée comme du temps de travail effectif et ne donne pas lieu à congés payés.

Comme cela a été rappelé précédemment, le salaire correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail, et au paiement duquel l'employeur est tenu en application de l'article L1226-4 du code du travail, comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié et ouvre droit, par application de l'article L. 3141-22, à une indemnité de congés payés.

Il convient dès lors de faire droit à la demande du salarié et de fixer au passif de la société LVP Radio Shalom la somme de 502,06 euros au titre des congés payés dûs pour la période comprise entre le 10 août et le 31 octobre 2014. Le jugement déféré sera confirmé.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, Monsieur [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans un courrier du 5 février 2015 rédigé en ces termes :

«'J'ai été engagé par LVP S.A à compter du 16/04/2001 comme technicien radio.

Mon dernier salaire de base s'établissait à 1.898,05 euros.

A partir du 27/01/2014, j'ai été arrêté par mon médecin psychiatre en continuité.

Je suis en effet comme vous le savez tombé malade comme l'un de mes collègues pour des raisons très graves dont vous êtes responsable ce que je rappelle dans un courrier du 29/01/2014.

Les insultes inadmissibles dont j'ai été l'objet sont significatives du climat régnant dans l'entreprise et de ce que je subissais au quotidien.

Compte tenu de mon investissement depuis mon entrée dans votre société, cela m'a beaucoup affecté.

Vous ne m'avez pas réglé l'intégralité de ma garantie de salaires.

J'ai rencontré le médecin du travail le 19/06/2014 et le 10/07/2014 et déclaré en inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise.

Vous aviez un mois pour me licencier.

Or, contre toute attente vous ne l'avez pas fait, malgré mes courriers du 11/07/2014 et 25/08/2014.

Je vous ai fait citer devant la juridiction des référés.

Par ordonnance du 28/11/2014 vous avez été condamné à me payer par provision la somme de 481,91 euros à titre de complément de salaires du 27/01 au 15/05/2014 et 5.020,64 euros à titre de provision sur salaires du 10/08/2014 au 31/10/2014.

L'ordonnance rappelle en effet que le règlement des salaires doit être repris un mois après la seconde décision d'inaptitude.

Depuis, vous n'avez absolument pas régularisé la situation :

- vous n'avez pas réglé les causes de l'ordonnance,

- vous n'avez toujours pas engagé la procédure de rupture pour inaptitude et je fais donc toujours partie de l'effectif de votre entreprise, sans travail et sans rémunération ce qui m'occasionne un préjudice considérable bien sûr mes salaires du 1/11/2014 au 31/01/2015 n'ont pas été réglés soit une somme de 5.694,15 euros s'ajoutant aux sommes dues.

Votre attitude relève d'une volonté de me nuire caractérisée et compte tenu du fait que cette situation n'a que trop duré et qu'il me faut retrouver une formation pour avoir l'espoir de retrouver un emploi, je prends acte par la présente de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et griefs.'»

Monsieur [C] précise que les injures et le comportement de son supérieur l'ont profondément affecté au point de générer une dépression sévère. Il estime que cette attitude constitue un manquement à l'obligation de sécurité de son employeur et produit notamment un relevé des sms et des courriels injurieux envoyés par son supérieur.

Il n'est pas contesté qu'alors que l'inaptitude de Monsieur [C] avait été constatée par le médecin du travail, l'employeur n'a pas repris le paiement des salaires comme le code du travail le prévoit, ni licencié le salarié, laissant ce dernier sans possibilité de ressources et dans l'incertitude quant à son avenir professionnel, et ce, malgré les relances écrites de Monsieur [C].

C'est en vain que la société LVP Radio Shalom fait valoir qu'elle avait sollicité dès le 27 octobre 2014 auprès du médecin du travail une étude de poste afin de connaître les possibilités de reclassement du salarié. En effet, les difficultés de reclassement du salarié, quelle qu'en soit l'origine, ne dispensent pas l'employeur d'appliquer les dispositions des articles L1226-4 et suivants du code du travail.

Par ailleurs, l'employeur ne peut arguer avoir mis en 'uvre la procédure de licenciement préalablement à la prise d'acte de la rupture. Il n'est en effet pas contesté que la lettre de licenciement, qui seule rompt le contrat de travail, n'a été adressée au salarié que le 22 avril 2015 soit plus de deux mois après la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Au regard de ces éléments, le salarié démontre la réalité des manquements graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, dès lors qu'il n'a pas réglé son salaire ou qu'il n'a pas procédé à son licenciement lui permettant ainsi de faire valoir ses droits auprès de pôle emploi.

La prise d'acte de la rupture est par suite justifiée par ces graves manquements et aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice même si le salarié, en arrêt maladie, est dans l'impossibilité d'exécuter le préavis du fait de son état de santé.

L'employeur se trouve débiteur envers Monsieur [C] d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter.

Le jugement sera réformé en ce que cette créance est née pendant la période d''observation du redressement judiciaire de la société. Celle-ci sera condamnée au versement de cette somme.

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera réformé en ce que cette créance est née pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société. Celle-ci sera condamnée au versement de cette somme.

Compte tenu notamment de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [C], de son âge, de son ancienneté supérieure à deux ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de confirmer le jugement du 30 juin 2015, et de lui allouer en application de l'article L.1235-5 du Code du travail, une somme de 15.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera toutefois réformé en ce que cette créance est née pendant la période d''observation du redressement judiciaire de la société. Celle-ci sera condamnée au versement de cette somme.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif

Le fait d'exercer un droit de recours ne saurait caractériser l'abus de droit allégué par Monsieur [C] à l'appui de sa demande de dommages-intérêts. Cette demande ne saurait prospérer utilement devant la Cour, il convient de la rejeter.

Sur les frais de procédure

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à Monsieur [C] la somme de 1.500 euros à ce titre.

Comme ils succombent dans la présente instance, la société LVP Radio Shalom, Maître [J] ès qualités et Maître [Z] ès qualités seront déboutés du chef de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande tendant à voir écarter les écritures ;

Rejette les moyens tirés de l'extinction et de l'unicité de l'instance';

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé les créances du salarié au titre de la rupture du contrat de travail au passif de la liquidation judiciaire,

Le réforme sur ce point,

Y ajoutant,

Fixe les créances salariales de Monsieur [C] au passif du redressement judiciaire de la société LVP Radio Shalom selon les modalités suivantes :

- 481,91 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 27 janvier et le 15 mai 2014,

- 1.224,54 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 10 et le 31 août 2014 en deniers ou quittance,

- 1.898,05 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de septembre 2014 en deniers ou quittance,

- 1.898,05 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2014 en deniers ou quittance,

- 1898,05 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de novembre 2014, outre les congés afférents,

- 1 121,57 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er et le 17 décembre 2014, outre les congés afférents,

Condamne la société LVP Radio Shalom à verser à M. [C] les sommes suivantes';

- 3.796,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 6.832 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15.200 euros à titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

Déclare le présent arrêt opposable à la délégation régionale de l'Unedic AGS IDF Ouest qui devra sa garantie si nécessaire dans les limites légales, dont l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile est exclue,

Condamne la société LVP Radio Shalom à verser à verser à Monsieur [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société LVP Radio Shalom aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/08254
Date de la décision : 13/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/08254 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-13;15.08254 ?
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