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06/04/2016 | FRANCE | N°13/00490

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 06 avril 2016, 13/00490


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 06 Avril 2016



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00490



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 12/02160





APPELANTE

SAS JEAN SALMON

N° SIRET : 368 800 553 00118

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me I

sabelle COUDRAY BLANCHET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB 148





INTIME

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 1] 1971 au MALI

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

com...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 06 Avril 2016

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00490

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 12/02160

APPELANTE

SAS JEAN SALMON

N° SIRET : 368 800 553 00118

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Isabelle COUDRAY BLANCHET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB 148

INTIME

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 1] 1971 au MALI

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

comparant en personne

assisté de Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB103

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [X] [N] a été engagé par la société Jean Salmon par contrat à durée déterminée du 12 juillet 2010 arrivant à échéance le 26 novembre 2010, en qualité de peintre.

Par courrier du 26 novembre 2010, le contrat de travail a été prolongé jusqu'au 23 décembre 2010.

Le 5 janvier 2011, Monsieur [N] a signé un nouveau contrat à durée déterminée s'achevant au 30 novembre 2011.

Le 1er décembre 2011, Monsieur [N] a été engagé par contrat à durée indéterminée.

Par courrier daté du 13 mars 2012, Monsieur [N] a été informé que son contrat de travail prendrait fin au 13 avril 2012.

Le 12 avril 2012, la société Jean Salmon et Monsieur [N] ont signé une transaction dans laquelle le salarié renonce à toute action en lien avec l'exécution ou la cessation du contrat de travail en contrepartie du versement de la somme de 3.150 euros.

Contestant la validité de cette transaction et les conditions de son licenciement, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 18 décembre 2012, a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 12 juillet 2010 en contrat de travail à durée indéterminée et condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 888,50 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés afférents,

- 1.777 euros à titre d'indemnité de préavis de l'année 2012, outre les congés afférents,

- 1.777 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,

- 1.777 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Jean Salmon a régulièrement interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes. Subsidiairement, elle propose que la somme de 3.150 euros réglée au titre de l'accord transactionnel vienne en déduction des sommes qui seraient allouées au salarié.

Elle sollicite également la somme de 2.000 euros au titre des frais de procédure.

Monsieur [N] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat de travail du 13 juillet 2010 en contrat de travail à durée indéterminée. Il sollicite la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes :

- 1.431,87 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 888,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En ce qui concerne le contrat du 6 janvier 2011, Monsieur [N] demande à la cour de requalifier ce contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de lui allouer les sommes suivantes :

- 1.777 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 1.777 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 1.777 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts rupture abusive,

- 2.000 euros au titre des frais de procédure.

Monsieur [N] sollicite en outre la remise des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir ainsi que la capitalisation des intérêts échus.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la validité de la transaction

Monsieur [N] fait valoir que la correspondance du 12 avril 2012 ne peut être qualifiée de transaction. En effet, il indique que ce document lui a été soumis alors que son employeur tentait dans le même temps de lui imposer une activité professionnelle en grand déplacement.

Il ajoute qu'une transaction ne peut être établie qu'une fois la rupture du contrat de travail intervenue de manière définitive. La lettre de licenciement ayant été remise le 13 mars 2012, compte tenu du délai de préavis d'un mois, le contrat de travail n'était pas encore rompu le 12 avril 2012.

Il ajoute qu'à la date de la transaction, les comptes n'étaient pas soldés entre les parties, le salaire pour le mois d'avril 2012 et les documents de fins de contrats ne lui ayant pas encore été remis. Il s'interroge également sur la nature des concessions réciproques.

Monsieur [N] estime enfin que son consentement n'était pas libre et éclairé au regard des circonstances de la signature du document, et ce d'autant plus qu'il n'est pas lettré et qu'aucun délai de réflexion ne lui a été accordé.

La société Jean Salmon fait valoir que la signature de la transaction est bien intervenue alors que le contrat de travail avait pris fin, le licenciement ayant été notifié au salarié par courrier remis en main propre le 13 mars 2012. Il n'est ensuite pas contesté que le salarié a effectivement perçu la somme de 3.150 euros, dès lors la transaction a autorité de chose jugée en dernier ressort.

En vertu des articles L1232-6 du code du travail et de l'article 2044 du code civil, la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut être valablement conclue par le salarié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la notification de son licenciement. La transaction doit donc intervenir postérieurement à la notification du licenciement. En revanche, les parties n'ont pas l'obligation d'attendre la fin du préavis pour la conclure.

En l'espèce il n'est pas contesté que le licenciement a été notifié au salarié par courrier du 13 mars 2012, dès lors, les parties pouvaient valablement conclure une transaction postérieurement à cette date.

L'accord transactionnel signé par les parties prévoit :

« Il a été proposé à Monsieur [N] [X] un chantier en grand déplacement, ce qu'il refuse. Après en avoir longuement discuté, les deux parties se déclarent désireuses de terminer à l'amiable le différend qui les divise au sujet de la rupture du contrat de travail conclu entre eux le 6 janvier 2011 et résilié par voie de licenciement le 12/04/2012.

Les parties ont donc décidé de se faire des concessions réciproques et se sont mises d'accord, ont convenu conformément aux articles 2044 et suivants du code civil de ce qui suit :

Monsieur [N] [X] s'oblige à quitter l'entreprise à la date du 12/04/2012.

De son côté, la SAS Salmon s'engage à lui verser une indemnité de 3.150 euros, réglant définitivement tous les comptes, sans exception ni réserve pouvant exister entre les parties.

Sous réserve de l'exécution intégrale de la présente convention, les parties soussignées renoncent irrévocablement à tous autres droits, ou actions ou indemnités de quelque nature que ce soit, qui résulteraient de l'exécution ou de la cessation du contrat de travail de Monsieur [N] [X] et considèrent conformément à l'article 2052 du code civil que le présent accord aura, autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Sous réserve de l'application des engagements ci-dessous exprimés, la présente transaction règle de façon définitive et irrévocable le litige intervenu entre les parties. »

Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, en se consentant des concessions réciproques.

Il convient donc de rechercher, à partir des faits mentionnés par les parties, s'il y a effectivement concessions réciproques conformément à l'article 2044 du Code civil.

Aux termes de la transaction signée par les parties, Monsieur [N] renonce « irrévocablement à tous autres droits, ou actions ou indemnités de quelque nature que ce soit, qui résulteraient de l'exécution ou de la cessation du contrat de travail ».

En contrepartie, la société Jean Salmon verse une indemnité transactionnelle de 3.150 euros comprenant les indemnités de rupture.

L'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte. Il en résulte qu'afin de vérifier la validité d'une transaction réglant les conséquences d'un licenciement, la cour, bien que n'ayant pas à se prononcer sur la réalité et le sérieux du ou des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, doit, pour apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si celle de l'employeur n'est pas dérisoire, vérifier que la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales. Le juge peut également se fonder sur les faits invoqués au moment de la signature de l'acte, indépendamment de la qualification juridique qui leur a été donnée.

Les concessions consenties doivent constituer un sacrifice réel et chiffrable.

En application de l'article L. 1232-6 du même code, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement.

Le motif invoqué dans la lettre de licenciement est une « fin de chantier », ce qui ne caractérise pas une cause réelle et sérieuse telle qu'exigée par loi.

Dans le cadre de la transaction, l'indemnité versée par l'employeur d'un montant de 3.150 euros correspond à un peu plus de deux mois de salaire.

En conséquence, l'indemnité versée ne correspond pas à une concession effective de la part de l'employeur.

La cour annule donc l'accord transactionnel pour absence de concessions réciproques.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

A titre surabondant, il convient de rappeler que la transaction n'est valable que si les parties y ont consenti de manière libre et éclairée. Pour garantir le consentement libre et éclairé du salarié, il convient de lui ménager un délai de réflexion. Or en l'espèce, l'accord transactionnel a été proposé le 12 avril 2012 à Monsieur [X] qui a du le signer le jour même, ne lui permettant pas ainsi de prendre conseil ni de prendre la mesure de la portée de la transaction.

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Selon l'article L1242-1 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°) et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°).

Aux termes de l'article L1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée. Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion.

Selon l'article L.1245-1 du Code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Sur le contrat à durée déterminée du 12 juillet 2010

Monsieur [N] sollicite la requalification de son contrat de travail, estimant que l'employeur ne justifie pas de la réalité du surcroît d'activité.

Il ajoute que l'avenant du 26 novembre 2010 ayant prolongé son contrat de travail ne comporte aucun élément nécessaire, notamment en ce qui concerne le motif du renouvellement.

La société Jean Salmon fait valoir que le contrat de travail a été signé en raison d'un surcroît d'activité. Elle indique avoir connu une importante augmentation de son activité à partir du mois de juillet jusqu'au mois de décembre et avoir dû pallier aux absences pour congés payés et à l'absentéisme.

Il ressort des pièces comptables versées au dossier, dont aucun élément ne permet de mettre en doute l'exactitude, que la société Jean Salmon a effectivement connu une augmentation de son activité à compter du mois de mars 2010 qui s'est traduite par une augmentation de son chiffre d'affaires mais également du nombre d'heures de travail facturées aux clients.

Par ailleurs, s'agissant du renouvellement du contrat de travail à durée déterminée, il convient de rappeler que si l'existence d'un avenant écrit est nécessaire, l'employeur n'a en revanche pas à inscrire dans l'avenant de renouvellement le motif du renouvellement. Il convient toutefois d'apprécier le motif du recours au contrat à durée déterminée également à la date du renouvellement.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats qu'en novembre 2010, le chiffre d'affaires de la société mais également le volume d'heure de travail facturée restait important et supérieur au volume d'activité du premier trimestre de l'année 2010.

Dès lors le contrat de travail à durée déterminée conclu le 12 juillet 2010 et renouvelé le 26 novembre 2010 est justifié, il convient par conséquent de rejeter la demande de requalification formée par le salarié.

Sur le contrat à durée déterminée du 5 janvier 2011

Aux termes de l'article L1244-1 du code du travail, l'employeur peut conclure des contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu en remplacement d'un salarié absent.

En l'espèce, le second contrat étant motivé par le remplacement d'un salarié, ce dont la société Jean Salmon justifie par la production des arrêts de travail de Monsieur [K] en arrêt maladie, et non plus pour un surcroît d'activité, la société Jean Salmon pouvait dès lors conclure deux contrats à durée déterminée successifs avec Monsieur [N].

L'article L1244-3 du code du travail prévoit qu'à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat, renouvellement inclus.

C'est en vain que Monsieur [N] fait valoir que les dispositions de l'article L1244-3 du code du travail lui étaient applicables. En effet, le second contrat de travail à durée déterminée conclu le 5 janvier 2011 avait pour objet de pourvoir au remplacement d'un salarié permanent de l'entreprise, dès lors ce remplacement ne s'effectuait nullement sur le poste de travail dont la création et l'existence étaient la conséquence d'un surcroît d'activité et avait justifié la conclusion du premier contrat de travail.

Dès lors, le délai de 12 jours entre les deux contrats est suffisant compte tenu de l'ancienneté de Monsieur [N] dans l'entreprise. Sa demande de requalification sur ce motif sera par conséquent rejetée ainsi que ses demandes d'indemnité subséquentes. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Lors de notre entretien, qui s'est déroulé le vendredi 9 mars 2012 dans nos bureaux de [Localité 1], nous vous avons indiqué les motifs qui motivaient notre décision de rompre votre contrat de travail de travail et avons recueilli vos observations.

Après réflexion, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants : fin de chantier. »

La société Jean Salmon fait valoir qu'elle a rencontré d'importantes difficultés économiques dès l'année 2011. Or compte tenu du refus de Monsieur [N] de travailler en grands déplacements elle n'a eu d'autre choix que de le licencier

Aux termes de l'article L.1236-8 du code du travail, le licenciement qui, à la fin d'un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession, n'est pas soumis aux dispositions relatives au licenciement pour motif économique. Sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail, ce licenciement est soumis aux dispositions relatives au licenciement pour motif personnel.

Toutefois, la validité du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d'un chantier est subordonnée à l'existence, dans le contrat de travail ou la lettre d'embauche, d'une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er décembre 2011 ne précise pas que l'embauche de Monsieur [N] est liée à l'exécution d'un chantier déterminé. L'article L1236-8 du code du travail n'a donc pas lieu à s'appliquer. Dès lors, Monsieur [N] ayant été licencié pour un motif personnel tel que cela résulte de l'attestation pôle emploi, le motif économique de la fin de chantier, ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par ailleurs, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la société Jean Salmon ne peut arguer d'un refus de Monsieur [N] de travailler en grands déplacements pour justifier son licenciement, ce motif n'ayant pas été invoqué dans la lettre du 1er mars 2012.

Dès lors, il y a lieu de considérer que le licenciement de Monsieur [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera confirmé.

Sur les conséquences financières du licenciement

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

En l'espèce le licenciement a été notifié au salarié le 12 mars 2012, compte tenu de l'ancienneté du salarié, le délai de préavis était de un mois. Il ressort des pièces versées aux débats et notamment du bulletin de salaire du mois d'avril 2012 et de la copie du chèque remis à Monsieur [N], que ce dernier a bien effectué son préavis d'un mois. Sa demande à ce titre sera par conséquent rejetée et le jugement déféré infirmé.

A la date du licenciement, Monsieur [N] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1.477,45 euros, avait 41 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 20 mois au sein de l'entreprise.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du Code du travail, une somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour non respect de la procédure

Monsieur [N] fait valoir que l'employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement en ne lui adressant pas de convocation à un entretien préalable mentionnant la possibilité de se faire assister par un membre du personnel.

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L1235-2 et L1235-5 du Code du travail avec celles de l'article L1235-3 du code du travail que, lorsque le licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié peut obtenir, en plus des dommages-intérêts pour licenciement abusif, une indemnité distincte pour irrégularité de la procédure, en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller.

Dès lors, il sera accordé à Monsieur [N] une somme de 800 € à ce titre.

Sur la remise des documents sociaux

Eu égard aux précédents développements, la demande relative à la remise sous astreinte d'un certificat de travail, de bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi est sans objet et sera donc rejetée.

Sur les frais de procédure

L'équité commande de condamner la société Jean Salmon à verser à Monsieur [N] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Comme elle succombe dans la présente instance, la société Jean Salmon sera déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la transaction conclue entre les parties était nulle, que le licenciement de Monsieur [N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Jean Salmon à verser à Monsieur [N] la somme 800 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière et la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit qu'il convient de soustraire la somme de 3.150 euros que Monsieur [N] a perçue au titre de l'indemnité transactionnelle,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation demandée est de droit dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Jean Salmon aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/00490
Date de la décision : 06/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/00490 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-06;13.00490 ?
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