RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 30 Mars 2016
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05355
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 mars 2015 par le conseil de prud'hommes d'AUXERRE - section industrie - RG n° 13/00109
APPELANTE
SAS EXIDE TECHNOLOGIES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 682 030 895
représentée par Me Lionel VUIDARD, avocat au barreau de PARIS, J030
INTIMES
SA SODIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 428 761 886
représentée par Me Léopold FARQUE, avocat au barreau de PARIS, R073
Monsieur [B] [M]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Jean-christophe YAECHE, avocat au barreau de PARIS, C0237
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président, et Madame Christine LETHIEC, conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [M] a été engagé par la société EXIDE TECHNOLOGIES SAS (ci-après EXIDE) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 18 juin 2001, en qualité de Agent de fabrication au coefficient 155-niveau I-échelon 3.
La société EXIDE, qui emploie plus de 10 salariés, est assujettie à la convention collective de la métallurgie de l'Yonne.
Le poste occupé par le salarié a été supprimé dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (ci-après PSE) mis en place par EXIDE courant juillet 2009.
Par contrat d'intervention conclu en date du 27 juillet 2009, EXIDE et la société SODIE (ci-après SODIE) ont convenu que SODIE assurerait les prestations d'accompagnement des salariés éventuellement licenciés par EXIDE.
M. [M] a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique lui ayant été notifié par lettre du 15 octobre 2009 et, dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, il percevait une rémunération en moyenne de 2 114 euros bruts mensuels.
M. [M] a bénéficié d'un congé de reclassement.
Considérant que le PSE n'avait pas été respecté par l'employeur, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre du litige l'opposant à la société EXIDE, par déclaration au greffe du 24 avril 2013.
Considérant que les mesures d'accompagnement prévues par le PSE étaient de la responsabilité de la société SODIE, EXIDE a fait assigner SODIE en intervention forcée dans l'instance, par assignation du 31 mai 2013 signifiée à personne morale.
Par jugement du 17 mars 2015, le conseil de prud'hommes d'Auxerre, en formation de départage, a :
' déclaré recevable comme non-prescrite l'action intentée par M. [M] à l'encontre de la société EXIDE,
' déclaré nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 31 mai 2013 par la société EXIDE à la société SODIE,
' dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exception d'incompétence soulevée par la société SODIE,
' condamné la société EXIDE à payer à M. [M] la somme de 12184,80 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect à son égard du plan de sauvegarde de l'emploi,
' condamné la société EXIDE à payer à M. [M] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la société EXIDE à payer à la société SODIE la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la société EXIDE aux dépens,
' ordonné l'exécution provisoire du jugement,
' débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour le 27 mai 2015, la société EXIDE a fait appel de cette décision.
A l'audience du 13 janvier 2016, les parties représentées ou assistées ont été entendues en leurs observations, reprenant leurs écritures visées par le greffier.
La société EXIDE demande à la cour :
' d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auxerre du 17 mars 2015 en toutes ses dispositions,
' statuant à nouveau, de débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,
'en tout état de cause, de :
- dire l'arrêt à intervenir opposable à la société SODIE,
- condamner M. [M] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société SODIE à lui régler la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [M] demande à la cour de :
' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société EXIDE sur le principe à lui payer des dommages-intérêts pour non respect du plan de sauvegarde de l'emploi
' l'infirmer sur le quantum en condamnant la société EXIDE à lui régler la somme indemnitaire à ce titre de 24371,28 euros
' condamner la société EXIDE à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La société SODIE demande à la cour :
.A titre principal,
In limine litis,
' de dire et juger nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 31 mai 2013 par la société EXIDE
' de se déclarer incompétente et renvoyer la société EXIDE à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Paris
.A titre surabondant,
' de dire et juger inopposable l'assignation lui ayant été délivrée le 31 mai 2013 par la société EXIDE en ce qu'elle n'a pas respecté les règles de saisine de la juridiction prud'homale
' en conséquence, de débouter la société EXIDE de l'ensemble de ses demandes à son encontre
.A titre infiniment subsidiaire,
' de débouter M. [M] de ses demandes relatives au non-respect allégué des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi dont il a fait l'objet
' En tout état de cause,
- de débouter la société EXIDE de l'ensemble de ses demandes vis-à-vis d'elle,
- de la mettre hors de cause
- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a alloué à M. [M] une indemnisation
- de condamner la société EXIDE à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société EXIDE aux entiers dépens de l'instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur la mise dans la cause de la société SODIE
1. Sur les modalités de mise en cause de SODIE par EXIDE
Sur la nullité de l'assignation pour défaut de pouvoir
La société SODIE soutient que l'assignation délivrée par EXIDE est affectée par une irrégularité de fond pour défaut de pouvoir, et qu'elle est donc nulle. En effet, EXIDE est représentée par son directeur général, alors que l'article L.227-6 du code de commerce dispose qu'en l'absence d'autre stipulation des statuts déposés au greffe du tribunal de commerce, une société par actions simplifiée ne peut être représentée que par son président.
La société EXIDE soutient que le directeur général de la société disposait d'une délégation de pouvoir et de représentation de la part du président. De plus, la demande d'intervention forcée pourrait être régularisée en tout état de cause, ce qui aurait été fait par la convocation régulière de SODIE par le greffe du conseil de prud'hommes puis de la cour d'appel.
La société SODIE répond que la délégation de pouvoir ne saurait couvrir la nullité de fond qui entache l'acte introductif d'instance de manière définitive.
*
En vertu de l'article L.227-6 du code de commerce concernant les sociétés par actions simplifiées, 'la société est représentée à l'égard des tiers par [son] président'. Toutefois, 'les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier'.
Dans ce cas, ces dirigeants doivent être mentionnés au registre du commerce.
A défaut de mention dans les statuts déposés au greffe du tribunal de commerce, il est jugé que le directeur général n'a pas le pouvoir de représenter la société.
En l'espèce, l'assignation délivrée par EXIDE fait mention de la société 'agissant poursuites et diligences de Madame [Q] [E], Directeur Général', et non pas du président de la société.
Or, les statuts d'EXIDE ne prévoient pas que le directeur général puisse exercer les pouvoirs confiés au président de la société.
Par conséquent, l'assignation est entachée d'un défaut de pouvoir.
*
En vertu de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.
L'article 121 du code de procédure civile dispose que 'dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue'.
Le défaut de pouvoir est une irrégularité de fond susceptible d'être régularisée jusqu'au moment où le juge statue, soit avant la clôture des débats.
Il est admis, lorsque l'irrégularité de fond entache un acte accompli au cours de la première instance, que la régularisation peut intervenir en cause d'appel.
En l'espèce, la production par EXIDE, avant la clôture des débats, d'une délégation de pouvoirs et de représentation de la part du président de la société au profit de son directeur général, ainsi que la convocation régulière de la société SODIE tant par le conseil de prud'hommes que par la cour, sont de nature à régulariser le défaut de pouvoir entachant l'assignation contestée.
En conséquence, il n'y a pas lieu de considérer l'assignation délivrée à SODIE comme nulle sur le fondement du défaut de pouvoir, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la validité procédurale de la demande formée par voie d'assignation
La société SODIE soutient qu'en application des articles 68 du code de procédure civile, R.1452-1 et R.1452-2 du code du travail, toute action devant le conseil de prud'hommes doit être faite par voie de demande formée au greffe. EXIDE ayant directement assigné SODIE, le présent arrêt ne saurait être opposable à cette dernière. D'autant qu'EXIDE lui a fait délivrer une seule assignation pour 46 instances distinctes.
La société EXIDE répond que SODIE a été régulièrement convoquée par le greffe du conseil de prud'hommes puis de la cour d'appel.
*
En vertu de l'article 68 du code de procédure civile, les demandes incidentes sont faites à l'encontre des tiers 'dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance'.
En l'espèce, la demande de la société EXIDE s'analyse en une intervention forcée, considérée comme étant une demande incidente au sens du texte précité.
Elle devait donc être faite dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance devant le conseil de prud'hommes.
L'article R.1452-1 du code du travail dispose que 'le conseil de prud'hommes est saisi soit par une demande, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation'.
L'article R.1452-2 du même code précise que 'la demande est formée au greffe du conseil de prud'hommes'.
L'assignation est un mode d'introduction d'instance prohibé pour formuler une demande devant le conseil de prud'hommes qui est soumis à des règles de saisine particulières.
En effet, en vertu de l'article R.1452-3 du code du travail, c'est au greffe d'informer le demandeur des jour et heure de la séance de conciliation à laquelle l'affaire sera appelée.
En l'espèce, la demande a été introduite par assignation et non par demande au greffe.
Les formes de saisine du conseil de prud'hommes n'ayant pas été respectées, la demande de première instance est irrégulière.
*
Il n'existe aucune disposition légale traitant expressément des sanctions applicables en cas de méconnaissance des formes requises pour l'introduction de la demande en justice.
Cependant, lorsque l'acte, duquel procède la demande en justice, revêt une forme différente de celle exigée pour la saisine de la juridiction concernée, il convient de considérer qu'il y a omission ou absence d'acte introductif d'instance, de sorte qu'en pareille hypothèse la demande doit être sanctionnée par une irrecevabilité, rendant inapplicables les dispositions des articles 112 et suivants du code de procédure civile sur la nullité des actes pour vice de forme.
En l'espèce, la demande d'EXIDE contre SODIE a été faite par voie d'assignation délivrée par huissier, alors que les formes requises devant le conseil de prud'hommes sont la demande formée au greffe ou la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation.
*
La demande par assignation revêtant une forme différente de celle exigée par les textes propres à la juridiction prud'homale, après infirmation du jugement critiqué, il convient en conséquence de la déclarer irrecevable.
2. Sur l'incompétence de la juridiction prud'homale et sur l'intérêt de la société EXIDE à attraire SODIE dans la cause
Dès lors que l'assignation délivrée par EXIDE à SODIE est entachée d'une irrecevabilité qui la vicie, il n'y a pas lieu à examiner les questions subsidiaires de la compétence d'attribution de la juridiction prud'homale et de l'intérêt à agir de la société EXIDE contre SODIE, lesquelles sont devenues sans objet.
Sur le respect par la société EXIDE de ses obligations au titre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
1. Sur le suivi et l'accompagnement de M. [S]
M. [M] soutient qu'il devait bénéficier d'un suivi personnalisé individuel avec une conseillère tout au long de son congé de reclassement, mais qu'il n'a suivi que des ateliers et jamais d'entretien individuel. Il invoque le fait que malgré l'engagement de la cellule de reclassement à proposer 2 offres valables de reclassement (OVR) / offres valables d'emploi (OVE), aucune offre ne lui a jamais été proposée. Il soutient que EXIDE n'a jamais pris la peine de vérifier que la cellule de reclassement avait bien rempli ses obligations, ce qui constitue une négligence fautive.
La société EXIDE soutient que l'obligation de reclassement externe par l'employeur est une obligation de moyens et non de résultat. Elle indique que le reclassement externe n'est pas une obligation légale pour l'employeur si ce dernier est en mesure de proposer un reclassement interne. EXIDE invoque le fait que le PSE prévoie un suivi des salariés individuel ou collectif et que M. [M] a reçu une formation longue qualifiante.
2. Sur l'obligation légale de proposer un reclassement externe aux salariés ayant refusé leur reclassement interne
Le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par EXIDE précise en page 20 que 'la priorité sera donnée au reclassement externe'. Le PSE indique encore en page 43 que 'les salariés qui n'auront pu être reclassés en interne, bénéficieront d'un accompagnement au reclassement externe'.
Toutefois, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit en page 43 que 'l'entreprise proposera à tout salarié ne pouvant ou ne voulant pas bénéficier d'un reclassement interne plusieurs types de mesures d'accompagnement externe'.
En l'espèce, M. [M] s'est vu proposer en date du 14 septembre 2009 un reclassement interne sur un emploi de pickeur PL ou GMS, offre qu'il a refusée sans plus d'explication.
Au regard des engagements pris dans le cadre du PSE, EXIDE était tenue de proposer à M. [M] les mesures de reclassement externe, malgré le refus par le salarié du reclassement interne qui lui était proposé.
Par conséquent, l'employeur était bien tenu à une obligation de reclassement externe.
Sur l'engagement de suivi personnalisé des salariés
Le plan de sauvegarde de l'emploi précise en page 44 :
'Modalités des mesures d'accompagnement :le Cabinet aura pour tâche, pendant toute la durée de fonctionnement de l'antenne Emploi, de réaliser toutes les actions de nature à faciliter le reclassement externe des salariés, à travers un suivi personnalisé individuel et/ou collectif de chaque salarié'.
L'engagement de la cellule de reclassement porte donc sur un suivi qui peut être collectif.
En l'espèce, s'il soutient qu'il n'a pas fait l'objet d'un suivi individuel, M. [M] confirme qu'il a participé à des ateliers collectifs.
Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats que le salarié a bénéficié de 15 commissions paritaires de suivi entre septembre 2009 et février 2011, à l'occasion desquelles aucun grief n'a été formulé à l'encontre de SODIE.
Il résulte également des pièces versées aux débats qu'EXIDE a été à l'initiative d'une réunion de commission de suivi du PSE en date du 20 avril 2011, en présence de représentants de la société SODIE mais aussi d'organismes de formation professionnelle et de Pôle Emploi.
Par conséquent, le suivi régulier du salarié a été effectivement mené.
Sur l'engagement de proposer une solution identifiée
Le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par EXIDE définit en page 47 la notion de 'Solution identifiée' :
'On entend par Solution Identifiée, après validation par la Commission de suivi :
- tout salarié en emploi,
- tout créateur de son propre emploi (confirmé comme apte à conduire un tel projet),
- tout salarié qui, pour des raisons personnelles, opte pour une solution différente d'un repositionnement professionnel (projet personnel),
- formation de longue durée / reconversion.'
Le PSE rappelle encore en page 133 que les 'solutions identifiées validées' sont :
'Une solution personnelle identifiée :
- OVR : CDI, CDD ou CTT débouchant sur un CDI - CDD/CTT de 6 mois mini
- Création ou reprise d'entreprise
- Formation longue qualifiante + de 300 heures
- Projet personnel de vie'.
L'article 4 du contrat d'intervention conclu entre EXIDE et SODIE en date du 27 juillet 2009 définit encore la prestation de solution identifiée de la manière suivante :
'Solution identifiée : CDI, CDD ou intérim de plus de 6 mois débouchant sur un CDI, création d'entreprise, formation longue qualifiante, refus 2 OVR, projet de vie validé et signé'.
En l'espèce, M. [M] a bénéficié d'une formation longue qualifiante de mécanicien automobile du 8 mars 2009 au 30 juillet 2010 pour un volume de 1 261 heures de formation.
Cette formation longue qualifiante fait partie de la palette de propositions incluses dans l'offre d'une 'solution identifiée' telle que définie dans le plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que dans le contrat d'intervention susvisés.
Par conséquent, M. [M] s'est bien vu proposer une 'solution identifiée'.
Sur l'engagement de proposer deux OVE/OVR
Il est jugé que l'obligation de proposer des offres valables d'emplois à chaque salarié engageait l'employeur, peu important qu'il ait sollicité le concours d'un organisme extérieur.
Par ailleurs, si l'engagement d'un employeur à proposer des offres valables d'emploi s'analyse en une obligation de moyens, l'employeur s'engage à une obligation de résultat lorsqu'il garantit la présentation de propositions d'offres valables de reclassement.
En l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi en page 133 indique que 'la cellule de reclassement s'engage à proposer 2 OVR Offre valable de reclassement suivant l'engagement dans le parcours emploi salarié externe'.
Le PSE précise encore que le 'niveau d'engagement' correspond à '2 OVR [offres valables de reclassement]', et en donne la définition suivante en page 134 :
'C'est une proposition d'un contrat d'embauche pour un emploi :
- de type CDI
- de type CDD ou d'intérim supérieurs à 6 mois pouvant déboucher sur un CDI
- correspondant au métier, aux compétences, aux aptitudes ou à l'objectif professionnel du candidat tel que défini dans son CPA [...].'
En revanche, le PSE ne comporte aucune mention expresse portant sur un engagement de la cellule de reclassement qui viserait à proposer deux offres valables d'emploi à chaque salarié.
Ainsi, en vertu du PSE, la société SODIE s'est engagée à proposer aux salariés deux offres valables de reclassement, contractant ainsi une obligation de résultat.
En l'espèce, M. [M] n'a reçu aucune offre valable de reclassement, ce qui n'est pas contesté par EXIDE ni SODIE qui se contentent d'affirmer qu'elles n'ont jamais pris cet engagement.
Par conséquent, la mesure du PSE, qui consistait à proposer deux offres valables de reclassement (OVR) aux salariés, engageait EXIDE dans le cadre plus général du contrat d'intervention conclu avec SODIE, engagement qui n'a pas été respecté.
3. Sur la conformité du PSE aux obligations légales en matière de reclassement
Le conseil de prud'hommes d'Auxerre a considéré, pour apprécier l'étendue des obligations de l'employeur, que les mesures d'accompagnement prises dans le cadre du PSE n'étaient pas suffisantes, car elles ne comportaient pas de 'proposition ferme de reclassement, ce qui constitue pourtant le minimum légal en matière de licenciement pour motif économique'.
La société EXIDE soutient qu'aucun texte légal n'impose à l'employeur de formuler une proposition ferme dans le cadre du reclassement externe et qu'il appartient aux parties dans le cadre de la négociation du PSE de définir les actions favorisant le reclassement externe. Enfin, EXIDE fait valoir qu'elle a financé des actions de formation et contribué à la revitalisation du bassin d'emploi.
*
Les articles L.1233-61 à L.1233-91 du code du travail relatifs aux obligations de l'employeur en matière de reclassement dans le cadre d'un licenciement pour motif économique ne prévoient pas de minimum 'légal' à respecter ni d'obligation pour l'employeur de procéder à des 'propositions fermes'.
En revanche, l'article L.1233-62 du code du travail dispose :
'Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que :
1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;
2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;
3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;
4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;
6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée.'
Ainsi, le reclassement externe peut être réalisé notamment au moyen d'actions de formation et de soutien à la réactivation du bassin d'emploi.
En l'espèce, il est démontré que la société EXIDE a financé les formations longues des salariés dans le cadre de leur reclassement. Par ailleurs, la société EXIDE, à l'origine de la suppression de 312 emplois, démontre que 304 postes ont été recréés au sein du bassin d'emploi.
*
Par conséquent, il n'est pas possible d'imposer à l'employeur une obligation de 'propositions fermes' prévues ni par la loi ni par le PSE dûment négocié avec les institutions représentatives du personnel.
4. Sur le respect de ses obligations par M. [M]
La société EXIDE soutient qu'une charte d'engagements réciproques mettait à la charge de M. [M] des obligations qu'il n'a pas respectées. En effet, M. [M] ne se serait pas impliqué dans sa recherche d'emploi et n'aurait pas tenu SODIE informée de ses démarches personnelles, inexistantes.
M. [M] soutient qu'il a suivi les formations et stages proposés par SODIE et que l'échec du congé de reclassement ne lui est pas imputable mais au manque de suivi de la société EXIDE.
*
Le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par EXIDE prévoit en page 40 que 'durant le congé de reclassement, le salarié s'engag[e] à [...] mener personnellement une démarche active de recherche d'emploi'.
Le plan prévoit également en page 47 que 'l'objectif est que chaque partie en présence (Antenne Emploi, salarié) s'emploie à rechercher une Solution identifiée'. Il indique encore:
'On entend par salarié pris en charge et actif, un salarié qui :
- [...] fait de sa recherche d'emploi une priorité [...],
- a adhéré à la charte d'engagements réciproques et en a respecté les termes,
- [...] a mené personnellement une démarche active de recherche d'emploi et informé régulièrement l'Antenne Emploi des démarches entreprises et des résultats obtenus [...],
Ces conditions sont cumulatives.'
Le plan précise encore en page 133 que 'l'engagement de la cellule concerne les candidats actifs'.
Le PSE conditionne ainsi le bénéfice de ses dispositions relatives au reclassement au respect des engagements souscrits par le salarié.
La charte d'engagement dans le cadre du congé de reclassement conclue entre EXIDE et M. [M] en date du 29 octobre 2009, stipule encore que le salarié s'engage à :
'Mener personnellement une démarche active de recherche d'emploi en liaison avec l'Antenne Emploi et tenir régulièrement celui-ci informé des résultats' [...] ;
'Tenir l'Antenne Emploi informée de toutes [ses] démarches autonomes de recherche active d'emploi (y compris celles réalisées sans son concours direct) et des résultats obtenus'.
En l'espèce, M. [M], signataire de la charte d'engagements réciproques, ne démontre pas avoir pris part activement à sa recherche d'emploi, ni avoir effectué des démarches autonomes afin de retrouver un emploi.
*
En conséquence, M. [M] n'a pas respecté, pour ce qui le concerne, sa propre obligation de recherche active d'emploi aux côtés des engagements pris à ce titre par la société EXIDE, ce qui sera pris en compte dans l'évaluation de son préjudice.
5. Sur le préjudice de M. [M]
M. [M] invoque un préjudice financier du fait de la perte de chance de retrouver un emploi. Il demande ainsi une somme de 24 371,28 € à titre de dommages et intérêts.
La société EXIDE soutient que le salarié n'apporte pas de preuve du caractère réel et sérieux de la chance perdue de retrouver un emploi. Pour EXIDE, il n'est pas certain que le salarié aurait retrouvé un emploi, dans un bassin d'emploi difficile. Par ailleurs, l'indemnisation doit prendre en compte l'aléa de retrouver ou non un emploi. Une indemnisation de la totalité du gain espéré ou une indemnisation forfaitaire n'est donc pas possible.
*
Il est jugé que le préjudice pour être réparable doit être personnel, direct et certain. Lorsque le préjudice s'analyse en une perte de chance, il convient d'apprécier la réalité et le sérieux de la chance perdue.
La réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle avait été réalisée.
Comme l'a justement rappelé le conseil de prud'hommes, le préjudice de perte d'une chance ne peut être réparé dans la même mesure que la perte effective d'un emploi. La perte de chance de retrouver un nouvel emploi doit donc nécessairement être mise en relation avec l'âge qu'avait le salarié lors de son retour sur le marché de l'emploi ainsi qu'avec son ancienneté dans l'entreprise.
De plus, il ne peut être alloué à la victime d'une perte de chance, une indemnisation forfaitaire.
En vertu des articles 1315 alinéa 1 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe au demandeur de rapporter la preuve des faits de nature à démontrer le bien fondé de ses demandes.
En l'espèce, M. [M] ne démontre pas qu'il aurait eu, de manière certaine, une chance réelle de retrouver un emploi adapté à ses qualifications, compte tenu des difficultés, de son ancienneté et de son niveau de qualification.
*
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société EXIDE à payer à M. [M] la somme indemnitaire de 12 184,80 euros pour non respect à son égard du PSE du 21 juillet 2009.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société EXIDE sera condamnée en équité à verser à M. [M] et à la société SODIE, chacun, la somme complémentaire de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME la décision déférée seulement en ce qu'elle a jugé nulle et de nul effet l'assignation délivrée par exploit d'huissier le 31 mai 2013 à l'initiative de la SAS EXIDE TECHNOLOGIES contre la SA SODIE ;
STATUANT à nouveau de ce chef, la juge irrecevable et, par voie de conséquence, prononce la mise hors de cause de la SA SODIE ;
CONSTATE que le PSE a été respecté par l'employeur en ce qui concerne le suivi du salarié et la proposition d'une solution identifiée ;
CONSTATE en revanche que le PSE n'a pas été respecté par l'employeur en ce qui concerne la proposition de deux offres valables de reclassement ;
CONSTATE que le salarié n'a pas lui-même respecté son obligation concurrente de recherche active d'emploi qui lui incombait en vertu du PSE et de la charte d'engagements réciproques ;
CONFIRME ainsi le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS EXIDE TECHNOLOGIES à verser à M. [M] la somme de 12 184,80 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du PSE, avec intérêts au taux légal capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du 27 mai 2014 ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS EXIDE TECHNOLOGIES à payer à M. [M] ainsi qu'à la SA SODIE, chacun, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS EXIDE TECHNOLOGIES aux dépens d'appel,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 30 Mars 2016
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08772
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 avril 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° 11/12170
APPELANT
Monsieur [N] [P]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]
comparant en personne, assisté de M. Alan PATON (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEE
SARL BATAVI
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Véronique VIOT, avocat au barreau de PARIS, E1859
PARTIE INTERVENANTE :
UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT DU 15EME ARRONDISSEMENT DE PARIS
[Adresse 6]
[Adresse 5]
représentée par M. Alan PATON (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Madame Anne DUPUY, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A la suite d'une collaboration en tant qu'entrepreneur individuel, M. [N] [P] a été engagé par la SARL Batavi en qualité de polyvalent, niveau III, position 2, coefficient 230 de la convention collective du bâtiment de la région parisienne, suivant contrat à durée indéterminée conclu le 24 novembre 2004 à effet du 24 mai 2004.
En dernier lieu de la relation contractuelle, M. [P] percevait une rémunération horaire brute de 11,80 € de l'heure.
L'entreprise qui emploie plus de dix salariés, suivant l'attestation de Pôle emploi du 1er juillet 2011, est assujettie à la convention collective du bâtiment de la région parisienne.
Par lettre en date du 10 juin 2011, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 juin 2011.
Par lettre du 28 juin 2011, M. [P] a été licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 20 septembre 2011.
Par jugement rendu le 11 avril 2012, le conseil de prud'hommes de Paris, a :
- déclaré le licenciement dont M. [P] a fait l'objet fondé sur une cause réelle et sérieuse
- condamné en conséquence la SARL Batavi à lui verser les sommes de :
' 3.579,42 € à titre d'indemnité légale de préavis
' 3.117,52 € à titre d'indemnité légale de licenciement
' 1.104,03 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire
' 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-ordonné la remise des bulletins de paie et l'attestation d'employeur destinée au Pôle emploi conforme au jugement
- débouté M. [P] du surplus de ses demandes
- débuté la SARL Batavi de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la SARL Batavi aux dépens
M. [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 27 janvier 2016, il demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave
- condamné la SARL Batavi à lui verser une indemnité de licenciement d'un montant de 3.117,52 €, outre un rappel de salaires sur mise à pied d'un montant de 1.104,03 €
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau :
- condamner la SARL Batavi à lui verser:
' une indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied d'un montant de 110,40€
' une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 4.471,35 €
' une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis d'un montant de 447,14 €
' un rappel sur indemnité de frais de transport de 2.641,95 €
' un rappel sur indemnité de trajet de 2.238,39 €
' un rappel sur prime de vacances de 2.441,04 €
- juger que la SARL Batavi l'a licencié sans respecter la procédure et sans cause réelle et sérieuse
en conséquence :
- condamner la SARL Batavi à lui verser :
' des dommages et intérêts pour rupture abusive au titre de l'article L1235-3 du code du travail et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 20.000 €
' une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement d'un montant de 2.235€
' des dommages et intérêts pour rupture vexatoire et préjudice moral à hauteur d'une somme de 10.000 €
' des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail d'un montant de 5.000 €
' des dommages et intérêts pour préjudice financier et discrimination d'un montant de 10.000 €
- condamner la SARL Batavi à lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes, le tout sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte
En tout état de cause :
- ordonner que les sommes qui lui seront attribuées portent intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'homme de Pairs
- confirmer la condamnation de la SARL Batavi à lui verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 300 € pour les frais irrépétibles de première instance
- condamner la SARL Batavi à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel
- confirmer la condamnation de la SARL Batavi aux dépens de première instance
- condamner la SARL Batavi aux entiers dépens d'appel
À l'audience, la SARL Batavi reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour de :
- in limine litis déclarer irrecevable l'action de l'Union Locale des Syndicats CGT devant la cour d'appel,
- à titre subsidiaire, dire l'Union Locale des Syndicats CGT du 15ème arrondissement de Paris non fondée en ses demandes et en conséquence l'en débouter
'A titre principal
- infirmer la jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [P] fondé sur une cause réelle et sérieuse et le confirmer pour le surplus
Statuant à nouveau
- juger le licenciement de M. [P] intervenu pour faute grave
- constater la régularité de la procédure de licenciement
-constater que la situation d'emploi de M. [P] a été exclusive de tout manquement de la part de l'employeur
En conséquence:
- condamner M. [P] à rembourser la SARL BATAVI les sommes suivantes :
' 3.579,42 € au titre de l'indemnité de préavis
' 3.117,52 € au titre de l'indemnité de licenciement
' 1.104,03 € au titre de rappel de salaire sur mise à pieds
- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes présentées au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail
' A titre subsidiaire,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé à 3.117,52 € l'indemnité de licenciement
En conséquence,
- condamner M. [P] au remboursement de la somme de 616,48 €
En toutes hypothèses,
- condamner M. [P] au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'Union Locale des Syndicats CGT de Paris 15eme s'est présentée à l'audience pour faire valoir ses prétentions en sollicitant la condamnation de la SARL Batavi à lui verser d'une part la somme de 3.00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente et d'autre part celle de 700 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'Union Locale des Syndicats CGT de Paris 15eme
Partie devant le conseil de prud'homme de Paris, l'Union Locale des Syndicats CGT de Paris 15eme a été déboutée de ses demandes par jugement du 27 avril 2012. N'ayant pas interjeté appel de la décision déférée, notifiée le 30 avril 2012, ses conclusions devant la cour seront déclarées irrecevables.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
"Monsieur,
En application des dispositions de l'article L.1232-2 du Code du Travail, vous avez été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 22 juin 2011 à 8h00 dans nos locaux situés [Adresse 7].
Lors de cet entretien au cours duquel vous avez été assisté par un conseiller du salarié, nous vous avons exposé les motifs de la mesure envisagée et avons recueilli vos observations.
au regard de vos explications, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.
En ce qui concerne les motifs de licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien du 22 juin 2011 et que nous vous rappelons ci-après,
Vous avez été engagé par la Société BATAVI par contrat de travail en date du 24 mai 2004 en qualité d'employé polyvalent non cadre coefficient 230, niveau 3, position 2 de la convention collective du bâtiment.
Ces dernières semaines, nous avons relevé de votre part, les comportements fautifs suivants:
' La tenue de propos dénigrant compromettant définitivement votre maintien dans une équipe de travail
Tout au long du contrat de travail au sein de la Société BATAVI, vous avez été placé sous la responsabilité de trois chefs de chantier ou d'équipe différents, à savoir Monsieur [C] [R], Monsieur [M] [U] et enfin Monsieur [K] [R].
Ces trois chefs d'équipe se sont tous plaints outre de la des que vous profériez que ce soit à l'encontre de l'organisation de l'entreprise ou des ordres données.
Vous avez notamment laissé entendre que l'organisation de l'entreprise n'était pas cohérente, que vous alliez créer votre propre entreprise et que ce serait bien mieux.
j'ai reçu Monsieur [K] [R] lequel m'a fait part comme Messieurs [C] [R] et [M] [U] de son souhait de ne plus travailler avec vous.
A l'appui de sa requête, Monsieur [R] a fait état des propos violents que vous avez proférés à mon entendre.
Vous avez cru notamment pouvoir me reprocher dans des termes ayant choqué vos compagnons de travail, le fait que je ne vous ai pas attribué une augmentation de salaire à hauteur de vos espérances Cette affaire n'est pas sans rappeler vis-à-vis d'un de vos anciens compagnons de travail, Monsieur [F] [Y], lorsque je vous avais indiqué que je trouvais votre travail de scellement d'une porte sur le chantier de la [Localité 2] de qualité totalement insuffisante.
A la suite de mes reproches vous aviez en effet pris à part Monsieur [F] [Y] en l'accusant d'avoir été à l'origine de mon mécontentement.
De même, vous avez accusé violemment un compagnon d'être à l'origine du courrier recommandé avec accusé de réception que je vous avais adressé le 10 avril 2009 s u i t e au travail déployé sur le chantier situé [Adresse 8].
Pour rappel, ce courrier faisait état de l'exécution défectueuse de votre travail puisque vous aviez réalisé un coffrage en placo d'une largeur de 2 mètres alors que je vous avais indiqué qu'il était nécessaire de laisser 2,01 mètres de libre en dessinant et en précisant de prendre en compte la présence effective d'un tuyau de plomberie déjà réalisé.
Ne pouvant décemment tolérer davantage vos réactions violentes aux décisions parfaitement justifiées prises à votre endroit, vous comprendrez que nous sommes contraints aujourd'hui de prendre les mesures permettant d'assurer à vos collègues la poursuite de leur relation de travail dans une ambiance saine.
' Critiques infondées de l'organisation de la Société semant un trouble objectif et caractérisé au sein de notre PME
Vous ne cessez d'affirmer que l'entreprise est dirigée uniquement par les compagnons portugais qui dicteraient ma conduite au détriment des autres compagnons et de la bonne gouvernance de la Société.
A cet égard, vous vous plaignez que l'entreprise soit systématiquement fermé pendant le mois d'août vous empêchant de prendre vos congés à une autre date et ce, uniquement pour faire plaisir « aux portugais ». ,
Ce faisant, vous ne tenez nullement compte des explications que je vous avais indiquées selon lesquelles la plupart des fabricants de matériel étant fermé au mois d'août, i! était particulièrement difficile pour notre entreprise de travailler à cette période.
Dans le même esprit, vous avez critiqué notre décision pourtant approuvée par tous les autres salariés de l'entreprise, d'adhérer à un comportant des garanties en vue du remboursement amélioré des frais de santé en faveur de l'ensemble du personnel cadre et non cadre et couvrant également la famille de chaque salarié.
Par courrier en date du 2 avril 2009 et lors des échanges subséquents, nous avions pris soin de vous indiquer que nous ne pouvions tolérer plus avant vos critiques concernant le fonctionnement de l'entreprise.
A cette occasion, nous avions souligné en outre, qu'à notre sens, votre attitude infondée ne visait qu'à masquer la réalité de vos manquements professionnels dont nous vous avions également fait le reproche.
Il nous semblait, dans les suites de ces échanges, que vous étiez revenu, et comme nous vous l'avions demandé, à une attitude plus compatible avec l'organisation de notre Société à taille humaine et où étaient de manière pérenne privilégiés la qualité du travail fourni et le dialogue constructif.
Or, votre attitude adoptée en mai 2011 et juin 2011 nous amène à constater qu'il n'en est rien.
En effet, et comme il a été indiqué plus avant, vous avez cru devoir continuer non seulement à critiquer mes compétences organisationnelles et techniques, mais aussi à contester les directives données dans le cadre de l'exécution de votre contrat de travail.
' Insubordination caractérisée et réitérée :
le mardi 7 juin 2011, je vous ai informé que je ne souhaitais pas que vous effectuiez des heures de travail supplémentaires le vendredi 10 juin après midi.
En effet, le travail est exécuté au sein de la Société BATAVI selon l'horaire suivant : du lundi au jeudi de 8h à 17h avec une heure de pause et vendredi de 8 h à 11h.
L'entreprise applique donc un horaire collectif de travail de 35 heures hebdomadaires et certaines heures supplémentaires sont exceptionnellement effectuées et payées selon la nouvelle réglementation dite TEPA.
Et, il apparaît clairement au regard notamment de vos fiches de paie, que vous êtes embauché sur une base de 151,67 mensuelles.
Dans ce contexte, vous n'aviez pas et contrairement à ce que vous avancez, à effectuer de manière systématique des heures supplémentaires le vendredi après midi.
A toutes fins, je vous rappelle qu'en ma qualité de gérant de l'entreprise, titulaire du pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, il m'appartient seul de décider si les salariés peuvent être ou non sollicités pour effectuer des heures supplémentaires
Or précisément, le mardi 7 juin 2011, je vous ai informé que le vendredi 10 juin, je souhaitais que vous arrêtiez votre travail à l'heure convenue, soit llh.
A réception de cette consigne vous avez , le 9 juin 2011 à 12h42 laissé le message suivant sur le répondeur de mon téléphone : « j'ai appris que demain je suis à partir de 11 heures en RTT. Si je n'ai pas un écrit je ne reste pas chez moi, je reste sur mon lieu de travail ».
J'en déduisais alors que vous persistez à opérer une confusion entre les RTT et les heures supplémentaires.
En effet de longue date et de manière parfaitement infondée vous soutenez que lorsque l'activité de l'entreprise est telle que je sollicite des compagnons la réalisation d'heures supplémentaires, ces dernières donnent lieu à RTT.
Or, en réalité il n'en est rien.
Conscient de votre compréhension partielle de ma directive s'agissant des horaires à respecter pour la journée du 10 juin 2011, j'ai pris soin de me présenter ce même jour sur le chantier où vous étiez occupé.
Je vous ai alors confirmé et en présence d'autres salariés, que je ne souhaitais pas que vous fassiez d'heures supplémentaires ce jour et que j'entendais vous voir quitter le chantier à l'horaire fixé à votre contrat de travail, soit llh.
J'ai en outre pris soin de vous expliquer une nouvelle fois, qu'en ma qualité de dirigeant de l'entreprise, il m'appartenait de décider s'il y avait lieu ou non d'effectuer des heures supplémentaires.
Vous m'avez alors répondu, que pour votre sécurité prétextant que vous vouliez être couvert,
Je vous ai alors fait part de ma stupéfaction par rapport à cette demande dans la mesure où
Je vous ai surtout rappelé qu'il n'y avait pas lieu de faire un écrit pour ne pas faire des heures supplémentaires et pour quitter selon l'horaire collectif le chantier.
Vous avez semblé vous ranger à ces arguments en ma présence et m'avez indiqué, que vous partiriez du chantier à l'heure sollicitée, soit à llh.
Je me suis absenté de ce chantier et suis revenu à llh20 sur votre affectation.
J'ai alors constaté que vous aviez ôté vos vêtements de travail. Vous m'avez de nouveau demandé un écrit pour partir. J'ai alors réitéré mon ordre de quitter le chantier en précisant que votre refus pourrait être constitutif d'une faute grave.
Je suis alors parti du chantier. Vers 14h30, à l'occasion d'une conversation téléphonique avec le chef de chantier, j'ai entendu votre voix et lui ai demandé si vous étiez présent et si vous travailliez. Ce à quoi il m'a été répondu qu'en dépit des consignes laissées, vous étiez encore sur le chantier.
Vers 15 h 15 je vous ai alors mis à pied à titre conservatoire et vous ai remis un écrit à cette fin, étant précisé que cette correspondance vous intimait en outre l'ordre de partir du chantier. Vous avez refusé de contresigner ce courrier et vous avez une nouvelle fois refusé d'obéir aux ordres de quitter les lieux.
Je vous ai alors indiqué que j'allais faire intervenir la Police sur le chantier dès lors que vous refusiez en dépit de ma demande réitérée, de mes explications, d'obéir.
J'ai été contraint de solliciter les forces de l'ordre pur vous faire partir du chantier.
Cependant, vous êtes parti à 16 h comme si de rien n'était.
L'ensemble de ces éléments révélant votre mauvais état d'esprit et troublant la bonne marche de notre entreprise nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour votre grave.[...]"
*
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement, que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail entre les parties et nécessite le départ immédiat du salarié de l'entreprise sans indemnités de rupture; l'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
*
Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige trois griefs sont faits à M. [P] qui sont les suivants:
- la tenue de propos dénigrants compromettant définitivement son maintien dans l'équipe de travail
- des critiques infondées de l'organisation de la société semant un trouble objectif et caractérisé au sein de la PME
- une insubordination caractérisé et réitérée
Sur la tenue de propos dénigrants compromettant définitivement son maintien dans l'équipe de travail
L'employeur fournit quatre attestations pour justifier des propos dénigrants qu'il allègue qui compromettraient définitivement le maintien de M. [P] dans l'équipe de travail.
*
Les attestations produites émanant de plusieurs salariés témoignent d'insuffisances professionnelles de M. [P] mais sont insuffisamment précises et circonstanciées pour établir la réalité de propos dénigrants tenus par M. [P] compromettant définitivement son maintien dans l'équipe de travail.
Sur les critiques infondées de l'organisation de la société semant un trouble objectif et caractérisé au sein de la PME
L'employeur produit une attestation non datée de M. [K] [R] relatant les critiques de M. [P] relatives au choix de la société d'imposer des congés au mois d'août, jugé peu pertinent par le salarié et arbitré sous la pression d'une majorité d'employés portugais au sein de l'entreprise.
Cette seule pièce non datée est insuffisante à établir le grief allégué.
L'employeur produit également un courrier faisant état de divergences sur l'interprétation de la politique d'octroi et de calcul des RTT.
Ces revendications de M. [P] en matière de RTT auxquelles l'employeur a précisément répondu ne sont toutefois pas de nature à caractériser une faute du salarié.
Sur l'insubordination caractérisé et réitérée
La SARL Batavi reproche au salarié d'avoir, le 10 juin 2011, refusé de façon réitérée de suivre la consigne de son employeur qui lui avait été rappelée dès le 7 juin 2011, lui demandant de respecter les horaires de travail et de quitter en conséquence le chantier à 11 heures le vendredi, sans effectuer d'heures supplémentaires. La SARL Batavi soutient que le comportement de M. [P] a troublé la bonne marche de l'entreprise, l'employeur ayant été contraint de se rendre sur place en vain, de délivrer au salarié une mise à pied conservatoire puis de solliciter les forces de l'ordre pour faire quitter les lieux à M. [P] qui partira finalement seulement vers 16 heures avant l'arrivée de la police.
Le refus de quitter le chantier le vendredi 10 juin 2011 à l'heure fixée par la SARL Batavi conformément à l'horaire collectif de travail de 35 heures hebdomadaires, n'est pas contesté par M. [P] qui se contente de soutenir que ce fait isolé consistant dans le souhait de finir sa journée de travail du 10 juin 2011 à 16 heures, comme chaque semaine depuis des années, est un fait unique et isolé de peu d'importance qui n'appelait pas une réponse aussi disproportionnée et aurait pu se régler par le non paiement des heures effectuées par le salarié entre 11 et 16 heures.
*
Or, le refus réitéré du salarié de quitter son lieu de travail 10 juin 2011 en respectant les horaires contractuels fixés pour pouvoir faire des heures supplémentaires malgré le refus opposé par son employeur le 7 juin précédent, réitéré sur place le jour même puis s'accompagnant d'une mise à pied conservatoire sans que le salarié ne quitte les lieux immédiatement, constitue un comportement d'insubordination caractérisée et réitérée caractérisant une faute du salarié qui justifie son licenciement.
Sur la faute grave, il n'est toutefois pas démontré que ce comportement, compte tenu de l'ancienneté de plus de sept ans de M. [P] dans la société, rendait impossible la poursuite du contrat de travail t nécessitant son départ immédiat de l'entreprise..
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse, aucun élément ne venant étayer les allégations du salarié soutenant qu'il s'agirait d'un licenciement pour motif économique déguisé.
Sur les conséquences du licenciement
Il résulte de l'attestation Pôle emploi du 1er juillet 2011 qui fait foi que l'entreprise employait à la date du licenciement de M. [P] 11 salariés. Suivant l'attestation Pôle emploi produite et les bulletins de salaires versés, le revenu de référence de M. [P] sera fixé à la somme de 1.765,44 € correspondant à la moyenne des 12 derniers mois d'activité, plus favorable que la moyenne des trois derniers mois.
Sur l'indemnité légale de licenciement
Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.
Il conviendra en conséquence sur la base d'un salaire de référence de 1.765,44 € et d'une ancienneté de 7 ans et un mois, d'infirmer la décision déférée et de condamner la SARL Batavi à verser à M. [P] la somme de 2.501,04 € à titre d'indemnité légale de licenciement.
La présente décision constituant un titre pour les parties sur lequel elles peuvent fonder leur créance, il n'y a pas lieu de condamner M. [P] à rembourser à la SARL Batavi la somme de 616, 48 € correspondant au solde de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes.
Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire
La cour jugeant le licenciement intervenu fondé sur une cause réelle et sérieuse après avoir écarté la faute grave, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Batavi à verser à M. [P] la somme à ce titre de 1.104,03 € dont le montant n'est pas contesté par les parties.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied conservatoire
La SARL Batavi soutient qu'il est d'usage dans le secteur du bâtiment que le paiement de l'indemnité de congés payés afférente à la mise à pied relève de la caisse des congés payés. Elle fait valoir qu'il n'y aurait pas lieu dès lors de la condamner de ce chef.
M. [P] soutient que la charge de la preuve de paiement de sommes ou d'ordres aux caisses permettant d'ouvrir un droit de paiement de salaires repose sur l'employeur.
*
L'article D 3141-12 du code du travail prévoit que dans les entreprises exerçant une ou plusieurs activités entrant dans le champ d'application des conventions collectives nationales étendues du bâtiment et des travaux publics, le service des congés est assuré, sur la base de celles-ci, par des caisses constituées à cet effet.
En cas de manquement de l'employeur à ses obligations légales, le paiement des indemnités de congés payés ne peut être mis à sa charge et le salarié ne peut prétendre vis à vis de l'entreprise qu'à des dommages et intérêts en raison du préjudice subi.
En l'espèce, si la SARL Batavi, assujettie à la convention collective du bâtiment de la région parisienne, qui ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations à l'égard de la caisse, ne peut par conséquent être condamnée qu'à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
M. [P] sollicitant la condamnation de la SARL Batavi à lui verser non pas des dommages et intérêts mais des indemnités compensatrices de congés payés ne pourra qu'être débouté de sa demande. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur l'indemnité compensatrice légale de préavis et les congés payés afférents
Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié en application de l'article L.1234-5 du code du travail est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la duré du délai-congé. Ce salaire englobe tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s'il avait exécuté normalement son préavis, à l'exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.
Compte tenu de la moyenne de sa rémunération mensuelle sur ses douze derniers mois de travail complets, il convient de confirmer le jugement déféré et de condamner la société à verser à M. [P], engagé comme employé polyvalent, la somme de 3.579,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et de le débouter de sa demande au titre des congés payés afférents pour les raisons précédemment exposées.
Sur le rappel d'indemnité de frais de transport
M. [P] prétend à une indemnité de transport à 100% de la carte orange en application des dispositions de la convention collective du Bâtiment applicable au profit des salariés ayant la qualification d'ouvriers.
M. [P] ayant été engagé en qualité d'employé, il convient de faire application de la loi du 4 août 1982 prévoyant la prise en charge par l'employeur de 50% des frais de déplacement supportés par le salarié pour se rendre au travail par les moyens de transport public.
M. [P] ayant bénéficié de ces dispositions, il sera débouté de sa demande de rappel d'indemnité de transport complémentaire. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur le rappel d'indemnité de trajet
M. [P] prétend également à une indemnité de trajet en application des dispositions de la convention collective du Bâtiment applicable au profit des salariés ayant la qualification d'ouvriers.
Engagé en qualité d'employé il ne relève pas du bénéfice de ces dispositions et ne justifie pas au surplus de la localisation des chantiers où il a été amené à exercer son activité. Il sera débouté de sa demande de rappel d'indemnité de frais de transport et le jugement déféré confirmé sur ce point.
Sur le rappel de prime de vacances
M. [P] sollicite le paiement par son employeur d'un rappel de prime de vacances sur le fondement des dispositions de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993 qui prévoit en son chapitre V qu'une "prime de vacances sera versée, en sus de l'indemnité de congé, à l'ouvrier ayant au moins 1.675 heures de travail au cours de l'année de référence dans une ou plusieurs entreprises du bâtiment ou des travaux publics, dans les conditions prévues pour l'application de la législation sur les congés payés dans le bâtiment et les travaux publics."
La SARL BATAVI fait valoir pour s'opposer à cette demande que le paiement de cette prestation pour les entreprises relevant de la convention collective du Bâtiment est assuré par la caisse des congés payés.
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Les primes de vacances pour les salariés de la SARL Batavi étant versées dans les conditions prévues pour l'application de la législation sur les congés payés dans le bâtiment et les travaux publics, suivant les règles applicables en matière de congés payés, en cas de manquement de l'employeur à ses obligations légales, le paiement des indemnités de primes de vacances ne pourra être mis à sa charge et M. [P] ne pourra prétendre vis à vis de l'entreprise qu'à des dommages et intérêts en raison du préjudice subi.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré ayant débouté M. [P] de sa demandes de condamnation de la SARL Batavi à lui verser la somme de 2.441,04 € de prime de vacances.
Sur le rappel d'indemnité repas
Le contrat de travail de M. [P] prévoit le bénéficie de l'indemnité repas remis aux ouvriers du bâtiment.
Après infirmation du jugement déféré, il convient en conséquence de condamner la SARL Batavi à verser à M. [P] la somme de 225,05 € à titre de retard sur la prime de panier due au salarié et non contesté par l'employeur.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Le licenciement ayant été jugé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse , par confirmation du jugement déféré, M. [P] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement
Concerne le licenciement du salarié de plus de deux ans d'ancienneté et opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement
L'article L.1235-2 du code du travail dispose que, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été respectée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
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En l'espèce M. [P] soutient d'une part que la procédure de licenciement n'aurait pas été respectée en violation des dispositions des articles L 1232-4 et L 1233-13 du code du travail qui prévoient la possibilité pour le salarié, lors de son audition à l'entretien préalable au licenciement, d'être assisté part une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, la lettre de convocation à l'entretien préalable adressé au salarié devant mentionner la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et préciser l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.
M. [P] prétend qu'en violation de ces dispositions, la lettre de convocation qui lui a été adressée ne mentionnait pas l'adresse de la section d'inspection du travail compétente pour l'établissement qui était [Adresse 9].
Il soutient d'autre part que l'employeur aurait violé les dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail qui subordonnent la régularité de la procédure de licenciement à l'existence d'un délai de réflexion entre l'entretien préalable et la notification, en indiquant dès l'entretien préalable qu'il procéderait à la rupture du contrat de travail, comme en attesterait le témoignage de M. [X] qui assistait le salarié lors de cet entretien, indiquant que "pour tout résumer", l'employeur "se jetait dans une logique de rupture".
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Or, il ressort des débats et des pièces produites que dans la mesure où M. [P] demeurait dans le même département que le siège de la société, l'adresse de l'Inspection du travail mentionnée dans la convocation à l'entretien préalable "[Adresse 10]", où la liste des conseillés pouvait être consultés, correspondait bien, au jour de la rédaction de la convocation, à l'adresse de l'Inspection du travail à laquelle l'établissements était alors rattaché.
Par ailleurs, la simple interprétation des propos de l'employeur par le conseiller, assistant M. [P] lors de l'entretien préalable, ne permet pas d'établir que l'employeur aurait informé le salarié de son licenciement dès l'entretien préalable.
Aucune irrégularité de la procédure de licenciement n'étant établie, par confirmation du jugement déféré, M. [P] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire et préjudice moral
M. [P] prétend avoir subi un préjudice moral en ayant été victime d'une rupture brutale et vexatoire.
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Le licenciement de M. [P] étant intervenu à la suite à deux courriers de rappels à l'ordre versés au dossier en date des 6 et 30 mars 2009 pointant des insuffisances du salarié et la main courante déposée par l'employeur à la suite des faits d'insubordination caractérisée de M. [P] le 10 juin 2011 étant la conséquence directe du comportement du salarié, le caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail n'est nullement caractérisé.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
M. [P] soutient que l'employeur aurait manqué à son devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail et qu'il aurait en conséquence subi un préjudice :
- du fait de l'opacité entretenu par son employeur dans la définition et l'application du régime des heures supplémentaires, et d'une rétorsion systématique à l'encontre des salariés qui oseraient solliciter des explications
- du fait de l'absence d'entretien d'évaluation, ayant de ce fait été maintenu au niveau hiérarchique auquel il a été embauché pendant toute la durée de son contrat de travail
- du fait de l'absence de versement de l'intégralité des indemnités et primes conventionnelles.
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Il toutefois ressort des débats et des pièces produites que les salariés étaient informés régulièrement par l'employeur du planning des jours de RTT sur 3 ou 4 mois et que les doléances et demandes d'explication de M. [P] sur la politique de RTT de son employeur ont reçu des réponses écrites claires et précises de la SARL Batavi.
Aucune pièce produite ne permet en conséquence de caractériser la réalité d'une rétorsion à l'encontre des salariés qui oseraient solliciter des explications sur le sujet des heures supplémentaires.
Aucun accord de branche ne fixant pour les métiers du bâtiment de modalités d'organisation d'entretien professionnel contraignant, M. [P] ne peut davantage reprocher à son employeur une exécution déloyale du contrat de travail de ce chef.
Enfin l'absence de versement de l'intégralité des indemnités et primes conventionnelles alléguée par M. [P] ne repose sur aucun grief précis et n'est justifiée par aucune pièce.
Par confirmation du jugement déféré, M. [P] sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice financier et "discrimination"
M. [P] soutient avoir été victime de discrimination salariale, prétendant que son augmentation de salaires d'avril 2011 aurait été inférieure à celle des salariés ayant une ancienneté inférieure.
Il ne produit aucune pièce à l'appui de ses dires permettant d'établir l'existence de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre, reconnaissant dans ses conclusions avoir perçu de janvier 2007 à juin 2011 un salaire supérieur au salaire minimum conventionnel qui le concerne.
Par confirmation du jugement déféré, M. [P] sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier et discrimination.
Sur la remise de documents sociaux
Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes (certificat de travail, attestation pôle emploi et bulletins de paie), sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette remise d'une astreinte.
Sur les autres demandes
La SARL Batavi sera condamnée au paiement des dépens d'appel, outre la somme complémentaire de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE irrecevables les conclusions de L'Union locale des syndicats CGT du XVeme arrondissement ;
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions sur l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité de repas;
Statuant à nouveau sur ces chefs de préjudice,
CONDAMNE la SARL Batavi à payer à M. [P] les sommes de :
' 2.501,04 € € d'indemnité légale de licenciement
' 225,05 € à titre de rappel d'indemnité de repas
avec intérêt au taux légal à compter du 23 septembre 2011, date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation
ORDONNE la remise des documents sociaux conformes au présent arrêt (certificat de travail, attestation pôle emploi et bulletins de paie);
REJETTE le surplus des demandes;
CONDAMNE M. [P] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT