RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 30 Mars 2016
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09414
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 12/02137
APPELANT
Monsieur [I] [A]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2] ([Localité 2])
comparant en personne, assisté de Me Sylvie LEFORT, avocat au barreau de PARIS, G0099
INTIMEE
SA AXA GLOBAL LIFE
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 410 368 757 00044
représentée par Me Marie-Laurence BOULANGER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Coralie JAMOIS, avocat au barreau de PARIS, K49
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame [F] LETHIEC, conseiller
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [I] [A] a été engagé par la société AXA Services Limited, exerçant sous le nom AXA UK, société de droit anglais immatriculée en Angleterre, dans le cadre d'un contrat temporaire de quatre mois à compter du 7 août 2009 pour exercer à Londres les fonctions de « senior project manager », soit chef de projet senior. Ce contrat été prolongé respectivement jusqu'au 31 mars 2010, puis jusqu'au 30 juillet 2010.
Souhaitant revenir en France, le salarié a été engagé par la SA AXA Global Life, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, signé le 23 août 2010 et prenant effet le 6 septembre 2010, pour exercer les fonctions de «'conseil en études actuarielles international », statut cadre, niveau 6, moyennant une rémunération annuelle brute de 65 000€, outre un bonus de 5 000€ en fonction de l'atteinte des objectifs.
L'entreprise est assujettie à la convention collective des sociétés d'assurances.
Par lettre remise contre décharge le 1er décembre 2011, la société AXA Global Life a convoqué M. [I] [A] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 décembre 2011.
Par lettre remise contre décharge le 9 décembre 2011, la société AXA Global Life a informé le salarié qu'elle envisageait de prendre une sanction à son égard, susceptible d'aller jusqu'au licenciement disciplinaire et qu'un conseil ad hoc serait réuni, en application des dispositions conventionnelles. Par lettre remise contre décharge le 16 décembre 2011, M. [I] [A] était convoqué à la réunion de ce conseil fixée au 21 décembre 2011.
Un licenciement pour cause réelle et sérieuse a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 27 décembre 2011, rédigé en ces termes :
«'Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le jeudi 8 décembre 2011 et nous vous notifions par la présente votre licenciement.
Les motifs justifiant cette décision sont ceux qui ont été portés à votre connaissance lors de cet entretien et que nous reprenons ci-après.
Fin avril, peu après votre séminaire d'équipe'«off site» à [Localité 4], une collaboratrice a fait part à votre manager de sa situation de gêne et d'inconfort, se plaignant de faire l'objet de plaisanteries vaseuses et d'allusions douteuses de votre part.
Cette collaboratrice a indiqué avoir été victime d'avances directes de votre part à l'occasion de ce séminaire, en ce que vous lui avez propose de vous rejoindre dans votre chambre et de vous baigner nus dans la piscine.
Dès la connaissance de ces faits, votre manager vous a recadré à l'occasion d'un entretien au cours duquel vous n'avez pas nié les faits, mais vous avez considéré qu'il s'agissait d'une plaisanterie et qui! ne fallait pas «' en faire une histoire ».
Cette collaboratrice ne souhaitait plus travailler avec vous et il vous a été instamment demandé de ne plus l'importuner.
Malheureusement, quelques mois plus tard, fin octobre/début novembre, d'autres collègues se sont encore plaintes de votre comportement à leur égard.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous étaient reprochés, nous avons demandé à la Direction des Ressources Humaines de diligenter une enquête afin d'entendre les plaignantes.
Vous avez-vous-même été entendu le 17 novembre dernier et vous avez tenu à faire part de vos réserves sur le compte-rendu de cet entretien qui vous était proposé, par courrier en date du 23 novembre 2011, après avoir pris conseil.
Cette enquête a mis en évidence un comportement inacceptable avec le personnel
féminin ayant entraîné, pour la majorité d'entre elles, une situation de nuisance, de gêne et d'inconfort, et en tout état de cause, une dégradation de leurs conditions de travail.
Ainsi, notamment, ont été relevés :
- des commentaires sur le physique de vos collègues: «t'es mignonne », «vous êtes jolie...»;
- des visites incessantes et répétées auprès de vos collègues, plusieurs fois par jour sous un prétexte professionnel pour en réalité essayer d'obtenir un rendez-vous personnel;
- des appels téléphoniques le week-end (jusqu'à 9 fois sur un seul week-end) ;
- des questions intrusives et des attitudes déplacées: «dommage que tu sois mariée », «vous n'êtes peut-être pas libre », «'c'est bizarre, t'as pas de copain, une fille charmante comme toi », «donc, j'ai mes chances », «des sourires appuyés... de velours » ;
- des propositions totalement déplacées : «d'aller faire de la voile ensemble le week-end...», «de l'aider à s'installer et d'aller découvrir [Localité 5]... », «de partir en week-end en Hollande... », «d'aller prendre un verre a deux », «Une invitation à diner... ».
En outre, l'ensemble des collaboratrices entendues se disent impactées au quotidien dans leurs conditions de travail et ont expliqué avoir mis en place des stratagèmes d'évitement par crainte d avoir à vous parler ou par crainte de vous croiser dans un couloir.
Toutes ont exprimé de la gêne, de l'inconfort, une situation de nuisance, le sentiment de ne pas être respectées.
Lors de la réunion du conseil prévu par l'article 90 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances que nous avons tenue le 21 décembre dernier, nous avons échangé sur votre situation notamment au regard de la déclaration écrite que vous aviez communiquée pour exprimer votre position et de la réponse de votre responsable hiérarchique.
A l'issue de cette réunion, interrogés sur leur position sur votre licenciement, les trois représentants du personnel ont fait part de leur abstention alors que les trois représentants de l'employeur se sont exprimés en faveur de cette mesure.
Votre comportement inacceptable avec le personnel féminin a en effet abouti à une situation de non-retour, qui ne permet plus d'envisager la poursuite de votre collaboration.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement.»
Contestant son licenciement, M. [I] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 5], lequel, par jugement rendu le 11 juin 2013, a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en déboutant le salarié de ses demandes en indemnisation pour licenciement abusif, préjudice moral et paiement du bonus 2011. Les demandes respectives des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ont été rejetées.
Le 8 octobre 2013, M. [I] [A] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions visées par le greffe le 7 décembre 2015 et soutenues oralement, M. [I] [A] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, d'écarter des débats les comptes-rendus de Mmes [I], de [G], [O], [Y] et [U] ainsi que le compte-rendu de M. [K] et le courrier électronique censé émaner de celui-ci mais dont l'authenticité n'est pas établie, sur le fondement de l'article 202 du du code de procédure civile, de dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner la société AXA Global Life à lui verser les sommes suivantes :
' 65 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral découlant de l'atteinte à l'honneur et à la réputation
' 5 000 € à titre de rappel de salaire concernant la prime d'objectifs
' 500 € au titre des congés payés afférents
' 11 644 € à titre de rappel de salaire concernant la prime d'objectifs conventionnelle et, à titre subsidiaire, la somme de 12 808.40 € à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 1 164.40 € au titre des congés payés afférents
' 47.41 € à titre de complément d'indemnité de licenciement
' 7 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 700.
Par conclusions visées par le greffe le 7 décembre 2015 et soutenues oralement, la société AXA Global Life sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [I] [A] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et elle forme une demande reconventionnelle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.
SUR QUOI LA COUR
Sur la communication des pièces litigieuses
M. [I] [A] demande à la cour d'écarter des débats les comptes-rendus de Mmes [I], de [G], [O], [Y] et [U] ainsi que le compte- rendu de M. [K] et le courrier électronique dont l'authenticité n'aurait pas établie, sur le fondement de l'article 202 du du code de procédure civile.
Cependant, il est constant qu'en matière prud'homale, la preuve est libre et qu'elle peut être fournie par tous moyens'; les pièces litigieuses qui ont été régulièrement communiquées, ne peuvent être écartées des débats au seul motif qu'elles ne répondent pas aux prescriptions visées par l'article 202 du code de procédure civile.
Il conviendra d'en apprécier leur valeur probante dans l'examen au fond du litige, en vérifiant si les auteurs de ces documents sont clairement identifiables et si elles ne comportent aucun indice de nature à mettre en doute leur authenticité. L'exception sera écartée.
Sur la rupture du contrat de travail
1. Sur la procédure conventionnelle
M. [I] [A] affirme que la société AXA Global Life n'a pas respecté les dispositions des articles 89 et 90 de la convention collective des sociétés d'assurance dans la mesure où la réunion d'un conseil a été organisée de façon purement formaliste, sans respect de son esprit qui vise à recueillir la version des faits de manière impartiale, que l'employeur n'a pas répondu à ses remarques soulignant les contradictions des témoignages recueillis, émanant de salariées ne travaillant pas avec lui et qu'il a pris la décision de le licencier sans respecter l'avis des membres du conseil. Il soutient que le non-respect de la procédure conventionnelle prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Les dispositions de l'article 90 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances sont les suivantes :
«'Lorsqu'un membre du personnel ayant plus d'un an de présence dans l'entreprise est, conformément aux dispositions légales, convoqué par l'employeur et informé que le licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle est envisagé à son égard, il a la faculté de demander la réunion d'un conseil constitué de trois représentants de l'employeur et de trois représentants du personnel de l'établissement.
(...) Toutefois, le conseil est obligatoirement réuni à l'initiative de l'employeur lorsque celui-ci envisage, à l'issue de l'entretien préalable, un licenciement pour faute. L'entreprise doit alors en informer l'intéressé par pli recommandé avec avis de réception ou remis contre décharge. La réunion du conseil est cependant annulée si l'intéressé le demande par écrit dans les quarante- huit heures de la réception de la lettre.
(...) L'employeur convoque le conseil au moins quarante-huit heures à l'avance et informe le salarié qu'il peut être entendu, s'il le souhaite, par le conseil. Les éléments du dossier sont obligatoirement tenus quarante-huit heures à l'avance, à la disposition du conseil et de l'intéressé.
Si le salarié est entendu, sur sa demande, pendant la réunion du conseil, son responsable hiérarchique doit l'être également.
L'un des représentants de l'employeur préside le conseil. Il établit à l'issue de la réunion un procès-verbal qui relate notamment les faits reprochés au salarié et consigne l'avis de chacun des membres du conseil auxquels ce procès-verbal est remis, ainsi qu'au salarié concerné.
L'employeur ne prend sa décision qu'après avoir pris connaissance des avis exprimés au conseil et communique celle-ci à ses membres en même temps qu'au salarié ».
En l'espèce, la société AXA Global Life qui souhaitait licencier son salarié pour motif disciplinaire a convoqué le conseil, en application des dispositions susvisées. Le procès-verbal de réunion du conseil de discipline du 21 décembre 2011 précise que les membres du conseil ont pris connaissance des éléments du dossier et qu'ils ont pu échanger avec M. [I] [A] avant la tenue du conseil. La déclaration écrite de cinq pages du salarié est annexée à ce procès-verbal.
Le paragraphe « synthèse des échanges» mentionne :
«Les représentants du personnel précisent que M. [A] ne semble pas avoir compris la portée du recadrage. Les représentants de la direction soulignent que d'autres entretiens explicites ont par ailleurs été menés depuis début novembre sans que ceux-ci ne semblent avoir été compris non plus ...».
Le paragraphe «Recueil des avis» mentionne :
«La direction envisage le licenciement de M. [A] pour motif disciplinaire lié à son comportement inacceptable et inapproprié vis-à-vis de collègues féminines. Il est demandé à chaque membre du conseil de rendre son avis sur ce sujet :
Représentants du personnel : 0 avis favorable ' 0 avis défavorable ' 3 abstentions
Les représentants du personnel souhaitent porter à ce compte- rendu la motivation suivante de leurs avis : «cet avis est motivé par le fait que nous reconnaissons les fautes commises par M. [A] et les conséquences de celles-ci sur la vie de l'entreprise. Une sanction est justifiée mais une procédure de licenciement nous paraît trop sévère».
Représentants de la direction : 3 avis favorable ' 0 avis défavorable ' 0 abstentions'».
Il résulte de ce qui précède que la société AXA Global Life a régulièrement pris sa décision après avoir pris connaissance des avis exprimés par les membres du conseil de discipline, avis qu'elle n'était pas tenue de suivre. La procédure conventionnelle a donc été respectée.
2. Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.
En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, l'employeur reproche au salarié d'avoir eu un comportement inacceptable envers l'ensemble du personnel féminin de nature à entraîner une dégradation de leurs conditions de travail.
M. [I] [A] qui conteste les faits incriminés, en soulève la prescription dès lors que les remarques sur ses collègues féminines ont été émises plus d'un an avant le début de la procédure de licenciement.
L'intéressé déclare, en outre, que ces remarques sont sorties de leur contexte et que certaines relatives à des appels téléphoniques et à des tentatives pour obtenir des rendez-vous personnels ne reposent que sur les allégations mensongères de M. [O] [K] , son manager, et qu'elles sont démenties par les intéressées.
Les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail n'interdisent pas à l'employeur de prendre en considération un fait datant de plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, si le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature ou lorsqu'il n'a pas eu, au moment où il a pris connaissance des faits, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.
Il ressort du compte rendu des propos tenus par Mme [L] [I] lors de l'entretien du 9 novembre 2011, de son courriel du 24 novembre 2011 confirmant ces propos et du courriel de M. [O] [K] du 4 novembre 2011, qu'à l'issue du séminaire « off site» tenu à [Localité 4] à la fin du mois d'avril 2011, l'intéressée s'est plainte, au mois de mai 2011, auprès de M. [O] [K] d'avoir été victime d'avances directes et de propos déplacés de la part de M. [I] [A] et qu'elle a relaté la situation dans les termes suivants :
«En fait, cela a commencé dès l'arrivée de [I], dans le cadre d'un projet sur lequel nous avons dû collaborer ensemble. Au début, c'était des compliments comme « t'es mignonne », ou encore «c'est bizarre, t'as pas de copain, une fille charmante comme toi » puis «donc j'ai mes chances » et de plus en plus répétitif et quotidien (...). Cela s'est poursuivi ainsi jusqu'au séminaire «off site » (. ..) le soir, nous étions dans le hall d'accueil en train de récupérer nos clés de chambre et là, il s'est approché de moi et m'a montré sa clé. Il m'a alors proposé de le rejoindre dans sa chambre : «moi je suis chambre X, je t'attends... ». Comme j'étais choquée, il a dans la foulée ajouté: «je vais me baigner dans la piscine, lu me rejoins ' ». Je lui ai répondu que non, en précisant que je n'a\vais pas mon maillot mais il a tout de suite dit : «ce n'est pas un problème, on va se baigner tout nu ». Je l'ai planté là et je suis partie.
De retour à [Localité 5], j'ai sollicité [O] [K], son manageur, pour un entretien dans lequel je lui ai relaté les faits et je lui ai dit que je ne voulais plus travailler avec [I].
Début octobre 2011 pourtant, [I] a commencé à reprendre un contact rapproché au motif qu'il voulait savoir ce sur quoi je travaillais (...); il m'a proposé de déjeuner ensemble mais après un ou deux refus, il réitérait presque tous les jours, trois à quatre fois pendant deux semaines d'affilé en guettant les opportunités de me croiser : à la machine à café, dans le couloir. .. mais j'ai toujours refusé.
Dernièrement, un soir, alors qu'il me voit fumer une cigarette dans le patio. Il s'est approché et m'a demandé : «[L], pourquoi tu ne réponds pas à mes invitations à déjeuner tu n'as jamais le temps de me répondre, tu cours tout le temps. D'ailleurs, sûrement qu'un déjeuner ne suffira pas, il faudrait que je t'invite à diner ». Ce faisant, il tenait dans les mains un bout de bois, qui ressemblait à une tringle. Alors que je la remarque et porte mon attention sur cet objet qu'il tient, il ajoute : «ah non, ça ce n'est pas pour toi ! A toi, je te réserve quelque chose de bien plus doux ». Je suis restée abasourdie, comme une idiote et puis je lui ai dit: «sur ce, bonne soirée » et je suis remontée rapidement à mon bureau ».
M. [I] [A], quant à lui, ne conteste pas la matérialité des propos tenus envers Mme [L] [I] mais il en minimise la portée, en estimant que ces propos sont sortis de leur contexte, qu'il s'agissait d'une plaisanterie et qu'en tout état de cause, Mme [L] [I] admet qu'il ne l'a jamais appelée sur son téléphone professionnel et qu'elle a été réaffectée à un poste de responsable du groupe actuariat dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise et ne travaille plus avec lui. L'intéressé réitère cette version à l'audience, en faisant valoir qu'il a «voulu détendre l'atmosphère.»
Il convient de relever qu'il n'est pas reproché au salarié un harcèlement téléphonique mais la tenue réitérée de propos déplacés envers une collègue féminine. M.[I] [A] ne peut justifier les propos tenus ni ses tentatives pour aborder Mme [L] [I] en octobre 2011, par le besoin d'obtenir des informations quant à la restructuration de la société alors même qu'il pouvait demander des renseignements à ses autres collègues masculins, la salariée étant la seule collègue féminine de l'équipe, et qu'il avait, déjà, été mis en garde par son manager, M. [O] [K], en mai 2011, au sujet de son comportement envers la salariée. M. [I] [A] ne peut, davantage, contester la transcription des propos tenus par Mme [L] [I], lors de son entretien, le 9 novembre 2011, avec la directrice des ressources humaines, Mme [W] [L], dans la mesure où, par courriel en réponse à cette dernière le 24 novembre 2011, la salariée lui confirme que «le CR retranscrit bien notre conversation. J'ai néanmoins apporté quelques modifications que tu trouveras dans la pièce jointe. Je te remercie pour ton écoute et ton soutien »'.
Le courriel de M. [O] [K] du 4 novembre 2011 et le compte-rendu de ses propos recueillis lors de l'entretien du 28 novembre 2011 avec la direction des ressources humaines confirment que l'intéressé, en sa qualité de manager de M. [I] [A], a «'recadré'» le salarié lors d'un entretien au mois de mai 2011.
Dans le cadre de l'enquête interne au service diligentée par la direction des ressources humaines, M. [O] [K] décrit la situation suivante :
«'Par la suite, j'ai vérifié auprès de [L] que son comportement avait changé et qu'elle n'était plus importunée. Ce qu'elle m'a confirmé. J'ai également décidé d'aller en discuter de façon informelle avec les membres de l'équipe de J.M, notamment avec [U], la seule femme de l'équipe. [U] m'a confié qu'elle avait également fait l'objet d'avances mais qu'elle avait immédiatement coupé court. Les autres membres de l'équipe sont des hommes. Ceux-ci m'ont également dit : «Voilà, c'est J.M, il est macho. Il fait toujours des plaisanteries un peu lourdes, il est comme ça».
Ultérieurement, dans son courriel, classé « urgent. comportement inapproprié», adressé le 4 novembre 2011, M. [O] [K] a informé la direction des ressources humaines de l'attitude de M. [I] [A] envers la directrice financière, Mme [Y] [Y], venant d'arriver d'Australie en France, pour occuper ses fonctions dans l'entreprise. Dans le compte rendu de ses propos recueillis lors de l'entretien du 9 novembre 2011 avec la direction des ressources humaines, Mme [Y] [Y] relate la situation dans les termes suivants :
«' ...Mon constat à ce stade est que [I] ne semble pas savoir comment se comporter dans un contexte professionnel approprié. (...) . Il me disait des choses du genre «Hey, je pense à un endroit où je pourrais t'emmener le week end prochain».
A un moment donné , il m'a donné son numéro de téléphone portable (...) . Je ne lui ai pas donné le mien en retour (...). Il m'a proposé plusieurs week ends (...). Un lundi, il m'a dit être vexé et déçu que je n'ai pas appelé . Je lui ai simplement répondu être très occupé et je suis partie. Mon ton et ma voix étaient fermes et j'ai pensé qu'il comprendrait. Cependant, vendredi de la semaine dernière, il est venu de nouveau dans mon bureau. Cette fois, il m'a dit qu'il voulait travailler dans la finance et qu'il voulait avoir quelques informations (...) . J'ai dit que je reviendrai vers lui et j'ai ensuite décidé d'en parler à [O] [K] (son responsable) et [O] est allé voir les ressources humaines.
Je ne suis pas à l'aise avec cette situation. Je pense que ce qui m'a particulièrement gêné était essentiellement la fréquence , son insistance, certains jours, il passait jusqu'à 5 fois . Je me sens très mal à l'aise dans cette situation , et quand je le rencontre. Quand je le vois près de mon bureau, je décroche délibérément mon téléphone ou alors je quitte mon bureau de manière à ne pas avoir à communiquer avec lui. Je ne voudrais pas être toute seule avec lui dans le couloir ou près de mon bureau».
Les reproches de Mme [Y] [Y] à l'égard de M. [I] [A] sont précis et circonstanciés et la salariée a, également ,adressé le 21 novembre 2011 un courriel à la directrice des ressources humaines, Mme [W] [L], pour lui confirmer la transcription de ces propos, en y apportant de simples modifications et en demandant, instamment, à être informée sur la situation.
Dans le compte rendu de son entretien du 17 novembre 2011 avec la direction des ressources humaines , le salarié reconnaît son attitude dans les termes suivants :
«Sur [Y] (. . .) s'est greffée l'histoire de son déménagement où je lui ai proposé mon aide. Elle m'a répondu non mais je lui ai proposé également de sortir le week-end. (...) Puis je suis revenu la voir plusieurs fois en lui disant que je réfléchissais toujours ».
M. [I] [A] qui affirme avoir contacté Mme [Y] [Y] pour obtenir des renseignements professionnels ne justifie pas du caractère professionnel de ces échanges. En tout état de cause les propos circonstanciés de l'intéressée établissent le caractère inapproprié de l'attitude du salarié à son égard qui ressort également des comptes rendus des propos de collaboratrices recueillis par la direction des ressources humaines dans le cadre de l'enquête interne que celle-ci a diligentée, à la suite du signalement de M.[O] [K], le 4 novembre 2011.
C'est ainsi que lors de l'entretien du 14 novembre 2011 avec la direction des ressources humaines, Mme [X] [G] exposait les faits suivants :
«La première fois que j'ai parlé à [I], c'était à l'occasion d'une réunion du personnel.(...), il m'a abordé pour faire connaissance. Comme j'étais nouvelle, cela ne m'a pas du tout étonnée et je lui ai parlé très ouvertement. Toutefois, au bout de quelques minutes, j'ai trouvé que ses questions étaient un peu trop invasives et je me suis rappelée avoir pensé qu'il fallait que je place dans la conversation le fait que je suis mariée, et donc pas trop disponible pour faire des activités. ll m'avait demandé ce que j'avais fait pendant mes vacances d'été, et lorsque j'ai abordé le sujet de la voile, il m'a répondu qu'il en faisait aussi et qu'il faudrait un jour qu'on en fasse ensemble. Je me rappelle m'être dit que c'était assez culotté pour une première conversation. Il a longuement parlé avec moi ce jour-là et je me souviens avoir délibérément cherché à écourter la conversation car je me suis sentie mal à l'aise et je ne savais plus trop comment répondre à ses questions.
(. . .) Dans les couloirs, il s'est mis à m'appeler «[X] ». Après notre conversation, il s'est mis a m'appeler comme ça alors que nous ne sommes pas particulièrement proches et que je trouvais ça un peu déplacé de m'attribuer un surnom. Cela ne me plait pas.
Vers le mois de février, après le départ de [H] [V], il est venu un jour me voir pour avoir des chiffres sur l'activité santé, (...) ses questions étaient un peu bizarres. En fait, elles étaient très génériques, peu fondées. Donc j'étais très étonnée qu'il me pose ce type de question mais je lui ai tout de même répondu. Pour autant, ce jour-là, il est revenu au moins dix fois d'affilés dans la journée pour me poser des questions. Parfois, il avait juste omis d'ouvrir le lien que j'avais mis dans l'email ou alors le document attaché. A chaque fois, il me disait «' ah, tu es gentille, tu es vraiment sympa de répondre à mes questions». Et puis il a ajouté : «c'est vraiment dommage que tu sois mariée ». Cela m'a semblé très déplacé et cela m'a énervé, en plus de son comportement. Je lui ai répondu quelque chose comme : « ça n'a rien à voir avec le sujet ou mais je ne vois pas le lien avec ce que l'on est en train de dire ». A la fin, je me suis vraiment énervée et j'ai été très ferme avec lui : «écoute [I], là, ce n'est plus possible. Tu me déranges toutes les dix minutes, j'ai plein de travail, je n'ai plus le temps. Si tu as d'autres questions, listes les, envoie les je t'y répondrai plus tard ». (...).
Je sais qu'il a eu aussi eu des approches vis-a-vis d'elle [[J]] et de [Q] également. Par contre, j'ai vu ses allées et venus et ses discussions avec [Y]. Cela m'a étonné la première fois car il était très à l'aise. ll est entré, sans gêne, directement dans son bureau. J'ai même entendu une partie de leur conversation où il lui a proposé de lui «offer a drink ». Du coup, j'en ai parlé à [Y], histoire de la prévenir car elle venait d'arriver. (. . .) et c'est ainsi que [Y] m'a parlé en me disant qu'effectivement elle ne savait pas forcément comment faire en sorte qu'il change son comportement et qu'il arrête de venir la voir (...).
Dans tous les cas, je suis toujours très mal à l'aise en sa présence, que ce soit au café, dans les couloirs, s'il tente de discuter avec moi. J'essaie d'éviter d'engager une conversation avec lui autant que possible ».
Les reproches de Mme [X] [G] à l'égard de M. [I] [A] sont précis et circonstanciés, ils confirment les propos de Mme [Y] [Y] et la salariée a également adressé le 21 novembre 2011 un courriel à la directrice des ressources humaines, Mme [W] [L], pour lui confirmer la transcription de ces propos, en indiquant: «' De manière générale cela reflète bien ce que j'ai dit, à part quelques modifications que j'ai apportées .'»
Lors de l'entretien du 16 novembre 2011 avec la direction des ressources humaines, Mme [J] [O] exposait les faits suivants :
«C'est arrivé assez rapidement au moment de mon arrivée chez AGL. Il passait très souvent dans le bureau pour bavarder et discuter, entre autre, de la Hollande, et c'est là, qu'un jour il m'a proposé de partir en week-end en Hollande avec moi car il avait envie de découvrir ce pays.
Après quelque temps, il m'a appelée chez moi un week-end (je lui avais donné mon numéro au tout début, quand je pensais qu'il s'agissait d'un simple échange de numéro entre collègues, comme j'ai fait avec d'autres collègues de bureau) et il m'a dit qu'il était dans les parages, dans mon quartier et m'a proposé de prendre un café. J'ai dit non, j'avais décidé de ne pas donner suite dans tous les cas. Ce n'était pas un ami, juste un collègue et je n'avais pas envie de le voir hors travail. J'ai évidemment regretté de lui avoir donné mon numéro.
Un ou deux week-ends plus tard, j'ai reçu neuf coups de fil pendant ce week-end, essentiellement le samedi mais également le dimanche. Je n'ai pas répondu. J'avais identifié son numéro d'emblée. D'ailleurs, mon fils ce samedi-là était passé me voir et comme il est resté deux ou trois heures, il a assisté à cinq ou six appels. Il me demandait : pourquoi tu ne réponds pas '
Je lui ai dit que ce n'était rien, c'était un collègue mais je n'avais pas envie de répondre et au bout d'un moment, il m'a même dit: «' c'est qui ce type qui te harcèle comme cela ' ».
De retour, le lundi matin, je l'ai vu à la photocopieuse, et comme il était seul, je me suis décidée à lui parler. Je voulais qu'il stoppe tout cela. ll m'a dit: «' ah, j'ai essayé de t'appeler hier. .. », j'ai coupé court: oui, je sais. Tu m'as appelé neuf fois ce week-end. Je ne sais pas ce que tu avais de si urgent à me dire, mais je veux que tu arrêtes de m'appeler chez moi, oublie mon numéro de téléphone perso et oublie-moi tout court (...) je lui ai dit que ce n'était plus simplement appeler, que c'était du harcèlement et que d'ailleurs cela avait beaucoup choqué mon ami. En fait, j'ai dit à [I] que c'était mon ami et pas mon fils pour qu'il me laisse tranquille. Il m'a répondu : ah bon, mais tu ne portes pas d'alliance ! Comme si cela justifiait tout.
(...) ».
La salariée a également adressé le 18 novembre 2011 un courriel à la directrice des ressources humaines, Mme [W] [L], pour lui confirmer la transcription de ces propos, en indiquant : «' J'ai fait quelques petites modifications dans le document mais c'est bien ce que je t'ai relaté ».
L'assistante du médecin du travail, Mme [F] [U] qui avait rencontré M. [I] [A], à l'occasion d'un examen médical, a, également, été entendue par la direction des ressources humaines, lors d'un entretien du 30 novembre 2011 où elle expose les faits suivants :
«Le docteur était occupé donc il [M.[A]] est resté à attendre debout devant mon
bureau. Donc n'étant que tous les deux il a engagé la conversation (...).
Puis tout a coup, il me dit: «Vous êtes jolie». Je le regarde un peu gênée mais lui dit «merci». Puis il commence à me demander quelles sont mes origines. Je lui réponds rapidement que mon père est antillais et que ma mère est bretonne. Il me répond: « cela fait un beau mélange ». Je ne réponds pas. Il enchaîne: «vous devez donc connaître des lieux de sortie antillais ». Je lui réponds : «non ». Il me dit alors «c'est dommage car je viens d'arriver sur [Localité 5] et j'aimerai mieux connaître la communauté antillaise ».
Je me replonge dans mon travail pour ne pas donner suite à cette conversation et tenter de la stopper.
Et là, il me dit: «on pourrait sortir ensemble et je vous ferai découvrir ces lieux ». Donc je suis restée sans voix, ne sachant pas quoi répondre et parce qu'il se contredisait également.
J'étais très mal à l'aise compte tenu de la façon rapide, abrupte et dans mon bureau, visiblement je n'étais pas à l'aise et cela ne semblait pas le déranger. J'étais bloquée derrière mon bureau, sans possibilités de sortir. Je ne pouvais pas lui demander de partir, comme il avait rendez-vous avec le docteur. Devant mon mutisme, il enchaine en me disant: «ah vous ne pouvez peut-être pas, vous n'êtes peut-être pas libre ». Je n'ai su que lui répondre «voilà, c'est ça » (...).
J'étais très choquée et gênée de la brutalité des choses, du fait d'être « coincée » car c'était dans le cadre professionnel et dans mon bureau (...).
Ce qui m'incite à témoigner, c'est ce qui m' a mis mal à l'aise c'est que je n'arrivais pas vraiment à sentir où il s'arrêterait. Je me dis que quelqu'un de plus jeune, qui, comme cela arrive parfois, pourrait accepter de prendre un verre après le travail, en toute amitié, pourrait peut-être être embêtée. Je n'ai pas ressenti son comportement comme un simple badinage. C'était plus direct et plus poussé ».
M. [I] [A] affirme avoir demandé des renseignements quant à l'étendue du secret médical en matière de médecine du travail et avoir, simplement, invité l'intéressée, ayant comme lui des origines antillaises, à des soirées antillaises.
Le salarié conteste le caractère inconvenant de son attitude, lequel est toutefois clairement établi par le témoignage de Mme [F] [U].
Il résulte de l'ensemble des déclarations précitées que, dans l'exercice de son travail, M. [I] [A] a fait preuve d'un comportement inapproprié à l'égard de collègues féminines, en leur posant des questions sur leur vie privée, en commentant leur physique ou leur tenue vestimentaire, en insistant pour les inviter au restaurant , en les relançant au téléphone et en venant les voir à leur poste de travail, sans raison professionnelle précise.
Dans la mesure où dès le mois de mai 2011, le salarié a fait l'objet d'un recadrage par son manager au sujet de ce comportement révélé en avril 2011, générant une situation de malaise au sein des collègues féminines et des relations professionnelles basées sur l'évitement, que le comportement du salarié s'est poursuivi, incitant M.[O] [K] à alerter la direction des ressources humaines le 4 novembre 2011 et que l'employeur n'a pris une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés qu'après le résultat de l'enquête interne et l'audition des salariées concernées, de M. [I] [A] et de son manager, soit le 30 novembre 2011, date de la dernière audition de Mme [F] [U], le salarié qui a été convoqué le 1er décembre 2011 à un entretien préalable, ne peut se prévaloir de la prescription visée à l'article L. 1332-4 du code du travail.
M. [I] [A] qui conteste la gravité de son comportement, en estimant être «de nature conviviale» communique des attestations quant à ses qualités humaines. L'attestation de sa compagne, Mme [G] [N] évoque les problèmes de santé du salarié du fait de l'incertitude planant sur son avenir professionnel.
Toutefois, il n'est pas démontré un quelconque lien de causalité entre l'hospitalisation de M. [I] [A] et la pression professionnelle alléguée et sa compagne qui ne travaille pas dans la même entreprise, ne peut apporter le moindre élément sur le comportement de l'intéressé au travail. L'attestation de M. [J] concernant l'engagement ecclésiastique du salarié et celle de M. [B] sur son implication en qualité de bénévole auprès de personnes en difficultés confirment les qualités humaines de M. [I] [A] mais elles n'ont aucun rapport avec le comportement professionnel incriminé. Les attestations d'anciens collègues de travail, dont Mmes [P] [T], [D] [X], [C] [Z] et M. [K] [D], sont rédigées en termes généraux pour faire l'éloge des compétences professionnelles de l'intéressé, en soulignant son attitude courtoise et respectueuse mais elles ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations précises et circonstanciées dénoncées par les collègues féminines de M. [I] [A] au sein de la société AXA Global Life, étant observé que le comportement du salarié a été confirmé par les collègues masculins de l'intéressé, lors de l'enquête menée par M.[O] [K], que ce comportement a perduré en dépit d'un recadrage de ce dernier et que l'assistante du médecin du travail, Mme [F] [U], s'est, également, plainte de l'attitude déplacée à son égard de M. [I] [A].
En l'état des explications et des pièces fournies, il résulte que le comportement inapproprié dont M. [I] [A] a fait preuve, à de nombreuses reprises, constitue une cause réelle et sérieuse, justifiant la rupture du contrat de travail.
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a débouté le salarié de sa demande en indemnisation pour rupture abusive.
3. Sur le préjudice moral distinct
M. [I] [A] soutient qu'il a subi un préjudice moral distinct de celui résultant de la rupture, dont il demande l'indemnisation, en invoquant une atteinte à son honneur et à sa réputation.
Toutefois, dès lors que les griefs allégués relatifs à son comportement inapproprié sont établis, le salarié ne peut invoquer utilement la faute de son employeur caractérisée par une atteinte à son honneur et à sa réputation et il sera débouté de ce chef de demande par confirmation du jugement.
4. Sur le complément d'indemnité de licenciement
M. [I] [A] sollicite le paiement de la somme de 47.41 € à titre de complément de l'indemnité de licenciement, en application des articles R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail.
Le montant de sa rémunération sur les douze derniers mois ayant précédé son licenciement s'élève à la somme totale de 66 633.41 €, soit une moyenne mensuelle de 5 552.78 €.
En application des dispositions précitées, M. [I] [A] qui justifie d'une ancienneté d'un an , six mois et ¿ de mois peut prétendre, à une indemnité de licenciement s'élevant à 1735.27€, ainsi calculée :
1/5 ème de mois = 1 110.56 €.
1 110.56 €/12 mois = 92.55 €
¿ de mois = ¿ de 92.55 € = 69.41€
Total : 1 110.56 € + 92.55 € + 69.41 € = 1735.27€
Dés lors que le salarié a perçu une indemnité de licenciement de 1 687.86 €, il est fondé en sa demande nouvelle en paiement de la somme de 47.41 € correspondant à la différence non payée (1735.27€ - 1 687.86 €); il convient d'y faire droit.
Sur l'exécution du contrat de travail
1. Sur la demande relative au bonus contractuel
Le contrat de travail signé des parties le 23 août 2010 prévoit le versement d'un bonus annuel de «'5.000 € bruts en fonction de l'atteinte des objectifs de vos performance'». Il est précisé qu'il s'agit d'un «'montant correspondant à [un] taux d'activité à 100'% et une atteinte à 100'% de vos objectifs de performance'».
Lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d'objectifs fixés annuellement par l'employeur, il appartient à celui-ci de les fixer en début d'exercice.
En l'espèce, à défaut pour l'employeur de justifier de la fixation des objectifs, le salarié est bien fondé à prétendre au paiement de son bonus annuel, soit la somme de 5.000 € bruts, outre celle de 500 € pour les congés payés afférents.
La société Axa Global Life sera condamnée au paiement des sommes précitées et le jugement déféré sera infirmé à ce titre.
2. Sur la demande relative au bonus conventionnel
M. [I] [A] forme une demande nouvelle en paiement de la somme de 11 644 € à titre de rappel de salaires concernant la prime d'objectifs conventionnelle, outre les congés payés afférents et, à titre subsidiaire, de la somme de 12 808.40 € à titre de dommages et intérêts pour le manquement à gagner résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon les termes du dispositif de rémunérations complémentaires des cadres d'Axa Global Life pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, les salariés cadres de l'entreprise bénéficient d'une part variable appelée «Bonus de Performance Individuelle et Collective» ( BPIC) dont le montant est calculé en fonction d'objectifs individuels annuels représentant 80 % du montant cible du BPIC et d'objectifs collectifs annuels représentant 20 % du montant cible du BPIC au titre de la performance globale d'Axa Global Life.
Cependant, l'article 4.2 de ce dispositif prévoit:
«' Ne pourront prétendre au bénéfice du BPIC durant l'exercice ... les collaborateurs licenciés quel que soit le motif du licenciement au cours de la période...'».
M. [I] [A] qui a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2011 ne peut bénéficier d' un quelconque «Bonus de Performance Individuelle et Collective» pour l'année 2011.
Dès lors que le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse, il ne peut, davantage prétendre à des dommages et intérêts pour le manque à gagner résultant d'un licenciement abusif.
Il convient de débouter M. [I] [A] de ses demandes nouvelles.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Axa Global Life qui succombe partiellement, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en versant à l'intimé une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] [A] de sa demande en paiement d'un bonus contractuel;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS Axa Global Life à verser à M. [I] [A] la somme de 5 000 € correspondant au bonus contractuel, outre la somme de 500 € au titre des congés payés afférents;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Axa Global Life à verser à M. [I] [A] la somme de 47.41 € à titre de complément d'indemnité de licenciement;
RAPPELLE que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation;
Déboute M. [I] [A] de sa demande relative au bonus conventionnel et de sa demande subsidiaire relative au manque à gagner;
CONDAMNE la SAS Axa Global Life à verser à M. [I] [A] une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS Axa Global Life aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT