Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 29 MARS 2016
(n° 202 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25237
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Novembre 2014 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n°
APPELANTE
Société FLASHBIRD LIMITED Société de droit mauricien (private compagny limited by shares), ayant pour numéro d'incorporation le 080895 C2/GBL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
c/o [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée de Me Pierre GIOUX de la SELARL LEXMEDIA, avocat au barreau de PARIS, toque : J140
INTIMEE
SARL COMPAGNIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE (CSPI )
[Adresse 2]
[Adresse 3]
N° SIRET : 479 76 4 2 277
Représentée par Me Didier DALIN de la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349
assistée de Me Merabi MURGULIA, plaidant pour la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
La SARL Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle (CSPI) est spécialisée dans la réalisation et l'exploitation de systèmes de sécurité, notamment pour les aéroports.
La société de droit mauricien Flashbird Limited (Flashbird) est spécialisée dans le conseil et l'assistance à la négociation de contrats avec les Etats africains.
Ces sociétés se sont rapprochées en vue de l'obtention avec l'administration civile de Madagascar d'un contrat de gestion et d'exploitation des services de sûreté et de sécurité des huit aéroports internationaux malgaches.
Elles ont conclu un contrat cadre de consultance le 30 juillet 2012 au terme duquel la société Flashbird devait percevoir un intéressement de 4% du chiffre d'affaires à réaliser par la société CSPI au titre de la collecte des redevances payées par les passagers et les affréteurs des aéroports malgaches, en exécution du contrat de concession dit BOT avec l'Etat malgache qu'elle devait permettre à celle-ci d'obtenir.
Puis les 14 mars et 18 avril 2013, elles ont signé un nouveau contrat cadre n° 0913/13, par lequel la société CSPI s'engageait à verser pendant douze années une somme forfaitaire de 15.000 USD par mois au titre de cet intéressement à la société Flashbird, qui acceptait ainsi de réduire sa rémunération globale initialement prévue et d'en échelonner le paiement.
Les factures émises entre les mois de juin 2013 et juillet 2014 n'ayant pas été réglées, la société Flashbird a fait assigner la société CSPI en référé aux fins de la voir condamner par provision à ce titre et par ordonnance contradictoire du 19 novembre 2014, le président du tribunal de commerce d'Evry :
- s'est notamment déclaré incompétent au profit du tribunal arbitral qu'il appartient à la société Flashbird de saisir, conformément au règlement d'arbitrage de la chambre de commerce et d'Industrie de l'Ile [Localité 1],
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
.
- a partagé les dépens.
La société Flashbird a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2014 et par ses dernières conclusions transmises le 20 janvier 2016, elle demande à la cour :
- de dire son appel recevable,
- d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau, de condamner la société CSPI à lui payer par provision la somme de 480.000 USD soit 440.016,19€ correspondant aux factures impayées,
- à défaut, d'ordonner à la société CSPI la consignation de cette somme entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris et ce, sous astreinte de 1000€ par jour de retard dans l'attente du prononcé d'une décision judiciaire ou arbitrale définitive,
- de condamner la société CSPI au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
In limines litis, elle soutient que la voie du contredit n'est pas ouverte aux ordonnances de référé, par nature provisoire et que l'existence d'une clause d'arbitrage n'exclut pas, en cas d'urgence et tant que le tribunal arbitral ad hoc n'est pas constitué, la compétence du juge des référés pour accorder une provision lorsque, comme en l'espèce, la créance n'est pas sérieusement contestable.
Au principal, elle soutient :
- que la dette n'a jamais été contestée par la société CSPI, cette dernière invoquant seulement des difficultés de trésorerie,
- que les factures émises sont la contrepartie directe de ses prestations d'apporteur d'affaires, l'intéressement dû à ce titre étant indépendant de la qualité de ses prestations de consultant,
- et le recouvrement de sa créance est en péril, obérant sa propre trésorerie, en l'état de lourdes condamnations prononcées contre deux cogérants de la société CSPI par le tribunal de commerce d'Antananarivo le 23 septembre 2015 pour des faits de détournements d'actifs et de concurrence déloyale au préjudice de la société Durban International, leur associée malgache au sein de la société filiale CSPI Madagascar, faits dont la presse locale s'est fait l'écho dès le mois de novembre 2014.
La société CSPI, intimée, par ses dernières conclusions transmises le 18 janvier 2016, demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société Flashbird
- confirmer l'ordonnance entreprise
- subsidiairement, débouter la société Flashbird de ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000€ et aux dépens.
Elle soutient que la société Flashbird ne pouvait former de recours à ce titre que par la voie du contredit dans les 15 jours du prononcé de la décision, que la clause compromissoire du contrat litigieux , valablement signé par les deux parties, exclut la compétence du juge des référés saisi et qu'en tout état de cause, la société Flashbird n'a pas accompli les prestations dont elle réclame le paiement.
SUR CE LA COUR
En vertu de l'article 98 du code de procédure civile, la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnance de référé de sorte qu'en l'espèce, l'appel de la société Flashbird, doit être déclaré recevable, peu important que le président du tribunal de commerce saisi, en référé, ne se soit prononcé que sur la compétence.
Le contrat litigieux signé par chacune des parties les 14 mars et 18 avril 2013 prévoit expressément en son article 14 :
'[Localité 1] possède une Cour permanente d'arbitrage à la chambre de commerce et d'industrie.
Tous différends découlant du présent contrat-cadre, ou en relation avec celui-ci, tels le cas des avenants, seront tranchés définitivement suivant le règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce règlement.
Le droit applicable sera le droit malagasy
L'arbitrage se déroulera à [Localité 2], [Localité 1]'.
Toutefois, selon les dispositions de l'article 1449 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506 1° de ce code, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, en cas d'urgence, à la saisine du juge étatique tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué en vue d'obtenir une mesure provisoire ou conservatoire, la demande devant être portée devant le président du tribunal de grande instance ou de commerce.
En l'espèce, l'urgence résulte à l'évidence de l'ancienneté de la créance alléguée, prétendument impayée depuis juin 2013 soit quasiment son origine, de son montant supposé, supérieur à 440.000€ et du péril existant quant à son recouvrement, en l'état des condamnations pécuniaires à hauteur de plus de 2.150.000€ prononcées par le jugement susvisé du tribunal de commerce d'Antananarivo le 23 septembre 2015 à l'encontre, notamment, de deux co-gérants de la société CSPI également associés de la société CSPI Madagascar en cause dans ce litige (pièce 25), ce que la société CSPI, qui ne s'en explique pas, ne conteste pas.
Et il n'est pas en débat que le tribunal arbitral n'est pas constitué.
Par suite, le président du tribunal de commerce de Paris saisi des demandes de la société Flashbird en exécution provisoire du contrat litigieux doit être déclaré matériellement compétent pour connaître du référé provision litigieux, au sens des articles 1449 et 873 du code de procédure civile, et territorialement compétent pour en connaître comme étant la juridiction du lieu du défendeur au sens des dispositions combinées des articles 1449 et 42 du code de procédure civile, applicable dans l'ordre international.
Au principal, il est établi avec l'évidence requise en référé que les dispositions des articles Av 2 à 5 de l'avenant au contrat cadre de mars 2013 (pièce 3) mettent à la charge de la société CSPI un intéressement tel que visé à la clause 2.3 de ce contrat-cadre pour un montant mensuel forfaitaire garanti de 15.000 USD pour les douze années du contrat de concession BOT signé le 28 février 2013 (pièce 2), le premier versement devant intervenir en mai 2013.
La société CSPI n'a pas contesté devoir cet intéressement en phase amiable du litige, son gérant écrivant à la société Flashbird le 20 mai 2013 (pièce 6) 'je ne remets absolument pas en question le contrat passé entre nous, je vous demande pour ce qui est de la facture de commission (15.000 USD) de bien vouloir attendre que j'ai, soit mon financement, soit que je débute ma collecte' et par courriel du 16 juillet 2013 'Je vous demande de bien comprendre que le retard pris dans les règlements et qu'en aucun cas une remise en question de nos engagements, mais bien une situation financière compliquée, en tant que partenaire, vous devez comprendre mieux que personne.'(pièce 8).
Toutefois en phase contentieuse du litige, la société CSPI prétend soulever une contestation sérieuse tirée de la défaillance totale de son 'consultant' qui ne justifierait d'aucune prestation en vue de la promotion de son activité, telles que décrites aux articles 3 et 4 du contrat cadre.
Cependant l'article 2.3 du contrat-cadre énonce expressément que la société CSPI s'engage à intéresser la société Flashbird à ses activités sur le territoire [de Madagascar] indépendamment de sa qualité de consultant et de ses prestations en tant que tel', prévues distinctement par les articles 3 et 4 de ce contrat-cadre.
Au vu des dispositions de cet article 2.3 dont la clarté et la précision excluent l'interprétation, la créance de la société Flashbird n'apparaît pas sérieusement contestable en son principe, au sens des articles 1449 et 873 susvisés, étant observé que la loi du for régit les mesures provisoires et conservatoires, qui ont vocation à s'y exécuter et qu'au demeurant aucune des parties n'a invoqué de dispositions du droit malagasy pourtant reconnu applicable au contrat-cadre.
Et au vu des factures et décomptes produits, cette créance de la société Flashbird - qui fait valoir sans être contredite que le contrat BOT apporté le 28 février 2013 qui fonde cet intéressement représente plus de 100 millions de dollars de recettes (694.000 USD par mois) et que la société CSPI reconnaît elle-même qu'elle collecte les redevances qui lui sont dues à ce titre depuis le 12 juin 2013 - est manifestement établie à hauteur de la somme de 480.000 USD arrêtée au 2 janvier 2016 (soit 15.000X32) soit 440.016,19€ au 20 janvier 2016 .
Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise et de condamner la société CSPI à payer à la société Flashbird une provision estimée à 440.016,19€ à valoir sur ses factures d'intéressement impayées pour la période de juin 2013 à janvier 2016.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du dispositif de la présente décision.
La société SCPI, partie perdante, ne peut prétendre à une indemnité de procédure et doit supporter la charge des dépens conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare l'appel recevable
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau et y ajoutant
Condamne la société CSPI à payer à la société Flashbird une provision de 440.016,19€ à valoir sur ses factures d'intéressement impayées pour la période de juin 2013 à janvier 2016
Condamne la société CSPI à payer à la société Flashbird la somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette toute autre demande
Condamne la société CSPI aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT