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24/03/2016 | FRANCE | N°13/02834

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 24 mars 2016, 13/02834


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 24 Mars 2016

(n° 278, 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02834



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section industrie - RG n° 12/01478



APPELANT

Monsieur [Y] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité

1] ([Localité 1])

comparant en personne,

assisté de M. [T] [X] (Délégué syndical ouvrier) en vertu d'un pouvoir du salarié en date du 22 Octobre 2015 et de son organisation...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 24 Mars 2016

(n° 278, 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02834

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section industrie - RG n° 12/01478

APPELANT

Monsieur [Y] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ([Localité 1])

comparant en personne,

assisté de M. [T] [X] (Délégué syndical ouvrier) en vertu d'un pouvoir du salarié en date du 22 Octobre 2015 et de son organisation syndicale en date du 21 Octobre 2015

INTIMÉES

SA EDF

[Adresse 4]

[Adresse 5]

SIRET : 493 404 305 00044

représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : J029

GRDF

[Adresse 6]

[Adresse 7]

SIRET : 444 786 511 00022

représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : J029

SA ERDF

TOUR WINTERTHUR

[Adresse 8]

[Adresse 9]

SIRET : 444 608 442 06056

représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : J029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Murielle VOLTE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [M] a été engagé le 2 mai 1985 par EDF-GDF en qualité de stagiaire et titularisé le 15 décembre 1987, avec effet rétroactif depuis son embauche, au poste de releveur, en Groupe Fonctionnel 2 (GF2 ), Niveau de Rémunération 2 (NR2 ). En 2010, il est devenu permanent syndical à 50 % puis à 100 % en mai 2014. Il est actuellement employé par les sociétés ERDF et GrDF en qualité de Technicien Clientèle, classé en GF 4 NR 100 Échelon 11.

Estimant avoir subi un préjudice de salaire lié à « la discrimination », il a saisi la juridiction prud'homale, le 15 juillet 2010, de demandes de paiement de dommages-intérêts et de reclassement « dans le GF et NR où (il) devrait se trouver s'il n'avait pas été discriminé» dirigées contre la société EDF . Ultérieurement il a demandé la convocation des sociétés ERDF et GrDF « afin que le jugement leur soit opposable ». L'affaire a fait l'objet de renvois successifs et de deux décisions de radiation en date des 24 février 2011 et 7 février 2012 pour défaut de diligence du demandeur. M. [M] a fait réinscrire l'affaire au rôle en présentant dans leur dernier état les demandes suivantes à l'encontre des sociétés EDF, ERDF et GrDF :

«- dire et juger que la création de C6 n'a pas respecté la directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994, qui prévoit qu'un certain nombre de décisions affectant considérablement les intérêts des travailleurs doivent faire l'objet d'une information et d'une consultation des représentants désignés des travailleurs ;

- dire et juger que le droit communautaire impose au juge national de laisser inappliquée toute disposition contraire donc E RDF et GrDF n'ont pas d'existence légale et que Monsieur [M] a comme employeur EDF SA et GDF SA ;

- condamner l'employeur pour avoir modifié unilatéralement le contrat de travail et supprimer des éléments de rémunération qui sont des manquements signes de harcèlement moral ;

- condamner l'employeur pour exercice déloyal du contrat de travail en n'appliquant pas la réglementation statutaire ;

- condamner l'employeur selon l'article L. 1152-1 du code du travail pour avoir fait subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail qui a porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altérer sa santé physique, mentale et a compromis son avenir professionnel à 30'000 € ;

- condamner l'employeur selon l'article L. 4121-1 pour défaut d'obligation de résultat pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs à 15'000 €;

- condamner l'employeur à la réparation intégrale du préjudice en reclassant immédiatement le demandeur dans le classement qu'il aurait été s'il n'avait été discriminé au GF 10 NR 150 ;

- condamner l'employeur à payer les différences de salaires des 5 dernières années soit 50'813,26 € ;

- condamner l'employeur à payer les dommages intérêts qui ont pour objet de réparer le préjudice causé avant la prise en charge par la sécurité sociale, c'est-à-dire, le préjudice résultant des faits de harcèlement commis avant la déclaration de la maladie soit 15'000 €;

- condamner l'employeur à payer au titre de l'article 700 du CPC 1000 €;

- condamner l'employeur à l'exécution provisoire et aux dépens. ».

Par jugement du 28 février 2013, notifié le 18 mars 2013, le conseil de prud'hommes de [Localité 1] a mis hors de cause la société EDF et débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes, le condamnant aux dépens.

M. [M] a interjeté appel de cette décision le 20 mars 2013.

À l'audience du 22 octobre 2015, il demande à la Cour de :

«- condamner l'employeur pour trouble manifestement illicite et à payer le nettoyage des vêtements de travail imposés par l'employeur de 2805 € + 4000 soit 6805 € ;

- condamner l'employeur pour exercice déloyal du contrat de travail en n'appliquant pas la réglementation statutaire à 20'000 €;

- condamner l'employeur pour avoir modifié unilatéralement le contrat de travail et supprimé des éléments de rémunération qui sont des manquements signes de harcèlement moral ;

- condamner l'employeur selon l'article L. 1152-1 du code du travail pour avoir fait subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail qui a porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altérer sa santé physique, mentale et a compromis son avenir professionnel à 30'000 € ;

- condamner l'employeur selon l'article L. 4121-1 pour défaut d'obligation de résultat pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs à 15'000 €;

- condamner l'employeur à la réparation intégrale du préjudice en (le) reclassant immédiatement au GF 10 NR 150 ;

- condamner l'employeur à payer les différences de salaires non prescrites depuis la saisine soit 72'426,70 € ;

- condamner l'employeur à payer 1/10 au titre des congés payés soit 7242,67 €;

- condamner l'employeur à payer les dommages intérêts pour préjudice moral et man'uvres disciplinaires vexatoires soit 15'000 € ;

- condamner l'employeur à payer au titre de l'article 700 du CPC 2000 €;

- condamner l'employeur aux dépens. ».

Les sociétés ERDF, GrDF et EDF demandent à la cour d'écarter des débats les pièces 122 et 123 qui ne leur ont pas été communiquées, de confirmer le jugement entrepris et de:

«- dire et juger que les demandes de M. [M] sont irrecevables à l'encontre de la société EDF et mettre celle-ci hors de cause ;

- dire et juger que les demandes de nature salariale antérieures au 15 juillet 2006 sont prescrites;

- dire et juger que les demandes nouvelles en cause d'appel (indemnités de repas, indemnité de nettoyage de vêtements) sont prescrites ;

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [M] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. ».

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu, préalablement, qu'il y a lieu, en application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, d'écarter des débats les nouvelles pièces numérotées 122 et 123 produites au dossier de M. [M] et qui n'ont pas été communiquées aux sociétés intimées avant l'audience, alors même que l'affaire, appelée à l'audience du 4 juin 2015, a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 22 octobre 2015, déjà en raison du caractère tardif des écritures de l'appelant ; que M. [M] qui a interjeté appel le 20 mars 2013 a disposé d'un long temps pour communiquer ses pièces en temps utile aux parties adverses et un tel comportement qui tend à surprendre l'adversaire par la communication le jour même de l'audience de nouvelles pièces à l'appui de ses demandes, et dont la nature permet de se convaincre qu'il n'a aucun motif légitime de ne pas les avoir communiquées en temps utile, est contraire à la loyauté des débats ;

Sur l'identification de « l'employeur »

Attendu que M. [M], bien qu'il ait choisi de maintenir, en appel, ses prétentions à l'encontre d'EDF, ne fait valoir aucun moyen de fait et de droit à l'encontre du jugement entrepris qui a mis hors de cause cette société ; qu'il indique lui-même à l'audience que depuis le 1er janvier 2008, date à laquelle son contrat de travail a été transféré, ce sont bien les sociétés ERDF- GrDF UCF Île-de-France Est qui le paient, ce que confirment les mentions des bulletins de salaire versés aux débats pour l'année 2014 ; qu'il s'en déduit que la société EDF n'est plus son employeur et ne l'était déjà plus à la date de la saisine de la juridiction prud'homale en juillet 2010 ; que l'appelant en est lui-même conscient puisqu'il emploie le terme générique « l'employeur » dans le dispositif de ses écritures, alors même que ses demandes sont dirigées contre trois sociétés distinctes, se gardant bien de qualifier expressément la société EDF d'employeur ; qu'en toute hypothèse, la cour n'étant saisie par l'appelant d'aucune contestation de la mise hors de cause de la société EDF décidée par les premiers juges, le jugement sera confirmé sur ce point ; que, par conséquent, ce sont les sociétés ERDF et GrDF qui ont la qualité de nouvel employeur au sens des dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail et qui sont tenues des obligations qui incombaient à l'ancien employeur ;

Sur le remboursement des frais de nettoyage des vêtements de travail :

Attendu que M. [M] expose que la prime de nettoyage de ses bleus de travail a été diminuée de moitié lorsqu'il était en mi-temps thérapeutique du 2 février 2009 au 27 février 2009, en soutenant qu'il devait bénéficier de la totalité de ladite indemnité, et demande que l'employeur soit condamné à lui payer la somme de 6805 euros, « pour trouble manifestement illicite » ; qu'à l'appui de cette prétention, il se prévaut d'un mail d'une dame [O] du 7 mai 2012 qui rappelle 'la doctrine en la matière' et d'un arrêt du conseil d'État du 17 juin 2014 déclarant illégale la circulaire 'Pers 633" du 24 juin 1974 mettant à la charge du personnel les frais relatifs à l'entretien et au nettoyage de leur dotation vestimentaire pour les besoins du service ; que si, contrairement à ce que soutiennent les intimées, cette demande nouvelle formulée en cause d'appel n'est pas prescrite, en raison de l'effet interruptif de prescription attaché à la saisine de la juridiction prud'homale par le salarié en juillet 2010 qui s'étend de plein droit aux demandes additionnelles qui procèdent de l'exécution du même contrat de travail liant les parties et formées au cours d'une même instance, en revanche dans la mesure où l'appelant n'explicite pas le chiffrage de ses demandes autrement qu'en indiquant dans le dispositif de ses écritures que la somme qu'il réclame à hauteur de 6805 € correspond à '2805€ + 4000 €' sans même préciser le nombre de jours effectivement travaillés où il aurait porté ses vêtements de travail imposés ni fournir non plus le moindre justificatif des dépenses qu'il aurait effectivement exposées et inhérentes à son emploi, qui seraient restées à sa charge, ni la partie intimée ni la Cour ne sont en mesure de vérifier le bien-fondé d'une telle demande, tant en son principe qu'en son montant, dont la preuve incombe au demandeur si bien qu'il ne peut qu'en être débouté ;

Sur la demande en paiement d'une somme de 1175,88 euros au titre de l'attribution «normale» de la médaille du travail

Attendu que M. [M] soutient que le « RH » lui a infligé un blâme au mois de décembre 2013 à la suite d'un incident avec un client ayant eu lieu le 7 octobre 2013 dans le cadre d'une mission de coupure d'électricité du compteur pour impayés et que, 'au prétexte que le blâme, faute d'honneur, est accompagné d'une sanction financière en supprimant la médaille et la prime liée à la médaille', il ne recevra pas la médaille vermeil du travail ni la prime 's'élevant forfaitairement à 150 % selon pers 889 (SNB x 1,25 x taux de majoration résidentielle x gratification en %) soit salaire national de base 501,71 x 1,25 x 1,25 x 1,5 soit 1175,88 €" ; qu'à l'appui de cette prétention [non reprise dans le dispositif de ses écritures], il produit deux courriers en date des 1er juillet 2005 et 12 juin 2009 aux termes desquels l'employeur lui a attribué la médaille d'EDF- GDF, Échelon « Bronze » au titre de la promotion 2005 outre le versement d'une somme de 330,97 euros de prime, puis la médaille d'EDF- GDF, Échelon «Argent » au titre de la promotion 2009 outre le versement d'une prime de 739,76 euros ; qu'il communique par ailleurs trois circulaires du « Manuel Pratique 911-912 » EDF-GDF (PERS 396 du 15 avril 1961, PERS 656 du 3 mars 1973 et PERS 889 du 20 avril 1988) détaillant les modalités d'attribution des médailles et du montant des gratifications qui leur sont attachées ; mais, attendu qu'il ne justifie par aucune pièce de l'incident allégué avec un client ni non plus du blâme qui lui aurait été infligé ; qu'en outre, la circulaire PERS 396 qui fixe les dispositions de base relatives aux médailles d'EDF- GDF précise, certes, que la médaille ne peut être accordée notamment lorsqu'un agent a été l'objet pendant les deux années civiles précédant la promotion d'un avertissement ou d'un blâme notifié avec inscription au dossier, mais indique également que deux éléments entrent en ligne de compte pour l'ouverture du droit à l'une des médailles, l'ancienneté et le mérite « par référence à l'application apportée au travail, aux qualités d'assiduité, d'esprit d'initiative, de moralité, de conscience professionnelle etc. » et que les demandes doivent être présentées par le chef d'unité ayant le candidat sous ses ordres ; qu'il convient d'en déduire que l'absence de sanction ne confère pas un droit automatique à l'obtention de la récompense laquelle dépend également d'autres critères appréciés par le responsable hiérarchique ; que par conséquent, indépendamment du blâme qu'il se serait vu infliger et dont il ne justifie pas, M. [M] ne peut prétendre au versement d'une prime qui n'est pas un droit mais est subordonnée à des critères d'appréciation de mérite dont la cour ne peut se faire juge et il sera débouté de sa demande ;

Sur le « tarif agent » pour la résidence secondaire

Attendu que M. [M] affirme, qu'en 2014, son employeur lui a supprimé l'avantage en nature du tarif préférentiel de l'électricité et du gaz applicable à sa résidence secondaire acquise en 2010 au motif qu'il n'aurait pas joint la copie de la taxe d'habitation ; qu'il fait valoir que l'employeur prétend donc ajouter une condition non prévue à la circulaire « Pers 161 » du 16 novembre 1949 qui a réaménagé les avantages en nature visés à l'article 28 du Statut National du Personnel des Industries Électriques et Gazières, toujours en vigueur, et prévoyant que 'les avantages en nature peuvent être utilisés dans toute résidence secondaire dont l'agent est propriétaire ou locataire lors des séjours que, sur justifications, lui-même ou ses ayants droits y effectuent. L'agent paie ses quittances au tarif normal et les présente à son service payeur pour remboursement de la différence entre ce tarif est le tarif particulier consenti par la présente circulaire. (...) Les avantages en nature peuvent être octroyés simultanément au domicile de l'agent et dans une résidence secondaire. (...)' ; qu'il rappelle qu'il est de plus salarié protégé et qu'aucune modification de son contrat de travail et de la structure de la rémunération ne peut lui être imposée ; qu'il en infère que l'employeur a violé l'article L. 3221-3 du code du travail et commis un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail justifiant sa condamnation au paiement d'une somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts ; qu'enfin, il se prévaut du principe d'égalité des rémunérations posé par le droit communautaire 'tel qu'interprété par la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés Européennes' selon laquelle, au sens de l'article 119 du traité, sont considérés comme «rémunération » : « tous les avantages en espèces ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu'ils soient consentis, fût-ce indirectement, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier », pour en déduire que la suppression de l'avantage en nature du tarif agent constitue une atteinte à l'égalité des rémunérations et une discrimination directe causant un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser immédiatement, 'en ordonnant le rétablissement du tarif agent et le remboursement sur la prochaine facture du trop-perçu' [la cour relève à nouveau que cette demande est exposée dans le corps de ses écritures mais n'est pas reprise dans leur dispositif] ;

Attendu que les sociétés intimées objectent qu'outre que l'appelant n'étaye pas ses prétentions ni ne justifie de leur quantum, le bénéfice du « tarif agent » est en tout état de cause subordonné à la présentation de justificatifs permettant de s'assurer que le bénéficiaire remplit bien les conditions prévues, à savoir, selon la réponse ministérielle du 3 juin 1997, « d'être propriétaire, locataire ou occupant en titre du logement » et « d'être titulaire des contrats d'abonnement » ;

Attendu que s'il ne fait aucun doute que l'avantage en nature du tarif agent dont bénéficie le salarié en application du Statut des IEG constitue bien une rémunération au sens de l'article L.3221-3 du code du travail, la cour ne peut toutefois que constater qu'exceptée la circulaire «Pers 161» dont il fait état, M. [M] ne verse aucune pièce à l'appui de ses demandes ; qu'il ne peut sérieusement prétendre engager la responsabilité contractuelle de l'employeur en raison d'un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail et invoquer en outre l'existence d'un trouble manifestement illicite, sans au minimum établir la réalité même de la suppression de l'avantage en nature dont il se plaint concernant une résidence secondaire dont il ne précise d'ailleurs pas l'adresse ni ne justifie de sa qualité de propriétaire, et donc de la suppression d'un élément de sa rémunération ; que faute d'établir la matérialité des éléments de faits qu'il présente au soutien de ses prétentions, M. [M] ne peut qu'être débouté de ses demandes tendant à l'allocation de dommages-intérêts « pour exercice déloyal du contrat de travail en n'appliquant pas la réglementation statutaire » et à ce que soit ordonné le rétablissement du bénéfice du tarif agent en ce qui concerne la résidence secondaire dont il prétend disposer ;

Sur la demande en paiement d'une somme de 72'426,70 euros au titre des « différences de salaires» et d'une somme de 7242,67 euros au titre des congés payés afférents

Attendu que M. [M] fait valoir qu'il est victime d'une discrimination depuis sa titularisation et qu'il a subi un harcèlement moral tout au long de sa carrière ; qu'il entend obtenir son reclassement immédiat au groupe fonctionnel (GF ) 5 avec un niveau de rémunération (NR) 150 et sollicite le paiement d'une somme de 72'426,70 euros représentant le montant des différences de salaires qu'il a reconstituées depuis son embauche en mai 1985 et actualisée jusqu'au mois de juin 2015 sur la base du niveau de rémunération dont il estime qu'il aurait dû lui être attribué s'il n'avait pas été discriminé et harcelé et qu'il a calculées en se « calquant » sur le parcours professionnel de deux autres salariés, M. [Y] et M. [W] ;

Attendu, préalablement, que les intimées opposent la prescription quinquennale de l'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, en faisant valoir que les prétentions de l'appelant correspondent à des rappels de salaires et que celui-ci fait état à leur appui de faits remontant aux années 1985, 1986 et 1997 qui ne peuvent produire aucun effet comme étant prescrits ; que toutefois, la demande de M. [M] de reclassement indiciaire s'analyse en une mesure de remise en état à titre de réparation du préjudice de carrière qu'il allègue avoir subi et est fondée sur des faits discriminatoires ; que dans la mesure où l'appelant prétend poursuivre la réparation du préjudice résultant d'une discrimination, et fonde expressément son action sur les dispositions de l'article L. 1132-1 du code précité, l'instance ayant été introduite le 16 juillet 2010 devant le conseil de prud'hommes est soumise, non à la prescription de l'article L. 3245-1 du code du travail, ni non plus au délai de la prescription extinctive trentenaire invoquée par l'appelant, mais à la nouvelle prescription fixée par l'article L. 1134-5 issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, selon lequel 'l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.' ; que le point de départ de ce délai est donc la connaissance des faits par le salarié s'estimant victime d'une discrimination ; qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 17 juin 2008 que la révélation « n'est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié ; elle correspond au moment où il dispose des éléments de comparaison mettant en évidence la discrimination » ; qu'en l'espèce, dans la mesure où il n'est pas démontré ni même allégué que M. [M] disposait antérieurement à l'instance prud'homale des éléments de comparaison sur lesquels il fonde sa demande de reclassement indiciaire, celle-ci n'est pas prescrite ;

Que M. [M] invoque également une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » ; qu'il invoque enfin les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail prohibant la différence de rémunération en raison de faits de harcèlement ; qu'il convient d'examiner la demande du salarié au regard des différents fondements invoqués ;

Attendu, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'Article L3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.' ;

Que pour l'application de ce texte, l'article L. 1134-1 énonce que 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.' ;

Qu'en l'espèce, il sera relevé qu'alors que le salarié fonde sa demande sur une discrimination à son détriment il ne détermine pas au soutien de sa demande celui des motifs prohibés par la loi sur la base duquel il aurait été discriminé ; qu'il n'a pu en tout état de cause faire l'objet d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière depuis son embauche en 1985 en raison de son activité syndicale puisqu'il n'est devenu permanent syndical à 50 % qu'au mois de mars 2010 puis à 100 % en mai 2014 ; qu'il ne présente donc pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il résulte du principe « à travail égal, salaire égal » que tout employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; que M. [M] qui conteste le déroulement de sa carrière et estime que celle-ci a stagné en soulignant qu'il est à quelques mois de sa retraite ne peut, pour soutenir l'existence d'une inégalité de traitement, se contenter d'affirmer 'que les éléments sur les pratiques établissant pour les agents EDF leur parcours professionnel prouvent le traitement différencié [de M. [Y] [M]]', s'agissant d'affirmations générales qu'il tire d'un document EDF de 2004 présentant l'évolution de carrière en GF et en NR d'agents d'exécution, hommes et femmes, sous forme de statistiques et de courbes, 10-15 ans et 20-25 ans après leur embauche, dès lors que ce document ne permet pas de procéder à une comparaison pertinente avec des salariés qui seraient dans une situation identique à la sienne, s'agissant de données globales ; qu'il en est de même du document «IEG RAPPORT ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE» relatif aux données pour l'année 2012 dont il ne précise d'ailleurs pas les conséquences qu'il conviendrait de tirer par rapport à sa situation personnelle ; qu'il se compare toutefois à deux autres salariés de l'entreprise, M. [Y] et M. [W], en indiquant que 'pour plus de simplicité nous demandons de calquer sur le parcours professionnel de M. [Y] et M. [W] puisqu'ils étaient dans le même établissement 8 mois plus tôt' ; qu'il résulte des relevés de carrière produits aux débats que ces deux salariés ont effectivement été embauchés en qualité de releveurs au centre de [Localité 2] subdivision [Localité 3] respectivement en septembre 1984 et en novembre 1984, tout comme M. [M] à son embauche en mai 1985 ; qu'en décembre 2010, M. [Y] était chargé d'affaires senior au GF 10 NR 150 ; que M. [W] est chef de pôle depuis juillet 2011 et au GF 12 NR 170 depuis janvier 2014 ; qu'il a été vu que M. [M] est technicien de clientèle au GF 04NR 100 depuis janvier 2013 ; que ses fonctions et ses responsabilités sont donc très différentes de celles des salariés auxquels il se compare et qui ont connu une évolution de carrière différente en raison de leur parcours professionnel différent ; qu'en effet, les relevés de carrière mettent en exergue que M. [Y], titulaire d'un CAP électronique, d'un BEPC et d'un BEP, a manifesté dès juin 1987 sa volonté d'assumer des fonctions et des responsabilités plus importantes en faisant notamment acte de candidature et ce à plusieurs reprises, passant de chef ouvrier à agent technique 1er degré puis responsable d'équipe et enfin chargé d'affaires dès juillet 2001 ; que M. [W], titulaire d'un CAP électronique, d'un BEPC et d'un BEP a obtenu un diplôme inter-universitaire en management équipe et projets industriels en 2011 ; qu'il a changé de fonctions et de métiers dans le cadre de multiples appels à candidature passant de chef ouvrier à agent technique puis chargé d'affaires, formateur, chargé d'assistance à maître d'ouvrage, animateur, responsable d'équipe, et enfin chef de pôle, et fait partie du groupe fonctionnel « cadres » alors que M. [M] appartient au groupe fonctionnel «exécution» ; que le relevé de carrière de M. [M] montre qu'il a exercé des fonctions de releveur de 1985 à 1999 avant celles de technicien clientèle, fonction qu'il a occupée ' et qu'il occupe toujours ' à la suite d'une mutation d'office, et qu'il n'a jamais fait acte de candidature pour postuler sur des postes vacants, à la différence des salariés auxquels il se compare ; que ceci suffit à expliquer qu'il n'ait pas connu une progression similaire et justifie objectivement la disparité de traitement ;

Attendu, en troisième lieu, qu' aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissement répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'à l'appui de sa prétention M. [M] invoque les faits suivants :

1) des anomalies en matière de rémunération constituant, selon lui, des sanctions entraînant des mauvaises conditions de travail :

- son niveau de rémunération au moment de son embauche a été NR 20 alors que le premier niveau de salaire était au niveau NR 30 et il ne lui a pas été versé l'indemnité complémentaire attribuée aux releveurs pour compenser la différence :

il ressort cependant des relevés de carrière de MM. [Y] et [W] qu'ils ont, comme lui, été embauchés au NR 20 et sur la fiche de paie qu'il communique pour le mois d'octobre 1986 de M. [U], releveur, celui-ci est également classé en NR 20 ; si cette fiche de paie mentionne le versement d' une « indemnité complémentaire releveurs », ceci ne permet en rien de prouver qu'elle aurait pour objet de compenser la différence avec le niveau NR 30 ; de plus, M. [M] ne communique pas ses bulletins de paie à l'embauche, ce qui rend toute comparaison ou vérification impossible ;

- alors qu'il aurait dû passer au NR 3 en octobre 1986, il n'obtiendra ce classement que 30 mois plus tard :

M. [M] vise dans ses écritures le « Manuel Pratique Chapitre 103 » qui ne figure pas dans la liste des pièces du bordereau annexé ; cette affirmation est donc non démontrée ;

- le 28 mai 1997, il a signé une convention de professionnalisation avec EDF prévoyant qu'il serait muté au plus tard le 15 octobre 1997 à l'agence de [Localité 3] pour occuper le poste d'« agent PI mixte chargé des interventions électriques et gaz et de la relève des compteurs BT comportant une astreinte 1ère intervention gaz » et cet emploi ne lui sera attribué qu'en octobre 1999 :

la cour ne peut que constater que cette présentation de la situation se révèle inexacte à la simple lecture de la convention dont s'agit qui prévoit seulement que 'en cas de réussite au bilan final, M. [M] sera muté d'office en surnombre à l'agence d'exploitation nangissienne, pour ensuite y occuper, lorsque ses compétences auront été reconnues dans la durée, un poste d'agent PI (...)';

- alors qu'après avoir été formé au métier d'« agent PI mixte avec astreinte gaz », il était contraint de déménager, au plus tard le 15 octobre 1997, dans la zone d'habitat d'astreinte de l'agence d'exploitation où il était affecté, il ne percevra pas la prime de déménagement prévue à l'article 30 du statut, égale à deux mois de salaire ; l'employeur soutient en réponse que le déménagement provisoire de M. [M] a bien été pris en charge et l'indemnité correspondante ordonnée, ne manquant pas de s'étonner que si tel n'avait pas été le cas, le salarié n'en fasse la réclamation que 13 ans plus tard :

le bulletin de paie du mois de décembre 1997 comporte effectivement une adresse de M. [M] différente de celle des bulletins de paie des mois précédents ; mais, sur ce bulletin figurent trois versements au titre de « rémunération brute » pour un montant total de 41'060,62 francs, alors que la rémunération brute des trois mois précédents avait été de 8934,27 francs en septembre, 8934,27 francs en octobre et 9363,23 francs en novembre ; les prétentions de M. [M], contestées par l'employeur, sont donc, d'une part, imprécises car non chiffrées, et d'autre part, contredites par ses propres pièces ;

- il devait être reclassé en GF 4 donc NR4 lors de son habilitation électricité et en GF 5 NR5 lors de la mixité gaz, 'alors qu'il est habilité travailleur sous tension B2T et chargé de travaux et habilité gaz avec intervention d'urgence gaz le 20 juin 1997" ; du fait de son changement de contrat de travail, il ne devait plus être payé comme releveur et il passera en GF 3 seulement en février 1997, si bien qu'à ce jour il n'est toujours pas en GF 5, contrairement aux autres agents PI mixte travaillant sous tension et assurant l'astreinte gaz ; par ailleurs il fera des remplacements d'agents plus payés que lui et, suivant la PERS 530, il devait percevoir l'indemnité horaire calculée sur la rémunération du remplacé alors qu'il n'aura pas de prime, ni de salaire de remplacement ; enfin, 'la rémunération d'astreinte d'exécution ne peut être inférieure au niveau de rémunération 6 (60) échelon 1 (note dir 12. 7. 1979 et DP 10. 72) alors qu'il était en NR 3 (30)' :

cependant, ainsi que le fait pertinemment observer l'employeur, il ressort des propres pièces de M. [M] que la classification en GF 4 qu'il revendique correspond à des fonctions de « monteur électricien BT travaillant sous tension (branchements aériens) habilité B2T et chef de travaux »; or, en 1997, M. [M] était releveur et même s'il a obtenu un titre d'habilitation valable du 20 juin 1997 au 31 décembre 1997 et une « reconnaissance locale de compétence » valable du 27 novembre 1997 au 31 décembre 1997 pour les interventions d'urgence en matière de fourniture de gaz, cette habilitation ' ayant de surcroît un caractère temporaire ' lui a été délivrée, comme elle le mentionne, alors qu'il exerçait des fonctions de releveur, et elle indique expressément : « Cette habilitation n'autorise pas à elle seule son titulaire à effectuer de son propre chef des opérations pour lesquelles il est habilité. Il doit, en outre, être désigné par son chef hiérarchique pour l'exécution de ces opérations. » ; il se déduit de ces éléments que M. [M] étant toujours releveur, était rémunéré comme tel, et ne pouvait en aucun cas prétendre à une qualification au GF 4 correspondant à une fonction qui n'était pas la sienne ; la PERS 530 ne prévoit pas un salaire de remplacement mais une « indemnité horaire » pour les agents participant à une astreinte d'exécution ne pouvant être inférieure au niveau de rémunération 6, échelon 1 et ses bulletins de paie de l'année 1998 font bien mention d'indemnités pour les astreintes qu'il réalisait ; les allégations de M. [M] ne sont donc pas fondées ;

- la situation des agents dont le temps d'activité dans leur niveau de rémunération est égal ou supérieure à 6 ans (accord 2004) et 4 ans (accord 2006) est examinée en priorité au moment des avancements afin de leur accorder, sauf choix négatif motivé, un avancement de niveau dans le cadre du contingent annuel ; il se trouvait dans ce cas et sa situation devait être examinée dans le cadre d'un entretien hiérarchique et en commission secondaire du personnel ; il aurait dû obtenir un avancement 6 ans après celui de 1990 et ne l'obtiendra qu'en 1997, puis, après le reclassement en 2000, son avancement devait intervenir en 2006 au lieu de 2007 ; enfin, après l'accord de 2006 les demis NR doivent être attribués aux plus tard 4 ans dans le même NR soit au 1er janvier 2010 au lieu de 2011 :

cependant, l'examen du déroulement de carrière de M. [M] fait ressortir qu'il a bénéficié d'avancements de niveau dans des conditions régulières au regard de la convention du 31 mars 1982, de l'accord relatif aux avancements de niveaux au choix au 1er janvier 2004 et de l'accord national signé le 24 février 2006, étant entendu que la situation des agents dont le temps d'activité dans leur niveau de rémunération est égal ou supérieur à 6 ans puis à 4 ans est seulement « examinée en priorité », ce qui signifie que le passage au niveau de rémunération supérieur n'est pas automatique, s'agissant précisément d'un avancement « au choix » s'exerçant dans la limite d'un contingent annuel, de surcroît parfaitement transparent tant vis-à-vis des agents que des organisations syndicales puisqu'il fait l'objet de bilans réguliers ; en tout état de cause, le relevé de carrière de M. [M] montre qu'il a fait l'objet de plusieurs avancements au choix, de reclassements et d'un avancement particulier en 2013 du fait de sa désignation à compter de janvier 2011 en tant que correspondant fédéral régional pour la Fédération CFTC ; de plus, il omet de préciser qu'en 1997, il s'est vu attribuer non pas 1 mais 2 avancements de NR successifs, en janvier puis en février, ce qui compense le « retard » d'un an dont il se plaint, qu'ensuite, il n'est resté que 3 ans dans le même NR avant de changer cette fois de GF, passant du 3 au 4, ce qui constitue une promotion, et s'il est alors resté 7 ans dans le même NR, il a bénéficié ensuite d'un avancement particulier au bout de 4 ans, puis d'un nouvel avancement particulier 2 ans plus tard ; enfin, ainsi qu'il a été vu précédemment, M. [M], tout au long de sa carrière ne s'est jamais positionné sur des appels à candidature qui lui auraient permis de progresser de manière toute autre, comme l'illustre l'employeur, en produisant à titre de comparaison le relevé de carrière de M. [Z] qui est entré dans l'entreprise en 1985 en qualité de releveur, qui exerçait une activité syndicale antérieurement à M. [M] et qui a évolué de manière bien plus importante que ce dernier, en obtenant des mutations de fonctions grâce à des appels à candidature puisqu'en fin de carrière il exerçait des fonctions de conseiller clientèle et relevait du GF 8NR 120 ;

2) en 2008, il subit un « harcèlement » de son chef qui refuse de lui payer les repas le midi quand la cantine est fermée, à la différence des autres agents :

M. [M] produit 8 relevés d'activité journaliers pour l'année 2008 sur lesquels le contremaître a apposé la mention « cantine fermée» pour refuser l'indemnité de repas ; à défaut de tout autre élément, il n'est pas établi que M. [M] avait un droit au défraiement de ses frais de repas quand la cantine était fermée, ni non plus qu'il en allait différemment pour les autres agents ;

3) ce même chef lui refuse catégoriquement « des » détachements d'activité syndicale en le laissant sans rien faire au bureau, ce qui lui causa une dépression profonde avec un an d'arrêt de travail :

à l'appui de cette allégation, M. [M] produit une demande d'absence pour «détachement syndical » d'une durée de 8 heures le 19 février 2009 qui lui a été refusée en motif qu'il n'avait pas de mandat national, 'alors qu'il est sur le droit syndical collectif de la CFTC'; cependant, d'une part, M. [M] indique dans ses conclusions avoir bénéficié de son premier mandat syndical en mars 2010 en tant que membre consultatif au sein du CHSCT et ne démontre aucunement, ainsi qu'il l'affirme, qu'il était en droit de bénéficier d'un détachement syndical en l'absence de mandat, d'autre part, ce refus en février 2009 n'a, à l'évidence, aucun lien avec son état dépressif puisque ses premiers avis d'arrêt de travail pour « dépression» ont débuté un an auparavant, le 11 février 2008 ;

4) l'employeur lui a fait subir quatre entretiens préalables en 1998, 1999, 2010 et 2013 : en 1998, pour des faits qui relevaient de sa vie personnelle, alors que le conseil de discipline avait déclaré l'employeur 'irrecevable' mais celui-ci relancera la procédure en 1999 et, en dépit d'un nouveau rejet par le conseil de discipline, il sera sanctionné sans motivation par un retrait d'un mois de salaire ; en 2010, il fera l'objet d'un nouveau conseil de discipline à la suite d'un 'accrochage de rétroviseurs avec un automobiliste qui l'agresse et le met K.-O.' ; en 2013, il se fait agresser par un client suite à une coupure de courant pour impayé et au lieu de le soutenir, l'employeur lui inflige un blâme :

mais, s'agissant de la mise à pied sans salaire dont il a fait l'objet en1999, cette sanction est, en application de l'article L. 1332-5 du code du travail et des articles 11 et 12 de la loi du 6 août 2002, à la fois prescrite et amnistiée, de sorte que le nouvel employeur est nécessairement dans l'impossibilité de formuler quelques observations que ce soit sur son caractère prétendument injustifié et de répondre favorablement à la sommation qui lui a été faite de communication des éléments du dossier administratif concernant notamment le procès-verbal de la commission de discipline puisqu'elle a été retirée du dossier du salarié s'agissant de faits amnistiés ; en effet, la loi du 6 août 2012 dispose que « sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires professionnelles (...) L'inspection du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait état des faits amnistiés. À cet effet, elle s'assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l'amnistie » ; force est en outre de relever que M. [M] n'a pas contesté cette sanction en son temps devant le conseil de prud'hommes ; ces circonstances excluent que cette sanction ancienne puisse constituer un fait susceptible de faire présumer un harcèlement ; la seconde procédure disciplinaire intervenue 10 ans après la première pour des faits du 21 août 2009 ( abandon de poste sans autorisation) n'a donné lieu à aucune sanction, l'employeur ayant expliqué dans sa lettre du 13 septembre 2010 sa décision de procéder au classement du dossier, 'compte tenu de l'avis émis par la Commission et des explications que vous nous avez données en séance' ; le salarié a donc vu sa situation examinée dans le cadre d'une procédure parfaitement régulière qui s'est dénouée favorablement et aucun élément ne permet de considérer que l'employeur ait fait un usage abusif de son pouvoir de direction et de son droit corollaire de surveiller et, le cas échéant, sanctionner ses salariés en cas de comportement fautif avéré ; enfin, les faits de 2013 dont se plaint M. [M] ne sont étayés par aucune pièce ;

5) il a été victime de dépressions qui se sont soldées par un infarctus ce qui lui occasionnera des restrictions d'exercice de son emploi avec la perte de l'astreinte :

M. [M] étaye ses affirmations par la production d'avis d'arrêt de travail, de bulletins d'hospitalisation, d'un certificat de son médecin généraliste et d'un certificat d'un médecin psychiatre ; l'examen de ces éléments fait ressortir qu'il a été en arrêt de travail à compter du 21 janvier 2008 avec de brèves reprises du travail de quelques jours puis de manière prolongée à compter du 11 février 2008 jusqu'au 23 avril 2009, avec une reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 22 décembre 2008 ; son médecin généraliste a motivé l'arrêt de travail du 11 février 2008 en indiquant « dépression » ; à compter du 30 mai 2008, les arrêts de travail seront établis par un médecin psychiatre qui renseignera les avis en indiquant « état dépressif » ou « état dépressif sensitif » ou encore « état anxio-dépressif » ; le 29 novembre 2011, M. [M] sera hospitalisé jusqu'au 3 décembre 2011, à la suite d'un infarctus du myocarde, puis sera en arrêt de travail jusqu'au 17 février 2012, selon le dernier avis produit ; dans un certificat daté du 15 décembre 2014, le médecin traitant qui suit M. [M] depuis 1999 indique « avoir consulté ce patient à plusieurs reprises depuis 2008 pour maladie dépressive suite à ressenti de harcèlement sur lieu de travail qui a nécessité une prise en charge spécialisée par psychiatre. De plus 2011 un accident vasculaire cérébral suite à poussée hypertensive liée à des conflits fréquents sur son lieu de travail » ; dans un certificat du 3 octobre 2012, le médecin psychiatre déclare « avoir donné régulièrement mes soins à M. [Y] [M] du 7/5/2008 au 12/2/2009 pour un état dépressif profond nécessitant l'emploi d'antidépresseur et anxiolytique » ; la cour relève que le médecin spécialiste psychiatre à la différence du médecin traitant généraliste ne fait pas de lien entre l'état dépressif de son patient et son travail, contrairement au médecin généraliste, et que les praticiens hospitaliers du service pathologie cardio-vasculaire de l'hôpital privé [G] [Q] n'ont pas établi de certificat constatant un lien entre la maladie cardiaque et le travail ; que si le médecin généraliste fait état d'un « ressenti » de harcèlement et de conflits fréquents sur le lieu de travail, il n'a pu que rapporter les déclarations de son patient mais n'a pu en constater personnellement la réalité ; qu'il ne peut donc être affirmé que les difficultés de santé de M. [M] ait un lien de causalité certain avec la relation de travail ;

Qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ;

Attendu qu'il s'évince des développements qui précèdent que M. [M] ne peut qu'être débouté de ses demandes en paiement des sommes de 72'426,70 euros et de 7242,67 euros de congés payés afférents ;

Sur les autres demandes

Attendu, d'abord, que pour les motifs précédemment énoncés, la demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ne peut qu'être rejetée et que la demande de dommages intérêts «pour préjudice moral et man'uvres disciplinaires vexatoires » n'étant pas davantage fondée ne peut non plus être accueillie ;

Attendu, ensuite, que M. [M] reproche à l'employeur d'avoir commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat prévue à l'article L. 4121-1 du code du travail ; que selon cet article, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que les intimées justifient que M. [M] a bénéficié d'un suivi médical régulier par la production de divers bulletins d'examens médicaux de contrôle et d'attestations d'aptitude médicale établis par la médecine du travail d'EDF-GDF ; que notamment, M. [M] a été vu en consultation à plusieurs reprises au cours de l'année 2008 : le 4 février , il a été déclaré apte à reprendre 'sans surcharge de travail pendant 15 jours', le 19 novembre 2008, à la suite d'une expertise, il est conclu que « M. [M] est apte à exercer une activité professionnelle », le 8 décembre 2008, il est déclaré 'apte avec restriction temporaire: éviter la conduite VL pendant les heures de travail ' 1 mois', et le 22 décembre 2008, dans le cadre d'une visite de reprise de travail après arrêt de 21 jours ou plus, le médecin du travail conclut : « Apte à une reprise à temps partiel thérapeutique pour 1 mois avec travail le matin de préférence mais possibilité d'adapter les horaires selon les tâches à effectuer, avec restriction pas de conduite automobile ' À revoir dans 1 mois » ; qu'en 2009, il a été vu par le médecin du travail, le 27 janvier, dans le cadre d'une surveillance spéciale et déclaré « apte à poursuivre le temps partiel thérapeutique en adaptant les horaires aux tâches telles que stages nécessaires sinon travail le matin levée temporaire de la restriction de conduite de VL ' À revoir le 10 mars 2009 », le 27 février, à sa demande, l'examen concluant : « sans changement par rapport à l'avis du 21/1/09. Étude de poste à programmer », le 27 avril, dans le cadre d'une visite de reprise de travail concluant : « Apte à reprise à temps plein. À revoir dans 2 mois (avant la fin juin) » et le 3 juin, le médecin du travail l'a déclaré « Apte. À revoir fin septembre » ; qu'enfin, après son infarctus du myocarde, il a fait l'objet d'une visite de reprise de travail après arrêt de 21 jours ou plus, le 12 mars 2012, concluant : « Apte à la reprise avec aménagement temporaire de poste. Éviter l'utilisation d'outils coupants. » ; qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation édictée à l'article précité n'étant caractérisé, M. [M] sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts présentée sur ce fondement ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que le jugement sera confirmé dans ses dispositions condamnant M. [M] aux dépens et rejetant la demande formulée par les sociétés défenderesses au titre des frais irrépétibles ; que M. [M] qui perd sur toutes ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel ; qu'en considération de la disparité des situations économiques respectives des parties, il y a lieu de dispenser M. [M] de toute condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [M] de sa demande en paiement d'une somme de 1175,88 euros au titre de l'attribution de la médaille du travail ;

Déboute M. [M] de sa demande en paiement d'une somme de 6805 euros au titre des frais de nettoyage des vêtements de travail ;

Déboute M. [M] de sa demande de dommages-intérêts pour exercice déloyal du contrat de travail ;

Déboute M. [M] de sa demande tendant à ce que soient ordonnés « le rétablissement du tarif agent et le remboursement sur la prochaine facture du trop-perçu » ;

Dit n'y a avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/02834
Date de la décision : 24/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/02834 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-24;13.02834 ?
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