RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 22 Mars 2016
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03308 et 15/03438
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° F 14/01893
APPELANT et intimé
Monsieur [Q] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1975 à BORDEAUX (33000)
comparant en personne,
assisté de Me Khalil MIHOUBI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
INTIMEE et appelante
SARL CBH
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Aurélie SMADJA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0264
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [P] a été embauché par la société CBH selon contrat 'Nouvelles Embauches' à compter du 3 juillet 2006, en qualité d'employé commercial.
Le 7 juillet 2011, il a reçu un avertissement, suivi d'une lettre recommandée du 21 juillet, qu'il a contestés par courrier du 8 août 2011.
Le 12 septembre 2011, monsieur [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 23 septembre.
Par lettre du 29 septembre 2011, monsieur [P] a été licencié pour faute grave.
La société CBH emploie habituellement moins de 10 salariés La convention collective applicable à la relation de travail est celle de l'import-export.
Lors du licenciement, monsieur [P] était rémunéré en qualité de chef des ventes non cadre, moyennant un fixe de 1.857,10 Euros, outre des commissions, son salaire brut moyen étant de 3.961,34 Euros.
Le 7 octobre 2011, monsieur [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL pour contester son licenciement et revendiquer le statut de VRP.
Par jugement du 26 février 2015, le Conseil de Prud'hommes, en formation de départage, a dit le licenciement de monsieur [P] sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société CBH à lui payer les sommes suivantes :
- 7.922,68 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2011 ;
- 12.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
- 1.200 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile
Les 26 et 27 mars 2015, monsieur [P] et la société CBH ont respectivement interjeté appel de cette décision.
Il convient, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des procédures.
Par conclusions visées par le greffe le 2 février 2016 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [P] demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'infirmer sur le surplus et de :
- à titre principal, constater qu'il est VRP au sens des articles L 7311-3 et suivants du code du travail, en conséquence condamner la société CBH à lui payer :
. 11.884,02 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
. 6.708,72 Euros à titre d'indemnité de retour sur échantillonnage
. 20.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance du statut de VRP
. 56.069,76 Euros à titre d'indemnité de clientèle, subsidiairement 7.242,62 Euros à titre d'indemnité spéciale de rupture VRP et 1.056,29 Euros à titre d'indemnité conventionnelle de rupture VRP ;
- à titre subsidiaire condamner la société CBH à lui payer :
. 4.456,50 Euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 7.922,60 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
Il sollicite condamnation de la société CBH à lui payer 31.690 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, l'application des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2011, et 2.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe le 2 février 2016 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société CBH demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement de monsieur [P] était fondé sur une faute grave, à tout le moins une cause réelle et sérieuse.
Elle sollicite en revanche confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que monsieur [P] ne relevait pas du statut de VRP et l'a débouté de ses demandes, subsidiairement de le débouter de ses demandes d'indemnité de clientèle, et des indemnités spéciale et conventionnelle de rupture dès lors que son licenciement repose sur une faute grave, d'indemnité de retour sur échantillonnage et de dommages et intérêts ; très subsidiairement d'en limiter le montant aux sommes suivantes :
- 6.703,83 Euros pour l'indemnité spéciale de rupture
- 1.207,12 Euros pour l'indemnité conventionnelle de rupture ;
- 4.715,71 Euros pour l'indemnité de retour sur échantillonnage
Elle sollicite condamnation de monsieur [P] à lui payer 1.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
MOTIFS
Sur le statut de VRP
C'est par de justes motifs, adoptés par la Cour, que le Conseil de Prud'hommes, après avoir rappelé les dispositions de l'article L 7311-3 du code du travail et constaté que monsieur [P] coordonnait et animait une équipe de commerciaux, procédait à des licenciements et percevait des commissions sur les ventes réalisées par l'équipe qu'il animait, a considéré que monsieur [P] ne relevait pas du statut de VRP ;
Monsieur [P] le conteste, en prétendant qu'il n'avait pas de fonction d'animation ni d'encadrement, aucune équipe n'existant au sein de la société, et que ce n'est que de façon épisodique qu'il a été amené à donner des conseils à de nouvelles recrues ; toutefois, ces affirmations sont contredites par les propres courriers ou mails de monsieur [P] qui sont versés aux débats par l'intéressé en tant que chef de ventes, et dans lesquels il s'adresse à son 'équipe' pour lui transmettre des instructions, des consignes et des informations, fait des commentaires sur les clients visités et les commissions perçues, demande à un commercial de lui transmettre ses plannings hebdomadaires, donne son avis sur d'éventuels recrutements au sein de son 'équipe', convoque une salariée à un entretien préalable à licenciement , relaie auprès de la direction les sentiments de son 'équipe ' et de 'la force de vente' sur la modification envisagée du système de rémunération ;
En outre, les pièces produites démontrent que monsieur [P] n'exerçait pas exclusivement son activité à [Localité 1] mais prospectait également des clients dans le sud et le sud-ouest ;
Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc confirmé sur ce point ;
Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié ;
Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :'Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de cet entretien, nous vous reprochons les faits
suivants :
1) Non respect réitéré des consignes de la Direction
' s'agissant des délais de livraison garantis par la Société
Le 7 juillet dernier, nous vous avons notifié un avertissement aux termes duquel nous vous avons expressément enjoint de bien vouloir respecter nos consignes s'agissant des délais de livraison à indiquer à nos clients, et nous vous avons précisément demandé de ne plus nous transmettre des commandes le jour pour le lendemain, de bien vouloir indiquer aux clients que la Société ne pouvait en aucun cas garantir la livraison dans un délai aussi bref.
Depuis, nous avons malheureusement été au regret de constater que vous n'aviez absolument pas pris en compte cette consigne et que vous persistez à nous transmettre des commandes en indiquant une livraison au lendemain.
Vous n'intégrez pas les contraintes de la société dans les messages que vous diffusez pourtant en son nom auprès de la clientèle.
Il en a été ainsi les 12 juillet, 24 Août, 8 Septembre, 13 et 15 Septembre et encore plus récemment le 22 Septembre dernier.
En agissant de la sorte, vous contrevenez sciemment à nos consignes et instructions et placez la Société en porte à faux vis-à-vis de sa clientèle.
' s'agissant des instructions qui vous ont été donnés relatives à la nécessité d'inclure dans vos tournées les cavistes et les grands hôtels Nous avons attiré à de multiples reprises votre attention sur la nécessité qu'il y avait à inclure dans vos tournées de visites les cavistes et les grands hôtels parisiens qui constituent des cibles extrêmement importantes, notamment pour la qualité de l'image de notre société.
Malgré nos directives en ce sens, vous persistez à délaisser ces cibles dont vous affirmez qu'elles ne sont pas rentables pour vous, car les volumes commandés seraient moindre que pour le reste de la clientèle.
Ces clients potentiels sont pourtant indispensables au développement de notre Société, notamment en termes d'image de marque.
Vos comptes rendus d'activité depuis plusieurs mois montrent que vous ne prenez
aucunement en compte nos remarques et appliquez en définitive, votre propre stratégie commerciale dont vous êtes le seul bénéficiaire, sans vous soucier de sa cohérence avec celle de la société, qu'il vous appartient pourtant, en qualité de salarié, de respecter et d'appliquer.
Nous vous avions notamment demandé depuis le mois de mars dernier de prendre contact et rendre visite à l'hôtel Mandarin Oriental dont l'ouverture était programmée en Juin 2011.
Nous avons eu le regret d'apprendre que vous n'aviez rencontré aucun responsable et que lorsque Melle [V] [Y] a pu, elle, rencontrer un responsable au bar, il était trop tard car la carte avait été réalisée sans inclure aucun produit CBH.
En outre, nous avons appris que lors d'un passage du dirigeant de la marque «Patron» au Ritz lors du week-end du 14 juillet 2011, ce-dernier a eu la désagréable surprise de constater que son produit, que nous commercialisons auprès de cet hôtel, n'était pas disponible.
Votre carence dans le suivi de ces clients, compris dans votre secteur, place la société dans une position très inconfortable vis-à-vis de sa clientèle comme des marques qu'elle représente.
' s'agissant de la mise à jour du fichier client
Nous vous avons demandé à de multiples reprises 6 juillet, 15 juillet et 18 juillet, nous faire parvenir le fichier client de votre secteur mis à jour.
A ce jour, nous ne l'avons toujours pas reçu et vous ne nous avez fourni aucune justification.
La mise à jour de ce fichier est très importante puisqu'elle permet de gérer au mieux notre activité, en fonction des besoins et disponibilités de nos clients.
Ainsi, nous avons appris le 20 Septembre que notre client FNS, dont il est précisé dans la fiche client dont nous disposons qu'il ne peut réceptionner les marchandises que 3 jours par semaine, peut en réalité, depuis plusieurs mois, réceptionner les livraisons tous les jours de la semaine.
Ce type d'information est précieux à notre activité et votre absence de reporting sur le sujet
est préjudiciable à la bonne organisation de notre activité.
En tout état de cause, la mise à jour de ce fichier fait partie intégrante de vos fonctions et votre absence de communication à cet égard constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles.
' s'agissant de l'obligation de faire payer les clients à la commande Depuis le mois d'avril dernier et malgré nos nombreux rappels, vous persistez à ne pas systématiquement exiger des clients qu'ils paient les produits au moment où la commande vous est passée et en toute hypothèse avant qu'ils ne leur soient livrés.
Vous appliquiez pourtant auparavant cette règle sans difficulté.
Nous constatons que vous avez depuis plusieurs mois instauré, de votre seule initiative, et contrairement aux instructions précises que nous vous avons donné sur le sujet, (note de service signée par vos soins le 7 Février 2011) des règles autres avec les clients de la société qui vous remettent désormais les chèques en direct, lors de votre passage dans leurs établissements après livraison.
Ce non respect des règles commerciales de l'entreprise est générateur de retards importants dans les paiements et donc de difficultés de trésorerie (vous n'ignorez pas que 60 à 80% des sommes facturées correspondent aux taxes versées à l'Etat et dont CBH doit s'acquitter tous les 10 du mois, ce qui contraint CBH, en cas d'absence de paiement du client à la commande, de consentir des avances de trésorerie importantes).
' s'agissant du contenu de vos notes de frais
Nous vous avions demandé de remplir votre tableau de frais professionnels de manière très précise, en y indiquant notamment le kilométrage parcouru au cours du mois ainsi que celui figurant au compteur du véhicule.
Vous persistez à ne pas vous conformer à ces consignes.
Parmi les frais que vous nous avez adressés fin août, figuraient deux tickets d'essence datant du 21 août 2011, date à laquelle vous êtes revenu de [Localité 2], où vous passiez vos vacances, à [Localité 1].
Nous vous avons expliqué que la société ne saurait prendre en charge de tels frais, liés à l'utilisation personnelle que vous faite du véhicule mis à votre disposition par la société.
Lors de l'entretien préalable que nous avons eu le 23 septembre dernier, vous avez persistez à nous opposer que « comme vous rentriez de [Localité 2] à [Localité 1] pour travailler pour CBH, nous devions prendre en charge ces frais ».
Nous vous rappelons que les frais engagés par les salaries pour assurer leur retour de congés ne sauraient en aucun cas être pris en charge par l'employeur.
2) Non respect de la politique commerciale de la Société, non prise en compte des contraintes de la société, contestation systématique des décisions de la Direction, attitude polémique persistante.
Depuis plusieurs mois et encore davantage depuis le début du mois de septembre, vous adoptez une attitude d'opposition systématique à notre politique commerciale et n'avez de cesse de polémiquer sur l'ensemble de nos décisions et instructions.
Vous agissez dans le cadre de vos fonctions comme si vous étiez un agent commercial, non
rattaché à CBH par un contrat de travail, privilégiant systématiquement vos intérêts à ceux de la société.
Vous communiquez des messages erronés aux clients, mettant systématiquement en cause la Direction de CBH.
A titre d'exemple, vous avez permis à notre client « l'Ex-Nihilio » de bénéficier d'une livraison groupée avec un autre client «l'Apérock», ce qui lui permettait d'éviter la majoration sur les frais de livraison de 17 € que nous appliquons systématiquement à toute commande de moins de 12 colis.
Ce geste commercial, auquel nous avons consenti initialement, n'avait vocation à s'appliquer, comme nous vous l'avons explicitement précisé, que dans la mesure où les commandes de ce client restaient inférieures à 12 colis.
A partir de 12 colis, le client doit s'acquitter des frais normaux de livraison et ne peut en aucun cas bénéficier d'une livraison groupée au tarif appliqué au client dont la commande est la plus conséquente.
Or, vous indiquez dans votre compte rendu d'activité hebdomadaire de la semaine n°35 (29 août au 2 septembre 2011) que le client a commandé 18 colis et « trouve dommage que CBH ne veule pas jouer le jeu en lui permettant de se grouper avec l'Apérock Café » et avez laissé entendre que si le client commandait auprès de CBH c'était uniquement en raison de votre entente cordiale et pour mettre en avant nos produits.
De même, en dépit des procédures applicables, vous avez accepté d'intégrer la commande d'un salarié d'un de nos clients passée pour son compte personnel à celle de son employeur (N'importe quoi bar).
Comme vous le savez, les particuliers ne peuvent bénéficier des tarifs « professionnels », et ne peuvent donc commander que via notre site Internet de vente en ligne.
Le client ayant appris que son salarié avait pu passer une commande personnelle sur le compte de la société nous a écrit le 3 août 2011 pour nous faire part de son mécontentement et menaçant de rompre nos relations commerciales.
Nous constatons ainsi que vous ne respecter pas nos consignes et que les messages que vous diffusez auprès de la clientèle de notre société placent celle-ci dans une situation délicate et vont, en définitive, à l'encontre de ses intérêts.
Ces différents incidents témoignent de votre attitude d'opposition systématique et de totale désinvolture par rapport à la politique commerciale de la société, attitude qui lui porte gravement préjudice.
3) Utilisation abusive du matériel de la Société
Nous vous avions alerté, dans notre courrier d'avertissement du 7 juillet dernier, sur le fait que nous ne pouvions tolérer l'utilisation abusive à des fins personnelles que vous faisiez de votre messagerie mail professionnelle et nous vous avons en conséquence demandé de cesser ces pratiques, vous précisant qu'à défaut, nous serions contraints d'envisager de prendre une sanction plus grave à votre encontre.
Or, nous avons été plus que surpris de recevoir le 8 juillet 2011, une facture de téléphone correspondant à votre ligne mobile professionnelle s'élevant à plus de 700 euros.
Nous avons procédé aux investigations nécessaires auprès d'Orange afin de comprendre ce montant, correspondant, de plus, à des consommations au delà du forfait Orange Business.
Orange nous a adressé le relevé détaillé de vos connexions le 21 juillet dernier.
Nous avons alors découvert que vous utilisiez le téléphone mobile (Iphone) mis à votre disposition par la Société pour les besoins de votre activité pour regarder la télévision en ligne pendant à de très nombreuses reprises et à toute heure y compris pendant votre temps de travail.
Il en est de même sur le mois de Juillet où nous notons une consommation excessive de connexions à partir de votre iphone de plus de 833Mo, à toute heure y compris pendant votre temps de travail, comme le confirme le relevé détaillé fourni par Orange.
Cette utilisation abusive et réitérée des matériels de l'entreprise à des fins personnelles pendant votre temps de travail constitue un manquement à vos obligations contractuelles gravement préjudiciable à notre Société.
4) Attitude incorrecte à l'égard de vos collègues de travail
Vous avez adopté ces derniers temps une attitude envers vos collègues de travail que nous ne saurions accepter.
Ainsi, Mademoiselle [V] [Y] nous a appris le 1er septembre que le 8 juillet dernier, lors de la remise d'échantillons par [Z] à qui vous aviez donné rendez-vous chez un de nos clients, l'Apérock Café, vous lui avez tenu les propos suivants :« si vous ne tenez pas vos gars, je vais m'en occuper moi-même personnellement », « les actions que vous menez sont toutes inutiles», «vous êtes un poste de dépense», «je vais visiter les clients que vous ouvrez uniquement pour vous rendre service mais cela m'ennuie, ca me fait perdre du temps ». Vous lui avez ainsi et pendant plus de 45 minutes fait subir votre courroux pour des raisons totalement injustifiées, et ce devant un de nos clients.
Nous ne pouvons accepter que vous teniez de tels propos à vos collègues de travail.
De même, le 9 Septembre dernier, alors que vous étiez au téléphone avec Mademoiselle [F] [J] nouvellement entrée dans notre société, vous l'avez appelé à de nombreuses reprises « [M] » alors même qu'elle vous répétait qu'elle s'appelait « [F]».
Ce manque d'attention et de considération pour vos collègues est symptomatique de la désinvolture de votre comportement à l'égard de notre société.
S'agissant du premier grief, la note de service ne contient aucune consigne mais une simple information sur les délais de livraison, de 24 à 72 heures ; la société verse certes aux débats diverses commandes qui auraient été prises pour une livraison le lendemain ; toutefois, les commentaires de monsieur [P] sur ces fiches de commande font apparaître qu'il avait parfaitement intégré les délais ci-dessus et en avait informé le client, se bornant à répercuter ses desiderata ('livraison 'souhaitée') ;
Les échanges de mails de juillet 2011 qui sont versés aux débats par la société CBH sur la non mise à jour du fichier clients ne sont pas plus révélateurs d'un non respect des consignes, monsieur [P] ayant bien adressé son fichier le 6 juillet, sollicitant des précisions sur les modifications à apporter, et la société ne justifie par aucune pièce lui avoir répondu ou l'avoir relancé ;
Le grief sur la visite des grands hôtels a été, à juste titre, écarté par le Conseil de Prud'hommes par des motifs adoptés, contre lesquels la société CBH ne développe aucune argumentation pertinente ; il en va de même sur le non-paiement d'une commande à la livraison, les affirmations de la société sur le manquement de monsieur [P] à la consigne n'étant étayées par aucune pièce probante ;
Il convient également d'adopter la motivation du jugement sur l'attitude de contestation et d'opposition reprochée à monsieur [P], les deux incidents mis en avant à titre d'exemple étant non significatif du comportement reproché pour le premier et non démontré pour le second ;
Les déclarations d'une salariée, madame [Y], sont contestées par monsieur [P] et aucun élément ne vient les corroborer, étant observé que les incidents qui se seraient déroulés à compter du mois de juin n'ont été dénoncés par la salariée qu'en septembre 2011, dans une attestation établie la veille de la convocation à entretien préalable ; quant à l'erreur sur le nom d'une nouvelle collaboratrice, outre son caractère insignifiant, elle ne ressort d'aucune des pièces produites ;
Reste le fait d'avoir demandé le remboursement de deux bons d'essence pour un trajet [Localité 2] [Localité 1] non professionnel (retour de vacances) et l'utilisation du matériel de la société pour des jeux en ligne ; le caractère fautif du premier grief n'est pas établi et quant au second, monsieur [P] fait observer, à juste titre, que la société en avait connaissance dès le 30 juin, soit plus de deux mois avant la convocation à l'entretien préalable ; ce reproche avait d'ailleurs déjà été sanctionné par l'avertissement du 7 juillet 2011, et la société ne verse aucune pièce probante , telle une facture Orange, pour démontrer la persistance d'utilisation du téléphone à des fins personnelles après le 30 juin 2011 ;
Pour le surplus, c'est encore par de justes motifs, adoptés par la Cour, que le Conseil de Prud'hommes a considéré que les seuls griefs établis ne suffisaient pas à justifier une mesure de licenciement pour faute grave, ni même pour cause réelle et sérieuse ;
Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement, y compris sur le montant des sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les dommages et intérêts, adaptés à l'ancienneté du salarié et à sa situation professionnelle postérieure au licenciement ;
En application des dispositions de l'article 15 de la convention collective applicable à la relation de travail, le salarié licencié ayant moins de 10 ans d'ancienneté a droit à une indemnité de licenciement égale au quart du salaire global brut mensuel, si bien qu'il convient de faire droit à la demande de monsieur [P] à ce titre et de lui allouer la somme de 4.456,50 Euros ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Ordonne la jonction des procédures 15/03308 et 15/03438 ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne la société CBH à payer à monsieur [P] 4.456,50 Euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles engagés par es parties devant la cour ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;
Laisse à chacune d'entre elle la charge de ses dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT