RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 22 Mars 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02602
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/00061
APPELANTE
SARL MAITRISE & DISSUASION SECURITE PRIVEE
[Adresse 5]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIME
Monsieur [C] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 4]
représenté par Me Norbert GOUTMANN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le contrat de travail de monsieur [F], qui travaillait comme agent de sécurité chef de poste, a été transféré à la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée le 18 avril 2008, avec reprise d'ancienneté au 1er décembre 1982.
Par décision du 30 mars 2010, monsieur [F] a été reconnu comme travailleur handicapé.
Le 15 septembre 2012, le médecin du travail l'a déclaré apte, mais sur un poste de jour à temps partiel, si possible sur le site de [Localité 1], en précisant 'à revoir dans deux mois (novembre)'.
Le 23 octobre 2012, monsieur [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 octobre, auquel il ne s'est pas présenté.
Monsieur [F] a été licencié pour faute grave par lettre du 6 novembre 2012 ainsi rédigée:
Vous avez fait le choix de ne pas vous présenter à cet entretien, dans lequel nous avions
l'intention de vous reprocher les griefs suivants.
Depuis le 06 octobre 2012, vous ne vous présentez plus à votre poste de travail, vous vous êtes donc volontairement placé dans la situation d'un salarié abandonnant son poste de travail.
Malgré nos deux courriers des 16 et 23 octobre 2012, vous demandant de justifier vos absences et vous sommant de reprendre le travail, à ce jour, vous n'avez toujours pas pris contact avec le service RH, afin d'y apporter une quelconque explication, ni même produit un justificatif valablement recevable.
Nous vous rappelons que depuis le 06 octobre 2012, vous avez pris la décision de votre seule initiative, de ne plus vous présenter sur votre poste de travail et, cela afin d'y exercer votre métier d'agent de sécurité chef de poste sur votre site d'affectation EFD [Localité 1].
Dans ces conditions nous considérons que c'est en parfaite connaissance cause que vous avez pris la décision d'abandonner votre poste de travail.
Définition de l'abandon de poste.
« L'abandon de poste suppose que le salarié de sa propre initiative et sans autorisation, cesse ses fonctions et/ou quitte son lieu de travail ».
Nous ne pouvons que constater qu'a ce jour, vous n'avez toujours pas repris vos fonctions sur votre poste de travail.
Au regard de cette situation, l'abandon de poste est donc avéré, le fait fautif est donc clairement établi.
Dans ces conditions, nous sommes contraints de rompre nos relations contractuelles, et, par la présente nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle des entreprises de sécurité.
La société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée emploie plus de 10 salariés et le salaire brut moyen de monsieur [F], lors de son licenciement, était de 1.722 Euros.
Le 4 janvier 2013, monsieur [F] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester son licenciement.
Par jugement du 12 décembre 2014, notifié le 16 février, le Conseil de Prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée à payer à monsieur [F] les sommes suivantes :
- 3.444,40 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;
- 14.924 Euros à titre d'indemnité de licenciement ;
Le 3 mars 2015, la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions visées par le greffe le 2 février 2016 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens,
la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée demande la Cour d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement de Monsieur [F] repose sur une faute grave, en conséquence de le débouter de ses demandes et de le condamner à lui payer 2.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe le 2 février 2016 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens,
monsieur [F] demande à la Cour de confirmer le jugement qui a écarté la faute grave, de l'infirmer en ce qu'il a retenu la cause réelle et sérieuse ; en conséquence, outre les sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges, il sollicite condamnation de la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée à lui payer 41.328 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation, la remise de documents sociaux sous astreinte, et la condamnation de la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée à lui payer 2.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
MOTIFS
La faute grave résulte de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la résiliation immédiate du contrat de travail ; il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il allègue la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;
En l'espèce, la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée verse aux débats deux courriers qu'elle a adressés à monsieur [F] les 9 octobre et 16 octobre 2012, le premier pour lui reprocher de ne pas s'être présenté à son poste les 6 et 7 octobre, et lui demandant d'en justifier la raison, le second avec la même demande et l'invitant à se présenter sur son poste de travail ;
Monsieur [F] produit de, son côté, un certificat médical du 8 octobre 2012, lui prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 4 novembre, qu'il prétend avoir adressé à la société en temps et en heure, mais sans en justifier de façon pertinente, et sans expliquer la raison pour laquelle il n'a pas répondu aux deux courriers de la société et n'est pas venu, lors de l'entretien préalable, remettre ce document pour expliquer ses absences ;
Il reste que la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée n'ignorait pas la fragilité de l'état de santé de monsieur [F], lequel justifie qu'il était bien en arrêt de travail au cours du mois d'octobre ; si elle a tenu compte de l'avis d'aptitude du médecin du travail en l'affectant à mi-temps sur le site de [Localité 1], celui-ci avait aussi demandé à revoir l'intéressé au cours du mois de novembre ; avant de licencier un salarié qui avait 30 ans d'ancienneté pour faute grave, la société devait vérifier que son absence était étrangère à ses problèmes de santé ; monsieur [F] a certes commis une faute en laissant la société dans l'incertitude quant aux motifs de son absence, mais celle-ci n'était pas de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail, comme l'a jugé à juste titre le Conseil de Prud'hommes ;
IL convient dans ces conditions, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la cause réelle et sérieuse et écarté la faute grave, et condamné la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée à payer à monsieur [F] les indemnités compensatrices de préavis et de licenciement ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée à payer à monsieur [F] 1.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
Met les dépens à la charge de la société Maîtrise et Dissuasion Sécurité Privée.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT