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18/03/2016 | FRANCE | N°15/04062

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 18 mars 2016, 15/04062


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 18 Mars 2016

(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04062



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/01204





APPELANT

Monsieur [Y] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

représenté par M

e Dominique CRIVELLI JURGENSEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1245







INTIMEE

SA SHARP ELECTRONICS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre DIDI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 18 Mars 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04062

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/01204

APPELANT

Monsieur [Y] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

représenté par Me Dominique CRIVELLI JURGENSEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1245

INTIMEE

SA SHARP ELECTRONICS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre DIDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0445

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente

Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller,

Monsieur Christophe BACONNIER, Conseiller

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Madame Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mme Emmanuelle MAMPOUYA, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

M. [Y] [S] a été engagé par la SA SHARP ELECTRONICS France le 21 juin 2001, à effet du 24 septembre 2001, en qualité de directeur commercial par contrat à durée indéterminée.

En dernier état, il a occupé des fonctions de Vice président de la division santé de SHARP ELECTRONICS France moyennant une rémunération mensuelle brute de 13.850 €.

SHARP ELECTRONICS France est une société spécialisée dans la conception et la commercialisation de produits électroniques qui emploie plus de 10 salariés.

Elle est soumise à la convention collective des entreprises d'import export.

La relation de travail a été rompue le 22 février 2013 par la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [S].

Ce dernier fait grief à son employeur de ne pas avoir exécuté loyalement le contrat de travail notamment s'agissant de ses obligations relatives à la détermination et le paiement de la part variable de sa rémunération.

M. [Y] [S] a saisi le 21 mars 2013, le conseil de prud'hommes afin de voir juger que la prise d'acte de rupture doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir des indemnités et salaires auxquels il estime avoir droit.

Le conseil de prud'hommes de Bobigny, par jugement du 25 mars 2015, a :

Dit que la prise d'acte de rupture de [Y] [S] doit s'analyser comme une démission,

Débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

Débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle,

Condamné M. [S] aux entiers dépens.

Suite à la notification de la décision, le 9 avril 2015, M. [S] a fait appel.

Lors de l'audience du 17 septembre 2015, les parties ont soutenu oralement leurs conclusions, visées par le greffier, auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

M. [S] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau de :

- dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement,

- dire que M. [S] n'est pas un cadre dirigeant,

Condamner ELECTRONICS France au paiement des sommes suivantes :

2-1 demandes liées à la rupture du contrat de travail :

Requalification de la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1232-1 du code du travail :

Indemnité conventionnelle de licenciement : 42.817,44 €

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 356.000 €

2-2 demandes liées à l'exécution du contrat de travail :

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

(article L.1221-1 du code du travail) : 10.000 €

Rappels de salaires :

- au titre de la rémunération variable :

Année 2011 (octobre 2011 à mars 2012) 7.672 €

Congés payés afférents 767,20€

Année 2012 (avril 2012 à septembre 2013) 10 230 €

Congés payés afférents 1.023 €

Année 2012/2012 13.833,69 €

Congés payés afférents 1.383,36€

- au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs :

mars à décembre 2008 :

Rappels de salaires : 82.759,55 €

Congés payés afférents : 8.275,95 €

Repos compensateur : 37.191,24 €

Congés payés sur repos compensateur : 3.719,12 €

Janvier à décembre 2009 :

Rappels de salaires : 77.656,70 €

Congés payés afférents : 7.765,65 €

Repos compensateur : 40.376,70 €

Congés payés sur repos compensateur : 4.037,67 €

Janvier à décembre 2010 :

Rappels de salaires : 91.132,92 €

Congés payés afférents : 9.119,29 €

Repos compensateur : 44.653,05 €

Congés payés sur repos compensateur : 4.465,30 €

Janvier à décembre 2011 :

Rappels de salaires : 87.737,76 €

Congés payés afférents : 8.773,77 €

Repos compensateur : 41.954,88 €

Congés payés sur repos compensateur : 4.195,48 €

Janvier à décembre 2012 :

Rappels de salaires : 120.368,16 €

Congés payés afférents : 12.036,81 €

Repos compensateur : 64.236,88 €

Congés payés sur repos compensateur : 6.423,68 €

Janvier à février 2013 :

Rappels de salaires : 25.666,70 €

Congés payés afférents : 2.566,67 €

3- condamner la société SHARP ELECTRONIC France au paiement des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

dire que les intérêts de droit produiront eux-mêmes intérêts au visa de l'article 1154 du code civil,

4- condamner la société SHARP ELECTRONIC France au paiement de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

5- condamner la société SHARP ELECTRONIC France aux entiers dépens.

La société SHARP ELECTRONIC France s'oppose à toutes ces demandes, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, et

- dire que les demandes de M. [S] sont mal fondées,

- l'en débouter d'en leur intégralité,

- le condamner à lui payer 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance comme d'appel.

SUR CE LA COUR :

Sur la rupture de la relation de travail :

La prise d'acte de rupture par le salarié aux torts de l'employeur n'est justifiée que si les manquements invoqués à l'encontre de l'employeur sont non seulement avérés mais également d'une gravité telle qu'ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce il ressort des écritures et des pièces versées que demeurait un différent entre M. [S] et la société SHARP sur le montant de sa rémunération variable, sur la détermination de ses objectifs quantitatifs et qualitatifs de ce fait la part variable de sa rémunération ne lui a pas été totalement versée ;

M. [S] indique dans ses conclusions (page 30) que constatant les errements récurrents depuis 16 mois, dans la fixation des objectifs et de ses bonus - part importante de sa rémunération - il décidait de quitter SHARP et a pris acte de la rupture le 22 février 2013.

Mais c'est par des motifs appropriés, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a relevé que les manquements dont M. [S] faisait grief à son employeur ne sont pas fondés et qu'en tout état de cause, compte tenu du haut niveau de responsabilité de l'intéressé dans l'entreprise, ces manquements ne seraient pas d'une gravité telle qu'elle rendrait impossible la poursuite du contrat de travail, et c'est à raison que le conseil de prud'hommes en a déduit que la rupture de son contrat de travail par M. [S] devait s'analyser comme une démission.

En effet, à l'instar du conseil de prud'hommes la cour observe que M. [S] avait un très haut niveau de responsabilité au titre de ses fonctions de vice président de la division santé et environnement, fonctions qu'il avait acceptées en 2011, et à ce titre percevait une des rémunérations les plus importantes de l'entreprise.

C'est encore avec raison que le conseil de prud'hommes a relevé que M. [S] devait être actif dans l'élaboration de ses objectifs et qu'il ressort des pièces versées qu'il a fait l'objet de nombreuses relances pour fournir ses propositions visant à finaliser ses objectifs de sorte qu'il était mal fondé à reprocher les retards à son employeur.

En outre, la cour observe que dans sa lettre de prise d'acte M. [S] fait valoir que pour la période d'octobre 2011 à mars 2012, il a perçu la somme de 17.901 € au lieu de celle qu'il estime lui être due de 25.573 €, il en résulte que le différentiel réclamé est de 7.672 € sur une période de 6 mois, soit 1.279 € par mois ; même en admettant que le salaire fixe de M. [S] ne soit pas de 13.000 € mais de 11.000 € par mois, la cour observe que la somme manquante ne représente qu'un peu plus de 10 % de son salaire fixe mensuel ce qui n'est pas suffisant pour justifier une rupture, alors même que cette somme n'a pas encore fait l'objet d'un refus.

En outre M. [S] se plaint dans le même courrier d'un retard de deux mois dans le versement de ses primes mais un tel retard qui demeure limité ne saurait constituer un manquement d'une gravité telle qu'il justifie la rupture du contrat de travail, alors qu'au même moment, la société connaissait des difficultés économiques ce que, de par son positionnement, M. [S] ne pouvait ignorer.

Pour la période postérieure d'octobre 2012 à mars 2013, M. [S] se plaint par sa lettre du 22 février 2013 de retard dans la fixation de ses objectifs mais là encore, outre le fait qu'il lui incombait de participer activement à la détermination de ses objectifs, la cour observe que le retard invoqué n'est pas établi et qu'au regard de l'importance de sa rémunération fixe, le retard dans l'établissement de sa rémunération variable ne saurait constituer un manquement grave justifiant la rupture unilatérale du contrat par le salarié, alors même qu'il n'est pas contestable que M. [S] a perçu, à sa demande, des acomptes sur ses bonus (de 7.000 et 6.000 euros) en avril et octobre 2012 (cf. pièce 12).

En conséquence la cour confirme la décision du conseil de prud'hommes qui a estimé que la rupture formalisée par M. [S] s'analysait en une démission et a rejeté l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture et consécutives à un licenciement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat :

De même la cour, à l'instar du conseil de prud'hommes constate que M. [S] n'a pas caractérisé ni démontré l'exécution déloyale du contrat par son employeur et confirme le rejet de la demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur la demande de rappels de salaires :

Cette demande porte sur des bonus que le salarié estime lui être dus alors que la société fait valoir que le salarié a bien perçu les commissionnements qui lui étaient dus et qu'elle n'est débitrice d'aucune somme complémentaire.

En l'espèce c'est avec raison que le conseil de prud'hommes a relevé que M. [S] qui dénonce le manque de transparence dans les règles de fixation d'objectifs ne démontre pas clairement le bien fondé de ses demandes de rappels ni la pertinence des quantums.

En outre la cour relève qu'en appel, M. [S] n'établit pas plus avoir contribué à la détermination de ses objectifs ni les avoir atteints, dès lors sa demande doit être rejetée.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur la demande d'heures supplémentaires :

M. [S] soutient que des heures supplémentaires lui sont dues tandis que SHARP estime qu'il ne peut y prétendre en sa qualité de cadre dirigeant, qualité réfutée par M. [S].

En application de l'article L.3111-2 du code du travail :

« Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les cadres auxquels ont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »

En l'espèce, la cour relève que sur la période considérée pour les heures supplémentaires réclamées, M. [S] a occupé successivement les fonctions de directeur général adjoint vente et marketing puis de vice président de la division de santé de SHARP ELECTRONICS France, qu'au titre de ses fonctions, celui-ci s'est vu confier des responsabilités dont l'importance impliquait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps ; que d'ailleurs aucun élément dans le dossier ne montre que ses horaires ou l'organisation de son travail était contrôlés ; qu'il ne conteste pas avoir participé aux comités de direction européens du groupe et au comité européen de management comprenant une dizaine de cadres du groupe (pièces 33 à 35) mais se contente d'indiquer qu'il y est très peu intervenu et seulement dans son domaine ce qui n'est pas un élément permettant d'écarter le statut de cadre dirigeant ; La cour relève encore que le fait que le salarié doive pour certains actes en référer à la direction générale ne saurait suffire à écarter le statut de cadre dirigeant alors qu'il faisait partie des décisionnaires et avait une très grande autonomie dans l'organisation de son travail ; qu'enfin son niveau de rémunération mensuelle moyen se situait aux alentours de 14.000 € de telle sorte qu'il faisait partie des cadres les mieux payés (pièces 44-1, pièces 36 à 40).

Au vu de ces éléments la cour confirme l'appréciation du conseil de prud'hommes qui a retenu le statut de cadre dirigeant et a rejeté la demande d'heures supplémentaires.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel :

Au vu des circonstances et des situations respectives des parties, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté les demandes pour frais irrépétibles et condamné M. [S] aux dépens.

M. [S] succombant en son appel, il est condamné aux dépens d'appel et il fait droit à hauteur de 1.000 € à la demande de la société SHARP relatives aux frais irrépétibles.

Par ces motifs :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 25 mars 2015 ;

Et y ajoutant,

- Condamne M. [Y] [S] à payer à la société SHARP ELECTRONINCS France la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- rejette toute autre demande.

- Condamne M. [Y] [S] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/04062
Date de la décision : 18/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°15/04062 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-18;15.04062 ?
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