RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 15 Mars 2016
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06166
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - section encadrement RG n° 13/05202
APPELANT
Monsieur [D] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]
représenté par Me Stephen MONOD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0135 substitué par Me Sylvie HATCHUEL, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEE
Société AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 4]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bruno BLANC, Président
Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère
Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour.
- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
[D] [T], né le [Date naissance 2].1954, a eu 60 ans le [Date naissance 2].2014 ; il a été engagé par contrat à durée indéterminée à temps complet par la SA AIR FRANCE le 17.10.1985 en qualité d'officier pilote de ligne (co-pilote) sur Boeing 727 ; il a été affecté sur Boeing 747 sous la même qualification le 17.02.1989, puis promu commandant de bord le 13.07.1994 sur Boeing 737, il a été affecté sur Airbus 340 le 28.08.01 et Airbus 330 le 31.05.02 ; en dernier lieu il avait la qualification de cadre niveau I échelon 10.
L'entreprise est soumise à la convention d'entreprise PNT (personnel navigant technique) ; elle comprend plus de 11 salariés.
[D] [T] s'est porté volontaire le 02.06.2010 pour une campagne de qualification sur différents appareils, dont le B777 en premier choix et le A380 en second choix, sans qu'il soit retenu et ce au profit de salariés moins bien placés sur la liste d'ancienneté.
Le 13.11.2013 il lui a été proposé de participer à un stage de qualification B777 moyennant la signature d'une clause de dédit formation ; [D] [T] s'est désisté le 17.03.2014.
Le CPH de Bobigny a été saisi par [D] [T] le 14.10.2013 en indemnisation des préjudices résultant des manquements par la SA AIR FRANCE aux obligations d'évolution de carrière lui incombant aux termes de sa liste de classification professionnelle.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 18.06.2015 par [D] [T] du jugement rendu le 28.05.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny section Encadrement, qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.
Dans son jugement le CPH de Paris avait estimé qu'il n'y avait pas de discrimination fondée sur l'âge dans l'exécution par l'employeur de ses obligations contractuelles ; il avait relevé que la SA AIR FRANCE était régie par la convention d'entreprise du personnel navigant technique détaillant les procédures de mise en stage de qualification de type avion et de promotion à la fonction de commandant de bord ; cette procédure précise les durées minimales d'affectation sur un type d'avion ainsi que les durées d'amortissement des frais de stage ; en l'espèce la sélection par l'âge invoquée n'est pas démontrée mais bien l'application de la convention d'entreprise.
[D] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de condamner son employeur au paiement à titre de dommages intérêts de :
- 34.000 € pour perte de rémunération pour la période allant du 01.10.2010 jsuqu'à sa mise en stage le 17.03.2014 ;
- 8.000 € en réparation du préjudice d'indemnité de fin de carrière ;
- 108.000 € en réparation du préjudice de retraite complémentaire ;
- 50.000 € en réparation du préjudice moral ;
- 5.000 € en vertu de l'article 700 CPC.
Pour contester l'argumentation retenue, [D] [T] fait valoir que la procédure de changement d'appareil est en effet prévue par les articles 2.4.2 et 2.4.3 du chapitre 1er de la convention PNT, et notamment la durée d'amortissement consécutive à chaque qualification ; l'article 2.4.5.2 précise que le choix des personnels éligibles à une qualification de type se fait selon leur classement sur la liste de classement professionnel. Une clause de dédit formation a été introduite dans la convention PNT en octobre 2013, qui rappelle l'obligation mentionnée à l'article 2.4.3.2.c) obligeant le PNT, en cas de départ à la retraite avant huit saisons d'amortissement avant sa dernière qualification, à rembourser celle-ci au prorata des saisons non amorties, tout en raisonnant sur une période de 48 mois et non plus huit saisons de six mois.
A compter du 01.01.2010, l'article L 6521-4 du code des transports s'est substitué à l'article L 421-9 du code de l'aviation civile ; il dispose que l'âge de la retraite du PNT est de 60 ans, mais que celui ci peut poursuivre son activité au delà de 60 ans jusqu'à 65 ans à condition d'en faire la demande trois mois avant son soixantième anniversaire pour sa soixante et unième année, et pour chacune des années suivantes, trois mois avant sa date anniversaire.
La Directive 2000/78CE du 27.11.2000 devait être transposée en droit français au plus tard le 03.12.2006 ; les articles L 1132-1 et L1132-4 ont été introduits dans le code du travail et sont entrés en vigueur le 01.03.2008.
[D] [T] se fonde sur la jurisprudence de la CJUE, de la Cour de Cassation et de la cour d'appel de Paris pour affirmer que, depuis le 03.12.2006, aucune restriction à l'activité des PNT liée à la circonstance qu'ils auront dépassé l'âge de 60 ans n'était justifiée, de telles restrictions étant un manquement à la Directive et aux textes légaux en vigueur.
[D] [T] bénéficiait de 4 qualifications entre son embauche et l'ouverture de la saison IATA de l'hiver 2010-2011, le 01.10.10 ; il relève que la durée d'amortissement du dernier appareil de qualification le A340/330 a couru pendant 10 saisons IATA jusqu'au 31.03.2006 et la durée d'amortissement de l'appareil de qualification auquel il pouvait prétendre le 01.10.10, le B777, aurait couru pendant 10 saisons jusqu'au 30.09.2015 puisqu'il atteindra l'âge de 65 ans le [Date naissance 2].2019.
Suite à sa demande, il n'a pas été retenu pour cette qualification au profit de personnels moins bien placés sur la liste d'ancienneté.
La SA AIR FRANCE ne pouvait pas se fonder sur le fait que la durée d'amortissement de cette dernière qualification dépassait la date à laquelle le salarié atteignait l'âge de 60 ans sans méconnaître l'interdiction de toute discrimination liée à l'âge.
[D] [T] constate que l'obligation de prévenance tirée de l' article L 6521-4 du code des transports ne limite pas le risque d'un départ de PNT avant la fin de l'amortissement de sa formation ; les dispositions conventionnelles ne retiennent pas 60 ans comme l'âge de départ à la retraite ; il ressort des jurisprudences citées qu'aucun motif légitime ne justifie que des PNT soient empêchés d'être mis en qualification du fait qu'ils termineraient les amortissements correspondants au delà de 60 ans et le maintien en activité d'un PNT au delà de 60 ans n'affecte pas la sécurité aérienne.
L'employeur a au surplus manqué à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
De son côté, la SA AIR FRANCE demande de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de condamner [D] [T] à payer la somme de 3.000 € pour frais irrépétibles.
La SA AIR FRANCE oppose le fait que le salarié ne remplissait pas les conditions conventionnelle exigées pour bénéficier d'un stage de qualification pour la saison Hiver 2010/2011 ; en effet, pour les qualifications revendiquées, le salarié ne pouvait y prétendre qu'à la condition que sa durée d'affectation soit supérieure ou égale à la durée minimale d'affectation conventionnellement due soit 10 saisons IATA Hiver 2010 à été 2015 alors qu'il ne pouvait justifier d'une durée d'affectation sur la période Hiver 2011 - été 2014 ; en application des articles L 421-9 du code de l'aviation civile et L 6521-4 du code des transports, le PNT de l'aéronautique civile ayant éteint l'âge de 60 ans ne peut poursuivre son activité que sous certaines conditions et il peut à tout moment demander à bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol ; le principe dans l'entreprise est donc celui de la cessation d'activité de navigant à l'âge de 60 ans.
L'employeur n'est pas assuré que [D] [T] formulera une demande de prolongation d'activité au delà de 60 ans ; de ce seul fait sa durée d'affectation est inférieure à la durée minimale d'affectation due, et le salarié ne peut pas prétendre aux qualifications de type avion demandées au titre de la saison Hiver 2010/2011.
La SA AIR FRANCE observe que [D] [T] s'est désisté de son stage de qualification sur B777 au titre de la saison Hiver 2013/2014. La clause de dédit formation introduite dans la convention est légitime et licite ; [D] [T] a refusé de s'y soumettre.
Par suite, la non inscription de [D] [T] sur le plan nominatif de stages de la saison hiver 2010/2011 ne constitue pas une discrimination en raison de l'âge. Les dispositions conventionnelles ne fixe par l'âge au delà duquel il serait interdit de prétendre à une qualification sur un type avion ; l'application du seul critère de 'seniorité' pour l'accession à un stage de qualification constituerait une rupture d'égalité, alors que la réalisation de l'amortissement est une condition indispensable et déterminante pour l'entreprise ; les dispositions de l'article L 421-9-1 du code de l'aviation civile conférant une possibilité individuelle aux pilotes ayant atteint l'âge de 60 ans de poursuivre dans certaines conditions leur activité se heurtent aux dispositions conventionnelles applicables à tous les PNT. Le principe retenu par la loi repose sur un objectif légitime, à savoir le bon fonctionnement de la navigation aérienne et la sécurité des utilisateurs comme de ceux qui y travaillent, et elle est proportionnée au but poursuivi.
De même un accord collectif peut prévoir des différences de traitement lorsque ces différences reposent sur une raison objective, ce qui est le cas ; le droit communautaire prévoit aussi la possibilité de procéder à des différences de traitement mentionnées à l'article 2 § 5, et l'article 6 en ce qui concerne l'âge, de la Directive 2000/78 du 27.11.2000, ce qui a été traduit dans l'article L 1133-2 du code du travail ; il est objectivement et raisonnablement justifié de la pertinence de la différence de traitement par la nécessité pour l'employeur d'amortir suffisamment l'ampleur et le coût des formations.
Les parties entendues en leurs plaidoiries le 01.02.2016, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.
SUR CE :
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.
Sur la discrimination liée à l'âge et le manquement de la SA AIR FRANCE à ses obligations contractuelles :
L'interdiction des discriminations du fait de l'âge est un principe général du droit communautaire.
L'article 1132-1 du code du travail prescrit qu'aucune personne ne peut être écartée en particulier d'une procédure d'accès à un stage ou à une période formation en encore faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, en raison de son âge.
L'article L 1132-4 précise que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.
Ces dispositions résultent de la transposition dans le droit national français de la Directive 2000/78 du 27.11.2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail' à laquelle se réfère chacune des parties et qui a pour objet':' «'d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en 'uvre , dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement ».
En cas de litige ayant pour fondement une discrimination telle qu'énoncée à l'article L 1132-1, il appartient d'abord au salarié qui s'estime victime'de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte,' puis à l'employeur de son côté de prouver que la situation ou que'sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires ; il doit alors soumettre la mise en oeuvre de la mesure contestée à un contrôle de légitimité et de proportionnalité.
En l'espèce, le salarié constate que la SA AIR FRANCE lui oppose explicitement son âge pour lui appliquer une date butoir à 60 ans pour le décompte des saisons potentielles exigées et lui refuser le bénéfice d'un stage de qualification devant lui assurer une promotion en qualité de commandant de bord sur B777, et ce, en affirmant que le principe en usage dans l'entreprise est celui d'une cessation d'activité de navigant à l'âge de 60 ans, alors même que les articles L 421-9 du code de l'aviation civile, modifié par l'ordonnance du 24.02.2011 et L 6521-4 du code des transports, autorisent la poursuite de l'activité du PNT pendant des durées annuelles renouvelables jusqu'à l'âge de 65 ans, sous certaines conditions aujourd'hui conformes à la réglementation internationale de l'aviation civile, conditions dont il n'est pas démontré qu'elles n'auraient pas été remplies. Par suite, ce seul fait laisse supposer l'existence d'une discrimination au moins indirecte fondée sur l'âge.
L'employeur ce faisant ne respecte pas les droits du salarié de prolonger son activité jusqu'à 65 ans ; le refus opposé par l'employeur n'est pas justifié par un but légitime qui serait lié au bon fonctionnement de la navigation aérienne, notamment relatif à la rentabilité pour l'employeur du coût de la formation dès lors que le salarié doit, en application des nouvelles dispositions conventionnelles de l'article 2.4.3, indemniser son employeur des frais de formation s'il part à la retraite avant 6 saisons après formation, et dès lors également que les préoccupations financières de l'entreprise ne peuvent justifier le refus fondé sur l'âge d'une formation et d'une évolution de carrière ; le but légitime ne peut pas davantage être lié à la sécurité des utilisateurs alors que les conditions de prolongation d'activité avec examen de santé et co-pilotage assurent suffisamment les impératifs de sécurité qui s'imposent. Ce refus est également disproportionné avec l'objectif poursuivi par l'aviation civile. La mesure prise était donc inappopriée et les circonstances ne l'avaient pas rendue nécessaire.
Par suite, peu importe que les dispositions conventionnelles et notamment l'article 2.4.3.2, relatif à la durée minimale d'affectation sur type d'avion en cas de départ compagnie, ne mentionnent pas, quant à elles, d'âge limite, dès lors que l'employeur en impose un distinct de celui légalement prévu depuis le 01.01.2010, et peu importe encore qu'il n'y ait pas de garantie de prolongation d'activité par le salarié au delà de l'âge de 60 ans. L'incertitude quant au moment du départ en retraite n'est pas de nature à faire disparaître le caractère illicite de la mesure fondée sur l'âge du pilote.
Enfin, l'employeur ne démontre pas en quoi l'article L 421-9-II du code de l'aviation civile contreviendrait dans son application individuelle aux dispositions conventionnelles dès lors qu'il s'applique à tout le 'personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3" si le salarié remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant.
En dernier lieu, [D] [T] apporte la preuve de ce que, s'il avait pu suivre la formation, sa dernière saison d'affectation se serait achevée avant qu'il n'atteigne l'âge de 65 ans ; il pouvait donc satisfaire à la durée minimale d'affectation au moment où il a présenté sa demande.
En conséquence le refus d'accès au stage en raison de l'âge constitue une discrimination ne reposant sur aucun motif légitime.
L'employeur se fonde en réponse également sur la différence de traitement qui serait justifiée objectivement et raisonnablement en application de l'article 1133-2 ; mais la SA AIR FRANCE ne donne aucun élément permettant de démontrer que la santé et la sécurité des travailleurs et des utilisateurs ou encore le bon fonctionnement de la navigation aérienne seraient mis en jeu du fait, pour le personnel PNT, de se voir accorder au delà de 60 ans des formations qualifiantes leur permettant d'accéder à des avions de transport commercial plus sophistiqués, alors même que leur aptitude médicale aurait été vérifiée deux fois par an et que la situation des plus jeunes pilotes ne présente pas moins d'incertitude. Enfin la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite ne concerne que le cas du recrutement et non celui d'une formation qualifiante pour du personnel embauché de longue date. L'employeur ne justifie pas de l'objectif légitime en terme de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle autorisant une telle différence de traitement fondée sur l'âge.
Il n'est dès lors pas justifié de ce que les dispositions prises par la SA AIR FRANCE tendant à refuser à certains salariés d'accéder à un stage de formation et de qualification aient été nécessaires et appropriées ni que le but poursuivi ait été légitime. La discrimination par l'âge est caractérisée ; le jugement doit être infirmé.
Sur l'indemnisation de la perte de chance :
[D] [T] évoque une perte de chance certaine d'accéder aux fonctions de commandant de bord sur B777, alors qu'il n'avait échoué à aucune des formations précédentes, que la condition de passer annuellement une visite médicale est commune à tous les pilotes au delà de 40 ans et que la circonstance que des problèmes de santé lui imposeraient de mettre fin à ses fonctions navigantes n'est pas avérée.
Il décline les conséquences de cette perte de chance en alléguant divers préjudices :
- un préjudice de rémunération résultant de la différence entre la rémunération perçue et celle qu'il aurait dû percevoir sur un appareil mieux classé et fonction de la différence de primes de vol ; la SA AIR FRANCE relève pour sa part que le salarié n'aurait par définition et eu égard à son âge jamais obtenu la qualification requise, et que ce préjudice, par nature hypothétique puisque lié à la réussite de la période de formation, n'est pas constitué ; en outre selon l'employeur la réparation d'une perte de chance ne peut être que partielle.
- un préjudice d'indemnité de fin de carrière, en application de l'article 2.3.2. du chapitre 7 de la convention PNT qui fixe cette indemnité par référence au salaire des 12 derniers mois d'activité du navigant ; la SA AIR FRANCE réplique que [D] [T] a en définitive renoncé à sa mise en stage sur B777 de lui même au titre de la saison Hiver 2013/2014 et ne peut se prévaloir de facto des augmentations alléguées.
- un préjudice de retraite complémentaire déterminé par le calcul de la retraite complémentaire du navigant sur la base du salaire moyen indexé de carrière ; la SA AIR FRANCE rappelle que l'âge moyen de liquidation totale de la retraite pour les PNT est de 59,7 ans et constate que peu de PNT prolongeant leur activité au delà, la poursuite par [D] [T] de son activité est donc là encore hypothétique et soumise à l'aléa de son état de santé.
Le principe de ce préjudice financier unique trouve son origine dans la perte de chance d'accéder, grâce à une formation qualifiante, au pilotage d'un avion d'une classe supérieure et des droits qui en découlent en ce qui concerne tant la rémunération, que les droits à la retraite, et le montant de l'indemnité de fin de carrière. Néanmoins aucune certitude ne s'attache à la réussite de la formation revendiquée, au succès aux contrôles médicaux tous les six mois à compter de l'âge de 60 ans, à l'activité de vol en co-pilotage, et enfin le salarié pouvait à tout moment à partir de 60 ans demander son reclassement dans le personnel au sol sans que puisse lui être opposé un engagement préalable d'exercer jusqu'à un âge donné.
En conséquence, la cour dispose d'éléments sufisants pour fixer le montant du préjudice subi à la somme de 150.000 €.
Sur le préjudice moral, faute pour le salarié de définir ce préjudice et de rapporter la preuve de son existence, il sera débouté de cette demande.
Il serait inéquitable que [D] [T] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement contradictoirement :
Déclare l'appel recevable ;
Infirme le jugement rendu le 28.05.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny section Encadrement ;
Dit que [D] [T] a été victime de la part de la SA AIR FRANCE d'une discrimination fondée sur l'âge ;
En conséquence, condamne la SA AIR FRANCE à payer à [D] [T] la somme de 150.000 € à titre de dommages intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier d'une formation qualifiante, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la SA AIR FRANCE aux dépens d'appel et à payer à [D] [T] la somme de 1.500 € en vertu de l'article 700 CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT