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10/03/2016 | FRANCE | N°13/05972

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 10 mars 2016, 13/05972


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 10 Mars 2016

(n° 220 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05972



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F10/04524





APPELANTE

SA FICHIER SELECTION INFORMATIQUE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 552 13 7 0 100

représentée par Me Pi

erre-jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349



INTIME

Monsieur [E] [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

comparant en p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 10 Mars 2016

(n° 220 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05972

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F10/04524

APPELANTE

SA FICHIER SELECTION INFORMATIQUE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 552 13 7 0 100

représentée par Me Pierre-jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349

INTIME

Monsieur [E] [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Carine BROCA, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 398

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Stéphane MEYER, Conseiller, chargé du rapport.

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

M. Stéphane MEYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [E] [J] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial pour une durée indéterminée à compter du 1er juillet 1996, avec le statut de cadre, par la société FICHIER SELECTION INFORMATIQUE (FSI), qui est spécialisée dans la conception et l'installation de systèmes intégrés de gestion informatisée des repas en établissements de santé.

Il a par la suite été promu responsable commercial, puis s'est vu confier en plus la responsabilité du service formation.

Par avenant du 1er octobre 2009, il a été convenu qu'il exercerait ses fonctions à son domicile, avec l'obligation de venir une fois par semaine au siège de l'entreprise.

Par lettre du 3 septembre 2010, Monsieur [J] était convoqué pour le 14 septembre à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 22 septembre suivant pour faute grave, constituée par une absence de fourniture de travail.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 4 223,77 euros.

La relation de travail est régie par la Convention collective 'Syntec' .

Monsieur [J] a saisi la juridiction prud'homale le 31 décembre 2010 de demandes liées à sa contestation du bien fondé du licenciement ainsi que de la procédure de licenciement.

Par jugement du 24 avril 2013 notifié le 27 mai 2013, le Conseil de prud'hommes de Paris a estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société FSI à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :

- 12.671,31 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.267,13 € au titre des congés payés afférents,

- 19.481,70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 38.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FSI a interjeté appel de cette décision le 19 juin 2013.

Lors de l'audience du 8 janvier 2016, la société FSI demande à la Cour d'infirmer le jugement et de condamner Monsieur [J] à lui payer une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la société FSI expose :

- que la procédure de licenciement était parfaitement régulière

- que le comportement de Monsieur [J] s'est dégradé à compter du mois de septembre 2009 et que tous les griefs sont établis et constitutifs d'une faute grave

- à tous le moins, que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse

- que Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué

- que sa demande de rappel de salaires n'est pas justifiée.

En défense, Monsieur [J] demande à la Cour de confirmer le jugement et y ajoutant, de condamner la société FSI à lui payer les sommes suivantes :

- 882,30 € au titre du rappel de salaire ;

- 88,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire

- 100.191,60 € au titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse

- 25.047,90 € à titre d'indemnité pour procédure irrégulière ;

- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il fait valoir :

- que, dès le mois de juillet 2010, il s'est plaint des difficultés l'empêchant de poursuivre à bien sa mission et ses objectifs auprès de l'employeur, lequel s'est contenté de tenter de lui imposer un retour au siège de l'entreprise

- que les griefs de l'employeur sont tous infondés

- que l'entretien préalable au licenciement s'est tenu dans des conditions irrégulières.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des dispositions de l'article L 1234-1 du Code du travail que la faute grave est celle d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 22 septembre 2010, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, reproche en substance à M. [J] :

- que la 'dé-localisation' de son lieu de travail à compter de l'été 2009 a entraîné son désinvestissement et une réduction quasi complète de son activité, mettant gravement en cause la vie de l'entreprise, que plusieurs entretiens se sont tenus sur ce sujet et qu'une lettre lui a été adressée à cet égard le 21 juillet. Que plus précisément, lui sont reprochés :

- L'absence d'élaboration des tarifs pour s'adapter à la concurrence

- l'absence de modification des appels d'offres

- l'absence de rédaction d'offres commerciales dédiées aux cliniques

- l'absence de création des démonstrations vidéo prévues

- l'absence de site web

- l'absence totale de création de partenariat grands compte, de partenariat avec les confrères éditeurs, intégrateurs et de partenariat avec les sociétés de restauration

- aucune création de 'news letter' destinées aux clients

- l'absence de refonte du 'reporting' commercial

- l'absence d'implantation d'une CRM (gestion de la relation client) pour remplacer celle qui n'était plus adaptée à sa dé-localisation

- l'absence de réflexion sur la base de connaissances commerciales et fonctionnelles

- l'absence d'encadrement et de formation d'une formatrice au poste de commercial à temps partiel

- aucun nettoyage du portefeuille de commandes non livrées

- aucune action de prospection pour la détection de pistes à l'export

- l'absence de prospection et suivi commercial sur la France entière, DOM-TOM, le Benelux

- aucune action de 'benchmarking' ni d'analyse de produits concurrents

- un échec jamais connu dans l'histoire de l'entreprise concernant la réponse et le suivi des appels d'offres publics

- une absence totale de réalisation des documents de formation.

Il résulte des explications concordantes des parties sur ce point que, les 29 juin et 19 juillet 2010, le directeur a convié Monsieur [J] à des entretiens, au cours desquels il lui a fait part de ses inquiétudes quant à l'évolution de la situation de l'entreprise.

Par lettre recommandée du 21 juillet 2010, la société FSI lui exposait que le transfert de son lieu de travail à son domicile était un grave échec mettant en danger la position commerciale et la vie de l'entreprise, que ses prestations de travail étaient inexistantes et ses résultats catastrophiques et lui réclamait l'envoi de compte-rendus d'activité détaillés depuis le mois de février.

Par courriel du même jour, Monsieur [J] exposait que les logiciels de l'entreprise étaient devenus inadaptés, que ses décisions étaient remises en cause, que la politique commerciale de l'entreprise était difficile à mettre en oeuvre, qu'il avait été écarté de la chaîne d'information, qu'il n'avait obtenu ni formations, ni moyens humains supplémentaires et concluait qu'étant dans l'impossibilité de mener à bien ses missions, il demandait une rupture conventionnelle.

Par courriel du 25 août 2010, la direction lui reprochait d'avoir affecté l'ensemble des rendez-vous qu'il devait assumer à une salariée de l'entreprise sans informer cette dernière et par lettre recommandée du 27 août 2010, elle lui reprochait un travail inexistant.

Par lettre du 31 août 2010, Monsieur [J] adressait un courriel à l'entreprise, faisant suite à un entretien de la veille, proposant des documents permettant de suivre les actions commerciales et ne confirmant qu'une seule date de rendez-vous pris avec un client.

Concernant les griefs relatifs à ses fonctions de responsable du service formation, Monsieur [J] ne produit aucun compte-rendu permettant d'établir l'existence d'un accompagnement d'une formatrice sur le terrain.

Par courriel du 30 octobre 2009, il demandait aux formatrices travaillant sous sa responsabilité de lui adresser leurs plans de formation, puis par courriel du 16 décembre 2009, il réitérait cette demande, ce dont il résulte qu'il ne s'est pas préoccupé du problème pendant un mois et demi, l'entreprise ayant dû confier, au mois de mars 2010, le travail à l'un de ses anciens formateurs, lequel a vainement sollicité la collaboration de Monsieur [J], par courriel du 13 avril 2010. Le jour même, la direction devait directement intervenir auprès des formatrices pour qu'elles adressent leurs comptes-rendus.

De plus, il résulte d'un échange de courriels du mois de mars 2010 entre Monsieur [J] et les formatrices que ces dernières sont restées sans consigne écrite concernant leurs frais de déplacement.

Le 23 mars 2010, Monsieur [J] annonçait à la direction son intention de faire un point sur les tâches avec les formatrices, de réaliser des fiches de poste, des fiches de liaison et d'organiser des entretiens individuels. Il apparaît que ce projet est resté sans suite.

la société FSI produit l'attestation de Monsieur [S], consultant RH, qui déclare être intervenu à la demande de l'entreprise au cours du deuxième trimestre 2009 et avoir alors constaté que les formatrices n'avaient pas été formées aux techniques d'animation de groupe, que les supports et outils pédagogiques n'étaient pas adaptés, que le processus de formation devait être repensé en totalité.

Au soutien du grief d'absence d'élaboration de tarifs, la société FSI produit l'attestation de Monsieur [V], assistant de gestion, qui déclare que Monsieur [J] travaillait sans élaborer de tarifs.

Les éléments produits par Monsieur [J] ne permettent nullement d'établir l'existence d'actions commerciales de sa part auprès des cliniques ou des établissements hospitaliers.

Au soutien du grief d'absence de démonstrations vidéo, la société FSI produit le courriel de Monsieur [Q], successeur de Monsieur [J], qui déclare qu'il n'en existait aucune à son arrivée et qu'il a donc été chargé de l'élaborer.

Concernant le grief d'absence de site web, la société FSI produit l'attestation pré-citée de Monsieur [V].

Pour contester les griefs d'absence de partenariat grands compte, de partenariat avec les confrères éditeurs, intégrateurs et de partenariat avec les sociétés de restauration, Monsieur [J] se contente d'alléguer l'absence de ressources techniques de l'entreprise, son retard technologique et ses tarifs excessifs, mais sans étayer ces grief, lesquels n'ont été émis pour la première fois qu'après le transfert de son lieu de travail à son domicile, conformément à sa demande.

Monsieur [J] reconnaît le grief d'absence de 'news letter', ne produit aucun compte-rendu d'activité et n'apporte aucune explication convaincante sur le grief l'absence de prospection de nouveaux clients.

Concernant le grief d'absence de 'nettoyage' du portefeuille de commandes non livrées, aux termes de son attestation pré-citée, Monsieur [V] déclare avoir réussi en quelques jours à débloquer 86 000 euros de facturation sur les 94 000 euros dus par les clients 'en sommeil', qui n'avaient pas été relancés depuis plusieurs mois par Monsieur [J].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les griefs de l'employeur, qui peuvent se résumer par une absence - ou une quasi-absence - de fourniture de travail depuis plusieurs mois sont établis et rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, serait-ce pendant la durée du préavis.

Le licenciement pour faute grave était donc justifié et le jugement entrepris doit être infirmé, Monsieur [J] devant être débouté de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, Monsieur [J] fait valoir que, lors de l'entretien préalable, le dirigeant de l'entreprise était assisté de Monsieur [H], conseil extérieur.

Cependant, il ne rapporte pas la preuve de cette allégation, laquelle est au surplus contredite par une attestation de Monsieur [H] lui-même.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de cette demande.

Monsieur [J] ne formule aucune explication et ne produit aucun élément au soutien de sa demande de rappel de salaire.

Le jugement doit donc également être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de cette demande.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt remis au secrétariat-greffe, publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [J] de ses demandes d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et de rappel de salaires

Infirme le jugement pour le surplus

Déboute Monsieur [E] [J] de l'ensemble de ses demandes

Déboute la société FICHIER SELECTION INFORMATIQUE de sa demande d'indemnité

Condamne Monsieur [E] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/05972
Date de la décision : 10/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/05972 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-10;13.05972 ?
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