Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 1er MARS 2016
(n° 137 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/19707
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Septembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/08640
APPELANTS
Monsieur [Y] [A]
[Adresse 8]
[Localité 3]
né le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 5]
Monsieur [N] [S]
[Adresse 5]
[Localité 3]
né le [Date naissance 3] 1972 à[Localité 1]
Monsieur [H] [U]
[Adresse 4]
[Localité 4]
né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 2]
SAS DIX-HUIT PRODUCTION Agissant poursuites et diligences de son Président
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentés par Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
assistés de Me Karine LE STRAT de l'ASSOCIATION L & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J060
INTIMEE
Société VII
[Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 326 481 660
Représentée par Me Laurent JAMMET de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
assistée de Me Nelly POURTIER, de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
FAITS ET PROCEDURE
M. [Y] [A] et M [N] [S], salariés de la SAS Vii -laquelle fait partie du groupe 'Sisa'- société d'audiovisuel assurant les activités de studio de création audiovisuelle spécialisé dans le tournage, le montage et l'habillage graphique- ont quitté cette société respectivement le 23 janvier 2014 et le 24 décembre 2013.
Alléguant l'existence d'actes de concurrence déloyale de ses anciens salariés au profit de la société Dix-Huit Production, la SAS Vii a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris, par requête du 3 février 2014, aux fins de désignation d'un huissier de justice au visa des articles 145 et 812 alinéa 2 du code de procédure civile.
Par ordonnance sur requête du 7 février 2014, ce magistrat a commis Maître J. [O], huissier de justice, avec pour mission de :
- se rendre dans les locaux de la société Dix-Huit Production, situés [Adresse 9],
- de procéder à la copie, en deux exemplaires :
- du registre d'entrée et de sortie du personnel et des contrats commerciaux/bons de commandes de la société Dix-Huit Production et tout document (déclaration unique d'embauche, bulletins de salaires, contrat de travail, bons de commandes avec la société Nike, etc.),
- du disque dur et des clés USB éventuelles de tous ordinateurs appartenant à la SAS Dix-Huit Production, fixe ou portable, qui étaient utilises par messieurs [A], [U] et [S],
- de tout document permettant d'apprécier la participation et l'étendue de celle-ci de messieurs [A] et [S] à l'activité de cette société,
- se rendre dans les locaux de la société Dix-Huit Production, situes [Adresse 9], ou de tout autre lieu d'exploitation, assisté en tant que besoin d'un représentant des forces de l'ordre, d'un serrurier et d'un informaticien et/ou expert en informatique,
- se faire préciser l'identité et les qualités et fonctions de toute personne qu'il pourra y rencontrer, et dans quelque lieu visé ci-dessus qu'ils se trouvent, rencontrer messieurs [A], [U] et [S] afin de déterminer leurs liens professionnels et leurs situations professionnelles actuelles exactes,
- se rendre au domicile de messieurs [A] et [S], dont les adresses respectives sont les suivantes :
- M. [Y] [A] [Adresse 7],
- M. [N] [S] [Adresse 5],
- recueillir les éléments permettant d'établir la situation professionnelle de ces deux personnes depuis le mois de décembre 2013 et leurs relations depuis janvier 2013 avec M. [H] [U], né le[Date naissance 1]/1979 à [Localité 2],
A autorisé l'huissier de justice à se faire, en tant que de besoin, accompagner d'un expert informatique de son choix pour chacune de ses interventions.
Et d'une manière générale a :
- recevoir toutes déclarations et tous documents,
- procéder à la conservation de preuves de quelque nature que ce soit, susceptibles d'établir un comportement de concurrence déloyale à l'encontre de la SAS Vii (SISA Groupe),
- apposer leur sceau sur tous les documents recueillis,
- en cas de difficultés rencontrées par l'huissier (difficultés techniques empêchant l'accès aux données recherchées, défaut de collaboration, délais inhérents au tri et à la vérification des documents), autoriser l'huissier, avec l'assistance de l'informaticien et/ou expert en informatique, à faire une copie des supports ou fichiers concernés en vue d'opérer ses constats de façon différée en son étude ;
- dresser procès-verbal attestant du déroulement de toutes les opérations effectuées et des constatations dont ils sont chargés, accompagné d'une copie de toutes les pièces recueillies,
- conserver les pièces et procès-verbaux au rang des minutes de leur étude et jusqu'à justification de l'introduction d'une procédure contradictoire,
- fixer la provision devant être versée à l'huissier de justice à la somme de 1 500 euros.
Les opérations ont été exécutées le 25 février 2014.
Par requête du 12 mars 2014 la SAS Vii a de nouveau saisi le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de désignation d'un huissier de justice au visa des articles 145 et 812 alinéa 2 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 12 mars 2014 ce magistrat a :
1 - commis Maître J. [O], huissier de justice, avec la faculté d'être assisté par tout huissier de son choix et en tant que de besoin d'un représentant des forces de l'ordre d'un serrurier et d'un informaticien et/ou expert en informatique, avec pour mission de :
- se rendre dans les locaux d'exploitation de la société Dix-Huit Production, situés [Adresse 1]) ou de tout autre lieu d'exploitation,
- de procéder à la copie, en deux exemplaires :
- du registre d'entrée et de sortie du personnel et des contrats commerciaux/bons de commandes de la société Dix-Huit Production et tout document (déclaration unique d'embauche, bulletins de salaires, contrat de travail, bons de commandes avec la société Nike, PSG, Onyx, On Entertainment Chapter 2, Pathé, etc.),
- des comptes bancaires ouverts par la dite SAS Dix-Huit Production auprès de la BNP Paribas (conseiller : M. [J] [W], agence [Adresse 10]),
- se faire remettre une copie du contrat de travail du cameraman apparaissant sur les clichés lors de l'événement Nike du 23 janvier 2014,
- du disque dur et des clés USB éventuelles de tous ordinateurs appartenant à SAS Dix-Huit Production, fixe ou portable, qui étaient utilisés par messieurs [A], [U] et [S],
- prendre copie en deux exemplaires, sur les serveurs de messagerie et de données (y compris celles archivées pour la période concernée de janvier 2013 à mars 2014) de SAS Dix-Huit Production de tous documents et éléments de messageries propres à messieurs [A], [U] et [S] ;
- se faire remettre tous mots de passe et codes d'accès connus ;
- conserver sous séquestre l'original et la première copie des disques durs copiés ainsi que la première copie effectuée sur les serveurs des documents et éléments de messagerie ;
- utiliser l'ensemble des secondes copies aux fins de recherche ci-après :
- tous documents et messages par email à caractère non personnel, à compter du 1er décembre 2012, de nature à apprécier dans quelles conditions messieurs [A] et [S] ont rejoint la SAS Dix-Huit Production,
- tous documents et messages par email à caractère non personnel, à compter du 1er décembre 2012, messieurs [A], [U] et [S] concernant les activités professionnelles de chacun, de la SAS Dix-Huit Production et de ses rapports notamment avec ses clients tels que Nike, Onyx, Chapter 2, Method Animation, Condor, Pathé, PSG, On Entertainment (On Corp),
- procéder à la copie, en double exemplaire, sur quelque support que ce soit, de tous les éléments ci-dessus trouvés en vue de les annexer à son Procès-Verbal de Constats,
- se faire préciser l'identité et les qualités et fonctions de toute personne qu'il pourra y rencontrer, et dans quelque lieu visé ci-dessus qu'ils se trouvent, rencontrer messieurs [A], [U] et [S] afin de déterminer leurs liens professionnels et leurs situations professionnelles actuelles exactes,
- leur demander de préciser leur activité professionnelle, le lieu où ils l'exercent et toute intervention de leur part de quelque nature que ce soit dans l'activité ou pour compte de la SAS Dix-Huit Production,
- les entendre sur les circonstances dans lesquelles ils ont été embauchés (quand, comment et par l'intermédiaire de qui sont-ils entrés en contact avec la SAS Dix-Huit Production, date d'embauche, poste, rémunération, avantages divers) par la SAS Dix-Huit Production,
- leur demander s'ils sont mandataires sociaux, dirigeants et/ou actionnaires de la SAS Dix-Huit Production,
- leur demander enfin s'ils continuent d'intervenir pour compte de la SAS Dix-Huit Production, sous quelle que forme que ce soit, directement ou indirectement, sur les mêmes clients que ceux qu'ils avaient en charge chez Vii (SISA Groupe) et, dans l'affirmative, se faire préciser la nature et l'objet de leur mission(s) ou projet(s) pour ces clients et les dates de leur mise en place,
A défaut de pouvoir rencontrer l'une ou l'autre des personnes susvisées, rencontrer tout représentant de la SAS Dix-Huit Production ou personne de la SAS Dix-Huit Production habilitée à lui répondre et lui demander les informations susvisées concernant ces personnes,
- afin de se rendre, assisté d'un informaticien et/ou expert en informatique, et d'un représentant des forces de l'ordre au lieu présumé d'exploitation de la société On Entertainment/On Corp au [Adresse 2],
A l'effet de :
- rencontrer les dirigeants de On Entertainment, à savoir messieurs [Q] [L] et [E] [P], pour les interroger sur leurs relations avec messieurs [A] et [S] ainsi que sur les conditions dans lesquelles ils hébergent la SAS Dix-Huit Production : bail, relations commerciales, fournitures de service comme le téléphone, liaison internet, standard, accueil etc'
- rencontrer les dirigeants de On Entertainment ou toute personne pouvant le renseigner sur les raisons pour lesquelles leurs factures pour le compte de la société Vii sont impayées,
2 - commis Maître [R] [M], Huissier de justice, avec la faculté d'être assisté par tout huissier de son choix et en tant que besoin d'un représentant des forces de l'ordre, d'un serrurier et d'un informaticien et/ou expert en informatique :
afin de se rendre au domicile de M. [A] [Adresse 6]
A l'effet :
- d'établir la situation professionnelle de cette personne depuis le mois de décembre 2013 et leurs relations depuis janvier 2013 avec M. [H] [U], né le[Date naissance 1]/1979 à [Localité 2], et la SAS Dix-Huit Production ainsi que la société On Entertainment (On Corp) et d'obtenir un accès à ses ordinateurs portables ou fixes ainsi qu'à l'ensemble de ses comptes de messagerie personnelle ou professionnelle,
- se faire présenter et effectuer une copie en deux exemplaires des documents d'imposition, relevés bancaires et de tout document permettant de justifier de la situation professionnelle et financière de M. [A] depuis décembre 2012,
3 - commis Maître [G] [D], huissier de justice, avec la faculté d'être assisté par tout huissier de son choix et en tant que besoin d'un représentant des forces de l'ordre, d'un serrurier et d'un informaticien et/ou expert en informatique :
afin de se rendre au domicile de [N] [S] [Adresse 5],
- à l'effet d'établir la situation professionnelle de cette personne depuis le mois de décembre 2013 et leurs relations depuis janvier 2013 avec M. [H] [U], né le [Date naissance 1]/1979 à [Localité 2]e, et la SAS Dix-Huit Production ainsi que la société On Entertainment (On Corp) et d'obtenir un accès à ses ordinateurs portables ou fixes ainsi qu'à l'ensemble de ses comptes de messagerie personnelle ou professionnelle,
- se faire présenter et effectuer une copie en deux exemplaires des documents d'imposition, relevés bancaires et de tout document permettant de justifier de la situation professionnelle et financière de M. [S] depuis décembre 2012,
Et d'une manière générale :
- recevoir toutes déclarations et tous documents,
- procéder à la conservation de preuves de quelque nature que ce soir, susceptibles d'établir un comportement de concurrence déloyale à l'encontre de Vii (SISA Groupe),
- apposer leur sceau sur tous les documents recueillis,
- en cas de difficultés rencontrées par l'huissier (difficultés techniques empêchant l'accès aux données recherchées, défaut de collaboration, délais inhérents au tri et à la vérification des documents), autoriser l'huissier, avec l'assistance de l'informaticien et/ou expert en informatique, à faire une copie des supports ou fichiers concernés en vue d'opérer ses constats de façon différée en son Etude,
- dresser procès-verbal attestant du déroulement de toutes les opérations effectuées et des constatations dont ils sont chargés, accompagné d'une copie de toutes les pièces recueillies,
- remettre à la société Vii (SISA Groupe) un exemplaire de chacun des procès-verbaux, accompagnés des dites pièces,
- conserver les mêmes pièces au rang des minutes de leur étude.
Les opérations ont été exécutées le 15 avril 2014.
Par acte du 11 juin 2014, M. [A], M. [S] et la société Dix-Huit Production ont assigné en référé la SAS Vii en rétractation de cette ordonnance.
Par ordonnance contradictoire en date du 25 septembre 2014, le président du tribunal de grande instance de Paris a :
- écarté les conclusions notifiées tardivement par la société Dix-Huit Production, M. [A] et M. [S],
- reçu M. [H] [U] en son intervention volontaire,
- dit la demande de référé-rétractation recevable en la forme mais n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance rendue le 12 mars 2014,
- condamné la société Dix-Huit Production, M. [A] et M. [S] aux dépens et au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [A], M. [S], M. [U] et la société Dix-Huit Production ont interjeté appel de cette décision le 29 septembre 2014.
Dans leurs conclusions régulièrement transmises le 4 décembre 2015, auxquelles il convient de se reporter, M. [A], M. [S], M. [U] et la société Dix-Huit Production demandent à la cour sur le fondement des articles 16, 875 et suivants, 497, 145 et 812 et 249 du code de procédure civile et de l'article 9 du code civil, de :
- infirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions,
- déclarer irrecevable l'attestation de Maître [O] produite en pièce adverse n ° 47, l'écarter des débats,
- rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 12 mars 2014,
- ordonner que les pièces, documents, informations recueillis et/ou saisis par l'huissier instrumentaire en exécution de l'ordonnance en date du 12 mars 2014 soient restitués à la SAS Dix-Huit Production ainsi qu'à messieurs [A], [S] et [U], et que toutes les copies de ces données soient effacées et/ou détruites, à compter du prononcé de la décision et sur simple présentation de cette dernière,
- en toute hypothèse, rejeter toutes les demandes de la SAS Vii,
- interdire l'utilisation dans le cadre de toute procédure en justice de l'ensemble des pièces et informations obtenues sur le fondement de l'ordonnance en date du 12 mars 2014 et qui aura fait l'objet d'une rétractation,
- condamner la SAS Vii aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leur demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 12 mars 2014 les appelants font valoir que :
- l'ordonnance n'a pas été remise à M. [U] et à la SAS Dix-Huit Production visés dans la requête,
- l'urgence et la dérogation au principe de la contradiction prévues par l'article 812 du code de procédure civile ne sont pas caractérisées en l'espèce,
- la SAS Vii disposait déjà des moyens de preuves suffisants pour conserver établir la preuve des faits litigieux suite au premier procès-verbal de constat du 25 février 2014,
- la mission confiée à l'huissier est trop générale et disproportionnée au regard des objectifs annoncés,
- les pouvoirs de contraintes conférés à l'huissier de justice sont exorbitants et s'analysent en une perquisition civile,
- l'ordonnance querellée ne prévoit pas de mesures visant à préserver le secret des affaires,
- l'ordonnance sur requête a été obtenue en usant de moyens de preuve illégaux,
- la SAS Vii a violé le principe de loyauté des débats.
Dans ses conclusions régulièrement transmises le 27 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter, la SAS Vii demande à la cour sur le fondement des 145 et 700 du code de procédure civile de :
- débouter la société Dix-huit Production, messieurs [A], [S] et [U] de toutes leurs prétentions,
A titre subsidiaire,
- confirmer l'ordonnance du 25 septembre 2014,
- 'entériner' l'ordonnance du 12 mars 2014,
A titre reconventionnel,
- condamner la société Dix-huit production, M. [A], M. [S] et M. [U] aux dépens et à lui verser solidairement une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Vii répond que :
- les conditions d'application de l'article 145 du code de procédure civile ont été respectées dès lors qu'elle disposait d'un motif légitime à sa demande qui tendait à l'établissement de faits en vue d'un litige déterminable mais futur en ce qu'elle disposait d'un ensemble d'indices laissant supposer que messieurs [A] et [S] cherchaient à la tromper et à faire acte de déloyauté à son égard,
- les moyens alloués par l'ordonnance sur requête étaient proportionnés,
- le référé probatoire de l'article 145 du code de procédure civile n'est pas soumis aux conditions des articles 808 et 809 du code de procédure civile et qu'en outre la dérogation au principe de la contradiction s'imposait,
- la procédure est régulière dès lors que copie de l'ordonnance a été remise aux seules personnes visées par la requête ce dont M. [U] ne fait pas partie,
- le premier procès-verbal de carence du 25 février 2014 n'ayant apporté aucun élément, une seconde ordonnance était nécessaire,
- l'huissier de justice a exécuté a minima sa mission et des mots 'clés' ont été mentionnés dans l'ordonnance afin de lui permettre de réaliser de manière proportionnée sa mission,
- l'ordonnance sur requête critiquée a prévu la protection des données copiées par l'opposition de scellés,
- les éléments invoqués à l'appui de la requête sont recevables,
- aucune atteinte à la loyauté des débats n'est établie.
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Considérant que l'article 812 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de grande instance peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ;
1 - sur l'urgence et la dérogation au principe de la contradiction
Considérant que les appelants soutiennent que la requête de la SAS Vii en date du 11 mars 2014 étant fondée non seulement sur l'article 145 du code de procédure civile mais également sur l'article 812 du code de procédure civile, il lui appartient d'établir l'urgence des mesures qu'elle sollicite, ce qu'elle ne démontre pas ; qu'en outre M. [S] étant déjà informé des démarches de la SAS Vii pour obtenir des preuves, puisque ayant été destinataire de la première ordonnance du 7 février 2014, la dérogation au principe de la contradiction ne s'imposait plus ;
Que la SAS Vii réplique que le référé probatoire de l'article 145 du code de procédure civile n'étant pas soumis aux conditions des articles 808 et 809 du code de procédure civile, la condition liée à l'urgence est inopérante ; qu'en tout état de cause sa demande était empreinte d'urgence en raison du risque d'aggravation constant du préjudice lié au détournement de son chiffre d'affaire au profit de la SAS Dix-Huit Production ; qu'en outre l'huissier de justice n'ayant pu réaliser ses investigations lors du premier constat en raison de l'attitude de M. [S], elle était fondée à agir de manière non contradictoire ;
Considérant que l'urgence n'est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
Considérant par ailleurs que la requête du 12 mars 2014 fait état du constat du 25 février 2014 dressé par Maître [T] [O] huissier de justice en exécution de l'ordonnance sur requête du 7 février 2014 laquelle relate qu'elle n'a pu rencontrer le représentant de la SAS Dix-Huit Production ni pénétrer dans les locaux de la société, et décrit l'attitude d'opposition de M. [S] qui a rencontré l'huissier dans un bar sans son ordinateur et a nié tout lien avec la SAS Dix-Huit Production, de sorte que l'auxiliaire de justice a constaté l'impossibilité pour lui de poursuivre sa mission ;
Que nonobstant l'existence d'une précédente procédure sur requête et compte tenu de l'échec du premier constat, la SAS Vii était fondée à solliciter de manière non contradictoire des mesures d'investigation, le risque de dissimulation des preuves concernées étant toujours d'actualité ;
2 - sur l'existence d'un intérêt probatoire à la mesure
Considérant que les appelants font valoir qu'au moment du dépôt de la seconde requête la SAS Vii disposait déjà des moyens de preuves suffisants pour caractériser la prétendue concurrence déloyale alléguée et ce suite au premier procès-verbal de constat du 25 février 2014 ;
Considérant cependant que le procès-verbal de constat dressé le 25 février 2014 par Maître [O], huissier de justice en exécution de l'ordonnance sur requête du 7 février 2014, établit qu'elle n'a pu mener à bien sa mission n'ayant pu pénétrer dans les locaux de la SAS Dix-Huit Production ni rencontrer aucun de ses représentants ;
Que dès lors la SAS Vii était fondée à solliciter une requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile pour faire établir la preuve de faits dont peut dépendre la solution d'un litige ;
3 - sur la mission confiée à l'huissier
Considérant que les appelants font grief à la mission confiée à l'huissier d'être trop générale et disproportionnée au regard des objectifs annoncés ;
Considérant que la mission confiée à l'huissier de justice par l'ordonnance querellée prévoit qu'il pourra, dans les locaux de la SAS Dix-Huit Production, procéder à la copie :
' - du registre d'entrée et de sortie du personnel et des contrats commerciaux/bons de commandes de la société Dix-Huit Production et tout document -souligné par la cour- (déclaration unique d'embauche, bulletins de salaires, contrat de travail, bons de commandes avec la société Nike, PSG, Onyx, On Entertainment Chapter 2, Pathé, etc.),
- des comptes bancaires ouverts par la dite SAS Dix-Huit Production auprès de la BNP Paribas (conseiller : M. [J] [W], agence [Adresse 10]),
- se faire remettre une copie du contrat de travail du cameraman apparaissant sur les clichés lors de l'événement Nike du 23 janvier 2014,
- du disque dur et des clés USB éventuelles de tous ordinateurs appartenant à SAS Dix-Huit Production, fixe ou portable, qui étaient utilisés par messieurs [A], [U] et [S],
- prendre copie en deux exemplaires, sur les serveurs de messagerie et de données (y compris celles archivées pour la période concernée de janvier 2013 à mars 2014) de SAS Dix-Huit Production de tous documents et éléments de messageries propres à messieurs [A], [U] et [S] ;
- se faire remettre tous mots de passe et codes d'accès connus' ;
Qu'ainsi l'huissier pourra se faire remettre par la SAS Dix-Huit Production 'tout document', 'tous documents et éléments de messageries' ainsi que 'tous mots de passe et codes d'accès connus' ;
Que cette rédaction générale laisse à l'huissier de justice le soin d'apprécier quel document ou quel mot de passe ou code d'accès est susceptible ou non de caractériser un acte frauduleux de concurrence déloyale de la part de messieurs [S] et [A] ; que cette liberté d'appréciation excède les compétences d'un huissier de justice chargé de l'établissement d'un constat ;
Considérant de même qu'il est confié à l'expert de procéder à la copie 'du registre d'entrée et de sortie du personnel et des contrats commerciaux/bons de commandes de la société Dix-Huit Production et tout document (déclaration unique d'embauche, bulletins de salaires, contrat de travail, bons de commandes avec la société Nike, PSG, Onyx, On Entertainment Chapter 2, Pathé, etc.) et qu'il est chargé d'utiliser les copies de ' tous documents et messages par email à caractère non personnel, à compter du 1er décembre 2012, messieurs [A], [U] et [S] concernant les activités professionnelles de chacun, de la SAS Dix-Huit Production et de ses rapports notamment avec ses clients tels que Nike, Onyx, Chapter 2, Method Animation, Condor, Pathé, PSG, On Entertainment (On CORP)' ;
Que l'emploi des termes 'etc' et 'notamment avec ses clients tels que' permet de viser l'ensemble des clients de la SAS Dix-Huit Production et non uniquement les sociétés Nike, PSG, Onyx, On Entertainment Chapter 2, Pathé et qu'ainsi c'est l'ensemble des clients de la SAS Dix-Huit Production qui est potentiellement visé par la mission de l'huissier laquelle est dès lors susceptible de violer le secret des affaires ;
Considérant en outre qu'il est demandé à l'expert de ' prendre copie en deux exemplaires, sur les serveurs de messagerie et de données (y compris celles archivées pour la période concernée de janvier 2013 à mars 2014) de SAS Dix-Huit Production de tous documents et éléments de messageries propres à messieurs [A], [U] et [S] et de se faire remettre tous mots de passe et codes d'accès connus' ;
Que de même l'huissier, afin d'établir la situation professionnelle de M. [A] et de M. [S], est autorisé à se rendre à leur domicile afin d'obtenir 'un accès à ses -leurs- ordinateurs portables ou fixes ainsi qu'à l'ensemble de ses -leurs- comptes de messagerie personnelle ou professionnelle' ;
Que contrairement à ce que soutient la SAS Vii -qui affirme que des mots 'clés' représentés par les noms des clients ont été précisés dans la mission- aucun mot 'clés' n'est préalablement défini ni aucune modalité de recherche dans les ordinateurs professionnels et personnels de messieurs [S] et [A] ;
Que cette mission laisse ainsi à l'huissier le soin de déterminer lui-même le choix des mots 'clés' lui permettant d'établir l'existence éventuelle d'actes de concurrence déloyale, alors qu'une telle appréciation ne lui appartient pas ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la mission confiée à l'huissier de justice ne répond pas aux exigences de l'article 145 du code de procédure civile car trop générale et disproportionnée au regard des objectifs annoncés de recherche d'actes de concurrence déloyale et, partant, de nature à porter atteinte aux droits des parties subissant cette mesure ;
Qu'il s'ensuit que la décision querellée doit être infirmée et la rétractation de l'ordonnance sur requête du 12 mars 2014 ordonnée ;
Considérant qu'il y a lieu d'interdire à la SAS Vii l'utilisation dans le cadre de toute procédure en justice de l'ensemble des pièces et informations obtenues sur le fondement de l'ordonnance sur requête du 12 mars 2014 ;
Qu'il y a lieu par ailleurs d'ordonner la restitution des pièces détenues par l'huissier instrumentaire en exécution de l'ordonnance du 12 mars 2014 et la destruction et d'effacement des copies de ces données ;
Considérant que la demande de M. [A], M. [S], M. [U] et de la SAS Dix-Huit Production tendant à voir déclarer irrecevable et à écarter des débats l'attestation de Maître [O] huissier de justice -pièce adverse n° 47- est sans objet dès lors que la cour n'a pas utilisé cette pièce pour asseoir sa décision ;
4 - sur l'indemnité de procédure et les dépens
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande de M. [A], M. [S], M. [U] et de la SAS Dix-Huit Production présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la SAS Vii est condamnée à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision ;
Que la SAS Vii qui succombe doit supporter les dépens de l'instance d'appel et ne saurait bénéficier d'une somme au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rétracte l'ordonnance sur requête du 12 mars 2014 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris,
Interdit à la SAS Vii d'utiliser dans le cadre de toute procédure en justice l'ensemble des pièces et informations obtenues sur le fondement de l'ordonnance sur requête du 12 mars 2014,
Ordonne la restitution à M. [Y] [A], M. [N] [S] et à la SAS Dix-Huit Production des pièces détenues par l'huissier instrumentaire en exécution de l'ordonnance du 12 mars 2014 et la destruction et l'effacement des copies de ces données,
Dit sans objet la demande de M. [A], M. [S], M. [U] et de la SAS Dix-Huit Production tendant à voir déclarer irrecevable et à écarter des débats la pièce n° 47 de la SAS Vii,
Condamne la SAS Vii à verser à M. [A], M. [S], M. [U] et à la SAS Dix-Huit Production une somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la SAS Vii sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Vii aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT