Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 01 MARS 2016
(n° 137 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/08352
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/04200
APPELANTE
Madame [Z] [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090
Ayant pour avocat plaidant Me Angela ALBERT de l'ASSOCIATION ALBERT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1592
INTIME
Monsieur [Q] [B]
[Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 3]
Représenté par Me Bernard VATIER de l'AARPI VATIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.
A la suite du divorce des époux [O]-[L], M. [B] a été désigné comme expert par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 juin 2005 confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 12 septembre 2007, en vue de procéder à l'évaluation d'un bien immobilier dépendant de la communauté, situé [Adresse 1].
Le 1er février 2006, M. [B] a rédigé une note dans laquelle il estimait le bien à 363 000 € ; le 15 février 2007, il a remis son rapport définitif dans lequel il fixait sa valeur à 444 000 €; somme qui a été retenue par un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris du 7 avril 2010, l'indemnité d'occupation pour la période du 3 juin 1999 au 31 décembre 2006 due par Mme [L] étant quant à elle arrêtée à 126 597, 02 €.
Estimant que l'expert avait commis des fautes dans l'exécution de sa mission, Mme [L] l'a fait assigner en 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et indemnisation. Par un jugement du 13 février 2014, le tribunal a rejeté les demandes de Mme [L] et l'a condamnée à payer à M. [B] la somme de 5 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [L] a formé appel de cette décision le 14 avril 2014.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 décembre 2015, Mme [L] sollicite l'infirmation du jugement, la condamnation de M. [B] à lui payer les sommes de 72 000 € à titre de dommages-intérêts et de
78 420,55 € à parfaire au jour de la liquidation de son régime matrimonial, outre une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le rejet des demandes de M. [B].
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 9 décembre 2015, M. [B] conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation d'une indemnité de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
- sur les fautes reprochées à l'expert :
Mme [L] reproche à l'expert de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire en procédant dans son rapport définitif, à une ré-évaluation du bien compte tenu du temps écoulé depuis son pré-rapport, sans avoir au préalable suscité les observations des parties. Elle soutient qu'il ne suffit pas que le rapport ait été débattu à l'audience pour que ce principe soit respecté et la nullité couverte.
Mme [L] fait également valoir que l'expert après avoir soulevé dans son pré-rapport, la question d'un abattement à appliquer en raison de travaux de remise en état à effectuer, a omis de répondre dans son rapport définitif et a ignoré la nécessité de remettre aux normes l'installation électrique dangereuse.
Enfin, Mme [L] soutient que l'expert a commis une erreur d'appréciation à propos d'un dégagement situé au 6ème étage de l'immeuble que les époux [O] se sont appropriés sans en acquérir la jouissance privative auprès de la copropriété, en s'abstenant de tenir compte de cette irrégularité pour déterminer la valeur du bien.
M. [B] soutient que le principe du contradictoire a été respecté, que l'immeuble était en bon état sous réserve des travaux visés dans le rapport d'expertise, et que l'installation électrique n'était pas dangereuse même si elle n'était pas conforme aux dernières normes applicables. Il ajoute que s'agissant du dégagement du 6ème étage, il s'est fondé sur les documents remis par les parties et notamment sur une délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 15 mars 1984 qui avait autorisé son annexion et la modification corrélative du règlement de copropriété.
Lors d'une réunion s'étant déroulée le 1er mars 2006, M. [B] a remis une note aux parties dans laquelle il estimait la valeur vénale de l'immeuble à la somme de
363 500 € au 1er février 2006. Celles-ci ont présenté des dires les 10 et 28 avril 2006.
Il a clos son rapport le 15 février 2007 en déclarant que l'immeuble devait être considéré en bon état et sa valeur vénale fixée à la somme de 444 000 € augmentant de 800 € le prix du mètre carré pour les lots [Cadastre 1],[Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et de 700 € le prix du mètre carré du lot [Cadastre 2].
Cette nouvelle évaluation a été retenue sans que les parties aient pu présenter leurs observations.
Or l'importance de l'augmentation qui tenait compte de trois nouveaux éléments de comparaison datant de juin 2005, janvier et août 2006, justifiait que les époux [O] puissent en discuter.
En déposant son rapport définitif sans leur avoir laissé la possibilité de faire connaître leur opinion sur cette nouvelle estimation, l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire.
Dans la note remise aux parties le 1er mars 2006, l'expert a noté 'abattement pour travaux de remise en état ''. Dans son rapport, en page 14 il déclare que lors de la visite qu'il a faite des lieux, ceux-ci présentaient un bon état d'usage, seule la partie supérieure nécessitant des travaux de finition de peinture dans la salle de bain et de remplacement de papier peint dans une chambre, outre des travaux de réfection des enduits après infiltrations dans la cuisine, devant être pris en charge par l'assureur. En page 15, il déclare que les lots sont en bon état d'usage et qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de pratiquer d'abattement au titre d'un quelconque défaut d'entretien. Cette conclusion n'est pas en contradiction avec les constatations effectuées alors qu'en raison de leur caractère très réduit, les travaux de décoration à réaliser, n'étaient pas de nature à affecter la valeur vénale du bien.
S'agissant des travaux relatifs à l'électricité, Mme [L] verse aux débats des documents datant du 9 mai 2007, du 6 mars 2008 et du 14 avril 2009 relatifs au défaut de conformité de l'installation électrique aux normes de sécurité. Néanmoins ces pièces sont toutes postérieures au dépôt du rapport de l'expert, la plus contemporaine reposant sur une visite des lieux du 12 avril 2007. Aussi, ces documents ne permettent pas de connaître l'état de l'installation électrique au moment où l'expert a visité les lieux.
Cependant, Mme [L] avait versé aux débats une estimation de la valeur vénale du bien effectuée par M. [J] en mars 2006 qui mentionnait la nécessité d'effectuer une mise aux normes de l'installation électrique et évaluait les travaux à 10 875 € HT. Cette étude qui préconisait d'importants travaux de rénovation intérieure, voire la réfection totale de certains lots, n'a pas été retenue par le jugement du 24 octobre 2008. Néanmoins, la cour d'appel dans son arrêt du 7 avril 2010, a considéré que M. [B] avait évalué le bien immobilier en ayant tenu compte de l'ensemble des travaux à réaliser y compris les travaux d'électricité tels qu'ils avaient été portés à sa connaissance par ce document joint par l'expert à son rapport.
Aussi la faute reprochée à l'expert à ce sujet n'est pas établie.
Enfin les époux [O] ont informé M. [B] de l'existence d'un procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires du 15 mars 1984 qui les a autorisés à acquérir une partie du couloir du 6ème étage desservant les lots [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et à faire procéder à la modification du règlement de copropriété.
L'expert a mentionné dans son rapport au 6ème étage l'existence d'un dégagement en jouissance exclusive, ce qui correspond à la réalité de la situation même si celle-ci n'est pas conforme au règlement de la copropriété. En revanche il ne ressort pas de la seule lecture de son rapport qu'il a inclus la surface de ce dégagement dans la superficie totale du bien immobilier tel que composé des lots [Cadastre 1], [Cadastre 5], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 2].
Ainsi que l'a retenu le jugement du13 février 2014, M. [B] a procédé à l'évaluation du bien en considération de sa consistance matérielle et de sa situation juridique telle que décrite par les époux [O] et qu'il n'avait pas de raison de mettre en doute. Aussi il n'y a pas lieu de retenir une faute de l'expert à ce sujet.
- sur le préjudice et le lien de causalité :
Le non-respect du principe du contradictoire engage la responsabilité de l'expert et ouvre droit à réparation s'il est démontré l'existence d'un préjudice en relation directe avec cette faute.
Mme [L] qui n'a pas sollicité la nullité du rapport d'expertise dans l'instance l'ayant opposée à son mari, soutient qu'elle a subi un préjudice financier tenant à la différence entre le prix retenu par la cour et celui auquel le bien aurait dû être estimé. Elle propose ainsi de retenir l'évaluation effectuée par M. [J] à la somme de 300 000 € et une surévaluation du bien à hauteur de 144 000 €.
Cependant il ne se déduit pas du seul manquement au principe du contradictoire par l'expert que l'évaluation retenue par la cour d'appel dans le cadre du débat lui-même contradictoire qui s'est déroulé devant elle, ne correspond pas à la réalité.
Ainsi Mme [L] n'établit pas que la fixation tant de la valeur vénale que de la valeur locative du bien immobilier ait été erronée. L'estimation de M. [J] est contemporaine de celle fixée par l'expert dans sa note aux parties du 1er mars 2006 et ne tient pas compte de l'augmentation du bien résultant de l'évolution du marché immobilier à Paris 10ème et tandis que M. [B] avait fait part de références nouvelles liées à des transactions plus récentes, Mme [L] ne produit aucune autre estimation de nature à mettre en cause l'évaluation de l'expert de sorte qu'elle ne démontre pas que le prix retenu par la cour d'appel ne correspondait pas à l'état du marché.
Sa demande d'indemnisation doit donc être rejetée et la décision du tribunal de grande instance de Paris du 13 février 2014 confirmée.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 février 2014,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [L] aux dépens.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,