RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 19 février 2016 après prorogation
(n° 123 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10516
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 11/14597
APPELANTE
SAS OLARIA
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-michel LEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0134 substitué par Me Alexandre RUIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0134
INTIMEE
Madame [J] [Q]
[Adresse 1]
non comparante, représentée par M. [Y] [L] (Délégué syndical ouvrier) avec pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Monsieur Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement formé par la société OLARIA SAS contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 26 septembre 2012 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancienne employée, [J] [Q] ;
Vu le jugement déféré ayant :
- condamné la SAS OLARIA à payer à [J] [Q] les sommes de :
15'000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté [J] [Q] du surplus de ses demandes et la société OLARIA de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné cette dernière aux dépens ;
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
La société OLARIA SAS, appelante, poursuit:
- la constatation de ce que le licenciement de [J] [Q] est parfaitement fondé,
- le débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes,
- sa condamnation à lui verser 2 000 € au titre de l'article 700 Code de procédure civile en sus des entiers dépens ;
[J] [Q], intimée, conclut :
- à la confirmation partielle du jugement déféré,
- à la constatation de ce que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- à la condamnation de la société OLARIA à lui payer les sommes de :
- 20 289,24 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société OLARIA, créée en 1991 par [H] [W], a pour activité principale la vente d'objets de décoration et d'équipement de la maison et du jardin, activités qu'elle développe dans une boutique située à [Adresse 2].
Elle applique la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaire et occupait, lors des faits, 2 employés dont l'un à mi-temps.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er mars 2001, elle a engagé [J] [Q], à compter de cette date, en qualité de responsable de magasin, au niveau VII, pour exercer principalement ses fonctions dans la boutique de la [Adresse 2], moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle brute de base de 16'000 francs pour un horaire de travail hebdomadaire moyen de 39 heures, outre un intéressement mensuel de 2 % sur le chiffre d'affaires TTC réalisé par la boutique hors périodes d'absence. En son dernier état, la rémunération brute mensuelle fixe de la salariée s'élevait à 2 745,78€ pour 169 heures de travail dont 17,33 heures supplémentaires au taux majoré de 25 %.
Le 11 juin 2008, la société OLARIA a convoqué [J] [Q] à se présenter le 19 juin 2008 à un entretien préalable à son licenciement envisagé pour motif économique.
Le 4 juillet 2008, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique et suppression de poste. Le 8 octobre 2008, elle l'a dispensée d'accomplir la fin de son préavis d'une durée de 3 mois, néanmoins rémunéré, soit la période du 9 octobre au 6 novembre 2008.
[J] [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS, le 4 décembre 2008, de la contestation de son licenciement et de ses demandes en paiement des heures de travail supplémentaires et de dommages-intérêts pour rupture abusive.
Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.
SUR CE
[J] [Q] n'a pas fait soutenir devant la cour sa demande de rappels de salaire et de congés payés au titre des heures de travail supplémentaires effectuées.
- Sur le licenciement et ses conséquences
Par lettre recommandée du 4 juillet 2008, la société OLARIA a notifié à [J] [Q] son licenciement dans les termes suivants :
' ...pour le 3ème exercice consécutif, les comptes arrêtés au 31 décembre 2007 font apparaître non seulement une perte de 34'427 euros, mais également une nette dégradation du chiffre d'affaires, celui-ci passant de 309'485 euros en 2006 à 257'984 euros en 2007.
Le premiers mois de l'exercice 2008 confirment une tendance négative conduisant à l'injection par l'actionnaire d'argent frais pour permettre de faire face aux charges d'exploitation.
Malgré mon souhait comme actionnaire et Président de poursuivre l'oeuvre de [H] [W], fondateur de la Société, brusquement disparu, je dois aujourd'hui constater que compte tenu notamment de mon âge et de mon expérience, je n'ai plus les ressources et le dynamisme souhaitable pour m'atteler au redressement de la société.
Ce constat m'a conduit à rechercher un repreneur pour la société et donc pour la boutique dont vous êtes responsable.
Le repreneur trouvé ... a la volonté de prendre lui-même la responsabilité de la boutique, ce qui conduit à la suppression de votre poste pour limiter les charges d'exploitation.
La structure de la société qui n'a qu'une seule boutique et un seul emploi à temps plein, ne permet pas d'envisager de mesures de reclassement interne.
C'est pourquoi nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique : suppression de poste.'
La société OLARIA explique que son président et unique actionnaire, [K] [T], qui souhaitait vendre ses actions a trouvé un repreneur en la personne d'une ancienne salariée, [I] [E], qui voulait tenir elle-même la boutique, que cette décision impliquait la suppression du poste de [J] [Q], que la future actionnaire a donc travaillé bénévolement dans la boutique de septembre 2008 jusqu'au 2 février 2009, date de la cession d'actions à son profit et de sa nomination en qualité de président de la société en remplacement de [K] [T], démissionnaire.
[J] [Q] précise que [I] [E], candidate à la reprise de la société, a exigé son départ préalablement à l'acquisition du capital social, ce qui explique son licenciement intervenu sept mois avant la reprise de la société.
Les difficultés économiques de la SAS OLARIA sont révélées par les comptes annuels de son exercice clos le 31 décembre 2007, le compte de résultat faisant en effet apparaître une perte de 31'018 €, supérieure à la perte dégagée le 31 décembre 2006 qui s'élevait alors à 18'509 €, perte résultant notamment d'une diminution du chiffre d'affaires net qui est passé d'un exercice à l'autre de 259'506 € à 309'485 €.
Si la décision de supprimer le poste de responsable de magasin qu'occupait [J] [Q] pouvait se justifier dans son principe par la situation économique de l'entreprise, la cour ne peut que constater que cette suppression n'a pas été réalisée puisque la salariée a été remplacée en octobre 2008 par [I] [E] qui a occupé son emploi, selon les déclarations de la société OLARIA, sans statut ni rémunération les trois mois ayant précédé l'acquisition du capital social. Lors du licenciement, le 4 juillet 2008, le motif invoqué, soit la suppression du poste de responsable du magasin, n'était pas sincère puisque la suppression n'est jamais intervenue, le futur acquéreur de l'entreprise remplaçant ' bénévolement ' la salariée licenciée. C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a considéré que l'exigence formulée par le futur cessionnaire de l'entreprise ne constituait pas un motif légitime autorisant le cédant à rompre le contrat de travail de sa salariée.
La moyenne des 3 derniers mois de salaire versés à [J] [Q] avant son licenciement s'élève à 2 990,32.€.
En considération de son ancienneté, 7 années de service au sein de la société, de son âge, 56 ans lors de la rupture, et des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments de préjudice pour porter à 18'000 € la réparation du dommage causé par le licenciement abusif.
- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Succombant en son recours, la société OLARIA sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées. Il y a lieu, en équité, d'accorder à [J] [Q] le remboursement de ses frais non taxables dans la limite de 1 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré à l'exception du montant de la condamnation prononcée à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société OLARIA SAS à payer à [J] [Q] les sommes de :
- 18'000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,
avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2012, date du jugement, sur 15'000 € et à compter du présent arrêt sur le surplus,
- 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la SAS OLARIA aux dépens de l'appel.
Le Greffier,La Présidente,