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18/02/2016 | FRANCE | N°12/02546S

France | France, Cour d'appel de Paris, L3, 18 février 2016, 12/02546S


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 18 Février 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02546-13/11735
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Février 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG no 10-01202
APPELANTE SARL EMIDAF ... 75017 PARIS représentée par Me Léon AZANCOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1273

INTIMES Monsieur Elio X...... 93100 MONTREUIL comparant en personne, assisté de Me Sylvie ASSOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : W04

CPAM 93- SEINE SAIN

T DENIS (BOBIGNY) 195 avenue Paul Vaillant Couturier SERVICE CONTENTIEUX 93014 BOBIGNY CEDEX rep...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 18 Février 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02546-13/11735
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Février 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG no 10-01202
APPELANTE SARL EMIDAF ... 75017 PARIS représentée par Me Léon AZANCOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1273

INTIMES Monsieur Elio X...... 93100 MONTREUIL comparant en personne, assisté de Me Sylvie ASSOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : W04

CPAM 93- SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY) 195 avenue Paul Vaillant Couturier SERVICE CONTENTIEUX 93014 BOBIGNY CEDEX représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 409

SA COMPAGNIE GENERALI IARD 7 boulevard Haussmann 75009 PARIS représentée par Me Geoffroy LENOBLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R265 substitué par Me Loïc THOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : R265

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale 14, avenue Duquesne 75350 PARIS CEDEX 07 avisé-non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Bernadette VAN RUYMBEKE, Président Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laïla NOUBEL, lors des débats
ARRÊT : contradictoire-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Cour statue sur l'appel principal régulièrement interjeté par la SARL EMIDAF, et sur les appels incidents diligentés par la Compagnie GENERALI IARD, intervenant volontairement à l'instance aux cotés de son assurée, la SARL EMIDAF, et Monsieur Elio X..., à l'encontre des jugements prononcés le 16 février 2012 et le 6 novembre 2013, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY, dans le litige les opposant entre eux et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de SEINE SAINT-DENIS.

FAITS-PROCÉDURE
Une déclaration d'accident du travail a été effectuée le 20 avril 2008 par la SARL LE NIV'S, restaurant situé ... à PARIS 75017, concernant Monsieur Elio X..., chef cuisinier, ainsi rédigée :
« le 28 avril 2008 à 10 heures 30 horaire de travail le jour de l'accident : 10 heures à 15 heures 15 lieu de l'accident : cuisine Il y avait une poêle sur la cuisinière, Monsieur X... était penché sur la partie basse du four, (a) heurté la poêle dont le manche lui est rentré dans l'oeil droit. Siège des lésions : oeil droit nature des lésions : contusion avec sang dans l'oeil victime transportée : médecin traitant accident constaté le 28 avril 2008 à 14 heures par l'employeur témoin : Monsieur Z... Kara... » ;

L'accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, la consolidation avec séquelle était fixée au 16 juin 2009 sur la base du certificat médical final établi par le Docteur A..., pour « une contusion du globe oculaire » ;
Un taux d'incapacité permanente de 13 % était fixé et une rente était attribuée sur cette base à Monsieur X....
Monsieur Elio X... a pu reprendre son activité professionnelle à l'issue de l'arrêt d'activité mais a été licencié en conséquence d'autres pathologies reconnues en maladie professionnelle, indépendante du traumatisme subi le 28 avril 2008.
Il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur le 7 juin 2010.
Le jugement entrepris du 16 février 2012 :- a reconnu la faute inexcusable de la SARL EMIDAFdans la survenance de l'accident du 28 avril 2008 ;- a dit que la preuve de la faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle déclarée le 24 octobre 2009 n'est pas rapportée ;- a accordé à Monsieur Elio X... la majoration de la rente fixée à son taux maximum et dit que cette majoration suivra l'évolution éventuelle de son taux d'IPP ;- avant dire droit sur les préjudices : . souffrances endurées . préjudice d'agrément . perte de chance de promotion ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle . préjudice esthétique . assistance tierce personne avant consolidation . frais d'adaptation du logement et ou du véhicule . préjudice universitaire et de formation . préjudices permanents exceptionnels atypiques directement liés aux handicaps permanents ; a ordonné une expertise médicale et désigné le Docteur B... ;

- a alloué à Monsieur Elio X... une provision de 6 000 euros ;- a condamné la société EMIDAF à régler à Monsieur X... la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le jugement entrepris du 6 novembre 2013 a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer et a fixé la réparation des préjudices personnels subis par Monsieur elio X... à la suite de la faute inexcusable comme suit : . souffrances endurées : 5000 euros . préjudice d'agrément : 2 500 euros . préjudice esthétique : 2 500 euros . assistance tierce personne avant consolidation : 291 euros . déficit fonctionnel temporaire : 1 200 euros . préjudice sexuel : 1 500 euros-a dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 16 février 2012 ;- a dit que cette indemnisation, sous déduction de la provision versée de 6 000 euros sera versée directement par la caisse sous réserve de son droit à récupération auprès de la SARL EMIDAF ;- a déclaré la décision opposable à la compagnie GENERALI IARD ;- a ordonné l'exécution provisoire ;- a mis les honoraires d'expertise du Docteur B... à la charge de la société EMIDAF ;- a fixé à la somme de 1 000 euros le montant de l'indemnité de procédure à la charge de la SARL EMIDAF ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL EMIDAF fait plaider par son conseil les conclusions visées par le greffe social le 26 novembre 2015 tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la maladie professionnelle déclarée le 16 octobre 2009 n'a pas pour origine une faute inexcusable de la société EMIDAF.
Elle sollicite le débouté de l'ensemble des demandes.
Subsidiairement elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu un préjudice esthétique, un préjudice d'agrément, un préjudice sexuel et un déficit fonctionnel temporaire.
Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté toute indemnisation au tire d'une prétendue perte de possibilité de promotion professionnelle.
Elle demande que soit ramenées à de plus justes proportions les demandes de Monsieur X... s'agissant des autres postes de réclamation.
La SARL EMIDAF fait valoir que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la superficie ou les caractéristiques de la cuisine seraient contraire à la réglementation ou inadaptées. Elle soutient qu'il n'est pas davantage justifié par une attestation, une mise en garde adressée à l'employeur, une note de l'inspection du travail, que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger lié à l'inadaptation de la cuisine.

Elle souligne que les griefs tirés de la non conformité du réseau électrique et des fuites d'eau permanentes sont sans lien de causalité avec la faute inexcusable invoquée.
Sur la maladie professionnelle, elle rappelle que la tendinite du coude droit n'a rien à voir avec le problème oculaire ayant découlé de l'accident du 28 avril 2008.
La compagnie GENERALI IARD, assureur de la SARL EMIDAF, a développé par la voix de son conseil les conclusions visées par le greffe le 26 novembre 2015 tendant aux mêmes fins que celles développées par son assurée et à laquelle la Cour se réfère expressément pour l'exposé des demandes et des moyens.
Elle sollicite la condamnation de Monsieur X... à lui régler une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Monsieur Elio X... a développé par l'intermédiaire de son conseil les conclusions visées par le greffe le 26 novembre 2015 tendant :- à la confirmation du jugement du 6 novembre 2013 en ce qu'il a fixé la réparation du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 1 200 euros et celle du préjudice sexuel à la somme de 1 500 euros ;- à la confirmation de ce jugement en ce qu'il a fait droit au principe de la réparation des préjudices suivants mais statuant à nouveau en augmenter les quantum :

. réparation des souffrances endurées : 6 000 euros au lieu de 5 000 . réparation du préjudice esthétique : 3 000 euros au lieu de 2 500 . réparation du préjudice d'agrément : 3 000 euros au lieu de 2 500- à l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X... de ses demandes d'indemnisation et lui allouer de ce chef : . 16 464, 34 euros au titre de la perte de chance des possibilités de promotion professionnelle ; . 78 848 euros au titre de l'incidence professionnelle ; . 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent à titre principal ; . 1 382 euros au titre du déficit fonctionnel permanent à titre subsidiairement ;

Il demande l'actualisation de la créance incluant les arrérages à échoir entre le 28 avril 2013, date d'actualisation de la liquidation des préjudices et la date de l'arrêt prononçant la liquidation des préjudices.
Il demande que la caisse soit enjointe de produire dans son état de créance une ventilation entre la part de cette créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel (les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle) et celle visant à indemniser la partie extra-patrimoniale (le déficit fonctionnel permanent).
Il demande de déclarer l'arrêt commun à la CPAM de SEINE SAINT-DENIS et à la compagnie GENERALI IARD.
Il demande la condamnation de la SARL EMIDAF à lui régler la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et que les condamnations soient assorties de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation. Monsieur Elio X... se réfère expressément aux conclusions de l'expert pour justifier ses demandes indemnitaires au regard de l'évaluation des souffrances physiques et morales.

Sur le préjudice esthétique, il souligne que son oeil droit ne s'ouvre plus complètement.
Sur le préjudice d'agrément, il souligne le déficit de son champ visuel et sa peur phobique de conduire attestée par un témoin.
Sur le préjudice professionnel, il soutient qu'il a perdu une chance d'évolution professionnelle à la suite de l'accident survenu le 28 avril 2008.
Il fonde ses autres demandes indemnitaires sur la décision QPC du conseil Constitutionnel du 18 juin 2010.

La CPAM DE SEINE SAINT-DENIS a développé des observations orales tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour sur la faute inexcusable et la majoration de la rente.

Elle indique qu'elle ne s'opposerait pas à une mesure d'expertise médicale si celle-ci était ordonnée.
SUR QUOI LA COUR :
Sur la jonction des appels :
Considérant qu'il y a lieu, dans le cadre d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des appels sous le no 12 02546 premièrement enrôlé ;
Sur la faute inexcusable :
Considérant les dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Considérant qu'en l'espèce la faute inexcusable imputable à l'employeur a été caractérisée par les premiers juges par le fait que l'accident a eu lieu alors que Monsieur X... était placé sur le côté droit du petit four pour ouvrir la porte afin de vérifier la cuisson du plat et que l'installation d'un four en partie basse dans un espace aussi réduit, au bout d'un triangle, n'est pas conforme aux règles de conception d'une cuisine parce qu'elle ne permet pas un accès en sécurité aux différentes fonctionnalités du four ;
Considérant néanmoins que la preuve du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, à raison de l'exiguïté de la cuisine et de sa non conformité aux normes en vigueur, incombe à la victime qui se prévaut de la faute inexcusable imputable à l'employeur ;
Considérant qu'en l'espèce, l'Inspection du Travail a effectué un contrôle dans les locaux du restaurant au début de l'année 2011 et que l'inadaptation de la cuisine à raison de sa superficie n'a pas été relevée par l'inspecteur qui a seulement souligné, ce point n'est pas contesté, le problème lié à l'agrandissement de la porte d'évacuation de la cuisine, problème sans lien de causalité avec l'accident ;
Que si l'exiguïté de la cuisine est avérée, cette seule caractéristique n'est pas en elle-même constitutive d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat dès lors la preuve n'est pas rapportée d'un manquement de l'employeur au respect de la réglementation en vigueur ;
Considérant par conséquent que le jugement du 16 février 2012 doit être réformé de ce chef et Monsieur X... débouté de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Que ce jugement sera pour le surplus confirmé en ce qu'il a dit que la preuve de la faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle déclarée le 24 octobre 2009 par Monsieur Elio X... n'est pas rapportée ;
Considérant que le jugement du 6 novembre 2013 qui a statué sur les conséquences de la faute inexcusable doit également être infirmé ;
Considérant que Monsieur X... doit être en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes et supportera la charge définitive des frais d'expertise médicale avancés par la caisse ;
Qu'il convient de rappeler que le présent arrêt infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par la compagnie GENERALI IARD au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

Ordonne la jonction des appels sous le no 12 02 546 ;
Déclare la SARL EMIDAF, la Compagnie GENERALI IARD, intervenant volontairement à l'instance, recevables et bien fondés en leurs appels ;
Déclare Monsieur Elio X..., recevable mais mal fondé en son appel ;
Infirme les jugements du 16 février 2012 et du 6 novembre 2013 en ce qu'ils ont respectivement reconnu la faute inexcusable de l'employeur et statué sur les conséquences de cette faute inexcusable ;
Statuant à nouveau ;
Déboute Monsieur Elio X... de l'intégralité de ses demandes ;
Dit que Monsieur X... supportera la charge définitive des frais d'expertise médicale avancés par la caisse ;
Déboute la compagnie GENERALI IARD de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Confirme le jugement du 16 février 2012 en ce qu'il a dit que la preuve d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle déclarée le 24 octobre 2009 n'est pas rapportée ;
Rappelle que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de la notification de la présente décision ;
Dispense Monsieur Elio X... du droit d'appel.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : L3
Numéro d'arrêt : 12/02546S
Date de la décision : 18/02/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2016-02-18;12.02546s ?
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