Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 16 FEVRIER 2016
(n° 113 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05035
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 11/00328
APPELANTE
SA CIC IBERBANCO immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n°384.122.123, agiss
ant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 384 .122.123
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant,
Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MOLINIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0428
INTIMES
Madame [S] [A]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Thierry MOUNICQ, avocat au barreau de PARIS, toque : R097
Maître [Q] [R] Notaire
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
Ayant pour avocat plaidant Me BRIAND Nicolas, avocat au barreau de POITIERS,
SA BOURSORAMA
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 351 058 151
Représentée par Me Dominique SANTACRU de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0470
SCP [I] [T] [R] Notaires Associés
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
Ayant pour avocat plaidant Me BRIAND Nicolas, avocat au barreau de POITIERS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.
La SCI Montesquieu a entrepris de réaliser un programme immobilier situé [Adresse 6]). Le 23 décembre 2005, elle a conclu avec le CIC Iberbanco (anciennement dénommé Banco popular) une convention de garantie d'achèvement des travaux.
Mme [A] a signé un contrat de réservation pour un appartement et un parking dans cet ensemble immobilier et elle a accepté le 21 mars 2006 une offre de prêt immobilier effectuée par la société Caixa bank France, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Boursorama.
Mme [A] a donné, par acte authentique établi par maître [L], notaire à Issy les Moulineaux, pouvoir à tous clercs de l'étude de maître [R], notaire à Niort, pour acquérir en l'état futur d'achèvement les lots 30 et 36 pour le prix de 189 614 €. Maître [R] a établi l'acte authentique de vente le 11 avril 2006. Les travaux devaient être achevés pour le 2ème semestre 2007.
La somme de 56 884, 20 € correspondant à 30% du prix a été payée le jour de la signature de l'acte authentique et Mme [A] a ensuite transmis à la société Boursorama les 6 appels de fonds de la SCI Montesquieu aux fins de règlement.
Le CIC Iberbanco ayant appris du gérant de la SCI qu'il avait effectué des appels de fonds au vu d'attestations d'avancement des travaux inexactes et qu'il avait déposé les sommes reçues dans une autre banque, a déposé une plainte au mois de juillet 2008, auprès du procureur de la République. Il a également fait constater l'abandon du chantier.
La SCI a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 5 octobre 2009.
Le CIC Iberbanco a fait achever les travaux interrompus courant 2008 et il a réclamé à Mme [A] le règlement du prix de vente à hauteur des travaux réalisés, en faisant valoir que les paiements qu'elle avait opérés à la suite des appels de fonds, n'étaient pas libératoires car effectués en violation de la clause de centralisation des paiements incluse dans l'acte de vente.
En décembre 2010, Mme [A] a fait assigner le CIC Iberbanco, la société Boursorama ainsi que maître [R] et la SCP [I] [T] [R] afin de voir juger que ses paiements étaient libératoires et à titre subsidiaire obtenir la garantie du notaire et de la société Boursorama.
Par un jugement du 20 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné Mme [A] à payer au CIC Iberbanco la somme de 113 768, 40 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2010,
-condamné le CIC Iberbanco à payer à Mme [A] la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts,
-accordé des délais de paiement à Mme [A],
- débouté Mme [A] de ses demandes contre la société Boursorama et contre les notaires,
- condamné Mme [A] et le CIC Iberbanco aux dépens payables par chacun par moitié,
- condamné le CIC Iberbanco à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société Boursorama et aux notaires.
Le CIC Iberbanco a formé appel de cette décision le 5 mars 2014.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 mai 2015, il sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à l'égard de Mme [A] et l'a condamné à payer à la société Boursorama et aux notaires la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il conclut au rejet des demandes de Mme [A] et de son appel incident ainsi qu'à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que les paiements opérés n'avaient pas un caractère libératoire, et à la condamnation de Mme [A] à lui payer la somme de 132 729, 80 € sous déduction de la somme de 72 729, 80 € déjà payée, avec intérêts au taux contractuel à compter des lettres valant mise en demeure des 9 novembre 2010, 10 mai 2011 et 5 mai 2013. Il réclame enfin sa condamnation à une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 mai 2015, Mme [A] demande que le jugement soit réformé, que les paiements qu'elle a effectué pour la somme totale de 170 652, 60 € soient déclarés libératoires et que le CIC Iberbanco soit condamné à lui rembourser la somme de 53 768 € trop versée. A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu une faute du CIC Iberbanco ayant concouru à la réalisation du dommage dont il demande paiement, et sa condamnation à lui payer en deniers ou quittances la somme de 90 000 € à titre de dommages-intérêts soit 30 000 € après imputation des 60 000€ sur les sommes qu'elle a déjà réglées au CIC Iberbanco.
Mme [A] sollicite, par ailleurs, la réformation du jugement dans ses dispositions relatives aux notaires et à la société Boursorama. Elle demande que leurs fautes soient reconnues, que tant les notaires que la société Boursorama soient condamnés à la garantir des condamnations éventuellement prononcées au profit du CIC Iberbanco et que leurs demandes soient rejetées.
Enfin en tout état de cause, elle réclame la condamnation solidaire de l'ensemble des parties à lui verser la somme de 51 308, 78€ en remboursement des intérêts intercalaires et celle de 10 000 € en réparation de son préjudice moral. Elle demande également à chacun le paiement d'une indemnité de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 juin 2015, maître [R] et la SCP [I] [T] [R] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes à leur égard et sa condamnation à payer à chacun d'eux la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Ils réclament ,en outre, une indemnité de 5 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à tout succombant.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 août 2014, la société Boursorama sollicite la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Mme [A] et sa condamnation à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Sur la demande en paiement du CIC Iberbanco et sur sa responsabilité :
Le CIC Iberbanco soutient que les paiements effectués entre les mains de la SCI Montesquieu ne sont pas libératoires car ils ont été opérés en violation de la clause de centralisation des paiements incluse dans la convention de garantie d'achèvement conclue avec la SCI et reprise dans l'acte de vente signé par Mme [A]. Il conteste avoir commis une faute à l'égard de cette dernière et précise qu'il dispose d'un droit direct au paiement des travaux qu'il a pris en charge.
Mme [A] réplique qu'alors que les appels de fonds se sont échelonnés sur une année, à aucun moment le CIC Iberbanco n'a attiré son attention sur ce problème, s'abstenant de vérifier l'état des paiements par rapport à l'état d'avancement des travaux. Elle invoque l'apparence et la bonne foi prévue par l'article 1240 du code civil et fait valoir que par sa négligence, le CIC Iberbanco a contribué à son erreur. Elle soutient également que celui-ci a renoncé à la stipulation pour autrui consentie à son bénéfice par le promoteur et qu'agissant en qualité de mandataire de la SCI les exceptions opposables à cette dernière, le lui sont également.
Elle précise que le projet d'acte de vente n'était pas joint à la procuration qu'elle a signée et que si elle a bien reçu celui-ci, ses dispositions n'étaient pas suffisamment claires à son égard alors que l'obligation de centralisation des paiements pesait sur la SCI. Elle considère donc que les paiements qu'elle a réalisés sont libératoires ou à titre subsidiaire que la faute commise par le CIC Iberbanco a contribué au préjudice financier qu'elle a subi.
La convention de garantie d'achèvement de travaux conclue le 23 décembre 2005 entre la SCI Montesquieu et la Banco popular contient une clause n°12 intitulée 'centralisation financière' qui stipule que 'pour permettre à la caution de contrôler le déroulement financier de l'opération immobilière, le vendeur s'oblige à centraliser tous les mouvements de fonds relatifs à l'opération et à verser sur un compte centralisateur 00105171305 l'intégralité des fonds lui provenant à quelque titre que ce soit pour la réalisation du programme immobilier'.
Mme [A] a reçu le projet d'acte de vente en l'état futur d'achèvement qui lui a été adressé par le notaire le 27 mars 2006; Il est constant que ce projet d'acte était identique à l'acte définitif qui a été signé le 11 avril 2006.
Il contenait ainsi, comme l'acte authentique de vente, la mention : ' Tous versements pour être libératoires devront être effectués par chèque libellé à l'ordre de la Banco popular compte n°00105171305 et adressés au vendeur en dehors de la partie payée comptant ce jour'.
Mme [A] a transmis les 6 appels de fonds qu'elle a reçus de la SCI Montesquieu entre le 2 mai 2007 et le 28 mars 2008, à la société Boursorama sans mentionner que les chèques devaient être libellés à l'ordre de la Banco popular compte n°00105171305.
Les paiements effectués à la SCI Montesquieu ne peuvent présenter un caractère libératoire, faute pour Mme [A] d'avoir respecté les dispositions claires du contrat de vente et l'article 1240 du code civil ainsi que l'apparence au profit de la SCI Montesquieu ne peuvent trouver à s'appliquer alors que Mme [A] avait accepté la clause prévoyant expressément un paiement au nom de la Banco popular.
Par ailleurs, cette dernière qui n'était pas informée des paiements effectués directement au profit de la SCI Montesquieu, n'a pas manifesté sa volonté de renoncer à la stipulation incluse dans le contrat de garantie d'achèvement.
Enfin, la Banco popular qui, à partir du mois de juillet 2008, a pris en charge l'achèvement du programme immobilier, disposait d'un droit direct au paiement des travaux qu'elle a fait réaliser ainsi qu'il était prévu dans le contrat de réservation et rappelé dans l'acte de vente et les exceptions tenant au paiement effectué, à la bonne foi de Mme [A] et à la règle nemo auditur, ne lui sont pas opposables.
Le jugement du tribunal de grande instance de Paris doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que les paiements effectués par Mme [A] à la suite des 6 appels de fonds de la SCI Montesquieu n'étaient pas libératoires.
Mme [A] reproche au CIC Iberbanco un manque de vigilance alors qu'il avait l'obligation de vérifier l'état des paiement par rapport à l'avancement des travaux. Pour établir l'existence d'une obligation de surveillance, elle invoque la clause de centralisation financière incluse dans la convention de garantie d'achèvement des travaux qui prévoyait que 'les demandes de règlements seront adressées pour informations/ou accord à la caution en conformité avec l'avancement des travaux et les termes du marché'.
Cependant ces dispositions contractuelles visent exclusivement à protéger la caution en cas de mise en oeuvre de sa garantie, en lui donnant les moyens de contrôler que les acquéreurs paient conformément à l'avancement des travaux mais elles ne créent pas d'obligation de vigilance à leur égard dans la mesure où elles ne sont pas prises dans leur intérêt.
Enfin, les appels de fonds étaient effectués apparemment conformément à l'état d'avancement des travaux au vu des attestations délivrées par l'architecte jusqu'au 28 mars 2008 et le fait que l'immeuble n'ait pas été terminé à la fin de l'année 2007 ne suffisait pas à mettre en cause son achèvement, objet de la garantie accordée par le CIC Iberbanco alors que des contrats de sous-traitance continuaient à être signés.
Ainsi il n'est pas démontré que le CIC Iberbanco a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de Mme [A] et le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 février 2014 doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné le CIC Iberbanco au paiement de dommages-intérêts.
Mme [A] doit donc être condamnée à payer au CIC Iberbanco la somme de 132 729, 80 € sous déduction de la somme de 72 729, 80 € déjà versée par elle.
Le CIC Iberbanco réclame le paiement d'intérêts contractuels tels que prévus à l'acte de vente en se prévalant du fait qu'il se trouve substitué dans les droits de la SCI. Néanmoins aucune disposition de la convention de garantie d'achèvement ni du contrat de vente ne prévoit que le CIC Iberbanco puisse bénéficier de la clause d'intérêts contractuels alors que celui-ci invoque un droit direct au paiement .
Ainsi la somme restant due par Mme [A] portera intérêts au taux légal à compter des lettres valant mise en demeure des 9 novembre 2010, 10 mai 2011 et 5 mai 2013.
2/ Sur la demande de garantie formée contre maître [R] et la SCP [I], [T], [R]:
Mme [A] fait valoir que le notaire a manqué à son devoir de conseil et d'efficacité de l'acte en s'abstenant d'attirer son attention sur l'obligation qui lui était faite de se libérer du solde du prix selon les modalités prévues à peine de paiement non libératoire. Elle ajoute que ce devoir de conseil est renforcé lorsque le paiement du prix s'effectue hors la comptabilité du notaire. Elle constate, au surplus, que la procuration qu'elle a signée, indiquait seulement que le prix était payable à la SCI Montesquieu et qu'elle conférait au notaire la qualité de mandataire pour les paiements à venir.
Elle relève, en outre, que le notaire ne lui a pas adressé l'acte authentique à son domicile de sorte qu'elle n'a pu prendre connaissance des modalités définitives de paiement qu'après réclamation en novembre 2009.
Les intimés contestent un manquement à l'obligation d'information et de conseil alors que Mme [A] ne pouvait prétendre avoir ignoré l'existence de la clause de centralisation des paiements non plus que les mentions spécifiques figurant dans le projet d'acte qui lui a été adressé le 27 mars 2006. Ils font valoir que le paiement à la SCI tel que prévu dans la procuration, ne concernait que la partie du prix payé comptant.
Les intimés ajoutent qu'il est indifférent que Mme [A] n'ait pas reçu l'acte définitif de la vente dès lors qu'il était identique au projet qui lui a été notifié. Ils déclarent en outre que le notaire n'a pas l'obligation d'adresser de son propre chef un acte aux parties. Enfin ils relèvent que le notaire est étranger à l'exécution du contrat et au paiement des appels de fonds ultérieurs.
Les notaires contestent également la réalité du préjudice et son lien de causalité avec les fautes qui leur sont reprochées, celui-ci trouvant sa cause dans le non-respect par Mme [A] de ses obligations contractuelles et l'absence de mise en cause du maître d'oeuvre, auteur des attestations relatives à l'avancement des travaux.
Il convient tout d'abord de relever que si Mme [A] n'a pas reçu l'acte notarié de vente envoyé à l'adresse du bien acquis, elle a pris connaissance du projet qui était identique à l'acte définitif de sorte qu'elle ne peut justifier d'aucun préjudice en relation avec cette non-remise.
Par ailleurs, Mme [A] a signé l'acte de vente par un clerc de l'étude [I] [T] [R] à qui elle a donné procuration, selon un acte authentique établi par maître [L].
L'acte de vente contenait une clause prévoyant un paiement entre les mains de la Banco popular excluant tout paiement entre les mains du vendeur. Cette modalité particulière de règlement du prix était assortie d'une sanction extrêmement sévère pour l'acquéreur, et il appartenait au notaire d'attirer l'attention de l'acquéreuse sur la portée de cette mention et le danger d'un non respect des modalités qu'elle fixait.
La procuration dressée par maître [L] le 30 mars 2006, après avoir mentionné que la partie du prix payable comptant devait être remise à la SCI Montesquieu, ne contient aucune mention relative aux modalités de paiement des autres fractions du prix de sorte qu'il n'apparaît pas que l'attention de Mme [A] ait été attirée sur ces modalités spéciales et leur sanction particulièrement grave.
Maître [R] en ne s'assurant pas que Mme [A] avait bénéficié de la part du notaire ayant établi la procuration, de l'information et du conseil nécessaires face à une telle clause, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Ainsi que l'a relevé le tribunal de grande instance de Bordeaux dans une décision concernant d'autres acquéreurs rendue le 16 décembre 2014 et dont Mme [A] reprend les termes de la motivation dans ses dernières conclusions, le préjudice résultant du non respect de ses obligations par le notaire, consiste en une perte de chance d'effectuer un paiement libératoire.
Il convient de constater que Mme [A] n'a pas réclamé l'indemnisation de cette perte de chance mais la condamnation de maître [R] et de la SCP [I] [T] [R] à la garantir et relever indemne de toute condamnation.
La demande telle que formulée par Mme [A] doit donc être rejetée.
3/ Sur la demande de garantie formée contre la société Boursorama :
Mme [A] soutient que la société Boursorama a engagé sa responsabilité à son égard pour ne pas l'avoir interrogée sur l'identité de la personne à l'ordre de laquelle les chèques de paiement des appels de fonds devaient être libellés. Elle fait valoir que tenue en sa qualité de professionnel à une obligation de conseil et de respect de l'affectation des fonds, la banque aurait dû lui demander l'acte de vente ou interroger le notaire afin de vérifier le destinataire des paiements alors qu'il est usuel en matière de vente en l'état futur d'achèvement qu'un établissement financier fournisse sa garantie tout en recevant le paiement des acquéreurs.
La société Boursorama expose que le prêt immobilier a uniquement donné lieu à une promesse datée du 6 mars 2006 et acceptée le 21 mars 2006 avant que l' acte de vente ne soit régularisé chez le notaire et que son information résulte uniquement du contrat de réservation qui désignait comme cocontractant la SCI Montesquieu. Elle ajoute que Mme [A] lui a adressé les appels de fonds signés par elle, avec la mention 'bon pour accord' . Aussi elle fait valoir que rien ne justifiait qu'elle remette en cause les instructions de sa cliente et qu'elle s'interroge sur le bénéficiaire des chèques à la suite des appels de fonds alors qu'elle n'avait reçu ni le contrat de garantie d'achèvement ni l'acte de vente.
La société Boursorama conteste également l'existence d'un lien de causalité entre le libellé du bénéficiaire des chèques et le préjudice allégué qui résulte du comportement de la SCI Montesquieu qui a encaissé les chèques sur un autre compte que celui ouvert à la Banco popular, et du retard pris par le chantier.
Il est constant que le contrat de prêt immobilier a été conclu sur la base du contrat de réservation, avant que l'acte de vente ne soit établi.
Les seules informations que détenait société Boursorama et résultant de ce contrat de réservation, désignaient la SCI Montesquieu et Mme [A] comme parties et prévoyaient un paiement échelonné suivant l'avancement des travaux, conforme à la loi.
La société Boursorama a versé la partie payable comptant du prix entre les mains du notaire puis a effectué les autres règlements suivant les appels de fonds de la SCI, accompagnés de l'attestation de l'architecte et avec la signature et l'accord de Mme [A], sans que celle-ci ne lui donne d'instruction particulière sur la nécessité de mentionner un compte déterminé.
La banque qui a effectué des paiements selon les instructions de sa cliente et en conformité avec les mentions du contrat de réservation et les règles régissant la vente en l'état futur d'achèvement, n'a commis aucune faute.
Le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 février 2014 doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Boursorama.
4/ Sur la demande en paiement de dommages-intérêts au titre des intérêts intercalaires et du préjudice moral :
Mme [A] fait valoir que les défaillances du CIC Iberbanco, des notaires ainsi que de société Boursorama lui ont créé de multiples tracas financiers et moraux et elle réclame la condamnation solidaire de l'ensemble des parties à lui payer la somme de 51 308, 78 € au titre des intérêts intercalaires perçus par la société Boursorama ainsi que 10 000 € au titre de son préjudice moral.
Néanmoins aucune faute n'étant retenue contre le CIC Iberbanco et la société Boursorama, les demandes tant au titre des intérêts intercalaires que du préjudice moral seront écartées à leur égard.
S'agissant de maître [R] et de la SCP [I], [T] et [R], leur faute a été reconnue; néanmoins ainsi que ceux-ci le relèvent, le paiement d'intérêts intercalaires est la conséquence du retard pris dans le déroulement du chantier de construction et il n'existe pas de lien de causalité entre la faute qui leur est reprochée et ce retard alors que le garant d'achèvement, même non payé, a exécuté ses obligations aussitôt que l'abandon du chantier a été constaté.
Il n'y a donc pas lieu de condamner maître [R] et la SCP [I] [T] et [R] au paiement d'une somme au titre des intérêts intercalaires.
En revanche, la faute commise par les notaires a été à l'origine de tracas pour Mme [A] qui a intenté une action en justice pour voir établir le caractère libératoire de ses paiements et il y a donc lieu de lui allouer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.
5/ Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les notaires:
La faute de maître [R] étant retenue, la procédure que Mme [A] a engagée à leur encontre ne peut être considérée comme abusive et leur demande en dommages-intérêts doit donc être rejetée.
6/ sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement du 20 février 2014 étant réformé en ce qu'il a retenu la responsabilité du CIC Iberbanco, il y a lieu également de le réformer en ce qu'il avait condamné ce dernier à payer tant aux notaires qu'à la société Boursorama chacun la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes en cause.
Il y a lieu de condamner Mme [A] à payer à CIC Iberbanco et à la société Boursorama la somme de 1500 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner solidairement maître [R] et la SCP [I], [T], [R] à payer à Mme [A] la somme de 4 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 février 2014 en ce qu'il a condamné Mme [A] à verser au CIC Iberbanco la somme de 113 768, 40 €, et en ce qu'i la rejeté les demandes formées contre la société Boursorama,
Y ajoutant,
Constate que la créance du CIC Iberbanco s'élève désormais à la somme de 132 729, 80€ dont il convient de déduire la somme de 72 729, 80€ déjà réglée,
Condamne Mme [A] à payer en deniers ou quittances au CIC Iberbanco la somme de 60 000 €, avec intérêts au taux légal à compter des lettres valant mise en demeure des 9 novembre 2010, 10 mai 2011 et 5 mai 2013,
Infirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du CIC Iberbanco et l'a condamné à payer à Mme [A] la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts, en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre maître [R] et la SCP [I], [T], [R], et en ce qu'il a condamné le CIC Iberbanco à payer 1500 € à la société Boursorama d'une part et à maître [R] et la SCP [I], [T], [R] d'autre part, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
Dit que maître [R] a commis une faute au préjudice de Mme [A],
Rejette la demande en garantie formée par Mme [A] contre maître [R] et la SCP [I], [T], [R],ainsi que la demande en dommages-intérêts au titre des intérêts intercalaires,
Condamne solidairement maître [R] et la SCP [I], [T], [R] à payer à Mme [A] la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile formée contre le CIC Iberbanco,
Condamne maître [R] et la SCP [I], [T], [R] à payer à Mme [A] la somme de 4 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [A] à payer d'une part au CIC Iberbanco et d'autre part à la société Boursorama la somme de 1 500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement maître [R] et la SCP [I], [T], [R] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de maître Mounicq, de la selarl Lexavoue Paris Versailles représentée apr maître Boccon-Girod et de la SCCP Duffour& associés représentée par maître [C] et de , selon l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT