Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 11 FEVRIER 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/18391
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2014 - Tribunal de Commerce de MARSEILLE - RG n° 2013F03508
APPELANTE
SARL ESQUISS
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 401 867 569
prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée de Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS YVES DORSEY
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Assistée de Me Gérard AIT SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : D0570
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, rédacteur
Monsieur Louis DABOSVILLE, Président
Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Rappel des faits et procédure
La société Yves Dorsey, qui commercialise des chemises a confié, à partir de 2000, à la société Esquiss la maîtrise d''uvre et la production de chemises que cette dernière faisait fabriquer au Bangladesh.
La société Esquiss a créé dans ce pays à Dhaka un bureau permanent avec un personnel totalement dédié à la fabrication.
Elle était rémunérée par le biais de commissions calculées en fonction du volume des commandes.
Le volume des commandes passées par la société Dorsey a diminué en octobre 2008 ; puis, après 7 mois sans commande, la société Yves Dorsey a repris celles-ci mais dans des volumes moins importants que précédemment. La société Esquiss lui a alors écrit le 5 janvier 2010 pour lui annoncer qu'elle augmentait le coût unitaire des chemises en expliquant que la baisse des commandes entraînait une augmentation de ses coûts de production, la société Yves Dorsey lui répondant le 6 janvier 2010, qu'il ne lui était plus possible de lui commander des chemises du fait de cette augmentation.
Par jugement du 13 décembre 2010, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Esquiss qui a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par jugement du 5 janvier 2012.
Par acte du 24 juillet 2009 la société Esquiss a assigné la société Yves Dorsey devant le tribunal de commerce de Marseille en sollicitant l'allocation de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies et pour agissements parasitaires.
Par jugement du 11 juillet 2014, le tribunal de commerce de Marseille :
- S'est déclaré territorialement compétent ;
- A déclaré recevables les demandes la Société Esquiss ;
En conséquence,
- Dit et jugé que l'intervention volontaire de la SCP [S]. [C] et A. [M] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, mission conduite par Maître [E] [C] est superfétatoire ;
- Débouté la Société Esquiss S.A.R.L. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamné la Société Esquiss S.A.R.L. à payer à la Société Yves Dorsey SAS, la somme de 2 000 € (deux mille Euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code procédure civile ;
- Condamné la société Esquiss S.A.R.L. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance ;
- Rejeté pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement ;
La société Esquiss a interjeté appel le 5 septembre 2014.
Dans ses dernières conclusions du 21 octobre 2015, la société Esquiss demande à la Cour de
- Réformer intégralement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 11 juillet 2014.
- Recevoir l'appel de la société Esquiss.
- Le déclarer recevable et bien fondé.
- Dire et juger que la société Yves Dorsey a rompu brutalement et abusivement les relations commerciales établies avec la société Esquiss.
- Condamner la société Yves Dorsey à lui régler la somme de 751 802 Euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par la rupture brutale des relations sans préavis.
- Condamner la société Yves Dorsey à lui régler la somme de 30 000 Euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par les agissements parasitaires, déloyaux et par le retard abusif dans le paiement des factures dues.
- Condamner la société Yves Dorsey à lui régler la somme de 10 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société Yves Dorsey aux entiers dépens, de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 6 février 2015, la société Yves Dorsey demande à la cour de :
- Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée la société Esquiss en toutes ses demandes en cause d'appel.
En conséquence,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Esquiss de l'intégralité de ses demandes.
- Recevoir la société Yves Dorsey en son appel incident, et le déclarer bien fondé.
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Yves Dorsey.
Et statuant à nouveau,
- Condamner la société Esquiss à lui verser une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et intention de nuire.
- Condamner la Société Esquiss à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et y ajoutant la somme de 7.500 euros en cause d'appel.
- Condamner la société Esquiss aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 05 novembre 2015.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La société Esquiss n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.
Sur la brusque rupture de relations commerciales établies
La société Yves Dorsey ne conteste pas qu'elle a momentanément cessé de passer des commandes à la société Esquiss, affirmant qu'il ne s'agissait pas d'une rupture partielle des relations commerciales mais d'une situation conjoncturelle du fait de la baisse considérable de son propre chiffre d'affaires qui est passé de 16.202.017 € en 2006/2007 à 13.620.782 € en 2008 /2009.
Elle fait par ailleurs valoir que la notification le 5 janvier 2010 par la société Esquiss d'une augmentation importante et sans délai de ses prix aurait conduit à une rupture brutale des relations puisqu'elle ne pouvait supporter une augmentation de plus de 40 % de ses coûts.
La société Esquiss expose qu'elle ne facture que des commissions à la société Yves Dorsey et qu'alors qu'en 2008 la société Yves Dorsey lui avait passé des commandes sur une période de 10 mois représentant 341 929 € de commissions, en 2009 les commissions se sont élevées à 223 720 € sur 12 mois.
La société Esquiss ne saurait prétendre avoir subi une absence de commandes pendant plusieurs mois consécutifs, puisqu'elle a reçu des commissions au cours des douze mois de l'année 2009 ; par ailleurs elle ne conteste pas que la société Dorsey lui a proposé une aide financière sous forme de prêt pour faire face à la baisse des commissions, démontrant ainsi sa volonté de poursuivre les relations commerciales en cours.
La société Dorsey n'avait pris envers son partenaire aucun engagement de volume de sorte que, connaissant une baisse de son chiffre d'affaires d'un montant de 2.581.235 € en une année, soit un peu plus de 15 %, elle ne pouvait que répercuter celle-ci sur ses commandes sans que cette baisse constitue une rupture même partielle des relations commerciales d'autant qu'elle lui a dans le même temps proposé une aide financière ; en revanche la réaction de son partenaire qui lui a annoncé dès le 5 janvier 2010 qu'elle augmentait le coût unitaire des chemises au motif que la baisse des commandes entraînait une augmentation de ses coûts de production rendait la rupture prévisible, la société Yves Dorsey lui ayant répondu le 6 janvier 2010, qu'il ne lui était plus possible de lui commander des chemises du fait de cette augmentation ; qu'en conséquence la société Esquiss ayant modifié l'économie des relations commerciales, la rupture des relations commerciales qui s'en est suivie ne saurait être qualifiée de brutale.
C'est donc à bon droit qu'elle a été déboutée de sa demande sur le fondement d'une rupture brutale des relations commerciales.
Sur les man'uvres déloyales de la société Yves Dorsey
La société Esquiss soutient que la société Yves Dorsey se serait livrée à des man'uvres déloyales dans le but de s'approprier l'organisation des opérations qu'elle avait mises en place au Bangladesh, notamment en prenant des contacts avec les personnels locaux de la société Esquiss et avec les usines de fabrication.
L'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement non une présomption de responsabilité qui repose sur l'article 1384 du Code civil, mais une faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, selon les exigences de l'article 1315 du Code civil, incombe à celui qui s'en déclare victime.
Elle suppose que les entreprises soient en concurrence sur des produits ; or en l'espèce la société Esquiss intervenait auprès de fabricants installés au Bangladesh ; étant, de son propre aveu rémunérée par une commission, elle avait un rôle d'intermédiaire, la société Dorsey étant acheteur ; dès lors leur activité respective ne les mettait pas en concurrence.
S'il résulte des attestations versées aux débats que le responsable de la société Yves Dorsey, lorsqu'il s'est rendu au Bangladesh dans les usines, a demandé à plusieurs employés de lui communiquer leur numéro de téléphone personnel, cette circonstance est insuffisante pour démontrer que la société Dorsey aurait eu recours à ceux-ci pour la fabrication de chemises quand bien même elle a repris celle-ci dès lors que, confrontée à l'augmentation des tarifs de la société Esquiss, elle a dû s'organiser pour assurer la production de ces marchandises et qu'elle a renoncé à recourir à un intermédiaire ; elle a d'ailleurs utilisé ses propres investissements matériels et humains en installant un bureau au Bangladesh ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Esquiss de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire.
Sur la demande de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des factures
La société Esquiss qui sollicite l'allocation de dommages-intérêts pour paiement tardif injustifié de factures ne rapporte pas la preuve de ces faits et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
La société Yves Dorsey sollicite la condamnation de la société Esquiss au paiement d'une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Toutefois elle ne rapporte pas la preuve que la société Esquiss aurait abusé de son droit à agir ; elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Les premiers juges n'ont pas prononcé de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; il n'y a pas lieu de réformer le jugement de ce chef.
En cause d'appel la société a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Condamne la société Esquiss aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Condamne la société Esquiss à verser à la société Dorsey la somme de 7.500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
B. REITZER L. DABOSVILLE