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11/02/2016 | FRANCE | N°14/13863

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 11 février 2016, 14/13863


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 11 Février 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13863



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2005 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS - RG n° 02/33914





APPELANT

Monsieur [L] [F]

Domicilié chez Maître Anne BALLANGER, Avocat

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-anne BALLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0624







INTIMEES

CPAM 75 - PARIS

[Adresse 4]

Département Législation et Contrôle

[Localité 3]

re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 11 Février 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13863

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2005 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS - RG n° 02/33914

APPELANT

Monsieur [L] [F]

Domicilié chez Maître Anne BALLANGER, Avocat

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-anne BALLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0624

INTIMEES

CPAM 75 - PARIS

[Adresse 4]

Département Législation et Contrôle

[Localité 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 409

SA CAPRON

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983 substitué par Me Véronique MAZURU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 2]

[Localité 2]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [L] [F] a été victime le 14 août 1998 d'un accident du travail sur le chantier de l'[Établissement 1] à [Localité 5], provoqué par l'effondrement d'une dalle en béton alors qu'il travaillait pour le compte d'un entrepreneur sous-traitant de la SA CAPRON.

Par un jugement définitif du 21 décembre 2001, le tribunal correctionnel de PARIS a condamné la SA CAPRON, entre autres dispositions, pour les faits de blessures involontaires commis au préjudice de Monsieur [F] mais s'est déclaré incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale pour connaître de sa demande de dommages et intérêts.

Par lettre recommandée en date du 23 mai 2002, Monsieur [F] a saisi la caisse d'une demande d'indemnisation de son préjudice sur la base de la reconnaissance de la faute inexcusable de la SA CAPRON.

En l'absence de réponse de la caisse, Monsieur [F] a saisi le tribunal aux mêmes fins le 17 octobre 2002.

Monsieur [F] a rempli l'imprimé règlementaire de déclaration d'accident du travail et l'a adressé à la caisse de PARIS le 10 février 2004.

Par une décision du 23 avril 2004, la caisse a refusé la prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation professionnelle au motif de la prescription biennale de l'action en déclaration d'accident du travail de la victime.

Par une décision prise en sa séance du 16 novembre 2004, la commission de recours amiable a rejeté le recours de Monsieur [F], au motif de la prescription biennale de la demande de reconnaissance de l'accident et de la demande en paiement des prestations tirée des dispositions de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale.

Monsieur [F] a contesté cette décision devant le tribunal suivant requête du 20 décembre 2004.

Par un jugement du 4 avril 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS a ordonné la jonction des deux instances et :

- a déclaré prescrite l'action exercée en son nom personnel par Monsieur [F] en vue d'obtenir de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de PARIS la prise en charge au tire de la législation professionnelle de l'accident dont il a été victime le 14 août 1998

- a jugé en conséquence la demande d'indemnisation formée par Monsieur [F] sur le fondement de la faute inexcusable de son employeur irrecevable.

Monsieur [F] a interjeté appel de cette décision et, par un arrêt du 20 décembre 2007, la Cour d'Appel de céans a confirmé le jugement au motif principal que l'indemnisation procédant de la reconnaissance préalable de la faute inexcusable commise par l'employeur est une demande complémentaire, qui ne peut être prise en compte que dans la mesure où l'accident a été effectivement déclaré et pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les accidents du travail.

Monsieur [F] a formé un pourvoi devant la Cour de Cassation.

Par un arrêt du 10 décembre 2009, la Cour de Cassation, considérant d'une part que la reconnaissance de la faute inexcusable n'implique pas que l'accident ait été pris en charge par l'organisme social en tant qu'accident du travail et que celle-ci peut être retenue pour autant que l'accident survenu à la victime a le caractère d'un accident du travail, et considérant d'autre part, que Monsieur [F] a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur moins de deux ans après le jugement correctionnel du 21 décembre 2001, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation de Monsieur [F] sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 20 décembre 2007 et a renvoyé les parties devant la Cour de céans autrement composée.

La société CAPRON a fait plaider par la voix de son conseil les conclusions visées par le greffe le 10 septembre 2015 tendant :

à titre principal,

- à juger prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intervenue postérieurement au délai de deux années

- à déclarer Monsieur [F] irrecevable en ses demandes

à titre subsidiaire

- à lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur

- à juger que l'appréciation des préjudices personnels allégués par Monsieur [F] ne saurait résulter que d'une expertise médicale contradictoire ordonnée par la Cour

pour le cas où la Cour s'estimerait suffisamment informée par le rapport d'expertise du docteur [O] [I]

- à juger irrecevable la demande formée au titre de l'Incapacité Temporaire Partielle

- à juger non fondées les demandes formées au titre du pretium doloris, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément

à titre infiniment subsidiaire,

- à ramener à de plus justes proportions les demandes

- à juger que la caisse fera l'avance des fonds alloués à Monsieur [F] au tire des préjudices couverts par le Livre IV.

La société CAPRON fait principalement valoir que l'accident a eu lieu le 14 août 1998, que Monsieur [F] a saisi la caisse le 23 mai 2002 et que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable était prescrite à partir du 14 août 2000, antérieurement au jugement correctionnel intervenu le 21 décembre 2001.

Monsieur [L] [F] fait plaider par son conseil les conclusions visées par le greffe le 18 novembre 2015 tendant à voir juger au visa des articles L 431-2 et L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale

- que son action tendant à la reconnaissance du bénéfice de l'indemnisation complémentaire reconnu à la victime lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur est recevable

- que l'accident du travail dont il a été victime le 14 août 1998 est imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la société CAPRON

- que la société CAPRON soit condamnée à lui régler les sommes de :

*3050 euros en répartion de son incapacité temporaire totale

*3050 euros en réparation de son pretium doloris

*1220 euros en réparation de son préjudice esthétique et d'agrément

outre les intérêts de droit à compter de l'accident

- que les sommes soient versées directement à Monsieur [F] par la CPAM de PARIS qui en récuperera le montant en principal et intérêts auprès de l'employeur conformément à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

- que la société CAPRON soit condamnée à payer à Monsieur [F] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [F] fait principalement valoir, sur la recevabilité de sa demande, que le délai de prescription a été suspendu par la mise en oeuvre de l'action pénale dès les jours qui ont suivi l'accident, de sorte qu'il n'était plus expiré lorsque le tribunal correctionnel a rendu son jugement le 21 décembre 2001.

Sur la faute inexcusable, Monsieur [F] rappelle les manquements et les fautes imputables à la société CAPRON, débitrice d'une obligation de sécurité de résultat, tels qu'ils ont été jugés par le tribunal correctionnel, relativement à l'insuffisance des installations, dispositifs et matériels présentant une résistance insuffisante pour supporter les charges et efforts auxquels ils étaient soumis.

La CPAM de PARIS a développé des observations par l'intermédiaire de sa représentante tendant à titre principal à la confirmation du jugement et à voir juger qu'aucune prestation ne peut être mise à la charge de la CPAM de PARIS.

Sur l'action en reconnaisance de la faute inexcusable, la caisse demande à titre principal à la Cour de juger que la demande est prescrite et à titre subsidiaire de statuer ce que de droit sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, de débouter Monsieur [F] de sa demande d'indemnisation au tire de l'IPP et du préjudice d'agrément, de ramener à de plus justes proportions les sommes éventuellement allouées au titre du pretium doloris et du préjudice esthétique et de juger qu'il n'appartient pas à la caisse de procéder à l'avance des frais en l'absence de prise en charge de l'accident au ttre de la législation professionnelle.

A titre infiniment subsidiaire, elle rappelle que la caisse recouvrera les sommes avancées sur la société CAPRON.

SUR QUOI, LA COUR :

SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION EN RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Considérant les dispositions de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visées aux articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ;

Considérant qu'en l'espèce Monsieur [F] a saisi la caisse d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, moins de deux ans après le jugement correctionnel du 21 décembre 2001qui a mis un terme à la procédure pénale interrruptive de la prescription ;

Qu'il s'en suit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est recevable ;

SUR LE BIEN FONDE DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Considérant les dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Considérant qu'en l'espèce, les constatations de l'inspectrice du travail rappelées dans le jugement qui a statué sur les reponsabilités pénales et civiles de la société CAPRON, établissent que les étais fournis par la société CAPRON étaient trop courts et non reliés par des éléments en croix, qu'il n'avait pas été procédé à un calcul d'étaiement et de charge permettant d'assurer une meilleure stabilité du coffrage incliné et que le bureau de contrôle n'avait pas été chargé de vérifier le plan des coffrages ;

Que l'ensemble de ces manquements, imputables à la société CAPRON, a conduit au premier effondrement de la dalle inclinée sans lequel le deusième effondrement ne se serait pas produit ;

Qu'ainsi la faute inexcusable imputable à la SA CAPRON est caractérisée par les manquements avérés à son obligation de sécurité et l'absence de mesure prise pour préserver ses salariés pendant toute les opérations de coulage du béton qui se sont déroulées sans le contrôle de la société CAPRON , en présence d'un seul salarié sur le chantier ;

SUR L'INDEMNISATION DES PREJUDICES

Considérant que la Cour dispose du rapport d'expertise médicale du Docteur [O] [I] établi à la demande du Tribunal de Grande Instance de PARIS le 16 octobre 1998 qui conclut que :

« Monsieur [F] a présenté dans les suites de l'accident une contusion de la crête tibiale gauche et des plaies superficielles de 3 doigts gauches ayant nécessité des points de suture , guéries sans séquelle en 15 jours et que l'essentiel est le traumatisme psychique dû au décès de ses deux camarades sous ses yeux. »

Que l'expert conclut à l'absence de déficit fonctionnel et d'invalidité permanente, à un pretium doloris de 2/7et à un préjudice esthétique et d'agrément caractérisé par une cicatrice à la jambe gauche évalué au taux de 1/7 ;

Qu'en considération de ces constatations, il échet de faire droit aux demandes de Monsieur [F] concernant l'indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique augmentées des intérêts de droit à compter du présent arrêt mais de rejeter les autres demandes comme non fondées ;

Que l'équité commande que la société CAPRON soit condamnée à régler à Monsieur [F] une indemnité de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les sommes allouées seront avancées par la CPAM de PARIS qui en récupèrera le montant global auprès de la SAS CAPRON ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par Monsieur [L] [F] ;

Dit que l'accident survenu le 14 août 1998 au préjudice de Monsieur [L] [F] est dû à la faute inexcusable de la SA CAPRON ;

Alloue à Monsieur [L] [F] les indemnités suivantes :

- pretium doloris : 3050 euros

- préjudice esthétique : 1220 euros

Dit que ces sommes produiront intérêt à compter du présent arrêt ;

Rappelle que les sommes allouées seront avancées par la CPAM de PARIS qui en récupèrera le montant global auprès de la SAS CAPRON ;

Déboute Monsieur [L] [F] de ses autres demandes ;

Condamne la SA CAPRON à régler à Monsieur [L] [F] une indemnité de 2500 euros au titre des frais irrépétibles ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 14/13863
Date de la décision : 11/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°14/13863 : Statue à nouveau en faisant droit à la demande en tout ou partie


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-11;14.13863 ?
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