Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16602
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/07114
APPELANTE
SOCIÉTÉ EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE anciennement dénommée COMPAGNIE FRANCAISE EIFFEL CONSTRUCTION METALLIQUE agissant en la personne de ses représentants légaux
RCS 333 916 385
Dont le siège social est
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par : Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistée par : Me Corinne AILY, avocat au barreau de PARIS, toque : R070
INTIMÉE
CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (CAMBTP) prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
Espace européen de l'entreprise [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée par : Me Gérald LAGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
Madame Maryse LESAULT, Conseillère
qui en ont délibéré
Rapport ayant été fait oralement par Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRÊT :
-contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente et par Madame Coline PUECH, greffier présent lors du prononcé auquel a été remis la minute par le magistrat signataire. du prononcé.
******
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La Ville de Paris a fait construire en 1990 deux serres dans le parc [Établissement 1], qui devaient également permettre d'accueillir du public et des événements.
La construction de l'ouvrage a été confiée à la COMPAGNIE FRANÇAISE EIFFEL CONSTRUCTION METALLIQUEQUE, entrepreneur principal , devenue EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE, dite société EIFFAGE, qui a elle-même confié certains travaux à de nombreux sous-traitants, parmi lesquels la société VISAMA, assurée auprès de la CAMBTP.
Les travaux ont débuté en fin 1990 pour s'achever deux ans et demi plus tard. La réception a été prononcée avec effet au 7 juin 1993.
Des infiltrations se sont révélées en février 2000 lors d'un défilé de mode.
Une expertise a été ordonnée par le Tribunal administratif de Paris le 25 avril 2001. L'expert a déposé son rapport le 16 mai 2006.
Par jugement au fond du 30 juin 2011, le Tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la « Compagnie Eiffel », la société VISAMA, la société SGTE et la société RFR à verser à la Ville de Paris la somme de 117 540 € ainsi que 20 583,18 € au titre des frais d'expertise et 7 610,74 € au titre des dépens, soit au total 145 733.92€. Les 2/3 de la responsabilité a été retenue à la charde de la société EIFFEL et 1/3 à la société VISAMA.
La société EIFFAGE a réglé la somme de 105.910€ au titre des sommes mises à sa charge.
*
Le 21 avril 2012, la Compagnie Française EIFFEL, aux droits de laquelle vient EIFFAGE CONSTRUCTIONS, a assigné devant le Tribunal de grande instance de PARIS en garantie la CAMB, en sa qualité d'assureur de la société VISAMA, afin d'obtenir le paiement de la somme de 105 910,55 € en remboursement des sommes versées par elle à la Ville de Paris.
La CAMB, devant le Tribunal de grande instance, a principalement fait valoir qu'elle avait été assignée dix-neuf ans après la réception et que l'action était tardive.
Par jugement entrepris du 27 juin 2014, le Tribunal de grande instance a ainsi statué :
'-Dit que la société EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE est prescrite en son action en paiement à l'encontre la CMABTP ;
En conséquence,
-Déclare que la société EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE est irrecevable en son action en paiement à l'encontre de la CMABTP ;
-Dit n'y avoir lieu à l'app1ication des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamne la société EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE aux entiers dépens dela présente instance'
Par conclusions du 22 juin 2015, la société EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE, appelante, demande à la Cour de :
-INFIRMER le jugement rendu le 27 juin 2014 par le Tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau,
-DECLARER recevable et bien fondée l'action introduite par la SAS COMPAGNIE FRANÇAISE EIFFEL CONSTRUCTION METALLIQUE nouvellement dénommée SAS EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE comme ayant été introduite dans le délai de recours offert ;
-CONSTATER que la Société VISAMA, assurée auprès de la CAMBTP, est intervenue en qualité de sous-traitante de la SAS COMPAGNIE FRANÇAISE EIFFEL CONSTRUCTION METALLIQUE nouvellement dénommée SAS EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE;
-DIRE que la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la Société VISAMA, est tenue de relever intégralement la société EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de la Ville de Paris par le Tribunal Administratif de Paris, en principal, intérêts, frais et dépens ;
-CONDAMNER en conséquence la CAMBTP à verser à la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE la somme de 105.910,55 € en remboursement des sommes versées par elle à la Ville de Paris, en principal, intérêts, frais et dépens, ce qui correspond à la somme dont s'est acquittée l'exposante,
-CONDAMNER la CAMBTP à verser à la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION METALLIQUE la somme de 5.000 € sur le fondement de Particle 700 du Code de Procédure Civile ;
-La CONDAMNER aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SCP NABOUDET-HATET en application de l'article 699 du C.P.C..
Par conclusions du 22 décembre 2014, la CAMBTP, intimée, demande à la Cour de :
1. SUR LA PRESCRIPTION DE LA DEMANDE DE LA «COMPAGNIE EIFFEL»
Vu l'article 2244 ancien et suivants du code civil (avant la loi du 17 juin 2008),
- CONSTATER que la réception est datée du 7 juin 1993 et que la mise en cause de la société Eiffage Construction Métallique par le maître de l'ouvrage date du 25 avril 2001.
- CONSTATER que l'assignation de la société Eiffage Construction Métallique, société aujourd'hui disparue, a été délivrée le 21 avril 2012, soit 19 ans après la réception, et 11 ans après la mise en cause de la société Eiffage Construction Métallique par le maître de l'ouvrage.
En conséquence,
- JUGER que la demande de la société Eiffage Construction Métallique à l'encontre de la CAMB est prescrite ;
- JUGER IRRECEVABLE la demande de condamnation de la société Eiffage Construction Métallique à l'encontre de la CAMB et la rejeter.
2. A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR L'ABSENCE DE PREUVE RELATIVE A LA COUVERTURE DE VISAMA PAR LA CAMB
Vu l'article 1315 du code civil,
- CONSTATER que la société Eiffage Construction Métallique ne rapporte pas la preuve que la CAMB assurait la société Visama pour sa responsabilité contractuelle née de son contrat de sous-traitance avec Eiffage
En conséquence,
- REJETER la demande de condamnation de la société Eiffage Construction Métallique à l'encontre de la CAMB.
À titre plus subsidiaire,
- CONSTATER en tout état de cause que la police de responsabilité décennale de la CAMB a été résiliée par Visama à effet au 31 décembre 1994.
- DEBOUTER la SAS Eiffel Construction Métalliques de toute demande à l'encontre de la CAMB
3. A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, SUR LE QUANTUM
- JUGER que la juridiction judicaire n'est pas tenue par la décision du tribunal administratif de Paris ;
- JUGER que la part de responsabilité retenue par l'expert est de 60 % et non pas des 2/3 comme retenue par le tribunal administratif de Paris ;
- JUGER que la SAS Eiffage Construction Métallique gardera à sa charge 15 % de la condamnation en raison de ses connaissances en matière d'ouvrages métalliques.
En conséquence,
- LIMITER l'éventuelle condamnation de la CAMB à 74 324,25 €.
-JUGER que sur cette somme, les plafonds et franchises de la police de la CAMB sont opposables à la SAS Eiffage Construction Métalliques
4. EN TOUT ETAT DE CAUSE, SUR L ' ARTICLE 700 ET LES DEPENS
- CONDAMNER la SAS Eiffage Construction Métallique à verser à la CAMB la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, qui seront recouvrés par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE ;
I) Sur le délai pour mettre en cause l'assureur du sous-traitant ;
Considérant que la réception est intervenue le 7 juin 1993 ;
Considérant que l'article 1792-4-2 du code civil dispose que 'Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception'.
Considérant que par ailleurs l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité se prescrit par le même délai que son action contre le responsable ;
Considérant que le délai de mise en cause de la responsabilité du sous-traitant expirait ainsi le 7 juin 2003 ;
Considérant que la CMABTP, assureur du sous-traitant VISAMA, a été mise en cause pour ce sinistre pour la première fois le 21 avril 2012, soit près de 19 ans après la réception ; que son action est prescrite ;
II) Sur les interruptions de la prescription ;
a) Sur la décision du Tribunal administratif du 18 juillet 2001 ;
Considérant que pour faire valoir que le délai de 10 ans ne serait pas expiré, la société EIFFAGE fait premièrement valoir que le délai de dix ans a été interrompu par une ordonnance de référé du tribunal administratif du 18 juillet 2001 ; que cependant d'une part la CAMBTP n'était pas partie à cette instance, et d'autre part et au surplus depuis la date du 18 juillet 2001 s'est écoulé un délai de plus de dix ans de sorte que la demande reste tardive ;
Considérant qu'il y a lieu de constater à cet égard que le litige, qui a été introduit avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme des prescriptions en matière civile, reste régi par les anciens textes ; qu'en effet l'article 26-III de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose que :
« Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation ».
Considérant que l'article 2244 ancien dispose qu''Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir'.
Considérant qu'il résulte de ce texte que sauf dispositions contraires l'interruption d'une prescription a un effet relatif ;
Considérant qu'il en résulte des considérations qui précèdent que le délai n'a pas été interrompu à l'égard de la CMABTP et que la prescription est acquise ;
b) Sur l'arrêt de la Cour administrative d'appel du 29 août 2002
Considérant que la société EIFFAGE fait encore valoir qu'un arrêt de la Cour administrative d'appel a été rendu le 29 août 2002 ; que cependant cet arrêt, certes afférent au même chantier, ne concernait ni l'appelante ni l'intimée, ni même VISAMA, l'entreprise dont la CAMBTP est l'assureur, qui n'y étaient pas parties ; que dès lors il ne saurait avoir eu d'effet interruptif à leur égard ;
c) Sur le jugement du Tribunal administratif du 18 août 2003 ;
Considérant que cette décision a rendu communes à la société RICE FRANCE RITCHIE les opérations d'expertise ; que la CAMBTP n'était pas partie à cette procédure ; que dès lors il convient de dire pour les mêmes raisons que précédemment que la prescription n'a pas été interrompue ;
Considérant qu'il convient de préciser ici que la société EIFFAGE, citant deux arrêts de la Cour de cassation, fait valoir qu'elle serait cependant recevable à agir ; que cependant l'examen de ces décisions révèle qu'elles concernent les dispositions particulières et dérogatoires de l'article L 114-2 du code des assurances et relatives, après déclaration de sinistre, à la désignation d'un expert d'assurances en matière de responsabilité biennale ; que ces dispositions ne sauraient concerner la prescription de dix ans rappelée ci-dessus, pour laquelle aucun sinistre n'a été déclaré à l'assureur, et aucun expert d'assurances désigné ;
d) Sur la requête de la Ville de Paris du 28 février 2007 ;
Considérant que la société EIFFAGE fait valoir qu'une requête de la Ville de Paris du 28 février 2007 a sollicité devant le Tribunal administratif de Paris sa condamnation, avec d'autres intervenants, à lui payer diverses sommes ; que la prescription aurait été interrompue et qu'elle serait donc en droit d'agir pour la première fois contre la CAMBTP jusqu'au 28 février 2017, soit 24 ans après la réception ;
Mais considérant que cette requête ne vise pas la CAMBTP qui n'en est pas destinataire, qu'elle est postérieure à l'expiration du délai de dix ans d'action contre le sous-traitant, et que le moyen et pareillement inopérant ;
Considérant que toute autre solution, qui reviendrait alors à permettre à des parties de solliciter la garantie de l'assureur d'un sous-traitant sans limite dans le temps, reviendrait à modifier l'opinion du risque qui était limitée aux désordres déclarés dans les dix ans ;
Considérant que dès lors il y a lieu, par ces motifs ajoutés à ceux non contraires des premiers juges que la Cour adopte, de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit prononcé de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
-Confirme en toutes les dispositions le jugement entrepris ;
-Rejette toutes autres ou plus amples demandes ;
-Condamne la société EIFFAGE CONSTRUCTION MÉTALLIQUE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT