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09/02/2016 | FRANCE | N°14/21306

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 09 février 2016, 14/21306


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 9 février 2016



(n° 81 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21306



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/58106







APPELANTE ET INTIMEE



ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE - ANPAA- agissant po

ursuite et diligence de son président monsieur [P] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée et assistée de Me Catherine GIAFFERI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0107


...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 9 février 2016

(n° 81 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21306

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/58106

APPELANTE ET INTIMEE

ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE - ANPAA- agissant poursuite et diligence de son président monsieur [P] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Catherine GIAFFERI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0107

APPELANTE ET INTIMEE

SAS BRASSERIES KRONENBOURG

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 775 614 308 00846

Représentée et assistée de Me Frédéric GRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1051

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, et Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère,.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

L'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) est une association Loi 1901 reconnue d'utilité publique par décret du 5 février 1880. Elle assure une prévention contre l'alcoolisme et les addictions, dans le cadre général de politique de santé publique de l'état.

La SAS Les Brasseries Kronenbourg est le premier brasseur de France et distribue la bière Carlsberg, bière officielle de la 'Barclays Premier League', nom d'un prestigieux championnat d'Angleterre et du monde de Football.

A l'occasion de la coupe du monde 2014, Carlsberg a commercialisé des cannettes et des packs de bière reproduisant la photographie de 4 joueurs de football du championnat avec la mention 'BIERE OFFICIELLE de la BARCLAYS Premier LEAGUE', et le logo de la compétition : un lion ceint d'une couronne tenant sous sa patte un ballon. Elle a également mis en place un jeu sur internet permettant de gagner des places pour un match du championnat ainsi que des accessoires sponsorisés, signalé sur deux tranches des packs par les mentions : 'BARCLAYS PREMIER LEAGUE BIERE OFFICIELLE' avec un lion coiffé d'une couronne tenant un ballon sous sa patte et 'GAGNEZ VOS PLACES pour la BARCLAYS PREMIER LEAGUE, rendez vous sur [Site Web 1].fr et entrez le code présent à l'intérieur de ce pack et d'autres lots, voir extrait du règlement et modalités de participation sous le pack'. Le pack de bière présente en outre, sur 2 autres tranches, la photo de 4 autres joueurs de football ; les cannettes du pack ne présentent aucune photo de joueur.

L'ANPAA a été autorisée par ordonnance du 9 septembre 2014 a assigner d'heure à heure, par acte du 11 septembre 2014, la SAS Les Brasseries Kronenbourg aux fins notamment de voir constater le caractère illicite du jeu 'Premier League', des mentions portées sur les cannettes et les packs de bière 'Carlsberg Barclays Premier League', d'ordonner leur retrait de la vente et du site internet 'www.[Site Web 1].fr' et ce sous astreinte, et de condamner la SAS Les Brasseries Kronenbourg au paiement d'une provision.

Par ordonnance contradictoire du 21 octobre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS a :

- ordonné à la SAS Les Brasseries Kronenbourg le retrait de la vente, en tout lieu, des cannettes et des packs de marque 'Carlsberg, Barclays Premier League' portant les mentions suivantes : 'Barclays Premier League' et 'bière officielle', représentant quatre joueurs de football, reproduisant un lion tenant un ballon sous sa patte et portant les mentions suivantes : 'gagnez vos places pour la Barclays Premier League, Rendez Vous sur [Site Web 1].fr et entrez le code présent à l'intérieur de ce pack et d'autres lots. Voir extrait du règlement et modalités de participation', le tout sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, passé un délai de quinze jours postérieurement à la signification de la présente décision, l'astreinte courant pendant un délai d'un mois,

- ordonné à la SAS Les Brasseries Kronenbourg, le retrait sur le site http://www.[Site Web 1].fr et sur tout support, du jeu 'Premier League',

- donné acte à la SAS Les Brasseries Kronenbourg de ce qu'elle a retiré ce jeu de son site le 16 sept 2014,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la SAS Les Brasseries Kronenbourg au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SAS Les Brasseries Kronenbourg a interjeté appel de cette décision le 23 octobre 2014, enregistré sous le RG 14/21306.

L'ANPAA a également interjeté appel le 6 novembre 2014, enregistré sous le RG 14/27495.

La jonction des instances a été ordonnée le 20 janvier 2015.

Par ses dernières conclusions transmises le 23 novembre 2015, la SAS Les Brasseries Kronenbourg demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise ce qu'elle a qualifié d'illicites les conditionnements litigieux et a ordonné leur retrait du commerce ainsi que le retrait sur le site : http://www.[Site Web 1].fr et sur tout support, du jeu Premier League,

- débouter l'appelante incidente de l'ensemble de ses demandes en dommages intérêts et publications judiciaires ;

- condamner l'ANPAA au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Elle soutient que l'illicéité des conditionnements n'est pas manifeste, ceux-ci n'étant pas incitatifs, critères en outre non sanctionné par le texte de l'article L. 3323- 4 du code de la santé publique ; qu'en effet, on ne peut confondre publicité et conditionnement assurant la promotion du produit, le conditionnement ne pouvant être considéré en lui-même comme une publicité ; elle soulève le défaut d'urgence et une contestation sérieuse au titre des dispositions légales applicables au conditionnement.

Elle affirme que le conditionnement d'une boisson alcoolique est libre, seule sa publicité est limitée dans son contenu par l'article L 3323-4 § 3, le conditionnement pouvant être objet de publicité et non support de publicité.

Elle vise la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, et l'article 11 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme relatif à la liberté d'expression et d'information.

Elle soutient que le retrait des cannettes a été ordonné en raison d'un parrainage licite dans un pays de l'Union Européenne et que cette mesure d'interdiction de commercialisation n'est pas proportionnée.

En ce qui concerne le jeu-concours présenté sur son site, elle indique que cette publicité qui soumet l'accès au jeu à une condition d'achat du produit alcoolique, constitue une des modalités de vente autorisée par l'article L 3323-4 du code de la santé publique qui permet à tout acheteur du pack et non d'une cannette de se connecter sur la page Facebook et de tenter de gagner un lot lié à la Barclays Premier League, en mentionnant le code inscrit à l'intérieur du pack ; elle ajoute que le jeu est licite au motif qu'il ne fait aucune référence à des noms de sportifs, à une mise en avant d'éléments prestigieux, de lots rares et chers, de mots, d'expressions pouvant laisser croire que la consommation d'alcool est associée à la pratique d'un sport ; que par ailleurs il n'y a aucune allusion à une marque d'alcool ; qu'en toute hypothèse, lesdites pages ne sont plus accessibles.

Elle soutient que la demande de l'ANPAA qui tend à l'allocation de dommages et intérêts échappe à la compétence du juge des référés.

Par ses dernières conclusions transmises le 4 novembre 2015, l'ANPAA demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté ses demandes complémentaires, et statuant à nouveau de :

- ordonner à la société Brasseries Kronenbourg, le retrait de la publicité présentant plusieurs bouteilles de bière Carlbserg dans un stade vert, sur le site http://www.[Site Web 1].fr et sur tout support, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner la société Brasseries Kronenbourg à lui verser une provision de 20.000 euros de dommages et intérêt en indemnisation du préjudice subi en application de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile,

- condamner la société Brasseries Kronenbourg au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient que l'urgence est manifeste, dès lors que les boissons alcooliques sont en vente et accessibles au consommateur ; que le trouble manifestement illicite se déduit automatiquement des infractions au code de la santé publique.

Elle soutient que loi réglemente la publicité du conditionnement en son article L 3323-4 du code de la santé publique, et interdit la publicité sur le conditionnement, support non autorisé par l'article L 3323-2 de ce code ; qu'en effet, le conditionnement d'une boisson alcoolique constitue une forte incitation à la consommation et que l'article L 3323-2 interdit toute opération de parrainage lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques ; que l'association entre la compétition sportive et la bière Carlsberg constitue une publicité en faveur de cette boisson alcoolisée, dès lors que le consommateur qui est captivé par les matchs du championnat d'Angleterre de football Premier League sera plus facilement attiré par l'achat de la bière Carlsberg, surtout qu'il est précisé expressément sur les cannettes qu'elle est la bière officielle de la compétition ; qu'ainsi, le rappel de ce championnat et les photographies de quatre joueurs connus ont tendance à créer sur un certain public un lien automatique entre la bière Carlsberg et les matchs de compétition ; que les mentions figurant sur les cannettes et les packs comportent des références visuelles totalement étrangères aux seules indications énumérées par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique et visent à promouvoir une image de convivialité associant le sport de compétition et la bière, ce qui est de nature à inciter le consommateur à absorber cette boisson alcoolique dès qu'il regarde des matchs de cette compétition ; que l'association de la boisson alcoolique avec une compétition sportive est donc une publicité illicite, en infraction avec les dispositions restrictives de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique en ce qu'elle présente des photographies de joueurs, des logos ou qu'elle appelle à participer à un jeu accessible aux seuls acheteurs des packs de bière qui doivent utiliser le code inscrit à l'intérieur de ce pack, dès lors qu'elle constitue une incitation directe à la consommation de bière destinée aux passionnés de ce match de football ; que cette incitation constitue un trouble manifestement illicite.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que dès lors la contestation émise par la SAS Les Brasseries Kronenbourg au titre de l'interprétation de l'article L 3323-4 du code de la santé publique, même sérieuse, ne s'opposait pas aux pouvoirs de la juridiction saisie par l'ANPAA, dès lors que l'atteinte à une disposition d'ordre public est constitutive d'un trouble manifestement illicite ; qu'au surplus l'urgence n'est pas requise pour l'application de ce texte ;

Considérant que la loi dite 'Evin' a notamment pour finalité d'exclure toute publicité qui inciterait à une consommation abusive d'alcool considérée comme dangereuse pour la santé ;

Considérant L. 3323-2 du code de la santé publique dispose que :

'La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement :

1° Dans la presse écrite à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse, définies au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ;

2° Par voie de radiodiffusion sonore pour les catégories de radios et dans les tranches horaires déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

3° Sous forme d'affiches et d'enseignes ; sous forme d'affichettes et d'objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat  ;

4° Sous forme d'envoi par les producteurs, les fabricants, les importateurs, les négociants, les concessionnaires ou les entrepositaires, de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les mentions prévues à l'article L. 3323-4 et les conditions de vente des produits qu'ils proposent ;

5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons, dès lors que cette inscription ne comporte que la désignation des produits ainsi que le nom et l'adresse du fabricant, des agents ou dépositaires, à l'exclusion de toute autre indication ;

6° En faveur des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l'intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ;

7° En faveur des musées, universités, confréries ou stages d'initiation oenologique à caractère traditionnel ainsi qu'en faveur de présentations et de dégustations, dans des conditions définies par décret ;

8° Sous forme d'offre, à titre gratuit ou onéreux, d'objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l'alcool, marqués à leurs noms, par les producteurs et les fabricants de ces boissons, à l'occasion de la vente directe de leurs produits aux consommateurs et aux distributeurs ou à l'occasion de la visite touristique des lieux de fabrication ;

9° Sur les services de communications en ligne à l'exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle.

Toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques' ;

Que l'article L3323-4 dispose :

'La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.

Cette publicité peut comporter des références relatives au terroir de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives de produit.

Le conditionnement ne peut être reproduit que s'il est conforme aux dispositions précédentes.

Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l'exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l'objet d'envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d'un message de caractère sanitaires précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé' ;

Considérant que la publicité illicite au sens des dits articles s'entend de tout acte en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article ayant pour effet, qu'elle qu'elle soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique sans satisfaire aux exigences de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ;

Considérant que la société Kronenbourg soutient que le consommateur qui prend connaissance des mentions figurant sur les cannettes et le pack se trouve déjà dans le rayon des bières du distributeur ; qu'en l'absence de publicité préalable sur le conditionnement, le choix du consommateur s'exerce librement entre les marques qui lui sont proposées ; que cette analyse tendant à opérer une distinction entre publicité et conditionnement est confortée par la loi elle-même qui ne vise pas le conditionnement, et ne permet sa reproduction que s'il est conforme à ses dispositions ;

Considérant toutefois, que précisément, l'article L3323-4 qui conditionne la reproduction du conditionnement au respect de ses prescriptions, sous-entend que le conditionnement est utilisé par les distributeurs comme support de publicité ; que le conditionnement est en effet un support de communication destiné à attirer le choix du consommateur par rapport au produit concurrent, situé à proximité immédiate sur le même rayon ; que l'opération commerciale visant à proposer à la vente des cannettes et packs de bière Carlsberg, dont le conditionnement représente 4 joueurs de football, avec la mention BARCLAYS PREMIER LEAGUE BIERE OFFICIELLE et L'INSTINCT DE LA PREMIER LEAGUE avec apposition de la marque et du logo Carlsberg constitue bien de la propagande en faveur de cette boisson alcoolique dès lors qu'en associant une compétition sportive à une boisson alcoolique, elle est destinée à favoriser chez un public passionné par ce sport un lien entre cette boisson alcoolique et des matchs de compétition et relève donc des restrictions prévues par les articles précités ; que de surcroît le règlement du jeu, mentionné sous le pack, précise bien que les lots d'articles et places du championnat ne peuvent se gagner qu'à condition d'acheter un pack de bière afin de reproduire le code mentionné à l'intérieur du pack pour se reporter sur facebook à l'adresse du jeu ;

Considérant que les mentions figurant sur les cannettes et les packs litigieux comportent des références visuelles qui sont étrangères aux seules indications objectives et techniques du produit énumérées à l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; qu'elles constituent en outre une opération de parrainage ayant pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques qui est interdite par le dernier alinéa de cet article ;

Considérant que la liberté d'expression et d'information prévue par l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et de circulation des produits au sein de la communauté européenne peut, en l'absence de mesures communautaires d'harmonisation, être limitée par des réglementations nationales justifiées par les raisons mentionnées à l'article 56 paragraphe 1 du Traité sur l'Union Européenne ou des raisons impérieuses d'intérêt général ; que les restrictions imposées par la loi Evin répondent à un impératif de santé publique, principe de valeur constitutionnel ; qu'elles reposent sur des raisons impérieuses d'intérêt général et la nécessité que la réglementation applicable ne soit pas contournée, et sont donc proportionnées au but poursuivi ; que le fait que la publicité pour des boissons alcooliques serait admise dans certains Etats membres ou soumise à des règles moins strictes, en l'occurrence le Danemark qui a conclu un contrat de parrainage avec une ligue sportive britannique, ne signifie pas pour autant que les règles imposées dans l'état où les produits sont distribués sont disproportionnées ; que la réglementation de la publicité en faveur des boissons alcoolisées s'applique donc, sans distinction d'origine, aussi bien aux produits nationaux qu'aux produits importés d'autres Etats membres ;

Considérant que pour ce même motif de proportionnalité avec l'objectif poursuivi, elles ne peuvent être considérées comme une entrave à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme, alors que la publicité diffusée sur les cannettes et packs de bière vise à promouvoir les valeurs du sport - fraternité dans l'effort collectif, notamment par l'association de photographies de footballeurs connus unis dans un même mouvement - mais sur des supports de boisson alcoolique pour en favoriser l'achat et la consommation, de sorte que l'information objective et neutre limitée aux qualités objectives du produit permise par la loi Evin est détournée ;

Considérant que le non respect des dispositions d'ordre public du code de la santé publique relatives à la lutte contre l'alcoolisme sont constitutives d'un trouble manifestement illicite que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser ; que la mesure ordonnée par le premier juge consistant dans le retrait sous astreinte des cannettes et des packs de bière Carlsberg comportant les mentions incriminées est donc justifiée et nécessaire à la cessation du trouble ;

Considérant que l'article L. 3223-2 du code de la santé publique autorise la publicité sur des services de communication en ligne, à l'exclusion de ceux qui sont principalement destinés à la jeunesse ou qui concernent le monde du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle ;

Considérant que le jeu Barclays Premier League organisé par la société Kronenbourg est édité sous le pack de bière et est ouvert à toute personne majeure disposant d'un compte facebook ; que par procès verbal du 8 juillet 2014, l'huissier de justice commis par l'ANPAA a vérifié qu'en se connectant sur l'adresse [Site Web 1].fr comme indiqué sur le pack, il est dirigé vers la page de connexion Facebook.com à laquelle il a accédé sans que son âge ne lui ait été demandé ; que ce jeu, qui n'est pas un mode de publicité en ligne intrusif puisque l'utilisateur, à le supposer majeur, doit cliquer sur les icônes adéquates, ni insterstitiel puisqu'il n'apparaît pas de manière intempestive à l'ouverture de page, figure sur le site de la boisson alcoolique et procède par association entre celle-ci et la compétition sportive ; qu'ainsi, outre le fait qu'il est soumis à une obligation d'achat, qui ne peut être considérée comme une modalité de vente, ce jeu qui est accessible sur le site de la boisson Carlsberg, favorise l'association entre la boisson alcoolique et la compétition de football, en infraction aux dispositions de l'article L. 3223-2 dernier alinéa du code de la santé publique, de sorte que, constitutif d'un trouble manifestement illicite, le juge des référés a à juste titre ordonné qu'il soit retiré du site de Carlsberg ;

Considérant par contre que c'est avec pertinence que le premier juge a rejeté la demande tendant au retrait des affiches paraissant sur la page Facebook de Carlsberg représentant 11 bouteilles de bière empilées sous forme de pyramide, dont le caractère illicite au regard des règles sus visées n'est pas manifeste ; que de même la décision sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par l'ANPAA, en ce qu'elle excède ses pouvoirs ;

Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;

Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à l'ANPAA, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;

Que Les Brasseries Kronenbourg qui succombent ne peuvent prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant

Condamne Les Brasseries Kronenbourg à verser à l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Les Brasseries Kronenbourg aux dépens, incluant les frais de constat.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/21306
Date de la décision : 09/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°14/21306 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-09;14.21306 ?
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