RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 04 FEVRIER 2016
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01326
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/08533
APPELANT
Monsieur [K] [B]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1943 à ROUMANIE
assisté de Me Sabine MIARA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1788
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/006739 du 06/03/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
Association JEAN COTXET
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 775 663 933 00536
représentée par Me Lise CORNILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0350 substitué par Me Emae BERLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D.350
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice LABEY, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre
Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller
Madame Pascale WOIRHAYE, Conseiller
Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, délibéré prorogé ce jour
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RG 13-01326 [B] c/ l'Association Jean Cotxet
rapporteur 10 juin PL
délibéré 28 janvier PL-RLD-PM
Monsieur [K] [B], de nationalité roumaine, a été engagé à l'âge de 48 ans par l'association Foyer des jeunes de Ménilmontant, par contrat du 23 septembre 1991 pour travailleur étranger signé avec la dite association et le ministère du travail, en qualité d'éducateur auprès de l'enfance inadaptée, moyennant un salaire mensuel de 8.576,04 F.
L'association et M [B] ont signé le 1er octobre 1991 un contrat à durée déterminée d'un an en qualité d'éducateur à temps complet, coefficient 366, moyennant un salaire mensuel de 7.166,28 F. A son terme le contrat s'est poursuivi, selon avenant, pour une durée indéterminée.
La convention collective nationale des établissements pour personnes handicapées et inadaptées du 15 mars 1966 s'applique.
En avril 1998, l'association Foyer des jeunes de Ménilmontant a été reprise par l'Association Jean Cotxet qui est devenue l'employeur de M [B]. Les parties ont alors signé un contrat le 7 avril 1998, classant le salarié au poste d'éducateur scolaire, coefficient de début 393 points, pour un coefficient de rémunération de 423 points (en externat).
L'Association Jean Cotxet gère des établissements et services recevant ou prenant en charge des enfants et adolescents qui lui sont confiés par les Conseils généraux et par les juges des enfants.
Le contrat de travail a pris fin le 1er octobre 2007.
Soutenant, ainsi qu'il l'avait déjà fait durant la relation de travail, qu'il devait bénéficier du statut d'éducateur spécialisé, M [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 8 juin 2011 des chefs de demande suivants :
- 74.770 € en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination salariale dont il a été victime, et correspondant à la différence de rémunération entre la fonction d' éducateur spécialisé et celle d 'éducateur scolaire justifiant du Brevet des Collèges ;
A titre subsidiaire :
- 28.440,39€ en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination salariale, correspondant à la différence de rémunération entre la fonction d' «éducateur scolaire justifiant d'Aptitudes Pédagogiques » (coefficient 411) et celle d'« Educateur scolaire justifiant du Brevet des collèges » (coefficient 366) ;
- 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de santé du fait du harcèlement moral dont il a été victime ;
- 6.097,32 € à titre d'indemnité de départ à la retraite ;
- 3.600 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La Cour est saisie d'un appel régulier de M [B] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 13 décembre 2012 qui a :
Condamné l'Association Jean Cotxet à verser à M [B] les sommes de 6.097,32 € d'indemnité de départ à la retraite et de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Débouté M [B] de ses autres demandes.
Condamné l'Association Jean Cotxet aux dépens.
Vu les écritures développées par M [B] à l'audience du 10 juin 2015, au soutien de ses prétentions par lesquelles, il demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Association JEAN-COTXET à lui payer la somme brute de 6.097,32 € à titre d'indemnité de départ en retraite ;
Infirmer le jugement entrepris pour le reste et,
Statuant à nouveau :
Dire et Juger que le second contrat en date du 1er octobre 1991 est nul, pour vice de consentement et du fait du non-respect de la procédure de modification du contrat de travail;
Condamner l'Association JEAN-COTXET à lui payer les sommes de :
- 74.770 €, en brut en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination salariale dont il a été victime, et correspondant à la différence de rémunération entre la fonction d'« éducateur spécialisé en internat » qu'il a exercée (coefficient de départ 446), et celle qu'il a perçue (coefficient de départ 366);
- 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de santé du fait du harcèlement moral dont il a été victime ;
Dire que l'ensemble des condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter du 8 juin 2011, date de la saisine du Conseil de prud'hommes ;
Condamner l'Association JEAN COTXET à payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Condamner l'Association JEAN-COTXET aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les écritures développées par l'Association Jean Cotxet à l'audience du 10 juin 2015, au soutien de ses prétentions par lesquelles, elle demande à la cour de :
DIRE et JUGER que M [B] a été rémunéré conformément aux dispositions conventionnelles et qu'il n'a subi aucune inégalité de traitement.
DIRE ET JUGER que M [B] n'a subi aucune discrimination
En conséquence,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association à verser à M [B] une indemnité de départ en retraite de 6.097,32 € et une somme de 900 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONFIRMER le jugement entrepris en ses autres dispositions.
DEBOUTER Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 10 juin 2015, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.
Après échec de la mesure de médiation ordonnée en raison de l'accord des parties après l'audience de plaidoiries du 10 juin 2015, l'affaire rappelée à l'audience et mise en délibéré au 28 janvier 2016.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la classification
Pour l'infirmation du jugement et la reconnaissance de la qualité d'éducateur spécialisé M [B] soutient en substance que :
- la convention collective ne prévoit pas la qualification d'« éducateur » ni celle d'« éducateur pour l'enfance inadaptée » mais uniquement celles d' « éducateur spécialisé », d' « éducateur scolaire avec CAP», d'« éducateur scolaire avec baccalauréat », de « moniteur éducateur », d'« éducateur de jeunes enfants», d'« éducateur technique », d ' « éducateur scolaire spécialisé » ou d'« éducateur technique spécialisé ». (Pièce n° 57 et pièce adverse première instance n° 7)
Or, aucune de ces qualifications n'est mentionnée dans le contrat, l'employeur n'ayant cessé pendant toute la relation contractuelle d'entretenir un flou juridique sur la réelle qualification dans le but d'échapper aux salaires garantis correspondants à la fonction.
- sa rémunération de départ de 8.576,04 F correspond à celle d'un éducateur spécialisé.
- l'employeur a fait pression sur lui pour qu'il signe un nouveau contrat le 1er octobre 1991 avec une diminution de sa rémunération et un coefficient 366 qui ne correspond pas à la grille des différents avenants de la convention collective dont le coefficient le plus proche de la grille instituée par l'avenant 230 du 5 décembre 1991, est le coefficient 369 correspondant au poste de « moniteur-éducateur » ou «éducateur scolaire » alors qu'il avait été embauché dans un premier temps en qualité d'éducateur « pour l'enfance inadaptée ». Il l'a signé par peur de perdre son emploi. L'employeur n'a pas respecté les dispositions légales s'agissant d'une modification de son contrat, de sorte qu'ajouté à son consentement vicié, ce second contrat est nul.
- en toutes hypothèses ses réelles fonctions étaient celles d'éducateur spécialisé en internat. (Pièce adverse première instance n° 7) et le coefficient qui aurait dû être appliqué pour un tel poste en internat était le coefficient 441, résultant de l'avenant à la convention applicable à l'époque, soit une différence de 75 points par rapport au coefficient figurant sur ce second contrat de travail. (Pièce adverse première instance n° 7)
- le nouveau contrat de travail du 1er octobre 1991 n'a pas été soumis par l'employeur au visa de l'OMI ou de la DDTE.
- lors de la reprise de son contrat, l'Association Jean Cotxet a minoré son ancienneté à 3 années au lieu de sept, l'a classé dans la catégorie 'éducateur scolaire' en externat, alors qu'il travaillait depuis l'origine en qualité d'éducateur spécialisé en internat et lui a attribué le coefficient 423 qui correspond à 3 ans d'ancienneté dans la catégorie 'éducateur scolaire avec baccalauréat'. Il alors porté des réserves sur la lettre opérant transfert.
- la commission nationale paritaire de conciliation saisie en 2000 pour tenter de faire régulariser sa situation, a constaté qu'il n'assurait pas les fonctions d'éducateur scolaire, mais d'éducateur spécialisé, ce qu'a admis l'employeur tout en lui refusant la qualification d'éducateur spécialisé en internat malgré ses demandes répétées.
- il occupait toutes les fonctions et responsabilités prévus dans la fiche du poste d'éducateur spécialisé en internat de l'Association Jean Cotxet.
- les refus persistant de l'association de régulariser sa situation, et l'abus de faiblesse dont il a ainsi été victime l'ont plongé dans une grave dépression, avec un diabète en 2003, un accident
cérébral en 2004 suivi d'une longue convalescence. Du fait de ses graves problèmes de santé , il a été contraint de prendre sa retraite le 1er octobre 2007, à l'âge de 64 ans au titre de l' « inaptitude au travail ».
- en tant qu'éducateur spécialisé en internat, il aurait dû se voir attribuer à son embauche le coefficient 441 et un salaire minimum dès février 1992 de 8877.33 francs (441x20,13F valeur du point au 1er février 1992 selon l'avenant n° 230).
- il a ainsi subi pendant toutes ses années de service une discrimination en termes de classification et de rémunération, par rapport aux autres salariés exerçant les mêmes fonctions que lui à la même période.
- ses diplômes de haut niveau, ainsi qu'une formation et expérience professionnelle lui ont permis d'accéder sans aucune difficulté à la fonction d'éducateur spécialisé et en tout état de cause l'absence de diplôme français ne pouvait justifier un tel écart de rémunération avec les minima
conventionnels prévus pour les éducateurs spécialisés.
- la convention collective reconnaît l'équivalence des diplômes des Etats membres de l'Union Européenne. En toutes hypothèses, l'employeur n'a jamais offert à M [B] de réaliser une formation visant à obtenir le diplôme français d'éducateur spécialisé, admettant donc implicitement mais nécessairement qu'il avait un diplôme équivalent.
- la prime de sujétion, prévue par la convention collective, qu'il a perçu n'est versée qu'aux éducateurs spécialisés travaillant en internat.
Pour la confirmation du jugement et le débouté du salarié, l'Association Jean Cotxet fait valoir pour l'essentiel que :
- M [B] a signé le contrat du 1er octobre 1991 en tout connaissance de cause, sans pression ou vice du consentement ; en tout état de cause, l'association Foyer des jeunes de Ménilmontant ne pouvait l'engager en qualité d'éducateur spécialisé dans la mesure où il n'était pas titulaire des diplômes requis pour exercer de telles fonctions, ce qui a été rappelé par la DASS dans un courrier adressé à l'association en date du 21 février 1992.
- dans son avis de janvier 2000, la Commission nationale paritaire de conciliation se contente de dire que, «au vue de sa fiche de poste, (...) M [B] n'assure pas les fonctions d'éducateur scolaire mais celle d'éducateur spécialisé ». Pour autant, à aucun moment la Commission ne précise que le salarié devrait être rémunéré conformément à la grille de classification des éducateurs spécialisés.
- M [B] est effectivement titulaire d'un certain nombre de diplômes universitaires, mais n'a jamais obtenu de reconnaisse de qualification et n'a jamais passé le diplôme d'éducateur spécialisé, alors que l'association l'y a plusieurs fois incité.
- il ne peut se comparer avec des collègues qui ont tous le diplôme d'éducateur spécialisé.
En l'espèce, l'action introduite par M [B] moins de cinq années après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 n'est pas prescrite.
Selon la grille de classification des emplois et coefficient de salaires, figurant en annexe 3 de la convention collective applicable, en vigueur à l'époque de l'embauche de M [B]:
- est éducateur spécialisé le salarié qui :
'justifie de la reconnaissance de qualification obtenue au titre des articles 6, 10 ou 11 des accords nationaux de travail ARSEA (Association Régionale Spécialisée d'Action Sociale d'Education et d'Animationtion) /ANEJI (Association Nationale d'Educateurs de Jeunes inadaptés du 16 mars 1958;
- d'un diplôme d'éducateur spécialisé délivré par une des écoles de formation d'éducateurs spécialisé figurant sur la liste annexée à la présente convention (Annexe 3A),
- du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé (décret n°67-138 du 22.02.1967, modifié par décret n° 73-116 du 07.02.1973),
- du certificat national de qualification d'éducateur spécialisé régulièrement délivré par le CTNEAI au titre de l'action d'adaptation'.
-est éducateur scolaire avec CAP le salarié qui justifie :
' du certificat d'aptitude pédagogique ou du diplôme d'instituteur ou du certificat de qualification aux fonctions d'éducateur scolaire reconnu par le ministère des affaires sociales et obtenu avant le 31 décembre 1992".
M [B] ne justifie pas remplir les conditions prévues par ces textes pour revendiquer la qualité d'éducateur spécialisé ou d'éducateur scolaire avec CAP, ni d'une reconnaissance de qualification ou d'un diplôme roumain équivalent à ces fonctions reconnu en France.
Si la Commission nationale paritaire de conciliation a rendu en janvier 2000 un avis, selon lequel 'au vue de sa fiche de poste, (...) M [B] n'assure pas les fonctions d'éducateur scolaire mais celle d'éducateur spécialisé ', ce que confirme des collègues de travail, le salarié ne peut toutefois bénéficier du classement conventionnel d'éducateur spécialisé et de la rémunération correspondante et se comparer aux éducateurs spécialisés pour revendiquer l'application de la règle 'à travail égal salaire égal', qu'à la condition de l'obtention du diplôme d'éducateur spécialisé. A défaut d'établir être titulaire de ce diplôme, M [B] ne peut revendiquer la classification correspondant à un éducateur spécialisé et la différence de rémunération avec les salariés auxquels il se compare est justifiée objectivement par la détention de ce diplôme.
Il doit être précisé que M [B] a été accueilli en France bien avant l'adhésion de la Roumanie dans l'Union européenne.
A défaut d'être titulaire du diplôme requis, l'article 11 de la convention collective du 15 mars 1966 n'obligeait pas l'employeur à assurer à M [B] la formation longue lui permettant de préparer et d'obtenir le diplôme d'éducateur spécialisé. En effet la convention collective met à la charge du salarié, et non l'inverse, une formation complémentaire lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau théorique et/ou pratique entre la qualification dont l'intéressé, appartenant à l'un des Etats membres de l'Union européenne, se prévaut et celle requise en application du dispositif conventionnel ou des dispositions réglementaires.
C'est donc à bon droit que, le salarié ne pouvant prétendre à la qualité d'éducateur spécialisé, ni à celle d'éducateur scolaire avec CAP, et la fonction d'éducateur n'existant pas selon la convention collective, l'association Foyer des jeunes de Ménilmontant a appliqué à M [B] le coefficient 366 correspondant à un éducateur scolaire, en lui faisant bénéficier de la sujétion spéciale pour travail en internat, étant précisé que ce coefficient a été majoré de 3 points par l'effet de l'avenant n° 230 du 5/12/1991soit un coefficient de 369.
L'avenant n° 250 du 11 juillet 1994, modifiant les grilles de classification, dispose en son article 24 que ' le reclassement sera prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent classement'. Le coefficient immédiatement supérieur à 369 étant le coefficient 393 dans la nouvelle grille de rémunération, M [B] a été logiquement reclassé à ce coefficient lors de l'entrée en vigueur de l'avenant 250.
Après un an, son coefficient est passé à 407 le 1er octobre 1995, conformément à la grille de classification.
Deux ans après, conformément à l'évolution de la grille conventionnelle, M [B] a été classé au coefficient 423, repris à juste titre dans le contrat lors de sa reprise par l'Association Jean Cotxet. La mention 'en externat' figurant sur le contrat du 7 avril 1998 est indifférente dans la mesure où la classification, hors le poste d'éducateur spécialisé, ne prend pas en compte la distinction entre externat et internat et que la sujétion spéciale pour le travail en internat a continué à être versée à M [B]. Contrairement à ce que soutient le salarié, la reprise d'ancienneté par l'Association Jean Cotxet ne devait pas se calculer depuis le premier contrat du 23 septembre 1991, soit une ancienneté de plus de 6 ans, pour un coefficient de 366, dans la mesure où un reclassement était intervenu par l'effet de l'avenant n° 250 du 11 juillet 1994 et qu'à la date du transfert de son contrat, l'intéressé était au coefficient 393 et avait une ancienneté de trois ans dans ce coefficient.
Un an après le dernier changement d'échelon, en octobre 1998, le salarié a accédé au coefficient 447, bien que la convention collective ne prévoit des changements d'échelons que tous les deux ou trois ans.
Ensuite, M [B] a bénéficié de l'évolution normale de ses coefficients et de la rémunération afférente en fonction de la grille de rémunération des éducateurs scolaires, de sorte qu'il avait atteint le coefficient 501, lors de la rupture du contrat, sans qu'il établisse une inégalité de traitement avec d'autres éducateurs scolaires ayant la même ancienneté que lui et qu'il ne présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte conformément à l'article L 122-45 de l'ancien code du travail.
Par ailleurs, à défaut pour M [B] de prouver que son consentement à la modification substantielle de son contrat de travail, objet de l'avenant du 1er octobre 1991 et portant sur sa rémunération, a été vicié, cet avenant doit recevoir application.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M [B] de sa demande de reclassement et de rappel de salaire y afférent.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L 122-49 alinéa 1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En l'espèce, l'Association Jean Cotxet étant fondée à refuser à M [B] la qualité d'éducateur spécialisé, à appliquer l'avenant du 1er octobre 1991 et un coefficient de 393 lors du transfert du contrat de ce salarié, et le salarié n'établissant la réalité de la maltraitance au travail dont il se plaint, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M [B] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Sur l'indemnité de départ
Pour l'infirmation du jugement, l'employeur argue que M [B] n'a pas quitté l'Association Jean Cotxet dans le cadre d'un départ volontaire à la retraite, conformément aux dispositions de l'article L 1237-10 du Code du Travail, mais a notifié sa démission par courrier du 3 octobre 2007 et qu'il a demandé la liquidation de sa pension de vieillesse qu'après avoir quitté l'Association.
Pour la confirmation du jugement, M [B] soutient que c'est bien son inaptitude qui a déclenché sa mise à la retraite et non une démission de sa part et qu'il est parti à la retraite le 1er octobre 2007, date à laquelle il a cessé ses fonctions au sein de l'Association Jean Cotxet.
Aux termes de l'article L 122-14-13 alinéa 1 du Code du Travail alors applicable( devenu L1237-9 du Code du travail : « Tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite... ».
Selon l'article 18.1 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées :
« La résiliation du contrat de travail à partir de l'âge normal de la retraite prévu par les institutions sociales constitue le départ à la retraite et n'est pas considéré comme un licenciement...
Tout salarié permanent cessant ses fonctions pour départ en retraite bénéficiera d'une indemnité de départ dont le montant sera fixé à :
- 3 mois des derniers appointements, y compris les indemnités permanentes constituant des compléments de salaire, s'il a au moins 15 ans d'ancienneté dans une activité relevant du champ d'application de la présente convention ».
En l'espèce, M [B] a adressé à l'Association Jean Cotxet une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2007, rédigée dans les termes suivants :
' Je vous notifie par la présente ma décision de démissionner.
En effet, suite à la suppression des mes indemnités journalières...je viens de déposer une demande personnelle de retraite pour incapacité de travail.
Ma démission prend effet le 1er octobre 2007...'.
Dans la mesure où la Caisse d'assurance retraite a notifié à M [B] l'attribution d'une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail à compter du 1er octobre 2007, date retenue par le certificat de travail comme la fin de la relation contractuelle, le courrier du salarié s'analyse non pas comme une démission mais comme la notification de son départ pour bénéficier d'une pension de vieillesse ouvrant droit à une indemnité de départ à la retraite.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a attribué à M [B] une indemnité de départ à la retraite de 6.097,32 €, somme non autrement contestée, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 13 décembre 2012, en application de l'article 1153-1 du code civil.
Sur les frais et dépens
L'Association Jean Cotxet qui succombe pour partie en appel supportera les dépens, sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 13 décembre 2012 en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne l'Association Jean Cotxet aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
P. LABEY