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28/01/2016 | FRANCE | N°15/04095

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 28 janvier 2016, 15/04095


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 28 Janvier 2016

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04095



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/15602





APPELANTE

Société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par M. Pierre LE BOULERE (Directeur géné

ral délégué)

assisté de Me Jérôme HALPHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

substitué par Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : K112



INTIMÉE

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 28 Janvier 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04095

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/15602

APPELANTE

Société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par M. Pierre LE BOULERE (Directeur général délégué)

assisté de Me Jérôme HALPHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

substitué par Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : K112

INTIMÉE

Madame [Y] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Guillaume JEANNOUTOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0578

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [Y] [O] a été engagée par la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT, qui exerce une activité de gestion de portefeuilles, en qualité de Responsable marketing/Client support, à compter du 4 janvier 2010.

Le 10 septembre 2013, alors qu'elle était en congé de maternité puis en congés payés jusqu'au 16 août 2013, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 18 septembre suivant et au cours duquel lui ont été remis une lettre explicitant le motif économique et un contrat de sécurisation professionnelle ; la salariée a accepté ledit contrat le 21 septembre suivant.

Le 25 octobre 2013, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 1] de demandes relatives tant à l'exécution de son contrat de travail qu'à la rupture de celui-ci.

Par jugement du 21 janvier 2015, notifié le 14 avril suivant, le conseil a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT au paiement des sommes suivantes :

- 42 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 avril 2015, la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT a interjeté appel de ce jugement ; Mme [O] a fait de même le 28 avril 2015.

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 10 décembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, à l'exception de la demande de remboursement du prêt accordé, non par la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT mais par la société Cloran Finance à Mme [O], et dont est saisie la Cour d'appel de Versailles, ainsi que la demande de sursis à statuer, toutes deux abandonnées expressément, par la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT, qui demande à la Cour de débouter la salariée de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Vu les conclusions déposées le 10 décembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par Mme [O], qui demande à la Cour de condamner la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT au paiement des sommes suivantes :

- 120 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail (et subsidiairement pour perte injustifiée de son emploi),

- 80 467,54 euros au titre des heures supplémentaires dues avant la mise en place du forfait en jours, outre 8 046,75 euros au titre des congés payés afférents,

- 22 453,75 euros au titre des heures supplémentaires dues après la mise en place du forfait en jours, outre 2 445,37 euros au titre des congés payés afférents,

- 42 954 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'exécution du contrat de travail

Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient, cependant, à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que Mme [O] explique qu'elle effectuait au moins 40 à 45 heures par semaine, alors que son contrat de travail, jusqu'à l'avenant du 5 septembre 2012 instaurant un forfait annuel en jours, prévoyait une durée hebdomadaire de 35 heures ; qu'au soutien de cette allégation, elle produit :

- deux attestations d'anciens salariés de la société, qui évoquent un « temps de travail bien supérieur à 35 heures » ou encore « un volume d'heures de travail très supérieur à 35 heures », notamment en raison d'événements que Mme [O] organisait dans le cadre de ses fonctions ou de réunions auxquelles elle devait participer, avec cette précision par l'un des témoins que la salariée étaient toujours présente à son arrivée à 9 heures et à son départ vers 18 heures/19 heures ;

- plusieurs pièces, qui correspondraient à des échanges de SMS, principalement avec son compagnon, mais également avec un prestataire de l'entreprise ou un dirigeant, ou à des « chats » avec son compagnon ou avec sa mère ;

- une pièce qui comporterait un texto envoyé à des amis ;

Attendu cependant que les pièces constatant, selon Mme [O], des échanges avec des membres de sa famille ou des tiers, outre la circonstance qu'ils ont manifestement pour certains été modifiés et ne présentent en l'espèce aucun caractère d'authenticité, n'apportent pas d'éléments sur la durée du temps de travail de la salariée, les messages souhaitant par exemple une « bonne journée » ne caractérisant pas une présence de la salariée à son bureau ; que les deux attestations produites sont peu circonstanciées ; que la salariée se contredit en évoquant une durée de 40 à 45 heures et en sollicitant un rappel sur la base de 45 heures ; qu'ainsi la salariée ne fournit pas d'éléments de nature à étayer sa demande ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner la validité de l'avenant susmentionné du 5 septembre 2012, le jugement sera confirmé s'agissant des heures supplémentaires et de l'indemnité de travail dissimulé ;

Sur la rupture du contrat de travail

Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse

Attendu qu'en application de l'article L.1233-3 du code du travail, pour avoir une cause économique, le licenciement doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, laquelle, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ;

Attendu par ailleurs que l'adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail par application de l'article L.1233-67 du code du travail ; que dans ce cadre, l'employeur doit en avoir énoncé le motif économique dans tout document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation, lequel fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre remise en mains propres le jour de l'entretien préalable du 18 septembre 2013 fixe les termes du litige en précisant :

« L'objet de notre entretien de ce jour, qui se tient le 18 septembre 2013, est de vous exposer les raisons pour lesquelles notre société se voit contrainte de supprimer votre poste de responsable marketing et en conséquence d'envisager la rupture de votre contrat pour motif économique [...] En effet, Convictions AM connaît une évolution de sa situation économique extrêmement préoccupante. Alors qu'ils avaient atteint 1.160 M€ en juillet 2011, les encours gérés par la société n'ont pas cessé de baisser depuis, et ce malgré les bonnes performances des fonds en 2012 et des moyens commerciaux renforcés depuis un an pour tenter d'inverser la tendance.

Sur les six derniers mois, la situation de la société est devenue particulièrement alarmante : les actifs donnés en gestion sont passés de 631 M€ en moyenne en 2012 à 479 M€ au 3 juillet 2013 : le seuil de rentabilité de la société s'élevant, à la fin du mois de mai 2013, à 482 M€. De ce fait, la société doit adapter sa structure à son volume d'activité [...] » ;

Attendu qu'il résulte des termes de cette lettre que la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT a invoqué des difficultés économiques au sein de cette seule entité, justifiant selon elle la suppression du poste de Mme [O] ; que, toutefois, elle n'en justifie pas en se bornant à produire les documents comptables la concernant pour les années 2012 et 2014 ; que ceux produits par la salariée pour l'année 2013 ne révèlent pas de difficultés économiques au sens des dispositions précitées, le résultat d'exploitation s'élevant au titre de cette année à + 457 530 euros et le résultat net à + 390 981 euros, alors même qu'ont été comptabilisées au titre de cet exercice les charges liées aux cinq licenciements mis en oeuvre, pour un montant de 213 000 euros, et au présent litige prud'homal, pour un montant de 150 000 euros ; que si la société explique que les encours gérés ont diminué au point qu'ils ne permettent plus d'assurer la rentabilité de la société, elle n'en justifie nullement par les pièces qu'elle produit ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par l'intéressée, le licenciement de Mme [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences du licenciement

Attendu, d'une part, que l'entreprise comptant plus de dix salariés et Mme [O] ayant au moment de la rupture plus de deux ans d'ancienneté, à savoir 3 ans, l'intéressée est en droit de prétendre à une indemnité qui ne saurait être inférieure, par application de l'article L.1235-3 du code du travail, à ses six derniers mois de salaires ; que compte tenu de la branche d'activité de Mme [O], qui avait 41 ans au moment de la rupture, de la justification de recherches d'emploi qui n'ont pas abouti et du montant de son dernier salaire de 6 083,23 euros, le conseil de prud'hommes a justement évalué son préjudice à la somme de 42 000 euros ;

Attendu, d'autre part, que par application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné à la société de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [O] dans la limite de six mois ;

Sur les dépens et les frais de procédure

Attendu que la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT supportera les dépens d'appel ; qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais de procédure qu'elles ont pu engager en appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [O] dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la société CONVICTIONS ASSET MANAGEMENT aux dépens d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/04095
Date de la décision : 28/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/04095 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-28;15.04095 ?
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