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26/01/2016 | FRANCE | N°14/05492

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 26 janvier 2016, 14/05492


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 26 JANVIER 2016



(n° 48 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05492



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 11/13618





APPELANT



Monsieur [P] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Alain FISSELI

ER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044





INTIMES



Monsieur [I] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 5] (Algérie)



Représenté par ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 26 JANVIER 2016

(n° 48 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05492

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 11/13618

APPELANT

Monsieur [P] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

INTIMES

Monsieur [I] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 5] (Algérie)

Représenté par Me Corinne HERSHKOVITCH de l'AARPI BORGHESE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0530

SARL EDITIONS DES CATALOGUES RAISONNES

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 381 081 728 B

Représentée par Me Corinne HERSHKOVITCH de l'AARPI BORGHESE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0530

SAS MILLON ET ASSOCIES Prise en la personne de tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 442 .93 6.0 92

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume HENRY de l'AARPI SZLEPER HENRY Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R017

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Jacques BICHARD, Président de chambre, chargé du rapport et Mme Marie-Sophie Richard, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, Conseillère appelée pour compléter la composition de la Cour en application de l'article R312-3 du Code de l'organisation judiciaire

Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier présent lors du prononcé.

Par une convention conclue le 6 juin 1962, le peintre [O] [R] a autorisé [N] à reproduire certaines de ses oeuvres dans le domaine de la bijouterie, de la joaillerie, de l'art lapidaire, de la glyptique et de la sculpture, selon plusieurs conditions.

Ce contrat a été suivi d'autres accords conclus entre [N] et la veuve de [O] [R], les 31 août et 24 novembre 1964.

Une sculpture en bronze doré intitulée 'Hermès 1963" a ainsi été réalisée à partir de la gouache Hermès signée de [O] [R] et une fonte posthume en 8 exemplaires en a été effectuée entre 2001 et 2003.

Un des exemplaires 5/8 de cette fonte posthume a été mis en vente aux enchères publiques par son propriétaire, la société Galerie Elysée Matignon aujourd'hui dénommée société Editions catalogues raisonnés, ayant pour gérant Mme [X], sous la direction de la société de ventes volontaires Millon et associés, le 19 novembre 2006.

Par un accord conclu le 20 juillet 2006, M.[L] et M.[X] ont décidé d'acheter ensemble chacun pour moitié la sculpture [O] [R] Hermès numérotée 5/8.

Selon cet accord, M.[L] a remis immédiatement à la société Galerie Elysée Matignon un 1er acompte de 10 000 €, un 2ème versement du même montant étant prévu le mois suivant puis il est devenu adjudicataire de la sculpture pour le prix de 470 000 €, outre les frais s'élevant à 83 481€.

Le 8 février 2007, M.[L] et M.[X] ont conclu un nouvel accord aux termes duquel ce dernier se reconnaissait débiteur de la somme de 180 000 €, restant due sur le prix d'adjudication avancé par M.[X].

L'exécution de cet accord a donné lieu à de nombreuses difficultés et a abouti à des condamnations judiciaires et la mise en oeuvre de saisies à l'encontre de M.[L].

Le 28 août 2008, M.[L] a intenté une action en liquidation et partage de l'indivision devant le tribunal de grande instance de Paris puis en 2009, il a appelé en intervention forcée la société de ventes volontaires Millon et associés. Au cours de l'instance, il a sollicité la désignation d'un expert pour vérifier l'authenticité de l'oeuvre. Un jugement du 21 janvier 2010 a fait droit à cette demande. Les experts ont déposé leur rapport le 12 juillet 2011.

Par un jugement du 17 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Paris a

- dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Editions catalogues raisonnés ,

- débouté M.[L] de sa demande en nullité de la vente du 19 novembre 2006 et des conventions des 26 juillet 2006 et 19 novembre 2006 ( en réalité 8 février 2007),

- condamné M.[L] à payer à M.[X] la somme de 33 465,26 €,avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2007,

- condamné M.[L] à payer à M.[X] et la société Millon et associés la somme de 3000€ chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M.[L] a formé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 juin 2015, M.[L] sollicite l'annulation de la vente aux enchères du 19 novembre 2006 aux torts exclusifs de M.[X], la société Editions catalogues raisonnés et la société Millon et associés, un donné acte qu'il ne demande plus le partage de l'indivision de l'oeuvre qui n'a pu être acquise valablement, la condamnation des intimés à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 1 062 322, 49 € arrêtée au11 juin 2014 ainsi que la somme de 90 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la condamnation de la société Editions catalogues raisonnés à payer le montant des sommes qu'elle a reçues de sa part à titre d'acompte sur le prix de la sculpture, la condamnation de la société Millon et associés à restituer le montant des sommes qu'elle a perçues de sa part sur la vente de la sculpture.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 juin 2015, M.[X] et la société Editions catalogues raisonnés demandent la confirmation du jugement , la constatation de l'accord des parties sur la révocation de la vente et des conventions s'y rapportant des 20 juillet 2006 et 8 février 2007, l'annulation de la vente et desdites conventions, la remise en état des parties dans la situation antérieure, avec en conséquence, la condamnation de la société Millon et associés , détentrice de la sculpture, à la remettre au siège social de la société Editions catalogues raisonnés, le remboursement à M.[L] de la somme de 146 534, 74 € saisie par M.[X] par compensation avec la créance de ce dernier de 100 224,48 €, le remboursement par M.[L] à M.[X] de la somme de 46 309, 86€, la condamnation de la société Millon et associés à rembourser la somme de 83 841 € correspondant aux frais d'achat.

A titre subsidiaire dans l'hypothèse où le jugement serait infirmé et la vente annulée pour erreur sur les qualités substantielles, M.[X] et la société Editions catalogues raisonnés réclament la condamnation de la société Millon et associés à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre et à restituer à M.[X] la somme de 83 481€ correspondant aux frais d'achat et ils concluent au rejet des demandes de la société de ventes volontaires. Ils sollicitent enfin la condamnation de M.[L] à leur payer la somme de 25 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 juin 2015, la société Millon et associés conclut à la confirmation du jugement et au donné acte qu'elle tient la sculpture à la disposition de la personne qu'il appartiendra à la cour de désigner moyennant le paiement des frais de garde et d'assurance du 1er novembre 2006 au jour de l'enlèvement.

A titre subsidiaire, en cas de nullité de la vente, elle demande le rejet des demandes en dommages-intérêts de M.[L] formées à son encontre, la condamnation de M. [X] à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, le rejet de la demande de garantie de M.[L] et de la société Editions catalogues raisonnés , le rejet de toutes les demandes dirigées contre elle et enfin, la condamnation de la partie succombante à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Les demandes de M.[L] :

- la demande d'annulation de la vente aux enchères du 19 novembre 2006 ainsi que des accords des 20 juillet 2006 et 8 février 2007 :

M.[L] sollicite l'annulation de cette vente pour erreur et pour dol. Il fait valoir que [O] [R] avait uniquement consenti à la réalisation de bijoux à partir de certaines de ses gouaches, compte tenu des termes et stipulations de la convention du 6 juin 1962. Il considère ainsi que la sculpture est une oeuvre dérivée, lui contestant le statut d'oeuvre composite ou d'oeuvre de collaboration au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Il ajoute que l'accord conclu en 1964 avec la veuve de [O] [R] n'a pu avoir pour effet de conférer à [N]d de nouvelles prérogatives lui permettant d'étendre les autorisations d'origine consenties par le peintre. Il conteste donc que la sculpture en cause puisse être considérée comme une oeuvre de [R] revêtue valablement de sa signature. Il déclare que le fait qu'il ait été informé des conditions de la réalisation de la sculpture est sans incidence dès lors qu'il entendait acquérir une oeuvre légitimement attribuée à [R].

M.[L] se réfère également à l'accord conclu avec M.[X] le 20 juillet 2006 pour soutenir que l'oeuvre achetée n'est pas celle qu'il souhaitait acquérir, à savoir une oeuvre originale et non pas une simple reproduction et il fait valoir que sa conviction d'acheter une oeuvre originale s'est forgée dans son esprit à la suite des manoeuvres dolosives de M.[X], qui en sa qualité de cessionnaire des droits de [N] a fait réaliser au delà des autorisations consenties, huit tirages de la sculpture dont celui objet de la vente litigieuse. Il ajoute que la simple erreur suffit à vicier son consentement et il sollicite l'annulation de l'accord du 20 juillet 2006.

M.[X] et la société Editions catalogues raisonnés considèrent au contraire que la sculpture en cause est authentique et qu'il s'agit d'une oeuvre de collaboration entre le peintre [O] [R] et [N]. Ils invoquent la convention du 31 août 1964 et une lettre du 24 novembre de la même année par lesquelles la veuve du peintre a cédé à [N] les droits qu'elle tenait de l'accord du 6 juin 1962 et annulant les restrictions contenues dans ce dernier, ainsi que la cession des droits du baron à M.[X] intervenue le 3 août 1996. Ils concluent que le tirage 5/8 de la sculpture Hermès a été réalisé conformément aux accords conclus entre les parties et dans le respect des dispositions légales. Ils contestent l'existence d'une erreur substantielle faisant partie du champ contractuel alors que M.[L] a acquis l'oeuvre en toute connaissance de ses conditions de réalisation ainsi qu'il résulte des mentions du catalogue de la vente. Ils contestent également l'existence d'un dol en l'absence de tout preuve de manoeuvres dolosives. Ils ajoutent que M.[L] a réitéré ses engagements par le contrat conclu avec M.[X], le 8 février 2007.

L'article 1110 du code civil s'applique à l'erreur qui a trait aux qualités substantielles de la chose en considération desquelles les parties ont contracté.

Dans le contrat conclu le 20 juillet 2006 avec M.[X], M.[L] a manifesté sa volonté d'acquérir en indivision avec celui-ci la sculpture cubiste de [O] [R] Hermès numérotée 5/8. Il ressort de cette désignation que l'appelant entendait acquérir une oeuvre originale de [O] [R].

Le catalogue de la vente du 19 novembre 2006 intitule l'oeuvre 'Hermès 1963 exceptionnelle sculpture cubiste en bronze doré et granit rose signée [O][R] 1963 et numérotée 5/8". Dans ses 1eres pages, il rappelle l'accord conclu en 1962 entre [O] [R] et [N], la méthode de travail élaborée entre les deux hommes 'lui ([O] [R]) suggérant et élaborant les gouaches maquettes alors que j'asservissais les pierres et les métaux à son génie en inventant de nouvelles techniques'. Puis il expose le rôle de M.[X] auprès de [N] ainsi que les droits que la veuve du peintre avait cédés à ce dernier.

Par ailleurs, en page 22, à côté de la photographie de l'oeuvre en vente et au dessus de la celle de la gouache signée G [R], il mentionne ' Hermes 1963 exceptionnelle sculpture cubiste en bronze doré et granit rose signée [O][R] 1963 et numérotée 5/8 post mortem' et il ajoute 'à la fin de sa vie, il demandera à son ami [N] de l'aider à exécuter suivant une gouache qu'il réalisera à cet effet, la sculpture d'Hermès, seule sculpture de [R]; elle figurera à l'exposition au Palais du Louvre en 1963 du vivant de [R]'.

Ce texte fait référence à l'accord conclu le 6 juin 1962 entre le peintre et le joaillier qu'était [N] et qui accordait à ce dernier le droit de reproduire certaines des oeuvres du peintre en trois dimensions en expliquant que 'les oeuvres destinées à la reproduction seront reprises en maquette ou en dessin d'atelier par [N] et ceux-ci seront signés par le Maître [O] [R] avec mention d'autorisation. L'oeuvre ainsi reproduite sera signée par le Maître [O] [R] pour autant qu'elle sera conforme au dessin ou à la maquette dûment autorisés et elle sera détaillée et numérotée sur un catalogue.'

La sculpture Hermès 1963 a été réalisée par [N] à partir d'une gouache signée par [O] [R] avec la mention manuscrite contresignée 'j'autorise [Y][N] à reproduire l'oeuvre ci-dessus. Le 6 août 1962.'

Les experts ont considéré que cette sculpture ne pouvait pas être attribuée à [O] [R] parce que la gouache avait été réalisée par [N] et que la sculpture en laiton soudé qui a servi de modèle pour la fonte de la sculpture litigieuse a été fabriquée par [N].

Les experts ne se livrent à aucune analyse de la sculpture elle-même ni à aucune comparaison avec les autres oeuvres du peintre.

Or il convient de rappeler que l'auteur d'une oeuvre est celui qui concourt à sa réalisation par son apport créatif et lui confère l'empreinte de sa personnalité. Ainsi le seul fait que l'auteur ne réalise pas lui-même les opérations matérielles de fabrication de l'oeuvre est sans incidence sur sa qualité.

Les experts affirment sans le démontrer que la gouache signée [O][R] a été réalisée par [N] mais ils n'émettent aucune opinion sur la conception intellectuelle de cette oeuvre graphique que le peintre a signée et a ainsi reconnue pour sienne alors que [N] déclarait s'asservir au génie du peintre.

M.[L] fait valoir que la réalisation de la sculpture Hermès par [N] à partir de cette gouache, excédait l'autorisation consentie par [O] [R] dans l'accord le 6 juin 1962 et que cette oeuvre doit donc être considérée comme une contrefaçon. A l'appui de sa position, il invoque les termes de cette dernière : 'le droit de reproduire certaines de ses oeuvres dans le domaine de la bijouterie, de la joaillerie, de l'art lapidaire, de la glyptique et de la sculpture, dans des métaux, minéraux ou matériaux nobles tels que or , platine, pierres fines, pierres précieuses et autres' ainsi que l'avis de M. [F] [M] en qualité d'ayant droit de [O] [R] recueilli par les experts judiciaires, qui leur a indiqué que par sculpture, [O] [R] entendait pièces d'orfèvrerie avec des pierres précieuses et que son état de santé le rendait incapable de réaliser une sculpture en laiton soudé.

Cependant l'état de santé de l'artiste n'est pas un obstacle à la conception intellectuelle de l'oeuvre.

S'agissant du contrat de 1962, celui-ci mentionne expressément la sculpture comme domaine d'application et la référence à certains matériaux nobles tels que or, platine, pierres précieuses, pierres fines et autres n'est pas limitative alors que l'accord indique plus loin 'chaque oeuvre sera reproduite en un seul exemplaire dans toutes les combinaisons possibles de métaux ou de matériaux ce en bijoux, en objets , en sujets' et elle ne permet pas d'exclure cet art du champ de la convention tel que défini par la volonté des parties. Ainsi le catalogue de la vente de 2006 comporte des photographies représentant notamment [O] [R] en train de participer à la réalisation d'une sculpture et les intimés versent également aux débats une photographie du peintre au côté de la statue Glaucos.

Par ailleurs, il ressort du certificat de M.[E] ayant participé à l'organisation de l'exposition 'les bijoux de [R]' s'étant tenue au palais du Louvre en 1963 que la sculpture en cause y a été présentée, même si elle ne figure pas sur le catalogue de l'exposition qui comporte une mention relative à son caractère non exhaustif.

Ainsi l'oeuvre a été divulguée du vivant du peintre sous son nom. Un article du conservateur du musée de [Localité 6] communiqué par M.[L] établit également que la sculpture Hermès est exclusivement attribuée à [O] [R].

Ainsi il y a lieu de retenir que la sculpture Hermès 1963 est une oeuvre de ce dernier réalisée avec son accord, à partir d'un dessin qu'il a conçu.

M.[X] et la société Editions catalogues raisonnés estiment que celle-ci doit être qualifiée d'oeuvre de collaboration entre [O] [R] et [N] conformément à l'article L113-2 du code de la propriété intellectuelle. Néanmoins, ils ne définissent pas l'apport créatif du joaillier indiquant seulement qu'il a réalisé la gouache alors que pour revendiquer la qualité d'auteur celui-ci doit avoir été plus qu'un exécutant ou un technicien de sorte que leur démonstration est incomplète.

Aussi au vu des seuls éléments d'appréciation versés aux débats, il n'y a pas lieu de reconnaître à la sculpture Hermès 1963 le statut d'une oeuvre de collaboration.

Selon ses déclarations et l'attestation du fondeur, la société Blanchet et cie, M.[X] a fait réaliser entre 2001 et 2003 une fonte posthume de cette sculpture en 8 exemplaires dont l'exemplaire 5/8 mis en vente le 19 novembre 2006.

M.[L] fait valoir que l'accord du 6 juin 1962 stipule qu''en principe chaque oeuvre sera reproduite en un seul exemplaire dans toutes les combinaisons possibles de métaux ou de matériaux , ce en bijoux, en objets, en sujets'. Il déclare qu'aucun des intimés ne peut soutenir qu'ils disposaient de l'autorisation de [O][R] et ou de ses ayants droit pour laisser mettre en vente des reproductions de l'oeuvre de [R], au seul vu de l'autorisation consentie. Il ajoute que la disposition contractuelle qui prévoyait que chaque oeuvre serait signée par [O] [R] s'oppose aussi à l'existence de plusieurs exemplaires.

Néanmoins, le membre de phrase relatif à l'exemplaire unique est précédé de l'expression 'en principe' qui signifie que la règle posée peut connaître des exceptions.

Par ailleurs, l'accord mentionne en outre qu' 'elle (l'oeuvre reproduite) pourra également être signée de [W] [N] ' sans que l'on puisse tirer de conséquence certaine de l'emploi de ' signée par' et de 'signée de'.

M. [X] et la société venderesse invoquent quant à eux les dispositions propres à la matière qui considèrent que des exemplaires fondus postérieurement à la sculpture initiale, sont des oeuvres originales et non pas des reproductions.

Selon les règles applicables pour lé période de 2001 à 2003, constituaient des oeuvres originales les fontes de sculpture à tirage limité à 8 exemplaires et contrôlées par l'artiste ou ses ayants droit.

Il n'est pas contesté que les tirages réalisés à titre posthume sont identiques à la sculpture Hermès de 1963 et il importe peu qu'ils ne le soient pas au bijou Hermès qui est une oeuvre distincte.

Mais pour pouvoir être considérés comme des oeuvres originales, les tirages doivent avoir été contrôlés par les ayants droit. Ainsi les tirages de la sculpture Hermès devaient être effectués sous le contrôle des ayants droits du peintre. Il convient d'ailleurs de relever que cet accord était nécessaire même dans le cas d'une oeuvre de collaboration.

Ces tirages ont été effectués à la seule initiative de M.[X] en sa qualité d'ayant droit de [N] sans que les ayants droit de [O] [R] aient été consultés et qu'ils aient agréé lesdits tirages.

Dans une lettre du 24 novembre 1964, la veuve de [O] [R] écrit à [N] 'j'ai l'honneur de vous confirmer que je vous cède à titre irrévocable et gracieux les droits que je détiens du fait de l'accord du 6 juin 1962 intervenu entre feu le maître [O] [R] et vous-même et le protocole du 31 août 1964 entre nous - ou que je pourrais détenir à quelque titre que ce soit à l'endroit des bijoux de [R]'

Il ne peut se déduire de cette lettre non plus que de l'accord antérieur du 31 août 1964 qui se rapporte également aux bijoux que la veuve du peintre a cédé à [N] les droits dont elle disposait sur les sculptures reproduisant les oeuvres de son époux. Ainsi M.[X] venant aux droits du joaillier, ne rapporte pas la preuve de sa qualité de titulaire des droits tant patrimoniaux que moraux de [O] [R] sur la sculpture Hermès.

Deux autres tirages issus de cette fonte posthume ont été mis en vente publiquement sans susciter de critiques de la part des ayants droit du peintre, néanmoins ce silence ne peut suffire à caractériser leur accord alors que M.[F] [M] dans l'avis recueilli par les experts, conteste même le caractère d'oeuvre originale de [O] [R] de la sculpture Hermès 1963.

Or en l'absence de contrôle des ayants droit de [O] [R], le tirage effectué à partir du moule de la sculpture Hermès ne peut recevoir la qualification d'original mais constitue une simple reproduction.

Ainsi la société Editions catalogues raisonnés et M.[X] échouent à démontrer que le tirage 5/8 de la sculpture Hermès 1963 puisse recevoir la qualification d'oeuvre originale de [O] [R] de sorte que la vente du 19 novembre 2006 doit être annulée pour erreur sur une qualité substantielle.

L'accord conclu entre M.[L] et M.[X] le 20 juillet 2006 en vue de l'acquisition en indivision de l'oeuvre de [R] doit être également annulé en raison de cette même erreur de M.[L] sur la qualité substantielle de la chose que constitue l'originalité de l'oeuvre. L'accord subséquent conclu le 8 février 2007relatif au paiement du prix, devient quant à lui sans objet et doit donc être aussi annulé.

2/ Sur les demandes financières de M.[L] :

M.[L] réclame la condamnation in solidum des intimés à lui payer la somme de 1 062 322, 49 € à titre de dommages-intérêts ainsi explicitée:

- 553 481 € représentant le prix de l'adjudication,

- 204 185 € représentant les intérêts légaux majorés de 2 points échus capitalisés sur ce prix,

- 7 000 € représentant la somme saisie chez le notaire depuis le 24 mars 2009,

- 1 465 € représentant les intérêts au taux légal capitalisés sur ladite somme,

- 146 534,74 € représentant la somme saisie chez le notaire depuis le 23 février 2009,

- 18 156, 87 € représentant les intérêts au taux légal capitalisés sur ladite somme.

Il demande également à la cour de :

- 'condamner la société des éditions des catalogues raisonnés venant aux droits de la société Elysées Matigon le montant des sommes qu'elle a reçues de sa part à titre d'acompte sur le montant de la sculpture Hermes 19635/8;

-s'entendre la SAS Million condamner à restituer à P.[L] le montant des sommes qu'elle a perçues de sa part sur la vente de la sculpture Hermes 19635/8 '

sans plus de précision sur le montant des sommes que chacune des intimées a perçues de sorte que ses demandes sont indéterminées.

Il y a lieu en conséquence de rouvrir les débats sur la recevabilité de ces demandes.

Il sera sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 janvier 2014,

Annule la vente aux enchères publiques de la sculpture tirage 5/8 Hermès 1963 conclue entre la société Editions catalogues raisonnés et M.[L],

Annule les conventions des 20 juillet 2006 et 8 février 2007, conclues entre M.[L] et M. [X],

Rouvre les débats afin de recueillir les observations des parties sur le caractère indéterminé et irrecevable des demandes de M.[L] en restitution des sommes versées à la société Editions des catalogues raisonnés et à la société Millon et associés,

Sursoit à statuer sur les autres demandes,

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 15 mars 2016 à 10h00, Greffe du pôle 2-1, escalier Z, 4ème étage.

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/05492
Date de la décision : 26/01/2016
Sens de l'arrêt : Renvoi

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/05492 : Renvoi à la mise en état


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-26;14.05492 ?
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