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21/01/2016 | FRANCE | N°15/06009

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 21 janvier 2016, 15/06009


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 21 Janvier 2016

(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06009



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section industrie - RG n° 10/04355





APPELANT

Monsieur [L] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB183





INTIMÉE

SARL COJA

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 21 Janvier 2016

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06009

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section industrie - RG n° 10/04355

APPELANT

Monsieur [L] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB183

INTIMÉE

SARL COJA

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par M. [X] [I] (Gérant)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [L] [U], qui avait été engagé le 27 janvier 2006 par la société Coja en qualité de menuisier, a été convoqué le 26 mars 2010 à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire et licencié le 9 avril 2010 pour faute grave.

Il a saisi la juridiction prud'homale le 22 décembre 2010 d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre de son licenciement.

Par jugement du 2 octobre 2012 notifié le 26 décembre suivant, le conseil de prud'hommes de Bobigny, 'requalifiant' le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a condamné la Sarl COJA à payer à M. [U] les sommes de :

- 3474 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 361,29 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 1534,79 € au titre de l'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2010,

- et 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

a débouté M. [U] du surplus de sa demande et a condamné la société aux dépens.

M. [U] a interjeté appel de cette décision le 10 janvier 2013.

A l'audience du 8 décembre 2015, après réinscription de l'affaire qui avait fait l'objet d'une radiation le 7 avril 2015 en raison de la carence de l'appelant, celui-ci demande à la Cour d'infirmer partiellement le jugement et de condamner la société COJA à lui payer, en sus des sommes précédemment allouées, celle de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive outre 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que, s'il s'est effectivement inscrit en qualité d'auto-entrepreneur comme menuisier le 25 février 2010, c'est à la suite d'une erreur de sa soeur que cette entreprise a été domiciliée à l'adresse de l'employeur. Il soutient que son contrat de travail ne prévoyait aucune clause lui interdisant l'exercice d'une autre activité et que l'article L.1222-1 du code du travail rappelant que les parties doivent exécuter de bonne foi le contrat de travail, il était parfaitement en droit de cumuler une activité distincte de son activité salariée sans commettre un acte de déloyauté particulier. Il souligne qu'il a radié son entreprise avant même l'entretien préalable et qu'il n'avait d'ailleurs aucun intérêt à la domicilier au siège de l'entreprise.

La Sarl COJA demande pour sa part le rejet des demandes.

Elle expose par la voix de son gérant qu'ayant reçu du courrier adressé à M. [U] émanant de divers organismes professionnels, elle a fini par découvrir que celui-ci avait créé une entreprise concurrente de menuiserie avec un code APE identique au sien et une domiciliation à son adresse. Elle ajoute qu'elle a constaté dans le même temps que le salarié, qui avait les clés de l'atelier, se relâchait dans son travail, que son portable passait son temps à sonner, et qu'il a demandé à venir travailler à titre personnel un week-end ce qui lui a alors été refusé, contrairement aux fois précédentes. Elle souligne que l'intéressé a nié, lors de la remise de la convocation en main propre, avoir créé une entreprise concurrente et que s'il l'a reconnu lors de l'entretien préalable, il n'a pas fourni la preuve de sa radiation contrairement à ce qu'il affirme. Elle considère donc qu'il était hors de question de conserver sa confiance à un salarié qui avait commis des actes de concurrence déloyale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. [U] a été licencié pour faute grave par lettre de la société COJA du 8 avril 2010 aux motifs suivants : 'Manquement à votre obligation générale de loyauté suite à la création d'une entreprise de menuiserie dont le code APE est identique à celui de la société COJA, soit 4332A, et domiciliée dans nos locaux sis [Adresse 3] comme indiqué dans le fichier du greffe du tribunal de commerce, dont copie datée du 6/04/2010 jointe et le tout sans notre autorisation.(...) Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise (concurrence déloyale avec utilisation frauduleuse de notre adresse). (...)' .

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail ; la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque.

Or, il résulte des pièces produites au dossier et il n'est pas contesté par l'intéressé que M. [U], ouvrier menuisier au sein de la société COJA dont l'activité est, selon son inscription au registre du commerce et des sociétés de Bobigny, 'travaux de menuiserie et PVC, APE.4332A', a créé le 15 février 2010 une entreprise dont 'l'Activité Principale Exercée (APE)' est '4323A travaux de menuiserie et PVC', selon la déclaration faite au répertoire SIRENE, cette date étant indiquée comme étant celle de prise d'activité et l'adresse étant celle de la société COJA. La matérialité des faits reprochés est ainsi établie.

Si M. [U] produit une demande de radiation de son activité en date du 29 mars 2010, postérieure donc à sa convocation du 26 mars à un entretien préalable à son licenciement, il ne justifie pas qu'elle ait été effectivement reçue et enregistrée, la société COJA établissant qu'à la date du 14 avril 2010, il était toujours inscrit au répertoire SIRENE, la 'déclaration de cessation d'activité' remplie le 29 mars 2010 indiquant d'ailleurs comme 'nouvelle adresse' celle personnelle du salarié au Bourget. Au demeurant, l'intéressé ne semble pas avoir compris qu'indépendamment de l'usurpation de domiciliation qui lui permettait ainsi d'effectuer à l'insu de son employeur des travaux pour son compte personnel dans les locaux de l'entreprise et d'avoir l'apparence, aux yeux de sa propre clientèle, d'une entreprise ayant 'pignon sur rue', si bien que cette domiciliation ne saurait résulter d'une simple 'erreur' de sa soeur qui l'aurait aidé lors de l'enregistrement de son activité, le simple exercice d'une activité concurrente de celle de son employeur constitue un manquement grave à son obligation de loyauté inhérente au contrat de travail même si elle n'est pas rappelée au contrat de travail. Si, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, un salarié est en droit d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur sauf clause de non-concurrence inscrite dans son contrat de travail, tel n'est naturellement pas le cas au cours du contrat de travail. Le fait d'exercer la même activité que son employeur pour son propre compte, ce qui lui permettait ainsi de détourner sa clientèle et de lui porter concurrence, justifiait donc la rupture immédiate du contrat de travail, privative de toute indemnité.

Le jugement sera en conséquence infirmé qui a alloué à M. [U] des indemnités de rupture, celui-ci devant rembourser à la société COJA les sommes qu'il aurait pu percevoir d'elle en exécution du jugement.

M. [U] qui perd en appel conservera ses frais de procédure et les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté la demande de dommages-intérêts à ce titre ;

Statuant de nouveau sur les autres demandes,

Déboute M. [L] [U] de l'ensemble de ses demandes,

Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/06009
Date de la décision : 21/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/06009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-21;15.06009 ?
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