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20/01/2016 | FRANCE | N°15/05827

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 20 janvier 2016, 15/05827


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 Janvier 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05827



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/17808





APPELANT

Monsieur [C] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 3]
r>comparant en personne,

assisté de Me Florence FEUILLEBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0463





INTIMÉE

Association LES ARTS DÉCORATIFS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée pa...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 Janvier 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05827

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/17808

APPELANT

Monsieur [C] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me Florence FEUILLEBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0463

INTIMÉE

Association LES ARTS DÉCORATIFS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me [C] PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre

- Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

- Madame Chantal GUICHARD, conseiller

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffier en stage de pré-affectation auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] a été engagé par l'association Les Arts Décoratifs suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 4 septembre 2005.

Postérieurement à un entretien préalable qui s'est tenu le 18 avril 2013, M. [R] a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée du 23 avril 2013.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir outre un rappel de salaires pour des heures supplémentaires non réglées, une indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse, des dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral distinct résultant des circonstances vexatoires de la rupture, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par jugement du 7 mai 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [R] de l'ensemble de ses réclamations et n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'association Les Arts Décoratifs.

Appelant de ce jugement, M. [R] en sollicite la réformation, demande à la cour, statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner l'association Les Arts Décoratifs à lui verser les sommes suivantes :

- 36'550,30 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires pour la période de janvier 2009 à avril 2013 outre les congés payés afférents,

- 44'674,26 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 134'022,78 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article 1235-3 du code du travail,

- 29'782,25 euros au titre de dommages-intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture,

- 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association Les Arts Décoratifs conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires et des congés payés afférents';

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, M. [R] communique aux débats':

- des tableaux faisant état jour par jour des heures supplémentaires réalisées, avec des tableaux récapitulant ces heures pour chaque mois,

- plus de 400 courriels portant mention des heures de leur envoi au-delà de 18 heures étant observé que ces courriels étaient pour un grand nombre d'entre eux adressés à des membres internes de l'association Les Arts Décoratifs, d'aucuns étant envoyés soit directement, soit en copie à Madame [H] [T],

- l'attestation de M. [I] qui expose que M. [R] arrivait le matin vers neuf heures, que le soir il était encore souvent présent, soit en réunion ou dans son bureau lorsqu'il allait le saluer avant son départ,

- les comptes-rendus des entretiens d'évaluation au cours desquels il a demandé paiement de ses heures supplémentaires.

L'association Les Arts Décoratifs conteste que M. [R] ait effectué des heures supplémentaires.

Elle soutient que les éléments communiqués par le salarié n'étayent pas sa demande.

Elle relève que :

- les décomptes communiqués ne précisent pas ses heures d'arrivée et de départ, ni ne font état de ses pauses déjeuners, un témoin faisant état du fait qu'elles étaient fort longues,

- des contradictions apparaissent entre les demandes formulées et les documents communiqués puisqu'il avait écrit le 21 décembre 2012 à Madame [T] qu'il serait absent le 31 décembre afin de compenser une partie des 210 heures supplémentaires réalisées au cours de l'année, alors qu'il réclame désormais 232 heures pour cette année 2012,

- le salarié retient dans son décompte une heure entière de travail supplémentaire pour certains jours alors que le courriel communiqué pour justifier du temps de travail effectivement réalisé porte mention d'heures telles que 18h03, 18h04 ...

- M. [R] avait accès à sa messagerie électronique à distance,

- Monsieur [I] ayant attesté en faveur de M. [R] n'a jamais réalisé les horaires qu'il prétend puisque 41 heures supplémentaires ont été prises en compte à son profit au cours de l'année 2010, qu'aucune heure supplémentaire n'a été réclamée par lui au cours des années 2011 et 2012, qu'il n'a donc pu faire le constat qu'il relate.

Au surplus, l'association Les Arts Décoratifs soutient n'avoir jamais demandé à M. [R] d'exécuter des heures supplémentaires et relève que M. [R] aurait pu différer l'envoi de certains courriels, aucune urgence n'imposant un dépassement de l'horaire de travail

Enfin, l'association Les Arts Décoratifs relève que M. [R], en tant que directeur des ressources humaines n'ignorait pas que conformément à l'accord du 6 avril 1999, il lui incombait, en cas de dépassement de son horaire normal de travail de justifier des heures supplémentaires accomplies afin de bénéficier d'un droit de récupération dans les trois mois suivants, qu'il n'a jamais respecté cette procédure.

Toutefois, Mme [T] a, à plusieurs reprises admis l'importance de la charge incombant au salarié puisqu'elle a écrit le 18 novembre 2009, «'je me demande si compte tenu de votre charge de travail ...il ne serait pas judicieux de confier ce travail à un cabinet extérieur'» et encore en novembre 2010 «'les RH, compte tenu de la faiblesse des effectifs et de la charge actuelle de travail[...]'».

Ainsi, outre que l'association Les Arts Décoratifs n'établit pas avoir apporté à M. [R] des réponses adaptées à ses réclamations au titre des dépassements de temps de travail au cours de la collaboration, ni avoir réagi lorsque celui-ci interpellait notamment la directrice générale à ce sujet en évoquant par exemple, les heures supplémentaires réalisées au cours de l'année 2012, l'examen minutieux des éléments communiqués par les deux parties conduit la cour à avoir la conviction que M. [R] a effectivement réalisé des heures supplémentaires, avec l'accord au moins implicite de l'employeur qui reconnaissait par ailleurs explicitement l'importance de la charge de travail incombant au service dont il était responsable. La cour allouera en conséquence à M. [R] un rappel de salaire à ce titre, à hauteur de 25'169,25 euros outre les congés payés afférents.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé';

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause.

Dans la mesure où dans le cas d'espèce le salarié avait expressément interpellé l'employeur à plusieurs reprises sur les heures supplémentaires effectuées sans que l'association Les Arts Décoratifs n'en tienne compte, soit pour l'inviter à solliciter les récupérations prévues par l'accord d'avril 1999, soit pour le rémunérer en conséquence, le caractère intentionnel de l'abstention de prise en compte de la réalité des heures effectuées et de les régler est établi.

L'indemnité réclamée sera accordée à hauteur de 44'674,26 euros.

Sur le licenciement';

La lettre de licenciement du 23 avril 2013 fait état d'une insuffisance professionnelle de M. [R].

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

Aux termes de cette lettre de licenciement, après avoir rappelé les missions qui lui incombait, l'employeur explique «'avoir constaté depuis plusieurs mois une insuffisance professionnelle dans trois domaines :

- l'incapacité à anticiper les besoins et à aller au-delà de la gestion quotidienne des ressources humaines,

- la capacité à maintenir un dialogue social de qualité,

- l'assistance aléatoire, insuffisante auprès de la direction générale dans la gestion des relations sociales'».

L'employeur relève qu'en dépit de nombreuses relances, M. [R] n'a pas été en mesure d'aller au-delà de la gestion quotidienne des ressources humaines, ni de conduire et de faire aboutir plusieurs dossiers de fond fixés comme objectifs, qu'il n'a pas su hiérarchiser ses priorités, dégager du temps pour la gestion des dossiers complexes, qu'il n'a pas su faire preuve de la capacité d'initiative et d'anticipation requise.

L'employeur fait également état de l'absence de transmission d'une information claire, transparente et régulière aux organisations syndicales de nature à faciliter le dialogue social à l'origine de tensions importantes dans les relations avec les institutions représentatives du personnel.

Plus précisément, l'association Les Arts Décoratifs explique que':

- sur la question de la convention collective de l'animation, M. [R] s'était vu fixer comme objectif dès 2010 d'étudier la mise en place de conventions collectives ainsi que leur coût, qu'en dépit de ses demandes, aucune convention collective au sein de l'association Les Arts Décoratifs n'a pu être appliquée durant trois années consécutives et qu'elle a eu recours au concours d'un cabinet d'avocats et d' un stagiaire de l'ENA.

- s'agissant des négociations annuelles obligatoires, M. [R] n'a pas fait preuve d'une vision stratégique d'ensemble, n'a pas rédigé de comptes-rendus de chacune des réunions des négociations.

- en dépit de plusieurs relances depuis 2011, M. [R] n'a pas avancé sur la rédaction du plan de prévention alors qu'il était en possession du pré-rapport de la Cramif, depuis l'automne 2012 notamment.

- à la suite d'un mouvement de grève, elle avait pris l'engagement auprès des partenaires sociaux de mener une étude au cours du premier semestre 2012 dans le but de faire évoluer la grille des salaires, que face à l'inertie de M. [R], elle a été amenée à confier cette mission au stagiaire de l'ENA puis à partir de septembre 2012 à faire appel à un consultant pour travailler dans un premier temps sur le référentiel des métiers avant de faire réviser la grille salariale, ce qui a nui à la qualité du dialogue social.

- M. [R] n'a formulé aucune proposition pour la négociation d'un accord collectif en matière de GPEC, ni pour un accord sur l'égalité entre les hommes et les femmes, qu'il n'a pas attiré son attention sur le contrat de génération afin d'optimiser son budget.

- M. [R] ne communiquait pas de façon satisfaisante auprès du personnel, renvoie à cet égard à un courriel du secrétaire général de la CGT en date du 20 septembre 2012 expliquant que «'le responsable des ressources humaines, M. [R] n'a cessé d'organiser la guerre à notre section syndicale et à nos élus et demandant à ce que celui-ci soit éloigné au plus vite [...]afin que se renoue un dialogue social serein avec la direction compromis par l'attitude inqualifiable du RH.'»

- le salarié n'était pas solidaire vis à vis des choix de la direction générale notamment lors de conflits sociaux ou de négociation collective depuis 2011.

Après avoir souligné que la lettre de licenciement formule à plusieurs reprises les mêmes prétendus manquements de sa part, tels la question du dialogue social, l'absence de rédaction de notes de synthèse ou de comptes-rendus, M. [R] relève qu'il était censé préparer et conduire les «'NAO en liaison avec la direction'», que son rôle était donc limité à celui d'un simple appui, qu'il n'était par ailleurs pas seul à rencontrer les organisations syndicales, que la direction peut difficilement faire peser sur lui seul la responsabilité de la dégradation du climat social.

Pour le surplus, il estime n'avoir pas été doté des moyens nécessaires pour accomplir ses nombreuses missions, et ce, en dépit des alertes maintes fois formulées sur la surcharge chronique de travail auprès de la direction.

S'agissant de la convention collective, M. [R] communique aux débats :

- un courriel de Madame [F] [D] en date du 22 décembre 2010 qui rapporte [...]l'incitation du ministre à la prudence quant à toute évolution qui déstabiliserait le musée auquel il tient beaucoup[...] et la date de mars donné par elle «'pour nous laisser le temps de cogiter'»,

- le compte rendu du comité de direction du 11 avril 2012 qui rapporte les propos tenus par Madame [T] selon lesquelles il fallait profiter de la demande budgétaire pluriannuelle pour plaider le dossier de l'application de la convention collective.

S'agissant des documents et analyses nécessaires à la conduite des NAO, M. [R] produit aux débats des documents qu'il a réalisés en vue de ces réunions et renvoie au compte-rendu de la réunion du comité de direction du 5 octobre 2012 relatant le constat opéré par Mme [T] selon lequel «'une proposition concernant l'école Camondo est cohérente et construite et qu'elle bénéficie à l'ensemble des salariés'».

En ce qui concerne la dégradation du climat social, M. [R] renvoie aux contraintes résultant de la réforme générale des politiques publiques et aux frustrations en résultant, mises en avant par Mme [T] elle-même dans un courriel du 19 novembre 2010 et relevées dans des tracts syndicaux.

Il conteste la réalité d'un prétendu acharnement sur un délégué syndical, fait observer qu'il n'a pas été interpellé sur ce point par la direction qui avait validé les sanctions prononcées, qu'aucunes procédures prud'homales et plaintes contre lui n'ont été initiées par le personnel.

Il explique par ailleurs':

- n'avoir pas eu à tenir le rôle de leadership au cours des réunions CHSCT puisqu'il ne les présidait pas,

- avoir rédigé un document unique de sécurité volumineux, complet et actualisé et produit à cet égard un échange de courriels entre lui et Mme [T] ainsi qu'un bilan hygiène sécurité et conditions de travail pour les années 2009 à 2011,

- avoir formulé des propositions d'actions ciblées communiquées dès novembre 2012 sur les risques psychosociaux sans suite de la part de la direction générale, le CHSCT faisant même remarquer le 23 mai 2013 que les «'mesures en matière de prévention des risques psychosociaux sont décidées directement par la direction générale'»,

- le reproche que lui a fait la direction d'avoir communiqué le bilan social 2011 au lieu de procéder à une présentation générale et constructive du document devant les élus du comité d'entreprise est vain puisque que l'article L. 2323-72 du code du travail impose «'la communication aux membres du comité d'entreprise et d'établissement du projet de bilan social 15 jours au moins avant la réunion au cours de laquelle le comité doit émettre un avis'».

L'examen des très nombreux documents communiqués montre que M. [R], recruté en 2005 a fait l'objet d'excellentes évaluations jusqu'en 2012, a bénéficié d'une qualification A5 à compter du 1er mai 2007, de plusieurs augmentations en octobre 2007, en raison du dépassement de ses objectifs, en octobre 2009 et en juillet 2011 en raison des contributions apportées.

Par ailleurs, il est avéré que M. [R] a alerté à plusieurs reprises sa direction sur le manque récurrent de moyens humains pour accomplir correctement sa mission ce qui était expressément admis par la direction générale.

Ainsi par exemple':

Mme [T] écrivait à M. [R] le 18 novembre 2009 à propos du plan senior «'je me demande si compte tenu de votre charge de travail et de l'enjeu financier il ne serait pas judicieux de confier ce travail à un cabinet.'»

Mme [T] a exposé à Mme [F] en novembre 2010 «'les RH, compte tenu de la faiblesse des effectifs et de la charge de travail actuelle ne sont pas en mesure d'élaborer ce document «'nuage de points'»[...]'».

De façon plus générale, la cour s'interroge sur la cohérence des reproches formulés au salarié et la réalité de l'insuffisance alléguée.

Outre que divers facteurs ont joué pour retarder la gestion de la question de la convention collective applicable, par exemple, à savoir, la prudence recommandée par les autorités de tutelle et les implications budgétaires que cela impliquait, la direction de l'association Les Arts Décoratifs a reconnu à plusieurs reprises que M. [R] et son service avaient une charge de travail importante, que les effectifs de la RH étaient faibles, qu'ils ne pouvaient assumer des missions supplémentaires. Il est d'ailleurs avéré qu'elle a eu recours à des consultants extérieurs, à un cabinet d'avocats, pris en stage un étudiant de l'ENA pour des missions ponctuelles, le DHR et son service devant parallèlement et en toute hypothèse, assumer des tâches classiques, habituelles et indispensables relevant de leur périmètre de compétences pour le fonctionnement de l'association Les Arts Décoratifs.

Les critiques formulées par l'employeur, a posteriori, dans le contexte de moyens reconnus limités et les recours assumés en leur temps à des consultants et services extérieurs pour des chantiers ponctuels lourds sont inopérantes pour établir l'insuffisance professionnelle alléguée.

De même, la cour relève une relative contradiction de la part de l'employeur quand il reproche au salarié tout à la fois le manque de dialogue avec le personnel, les doléances des représentants syndicaux réclamant sa mise à l'écart et son manque de solidarité avec la direction dans les conflits l'opposant au personnel.

Le manque de moyens humains mis à la disposition du salarié pour qu'il puisse faire face à ses missions classiques ainsi qu'aux missions ponctuelles attendues et correspondant à des chantiers importants et le fait que les difficultés rencontrées de façon globale avec le personnel ne soient manifestement pas imputables au seul DRH ne permettent pas de retenir la réalité d'une insuffisance professionnelle et enlèvent donc au licenciement prononcé tout caractère réel et sérieux.

Le jugement déféré sera réformé.

Sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse';

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (7445,71), de son âge (47 ans), de son ancienneté (8 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [R] une indemnité de 90 000 euros, en application de l'article'L.1235-3 du Code du travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice résultant des circonstances vexatoires de la rupture';

Le salarié fait observer non sans pertinence qu'il a reçu la convocation à l'entretien préalable le jour même de l'entretien d'évaluation du 10 avril 2013 au cours duquel avaient pourtant été envisagées des perspectives à moyen et long terme, qu'en réalité, l'association Les Arts Décoratifs a simplement cherché à alimenter un dossier d'insuffisance professionnelle pour s'en séparer.

Force est aussi de relever qu'il a été dispensé d'activité pour la période de préavis ce qui l' a empêché non seulement de saluer ses collègues mais aussi de s'expliquer sur les raisons de son départ à tel point que son image et sa réputation sont ternies au sein de l'association Les Arts Décoratifs.

Il déplore avec raison les propos dénigrants tenus par Mme [T] lors de la réunion du CHSCT en date du 23 mai 2013 dès lors qu'elle a expliqué qu'il n'avait pas tenu son rôle et n'avait eu aucune vision stratégique pour expliquer la décision prise à son encontre.

Le préjudice moral résultant des circonstances effectivement vexatoires de la rupture soudaine des relations de travail après plusieurs années d'investissement et d'implication au sein de l'association Les Arts Décoratifs sera justement réparé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 8000 euros.

Sur les intérêts ;

Les créances salariales au taux légal intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Ces intérêts sont capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil.

Sur la demande d'affichage';

M. [R] ne fonde pas sa demande d'affichage de la décision à intervenir sur les panneaux réservés à l'affichage syndical. Cette demande ne pourra pas prospérer. Il en sera débouté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11 du code du travail, l'article L. 1235- 4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Dans le cas d'espèce, une telle condamnation sera prononcée à l'encontre de l'employeur, pour les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande d'accorder à M. [R] une indemnité de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association Les Arts Décoratifs, qui succombe dans la présente instance, sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et publiquement';

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant';

Dit que le licenciement de M. [R] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association Les Arts Décoratifs à verser à M. [R] les sommes suivantes :

- 25'169,25 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires pour la période de janvier 2009 à avril 2013 outre les congés payés afférents,

- 44'674,26 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 90 000 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article 1235-3 du code du travail,

- 8000 euros au titre de dommages-intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture,

- 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que les créances salariales au taux légal intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,

Dit que ces intérêts sont capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil,

Ordonne le remboursement par l'association Les Arts Décoratifs aux organismes des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l'association Les Arts Décoratifs aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/05827
Date de la décision : 20/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/05827 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-20;15.05827 ?
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