Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 20 JANVIER 2016
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14624
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2014000372
APPELANTE
SAS MATIERE agissant en la personne de son représentant légal
SIRET 326 624 244
[Adresse 1]
[Localité 2]
N° SIRET : 326 624 244
Représentée par Me Diane BERWICK, avocat au barreau de PARIS, toque : C1974 et assistée par Me MERAL Gérard Avocat au barreau AURILLAC.
INTIMEES
SAS RAZEL BEC prise en la personne de ses représentants légaux
siret 562 136 036
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 562 136 036
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 et assistée par Me EYLBERUNG Sophie, toque J67.
SARL GEOBTP prise en la personne de ses représentants légaux
siret 420 276 487
[Adresse 3]
[Localité 1]
N° SIRET : 420 276 487
Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069 et assistée par Me PIN Patrice, avocat au barreau de PARIS.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre
M. Claude TERREAUX, Conseiller
Madame Maryse LESAULT, Conseillère
Rapport ayant été fait par M. Claude TERREAUX, Conseiller , conformément à l'article 785 du Code de procédure civile
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Coline PUECH
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, président et par Madame Coline PUECH, greffier présent lors du prononcé.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le Conseil Général de l'Essonne, maître de l'ouvrage, a fait effectuer courant 2008 un tunnel comportant trois passages dans le cadre de l'élargissement de la RD 19 entre la RN20 et [Localité 4].
Ce marché à été confié à la société RAZEL, en tant qu'entreprise générale.
Cette dernière avait confié à la société MATIÈRE, sous-traitant, les opérations de fourniture et de pose des ouvrages constituant la structure et les parois de l'ouvrage préfabriqués.
L'ouvrage, de par sa profondeur, se trouvait en dessous du niveau de la nappe phréatique lors des longues périodes pluvieuses, ce qui en l'absence de dispositif adapté, créait une nappe d'eau au fond du tunnel le rendant inutilisable.
Pour ce motif, la société MATIERE a eu recours à la société AFITEX, afin qu'elle fournisse des bâches imperméables pour assurer l'étanchéité en cas de remontées d'eau. Ces bâches, livrées par parties à assembler, ont été soudées en place entre elles par la société GEOBTP. Cette dernière fait valoir qu'elle n'est intervenue que pour assurer des reprises.
Il convient de préciser que la réception des bâches n'avait fait l'objet d'aucune réserve. Des réparations ponctuelles ont cependant été nécessaire en cours de chantier.
Après que les bâches aient été posées, la société RAZEL, restant chargée du terrassement, a posé des remblais et graves et installé l'ouvrage.
Des fuites sont intervenues laissant présumer que l'eau passait à travers les bâches.
Le Conseil Général de l'Essonne a reçu l'ouvrage avec réserves.
La société RAZEL a alors saisi le Tribunal de commerce de Paris de deux demandes, qui furent jointes, dirigées contre la SAS MATIERE et GEOBTP en paiement de la somme de 90.178,40€ correspondant au coût de la mise en place de joints hydro-gonflants censé remédier au désordre constaté. Ni le fournisseur, ni le fabriquant de la toile, ni le maître d'oeuvre n'ont été mis en cause.
Par jugement entrepris du 20 juin 2014, le Tribunal de commerce de Paris a ainsi statué :
« - Condamne la SAS MATIERE à payer à la SAS RAZEL la somme de 90.178,84 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2011,
- Déboute la SAS MATIERE de sa demande de remboursement,
- Ordonne l'anatocisme,
- Condamne la SAS MATIERE à payer la somme de 2870,40 € à la SARL GEOBTP, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- Condamne la SAS MATIERE à payer à la SAS RAZEL et à la SARL GEOBTP la somme de 1.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute des demandes autres plus amples ou contraires,
- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamne la SAS MATIERE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 € dont 17,42 € de TVA ».
Par conclusions du 1er octobre 2014, la société MATIERE, appelante, demande à la Cour de :
-Dire et juger la Société MATIERE recevable et bien fondée en son appel du jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 juin 2014.
- Infirmer la décision dont appel, et statuant à nouveau,
-Débouter la société RAZEL de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société MATIERE,
-Condamner la société RAZEL à payer et porter à la société MATIERE la somme de 26 301,24 € TTC, augmentée des intérêts au taux légal en vigueur avec anatocisme, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, à compter du 8 juin 2010,
-Condamner la société RAZEL à payer et porter à la société MATIERE la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
-Condamner la société GEOBTP à relever et garantir la société MATIERE de toutes condamnations par impossible prononcées à son encontre, en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais, dépens et autre article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
-Condamner la société GEOBTP à payer à la requérante la somme de 6.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-Débouter la société GEOBTP de ses demandes reconventionnelles ;
En tout état de cause,
-Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
-Condamner la société RAZEL ou, à titre subsidiaire la société GEOBTP, aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sabine FORESTIER, avocat à la Cour, en vertu de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .
Par conclusions du 27 novembre 2014, la société RAZEL, intimée, demande à la Cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 20 juin 2014 par le Tribunal de Commerce de PARIS,
- Débouter la société MATIERE de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
- Condamner la société MATIERE à payer à la société RAZEL la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner la société MATIERE aux dépens de la présente instance qui seront directement recouvrés par Maître BAECHLIN, Avocat constitué, conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile .
Par conclusions du 28 novembre 2014, la société GEOBTP, intimée, demande à la Cour de :
Statuant sur l'appel de MATIÈRE
-Constater que la société RAZEL a accepté de recevoir la membrane de son sous-traitant sans aucune réserve, s'abstenant notamment de faire état du rabattement de nappe continu interdisant un contrôle efficace de l'étanchéité de la membrane,
-Par suite, dire RAZEL mal fondée en sa demande à l'encontre de MATIÈRE, ce d'autant que rien ne permet d'exclure que les fuites dénoncées ne proviennent pas de son propre fait, lors des opérations de remblaiement.
Statuant sur l'appel incident de GEOBTP
-Condamner la société MATIERE à payer à la société GEOBTP la somme de 10 764 € en deniers ou quittances avec intérêts de retard à compter du 1er' décembre 2008 et capitalisation des intérêts.
En toute hypothèse
-Débouter la société MATIERE, ou toute autre partie, de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société GEOBTP,
-Condamner la société MATIERE à payer à la société GEOBTP la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
-Condamner la partie qui succombera aux dépens d'appel que Maître OLIVIER , Avocat, pourra recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile .
SUR CE
Sur les demandes de la société RAZEL contre la société MATIERE ;
Considérant que la société RAZEL explique dans son assignation initiale qu''à l'achèvement des travaux de la société MATIERE il n'existait pas de désordres apparents' ; que cette indication laisse penser qu'un contrôle de la bâche a eu lieu et que ce contrôle n'a pas révélé de défaillance, ce qui laisse supposer que les travaux de soudure effectués étaient satisfaisants dans les limites de ce qui était apparent ;
Considérant que la Cour observe par ailleurs que la société RAZEL n'a pas cru devoir mettre en cause le fournisseur de la bâche ; que ceci laisse à supposer que la bâche elle-même était à ses yeux satisfaisante et ne révélait aucune faiblesse de fabrication ;
Considérant que le fait que des reprises ponctuelles aient été faites n'est pas de nature à remettre en cause ces conclusions ;
Considérant que si le sous-traitant est tenu à une obligation de résultat contractuelle, en ce sens qu'il doit effectuer correctement les ouvrages qui lui ont été commandés, ces mêmes obligations contractuelles ne le contraignent pas à répondre de dégâts qui auraient été causés par des tiers ou par son cocontractant ;
Considérant qu'il est constant qu'après la pose de la bâche fournie et soudée en place, la société RAZEL a repris ces travaux de terrassement et de remblai sur ladite bâche avec des engins de chantier ; que ces travaux devaient être effectués avec soin, en raison de la fragilité indiscutable et évidente de ce type de filtre imperméable ;
Considérant que c'est d'ailleurs en ce sens qu'a conclu le rapport d'expertise certes non contradictoire du cabinet SARETEC du propre assureur de RAZEL, qui indique in fine :
'Les causes potentielles sont donc de trois types éventuellement cumulables :
-existence de trous en partie courante de la membrane,
-soudure localement inexistante ou défaillante,
- arrachement accidentel en cours de remblaiement.'
Considérant que dès lors que la société RAZEL n'a pas cru d'une part devoir appeler en la cause le fournisseur de la bâche, et a constaté d'autre part le caractère apparemment satisfaisant du travail de la société MATIERE, la Cour estime que, compte-tenu des importants travaux de remblaiement réalisés par la société RAZEL elle-même sur ce revêtement, avec des engins de chantier, cette dernière n'établit en rien en quoi les travaux réalisés par la société MATIERE n'auraient pas satisfait au moment de leur livraison à l'obligation de résultat à laquelle elle était tenue ; qu'il appartenait à la société RAZEL, spécialiste du terrassement, et qui s'était engagée envers le maître de l'ouvrage, à prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas endommager le revêtement qu'elle avait commandé et fait poser ; qu'elle ne fournit aucun élément à ce sujet ; qu'elle pouvait encore, même après la réception de la pose de la bâche et avant ses travaux, faire constater l'existence de fuites dans la bâche ; qu'elle ne l'a pas fait ;
Considérant que les observations de la société RAZEL sur le caractère tardif des remarques de la société MATIERE sur ce point sont inopérantes dès lors qu'il est constant que dès les premières réunions, bien antérieures à l'engagement de la procédure, la société MATIERE a fait valoir qu'elle n'était en rien responsable des fuites constatées ; que notamment par courrier du 4 mai 2009, elle indiquait ainsi :
'contrairement à ce que vous prétendez, nous vous avons remis un ouvrage conforme et exempt de vices. Suite aux opérations de remblaiement dont vous aviez la charge, la membrane d'étanchéité a subi des désordres. Nous estimons donc que votre entreprise est seule responsable des dommages',
ce qui correspond exactement à la position actuellement développée par la société MATIERE ;
Considérant que la société GEOBTP précise pour sa part dans ses écritures que la taille des cailloux utilisés par RAZEL pour le remblai pouvait également causer des perforations ;
Considérant que sans même avoir à se pencher sur l'argumentation relative à la conduite des opérations de pompage développée par la société MATIERE, il y a lieu au vu des considérations qui précédent de débouter la société RAZEL de ses demandes ;
Considérant que l'appel en garantie formé contre la société GEOBTP est dès lors sans objet, à le supposer fondé ;
Sur la demande reconventionnelle de la société MATIERE contre la société RAZEL;
Considérant que la société MATIERE a effectué des travaux de reprise afférents aux fuites constatées en en faisant l'avance à titre commercial ; qu'il ne résulte d'aucun élément qu'elle aurait décidé de les prendre à sa charge ;
Considérant que, compte-tenu du sens de la présente décision, il n'y a pas de raison qu'elle doive finalement les supporter, puisque les désordres sont dus aux dégradations causées par l'entreprise principale RAZEL ; qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à cette demande qui s'élève à 26 301,24 € TTC, augmentée des intérêts qui, en l'absence de contestation à cet égard, seront accordés tels que demandés ;
Sur la demande de la société GEOBTP contre la société MATIERE ;
Considérant que la société GEOBTP sollicite le solde de cinq factures d'un montant total 10.764€ TTC ; qu'elle fait valoir que le Tribunal n'a fait droit à sa demande de condamnation que dans la limite de 2.870,40€ au motif que les commandes ne sont pas produites ;
Mais considérant d'une part que la société GEOBTP fait valoir, sans être contredite sur ce point, qu'elle avait l'habitude, comme il est souvent d'usage sur les chantiers, de ne pas passer systématiquement de bon de commande, les demandes de travaux se faisant oralement dans des rapports de confiance ;
Considérant que par ailleurs la société MATIERE ne nie pas la réalité desdits travaux et se contente de faire état de l'absence de commandes ; qu'il est peu vraisemblable qu'elle ait laissé intervenir l'entreprise GEOBTP sur ce chantier délicat pour effectuer des travaux qui n'avaient pas été commandés ;
Considérant que la Cour observe au surplus, ainsi que le souligne la société GEOBTP, que la société RAZEL n'a pas réagi à la réception de ces factures ;
Considérant que la Cour estime, au vu de ces éléments, que ces travaux ont fait l'objet d'une commande et qu'ils sont dus ;
Considérant qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et de faire droit à la totalité de ces demandes augmentées des intérêts qui, en l'absence de contestation à cet égard, seront accordés tels que demandés ;
Sur les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande que la société RAZEL, qui succombe, soit condamnée à payer à la société GEOBTP et à la société MATIERE la somme de 800€ chacune, tant pour la procédure en premier ressort qu'en cause d'appel ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et d'ordonner toutes restitutions de ce chef;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
-Déboute la société RAZEL de toutes ses demandes ;
-Déclare les appels en garantie subséquents sans objet ;
-Condamne la société RAZEL à payer à la société MATIERE la somme de 26.301,24 € TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2010 avec capitalisation selon les règles de l'article 1154 du code civil ;
-Condamne la société MATIERE à payer à la société GEOBTP la somme de 10 764 € augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 1er décembre 2008, avec capitalisation selon les règles de l'article 1154 du code civil ;
-Condamne la société RAZEL à payer à la société MATIERE, d'une part et à la société GEOBTP d'autre part la somme de 800€ chacune, soit 1600€ au total, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Rejette toutes ou plus amples demandes ;
-Condamne la société RAZEL aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT