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20/01/2016 | FRANCE | N°13/23227

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 20 janvier 2016, 13/23227


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 20 JANVIER 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23227



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2013 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 11/06281





APPELANTE



SCI FLANDRES-CRIMEE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris s

ous le n° 428 676 290

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Jean-François LOUIS de la SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI RIVIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452



INTI...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 20 JANVIER 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23227

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2013 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 11/06281

APPELANTE

SCI FLANDRES-CRIMEE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 428 676 290

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-François LOUIS de la SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI RIVIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452

INTIMÉE

SARL JOLIGREG prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 392 031 894

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Bernard CADIOT de la SELURL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, avocat postulant

Assistée de Me Bertrand RACLET de l'AARPI OPERA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0055, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Brigitte CHOKRON, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.

********

Suivant acte sous seing privé du 20 janvier 2004, la société Flandres Crimée (SCI) a donné à bail en renouvellement à la société Joligreg (SARL), à effet du 1er janvier 2004, un local situé [Adresse 1] à usage d'un 'commerce de prêt-à-porter homme/femme/enfant et tous accessoires s'y rapportant, à l'exclusion de toute autre activité'.

Le prix du bail, fixé à 42.500 euros par an en principal à compter du 1er janvier 2004, a atteint au 1er janvier 2010, par le jeu de la clause d'indexation annuelle, la somme de 49.894,23 euros .

La société locataire Joligreg, a signifié à sa bailleresse, par un acte d'huissier de justice du 19 avril 2010 visant les dispositions de l'article L. 145-38 du code de commerce, une demande de révision du loyer fondée sur la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité survenue depuis le 1er janvier 2004 et ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative ; elle lui a ensuite notifié, par lettre recommandée avec avis de réception du 1er mars 2011, un mémoire en demande de fixation du loyer révisé à la somme de 30.550 euros par an hors charges et hors taxes, correspondant selon elle à la valeur locative au 19 avril 2010 .

Faute d'accord des parties, la société Joligreg, par assignation du 21 avril 2011, a introduit la présente procédure en fixation judiciaire du loyer révisé au 19 avril 2010 .

Par jugement avant-dire droit du 19 juin 2012, une expertise a été ordonnée ; l'expert [Y] [L] a effectué sa mission et déposé son rapport le 25 février 2013, concluant à une valeur locative de 30.550 euros au 19 avril 2010 .

Aux termes des mémoires échangés, la locataire a demandé la fixation du montant du loyer révisé au 19 avril 2010 à la somme à 23.500 euros par an en principal, la bailleresse a demandé le rejet de cette prétention et, subsidiairement, la fixation du loyer révisé à la somme de 33.150 euros par an en principal .

Par jugement 15 octobre 2013, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

-fixé à 24.500 euros en principal par an à compter du 19 avril 2010 le loyer du bail du bail 'renouvelé' (sic) depuis cette date entre la SCI Flandres Crimée et la société Joligreg pour les locaux situés [Adresse 1], toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

-ordonné l'exécution provisoire,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.

La société Flandres Crimée (SCI) a relevé appel de ce jugement le 4 décembre 2013; par dernières conclusions signifiées le 27 juin 2014, elle demande à la cour, au visa de l'article L. 145-38 du code de commerce, de constater, par infirmation du jugement déféré, que la preuve d'une modification des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de la valeur locative du local loué de plus de 10% n'est pas rapportée et, qu'au contraire, l'évolution de la valeur locative s'est faite dans le sens d'une amélioration de la valeur locative qui ne peut conduire à une baisse du montant du loyer, en conséquence, dire que le montant du loyer ne peut être révisé dans le sens d'une réduction, débouter la société Joligreg de sa demande de révision, dire que la bailleresse est bien fondée à demander le maintien du montant du loyer révisé au 19 avril 2010 à la somme de 49.894,23 euros en principal annuel hors taxes et hors charges, condamner la société Joligreg au paiement d'une indemnité de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de l'instance dont distraction .

La société Joligreg (SARL), intimée et incidemment appelante, par dernières conclusions signifiées le 31 juillet 2014, demande à la cour, au visa de l'article L. 145-38 du code de commerce, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de la valeur locative de plus de 10%, et fixé le loyer à la valeur locative, d'infirmer en revanche ce jugement sur le prix du loyer révisé et, statuant à nouveau de ce chef, de fixer le loyer au 19 avril 2010 à la somme annuelle de 23.500 euros hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées, débouter la société Flandres Crimée de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens incluant le coût de l'expertise dont distraction .

SUR CE :

Selon l'article L. 145-38 du code de commerce, la révision du loyer ne peut être demandée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé;

Il n'est pas contesté que la condition est en l'espèce satisfaite, la société locataire ayant signifié sa demande en révision le 19 avril 2010, plus de trois ans à compter du 1er janvier 2004, date d'effet du bail renouvelé entre les parties suivant acte du 20 janvier 2004 ;

Le même article soumet le loyer révisé à la règle du plafonnement à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative, auquel cas, la règle du plafonnement est écartée et le montant du loyer révisé doit correspondre à la valeur locative laquelle est déterminée, ainsi qu'il est dit à l'article L. 145-33 , à défaut d'accord, d'après, les caractéristiques des locaux, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix couramment pratiqués dans le voisinage;

Il résulte des constatations de l'expert, que les lieux loués se situent au rez-de-chaussée d'un immeuble ancien de standing ordinaire avec façade en maçonnerie sous enduit peint et en pierre de [Localité 1], en état médiocre de propreté, implanté au n°[Adresse 1] ;

Cet emplacement est, selon l'expert, de bonne qualité pour l'activité de commerce de prêt-à-porter exercée par la locataire, dans un secteur à forte densité de population, quoique disposant d'un pouvoir d'achat modeste ; la desserte par les transports en commun est bien assurée ; le tronçon entre la [Adresse 3] et la [Adresse 4], où se situe l'immeuble, est animé au plan commercial et mêle des enseignes nationales telles Marionnaud, Monoprix, Castorama, Yves Rocher, Dia, Nicolas, André, Lissac à des commerces de proximité ;

Les locaux sont constitués d'une boutique et, au fond, d'une réserve et de sanitaires ; les surfaces réelles ne sont pas discutées ; la surface pondérée a été établie par l'expert et retenue par le premier juge à 47 m2B ;

La société Flandres Crimée demande que la surface pondérée soit portée à 51 m2B sans pour autant préciser la critique qu'elle oppose au calcul de l'expert, se bornant à faire valoir que telle était la surface que la locataire elle-même indiquait dans son mémoire préalable ;

Or, les énonciations du mémoire préalable ne lient pas les parties qui doivent être en mesure de modifier leur demande au vu des conclusions de l'expert judiciaire;

Celui-ci a divisé la surface réelle de la partie boutique en trois zones à partir de la vitrine, auxquelles il a respectivement appliqué un coefficient de pondération de 1, 0,75 et 0,60 en fonction de la profondeur et a affecté la partie réserve et sanitaires du coefficient de 0,50 ; ce calcul est conforme aux usages en matière de pondération immobilière et tient exactement compte de la configuration des locaux et de l'utilité, par rapport à l'ensemble, de chaque partie des locaux au regard de la destination contractuelle ; le jugement sera en conséquence confirmé sur la surface pondérée ;

L'expert a porté à juste titre sa recherche des modifications matérielles des facteurs locaux de commercialité, sur la période écoulée entre le 1er janvier 2004, date de la prise d'effet du bail renouvelé entre les parties et le 19 avril 2010, date de la demande de révision ;

Il en ressort, dans la zone de chalandise, c'est-à-dire dans un rayon de 400 mètres autour des lieux loués :

-la construction de 256 nouveaux logements pour une surface totale de 8.400 m2, outre celle de locaux d'enseignement, sociaux et industriels pour une surface totale de 2.679 m2,

-la rénovation de l'avenue de Flandres, achevée en 2007 notamment pour ce qui concerne le tronçon où se situent les locaux, avec la réalisation d'un terre-plein central arboré et piétonnier et l'aménagement de nouvelles places de stationnement réglementé des deux côtés du terre-plein,

-la fermeture du BHV en 2008 mais l'ouverture à la même place, en 2009, d'un magasin de bricolage et d'articles de maison Castorama, dans des locaux entièrement restructurés ;

Ces transformations, propres au quartier considéré, présentent un intérêt pour le commerce exercé en ce qu'elles génèrent un accroissement de la population résidant à proximité des lieux loués ainsi que du flux des chalands susceptibles d'accéder à la boutique et constituent des modifications matérielles des facteurs locaux de commercialité ;

Sur la même période, l'expert a relevé, au vu des loyers pratiqués sur l'avenue de Flandres (pour des locaux établis entre le n° 2 et le n° 150 de l'avenue), résultant de fixations judiciaires, de renouvellements amiables et de nouvelles locations, un prix moyen de 310 euros le m2B pour des baux en cours avant 2004 et de 422 euros le m2B pour des baux ayant pris effet après 2004 (soit une hausse de 36%);

Il est ainsi établi que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité a entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative ;

Le loyer du bail révisé au 19 avril 2010 échappe en conséquence à la règle du plafonnement et doit être fixé à la valeur locative, à quelque niveau que se situe cette valeur locative, eut-elle varié en sens inverse de la variation indiciaire ;

A cet égard, l'expert a souligné que le loyer contractuel , qui fait ressortir un prix de base de 904 euros le m2B au 1er janvier 2004 (42.500 euros annuel) et de 1.062 euros le m2B au 1er janvier 2010 par le jeu de l'indexation (49.894,23 euros), est très supérieur aux prix constatés au plan local ;

Il s'en infère que, contrairement à ce que soutient la bailleresse, dans l'hypothèse même où la valeur locative aurait augmenté de plus de 10% par suite d'une modification matérielle favorable des facteurs locaux de commercialité , le prix du bail révisé pourra être fixé à la baisse par rapport au loyer contractuel dès lors que, indépendamment de tout autre critère, il doit être égal à la valeur locative ;

Pour fixer la valeur locative au 19 avril 2010 à 550 euros le m2B, le premier juge a retenu que les termes de comparaison recueillis par l'expert évoluaient entre 247 euros le m2B et 691 euros le m2B, soit un prix moyen de 422 euros le m2B, mais a justement relevé que la qualité de l'emplacement pour le commerce exercé et les caractéristiques des locaux justifiaient une valeur locative de 550 euros le m2B qui n'est pas contestée par la locataire ;

Le premier juge a appliqué un abattement de 5% pour la charge exorbitante que le bail fait peser sur la locataire en mettant à sa charge la vétusté et les mises aux normes, incombant normalement au bailleur ; ces obligations ne justifient pas de l'abattement de 10 % demandé par la locataire qui n'oppose pas de critique sérieuse au chiffre de 5 % proposé par l'expert et retenu par le premier juge ;

Il s'infère des motifs qui précèdent que le jugement entrepris est en définitive confirmé en ce qu'il fixe la valeur locative au 19 avril 2010, et le prix du bail révisé à cette date, à 550 euros x 47 m2B = 25.800 euros , soit avec un abattement de 5% , la somme de 24.507,50 euros arrondie à 24.500 euros ;

Il sera toutefois précisé qu'il s'agit du prix du bail révisé au 19 avril 2010 et non pas ainsi qu'il a été énoncé par erreur au jugement du prix du bail 'renouvelé' au 19 avril 2010 ;

L'équité commande de condamner l'appelante à payer à l'intimée une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Le jugement sera confirmé sur le partage des dépens de première instance incluant le coût de l'expertise judiciaire, s'agissant en revanche des dépens de la procédure d'appel, il seront supportés par l'appelante qui succombe à son appel .

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf à corriger l'erreur matérielle dont est affecté son dispositif en substituant la mention 'le loyer du bail révisé'à la mention erronée 'le loyer du bail renouvelé' ,

Condamne la société Flandres Crimée à verser à la société Joligreg une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société Flandres Crimée aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/23227
Date de la décision : 20/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°13/23227 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-20;13.23227 ?
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