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20/01/2016 | FRANCE | N°13/09805

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 20 janvier 2016, 13/09805


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 20 Janvier 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09805



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section activités diverses - RG n° 11/03847









APPELANT

Monsieur [Q] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Marie-Cha

ntal CAHEN, avocat au barreau de PARIS, E1058







INTIMEE

Madame [K] [G]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Jouba WALKADI,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 Janvier 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09805

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section activités diverses - RG n° 11/03847

APPELANT

Monsieur [Q] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Marie-Chantal CAHEN, avocat au barreau de PARIS, E1058

INTIMEE

Madame [K] [G]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Jouba WALKADI, avocat au barreau de PARIS, K0136

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [K] [G] a été engagée à compter du 1er octobre 2005 en qualité de secrétaire par M. [Q] [N], médecin spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologique, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, moyennant une rémunération annuelle nette de 14 400 €.

M. [N] emploie moins de onze salariés et la relation de travail est régie par la convention collective nationale des cabinets médicaux.

Mme [G] a été en arrêt de travail pour maladie durant deux périodes, du 30 janvier 2008 au 6 avril 2008, puis du 5 octobre 2010 au 5 septembre 2011.

Le 30 septembre 2011, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche et pour harcèlement moral.

Par décision rendue le 14 mars 2012, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes a ordonné à M. [N] de délivrer à Mme [G] les bulletins de salaire d'octobre 2010 à février 2012 et de lui verser une provision sur salaire de septembre 2011 à février 2012, soit 9 282 €.

Par jugement rendu le 23 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- confirmé l'ordonnance du bureau de conciliation du 14 mars 2012

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] à la date du 29 novembre 2012

- condamné M. [N] à payer à Mme [G] les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter du 4 juin 2011, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation:

' 13 869 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars 2012 au 29 novembre 2012

' 1 386,90 € au titre des congés payés sur rappel de salaire

' 3 094 € au titre de l'indemnité de préavis

' 309,40 € au titre des congés payés sur préavis

' 2 191 € au titre de l'indemnité de licenciement

- condamné M. [N] à payer à Mme [G] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement

- ordonné la remise des documents sociaux conformes à la décision

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- condamné M. [N] aux dépens.

M. [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 17 novembre 2015, il demande à la cour de:

- infirmer dans son intégralité le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa prétention de harcèlement

statuant à nouveau,

- dire et juger que le comportement fautif de Mme [G] manifeste une volonté délibérée, persistante et non équivoque de rupture de son contrat de travail

- dire et juger que la rupture s'analyse en une démission à compter du 30 septembre 2011 et en tirer toutes les conséquences de droit

- dire et juger que M. [N] n'a commis aucun manquement grave de nature à justifier la résiliation judiciaire à ses torts, notamment en ce qui concerne la fourniture de travail et la paiement des salaires au-delà du 30 septembre 2011

- dire et juger la rupture du contrat de travail imputable à Mme [G], avec effet au 30 septembre 2011, et en conséquence la débouter de ses indemnités à ce titre

- ordonner le remboursement par Mme [G] de la totalité des sommes perçues par elle au titre des condamnations prononcées et payées par M. [N] en exécution du jugement et de l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Bobigny

à titre subsidiaire,

- si la cour relevait "un concours de fautes de l'employeur avec la faute grave inexcusable de la salariée pour avoir empêché sa reprise d'exécution du contrat de travail et considérant l'impossibilité dirimante corrélative pour l'employeur de lui fournir du travail et un salaire correspondant, constater la rupture de fait imparable de la continuité du contrat de travail de Mme [G] imputable à la salariée au 30 septembre 2011"

- "constater que l'employeur était en droit de résilier pour faute grave le contrat de travail à durée indéterminée de Mme [G] puisqu'elle a délibérément fait obstruction à la réalisation d'un deuxième rendez-vous devant le médecin du travail et qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de maintenir le contrat à compter du 30 septembre 2011"

- fixer la date de rupture des relations contractuelles au 30 septembre 2011 et en tirer toutes les conséquences de droit

- condamner Mme [G] au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [G] a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de M. [N], confirmé l'ordonnance du bureau de conciliation du 14 mars 2012 et condamné M. [N] à lui payer 3 094 € à titre d'indemnité de préavis outre 309,40 € de congés payés y afférents

- pour le surplus, infirmer partiellement le jugement déféré

Statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de M. [N] à la date du prononcé de l'arrêt de la cour

- condamner M. [N] à lui payer les sommes suivantes :

' 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

' 3 067 € à titre d'indemnité de licenciement

' 68 068 € à titre de rappels de salaire outre 6 806 € à titre de congés payés y afférents du 1er mars 2012 au 30 novembre 2015

' 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales d'embauche et de reprise

' 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

' 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel

- ordonner sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document à compter du prononcé la remise des documents suivants : les bulletins de paie d'octobre 2010 à novembre 2015, l'attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt à intervenir et le certificat de travail, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte

- condamner M. [N] aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Seuls peuvent être de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur des faits, manquements, ou agissements de ce dernier suffisamment graves pour empêcher la poursuite du travail. Si la résiliation judiciaire est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de son prononcé par le juge.

Mme [G] invoque au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail les griefs suivants :

- le défaut de visite médicale d'embauche ;

- le défaut de visite médicale de reprise à l'issue de ses arrêts de travail pour maladie de 2008 et de 2011, l'absence de fourniture de travail depuis le 6 septembre 2011 et de versement des salaires ;

- le harcèlement moral que M. [N] lui a fait subir ;

- le défaut de paiement des congés payés.

1. Le défaut de visite médicale d'embauche

Mme [G] soutient qu'elle n'a bénéficié d'aucune visite médicale d'embauche laquelle s'imposait puisque son emploi auprès de M. [N] était sa première expérience professionnelle après l'obtention de son baccalauréat en juin 2004.

M. [N] affirme que le grief relatif au défaut de visite médicale d'embauche est prescrit, qu'en tout état de cause il n'était pas tenu d'organiser une visite médicale, Mme [G] ayant déjà travaillé dans le milieu médical.

*

Aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

En application de l'article R. 4624-12 du même code, sauf si le médecin du travail l'estime nécessaire ou si le salarié en fait la demande, en cas de changement d'entreprise moins de 12 mois après une visite médicale ayant conclu à l'aptitude, un nouvel examen d'embauche n'est pas obligatoire si l'intéressé est appelé à occuper un emploi identique et si le médecin du travail est en possession de la fiche d'aptitude, laquelle, selon l'article R. 4624-47, est établie en double exemplaire, l'un étant remis au salarié, l'autre à l'employeur.

Il n'est nullement établi que Mme [G] ait occupé un emploi identique à celui de secrétaire médicale antérieurement à son engagement par M. [N] en qualité de secrétaire, de sorte que celui-ci est mal fondé à invoquer les dispositions de l'article R. 4624-47 susvisé pour justifier l'absence d'examen médical d'embauche qu'il était tenu d'organiser au profit de la salariée. Le manquement invoqué est donc établi et Mme [G] peut s'en prévaloir au soutien de ses demandes, celles-ci n'étant pas prescrites à la date de la saisine de la juridiction prud'homale.

2. Le défaut de visite médicale de reprise et ses conséquences

Mme [G] soutient qu'elle a été en arrêts de travail pour maladie du 30 janvier 2008 au 6 avril 2008, puis du 5 octobre 2010 au 5 septembre 2011, qu'elle n'a pas bénéficié de visite médicale de reprise ni en 2008, ni en 2011, qu'à l'issue de son dernier arrêt de travail, son employeur s'est injustement opposé à la reprise de son travail en lui indiquant que son poste était pourvu. Elle souligne qu'elle n'était pas démissionnaire, la démission ne se présumant pas, et qu'elle s'est tenue à la disposition de son employeur jusqu'à la date des débats devant la cour, qu'en conséquence ses salaires lui sont dus jusqu'à cette date.

M. [N] fait valoir qu'il a satisfait à son obligation d'organiser un rendez-vous de visite de reprise auprès du médecin du travail, que c'est l'attitude de Mme [G] qui n'a pas permis la délivrance d'un avis d'aptitude, qu'en l'absence de délivrance d'un avis d'aptitude par le médecin du travail, le contrat de travail de Mme [G] est resté suspendu de sorte qu'il ne pouvait reprendre la salariée à son service, que celle-ci ne s'est pas réellement tenue à sa disposition, qu'elle ne voulait manifestement pas reprendre le travail, qu'elle a commis une faute grave en ne se communiquant pas les documents médicaux et la prolongation de l'arrêt de travail demandés par le médecin du travail, que son refus de se soumettre à la deuxième visite de reprise équivaut à une démission.

*

En application des dispositions des article R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail, après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel, le salarié bénéficie d'un examen de reprise, ayant pour objet de délivrer un avis d'aptitude médicale à reprendre son poste, qui doit avoir lieu au plus tard dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail.

En l'espèce Mme [G] a été en arrêt de travail pour maladie du 30 janvier 2008 au 6 avril 2008. Il n'est pas contesté qu'à l'issue de cette première période d'arrêt elle a repris le travail sans bénéficier de visite de reprise, étant observé que les parties n'en tirent pas de conséquence quant aux effets juridiques sur le contrat de travail. En tout état de cause le manquement de l'employeur est d'ores et déjà établi concernant cette première période, puisqu'il lui appartenait, en sa qualité d'employeur, d'organiser une visite de reprise dans les huit jours de la reprise du travail de Mme [G] le 7 avril 2008.

Mme [G] a ensuite été à nouveau en arrêt de travail du 5 octobre 2010 jusqu'au 5 septembre 2011. Par lettre du 29 août 2011, elle a informé M. [N] qu'elle reprendrait le travail le 6 septembre 2011. Ce dernier lui a répondu par lettre du 1er septembre qu'il souhaitait une "rupture conventionnelle de contrat amiable", que l'absence prolongée de la salariée avait perturbé considérablement son activité professionnelle ce qui l'avait obligé à embaucher une nouvelle secrétaire médicale et enfin que si Mme [G] voulait reprendre son travail, elle devait lui fournir un certificat médical établi par le médecin du travail certifiant qu'elle était apte à reprendre son poste. Par lettre du 5 septembre 2011, Mme [G] lui a répondu notamment que n'ayant pas passé d'examen médical d'embauche elle ne savait où s'adresser pour passer la visite médicale de reprise.

Par courriel du 14 septembre 2011, M. [N] a alors demandé aux services de la médecine du travail l'organisation d'une visite de reprise pour sa salariée. Le même jour celle-ci a été convoquée pour passer un examen médical le lendemain, 15 septembre 2011, ce dont elle a été informée par SMS compte tenu de la brièveté du délai. A cette date le médecin du travail a établi une fiche de visite avec les mentions suivantes :

" VM de reprise

arrêt maladie de 11 mois

ce jour : sans aucun document médical, certificat médical

recommandation : prolongation d'arrêt maladie, à la prochaine visite apporter les documents médicaux, document SS".

A la suite de cette visite, n'ayant donc pas donné lieu à la délivrance d'un avis d'aptitude, M. [N], par lettre du 20 septembre 2011, a demandé à la salariée de prolonger son arrêt de travail pour permettre l'organisation d'une nouvelle visite auprès de la médecine du travail, et Mme [G] s'est opposée à la prolongation de son arrêt de travail par lettre du 22 septembre, joignant à ce courrier un certificat établi le 15 septembre par le Dr [R], psychiatre, indiquant que l'état de santé de l'intéressée lui permettait de reprendre son travail.

En définitive Mme [G] n'a pas été reconvoquée par les services de la médecine du travail pour passer une visite de reprise.

Il ressort donc de ces éléments, en premier lieu, que bien qu'ayant été informé en temps utile de la date de retour de Mme [G] à l'issue de son arrêt de travail qui prenait fin le 5 septembre 2011, M. [N] n'a pas organisé, comme il avait l'obligation de le faire, la visite de reprise de Mme [G] dans le délai de huit jours.

En second lieu, M. [N], qui ne justifie pas avoir demandé aux services de la médecine du travail l'organisation d'une nouvelle visite de reprise, ne peut invoquer un "refus réitéré de Mme [G] de se soumettre à une deuxième visite de reprise", alors même que la salariée n'a pas été reconvoquée par les services de la médecine du travail. A cet égard et contrairement à ce que soutient l'employeur, cette nouvelle visite n'était pas conditionnée à une prolongation de l'arrêt de travail de la salariée (étant souligné que l'état de santé de celle-ci ne justifiait pas une telle prolongation). Il appartenait en effet à M. [N] de demander au service de santé au travail de faire convoquer à nouveau la salariée afin que le médecin du travail rende un avis, ce qu'il n'avait pas fait le 15 septembre, sur l'aptitude de la salariée à reprendre son poste de travail conformément aux dispositions de l'article R. 4624-23 du code du travail.

Il est donc établi que le défaut de visite de reprise dans les conditions prévues par les articles R. 4624-22 et R. 4624-23 est imputable à l'employeur, lequel au demeurant ne souhaitait pas que la salariée reprenne son poste de travail ayant déjà procédé à son remplacement, comme il ressort de sa lettre du 1er septembre 2011.

Enfin la cour relève que Mme [G] s'est présentée sur le lieu de travail le 6 septembre 2011 et elle a confirmé qu'elle se tenait à la disposition de son employeur par lettres du 22 septembre, puis du 15 octobre 2011 ("nous sommes le 15 octobre 2011 et cela fait maintenant plus d'un mois que je me tiens à votre disposition pour reprendre mon travail ..."), ce qui exclut de sa part toute volonté claire et non équivoque de démissionner, étant rappelé que la démission ne se présume pas et que l'employeur n'a pas mis en demeure la salariée de reprendre le travail.

Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués par Mme [G] au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail, la cour retient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de fournir du travail à sa salariée étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la demande de résiliation judiciaire de la salariée aux torts de l'employeur est justifiée.

Il est constant qu'en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, à moins que l'exécution du contrat de travail ne se soit en fait poursuivie après cette décision.

L'exécution du contrat de travail ayant cessé bien avant le jugement ayant prononcé la résiliation, la date de la rupture doit être fixée à la date du jugement, soit au 23 mai 2013, la décision des premiers juges étant infirmée sur ce point.

Considérant l'ancienneté de la salariée et le montant de son salaire, qui s'élevait au dernier état de la relation contractuelle à la somme de 1 547 €, il y a lieu de confirmer le jugement qui a alloué à Mme [G] la somme de 3 094 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 309,40 € pour les congés payés afférents, en application de l'article L 1234-5 du code du travail.

Mme [G] demande à titre d'indemnité de licenciement une somme de 3067 €, sans s'expliquer sur ce montant, supérieur à celui qui est lui a été alloué par les premiers juges, dont la décision, conforme aux dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail, sera confirmée, en ce qu'elle a condamné M. [N] à verser à la salariée la somme de 2 191 € à ce titre.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [G] peut prétendre à l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi en application de l'article L 1235-5 du code du travail.

Considérant l'ancienneté de la salariée, son âge, ses capacités à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, à son absence de revenus étant relevé toutefois qu'elle ne justifie pas de ses recherches d'emploi, il est justifié de lui allouer la somme de 9 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera donc infirmé.

Sur la demande de rappels de salaires

Le salarié qui ne reprend pas le travail à l'issue de l'arrêt maladie, mais qui se tient à la disposition de son employeur pour subir la visite de reprise a droit au paiement de son salaire.

Il a été retenu précédemment que Mme [G] s'était tenue à la disposition de son employeur pour subir la visite de reprise et pour reprendre son poste de travail et que l'absence de visite de reprise puis de reprise du travail de la salariée étaient imputables à l'employeur. La salariée est donc bien fondée à prétendre au paiement de son salaire pour la période du 6 septembre 2011 au 23 mai 2013, date de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par conséquent c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a condamné M. [N] à verser à la salariée, par ordonnance de conciliation du 14 mars 2012, une provision de 9 282 € au titre des salaires dus de septembre 2011 à février 2012, cette condamnation ayant été « confirmée » par le jugement déféré, puis la somme de 13'869 € au titre du rappel de salaire pour la période du 1er mars au 29 novembre 2012, outre celle de 1 386,90 € pour les congés payés afférents.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prenant effet au 23 mai 2013, M. [N] doit en outre être condamné au paiement d'un rappel de salaire pour la période ayant couru du 1er décembre 2012 au 23 mai 2013, soit la somme de 8 921 €, outre celle de 892,10 € pour les congés payés afférents.

Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [G] invoque les éléments de fait suivants :

- des pressions et un accroissement de ses missions qui ont détérioré son état de santé

- une altération de son état de santé eu égard à ses conditions de travail

- le fait qu'elle n'a pu reprendre son poste ni voir le médecin du travail

M. [N] affirme que le harcèlement invoqué est mensonger et inexistant.

*

En premier lieu Mme [G] ne verse aux débats aucun pièce justifiant de l'existence des pressions qu'elle aurait subies et d'un accroissement de ses missions. En second lieu le fait qu'elle n'ait pu reprendre son poste en septembre 2011 ne peut constituer un élément laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral au cours de la relation de travail. Enfin le certificat médical produit, établi le 1er juillet 2011 par le Dr [R], faisant état des doléances de la salariée sur ses conditions de travail et relevant une symptomatologie anxiolytique et des conduites d'évitement de son lieu de travail, ne constitue pas à lui seul un élément permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La décision des premiers juges, qui ont rejeté ce chef de demande, doit donc être confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales d'embauche et de reprise

Mme [G] a nécessairement subi un préjudice résultant du défaut de ces examens médicaux, consécutif au manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Ce préjudice sera justement indemnisé par la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts par infirmation du jugement querellé.

Sur les autres demandes

M. [N] devra remettre à Mme [G] des bulletins de salaire pour la période du 6 septembre 2011 au 23 mai 2013, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

M. [N] supportera les dépens de l'instance et sera condamné à payer à Mme [G] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé la date de résiliation judiciaire du contrat de travail au 29 novembre 2012 et en ce qu'il a débouté Mme [K] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale;

INFIRME le jugement de ces seuls chefs et statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] [G] aux torts de M. [Q] [N] avec effet au 23 mai 2013;

CONDAMNE M. [Q] [N] à payer à Mme [K] [G] la somme de 9 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 200 € pour absence de visites médicales d'embauche et de reprise, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE M. [Q] [N] à payer à Mme [K] [G] la somme 8 921 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2012 au 23 mai 2013 outre celle de 892,10 € pour les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2015;

ORDONNE à M. [Q] [N] de délivrer à Mme [K] [G] des bulletins de salaire pour la période du 6 septembre 2011 au 23 mai 2013, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt

CONDAMNE M. [Q] [N] à payer à Mme [K] [G] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

REJETTE le surplus des demandes;

CONDAMNE M. [Q] [N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/09805
Date de la décision : 20/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/09805 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-20;13.09805 ?
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