RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 19 Janvier 2016
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13222
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Janvier 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - section industrie - RG n° 09/09331
APPELANT
Monsieur [T] [Q]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
né [Date naissance 1] 1964 à [Localité 4] (03)
représenté par Me Boris CHONG-SIT, avocat au barreau de Guyane et Me Elodie JOLY, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SA EDF
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-sébastien CAPISANO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 substitué par Me Jean-Martial BUISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre
Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère
Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, faisant fonction de Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 12 mars 2012 par [T] [Q] du jugement rendu en formation de départage le 31.01.2012 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Industrie chambre 2, qui a :
- annulé la sanction de mise à pied prononcée le 15.01.2010 et condamné en conséquence la SA ELECTRICITE DE FRANCE à payer à [T] [Q] la somme de 7.358,92 € au titre du salaire de mise à pied du 19 janvier au 17 février 2010,
- condamné la SA ELECTRICITE DE FRANCE à payer à [T] [Q] en deniers ou quittance la somme de 232,87 € au titre des indemnités de service continu du 3 au 10 décembre 2009,
avec exécution provisoire de droit en application de l'article R 1454-28 du code du travail,
- et débouté le salarié du surplus de ses demandes.relatives notamment à l'indemnisation des repos compensateurs générés obligatoirement par les repos hebdomadaires travaillés, d'heures de délégations pour activité syndicale, de temps de pause, d'une discrimination syndicale avec reclassement indiciaire rétroactif, du harcèlement moral et pour pratiques vexatoires.
[T] [Q] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- Dire que [T] [Q] a exécuté son contrat de travail en respectant les consignes
d'exploitation et les arrêtés préfectoraux en cas de grève.
- Dire que la procédure disciplinaire litigieuse est illégale au regard de la pers 846 et du
code du travail.
- Déclarer nulle la sanction de mise à pied disciplinaire.
- Condamner l'employeur à payer des dommages et intérêts pour préjudice moral sur la
sanction de mise à pied de 1.500 €.
- Condamner l'employeur à payer des dommages et intérêts pour préjudice moral pour
résistance abusive de l'indemnisation des repos compensateurs générés par les repos
hebdomadaires non pris de 500c.
- Condamner l'employeur à payer des dommages et intérêts pour non respect de la
législation sociale sur les repos hebdomadaires et les repos compensateurs de
10.731,10 €.
- Condamner l'employeur en deniers ou quittance à payer les heures de délégation CE
de 1.531,20€.
- Condamner l'employeur en deniers ou quittance à payer les sanctions financières des
indemnités de service continu et de panier des jours d'arrêt suite à l'accident de travail
de 258,87€.
- Condamner l'employeur à payer des dommages et intérêts pour préjudice moral pour
résistance abusive de paiement des indemnités de service continu et de panier des
jours d'arrêt suite à l'accident de travail de 100€.
- Condamner l'employeur à verser à [T] [Q] la somme de 1.080,41c à titre de
rappel de salaire du mois de septembre 2010.
- Condamner l'employeur à payer l'indemnisation des temps de pause de 2005 à 2010
par le paiement d'heures supplémentaires de 15.316,60 €
- Condamner l'employeur à reclasser [T] [Q] de 4 NR supplémentaires pour
préjudice d'avancement avec effet rétroactif à la date du 1er janvier 2010 sous astreinte
de 150 € par jour de retard dès la notification du jugement.
Condamner l'employeur pour faits de discrimination syndicale ou de harcèlement à la
somme de 40.000 €.
Condamner l'employeur à payer au titre de l'article 700 du NCPC à la somme de 4000€.
De son côté, la SA ELECTRICITE DE FRANCE demande de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de condamner [T] [Q] à payer la somme de 4.000 € pour frais irrépétibles.
SUR LES FAITS :
[T] [Q], né le [Date naissance 2].1964, a été engagé initialement par contrat à durée indéterminée le 02.05.1988 en qualité de jeune technicien au sein du CD Guyane / service Distribution ; en dernier lieu [T] [Q] occupait l'emploi de Dispatcheur échelon 09 GF/NR 11/175 à temps complet au sein de l'unité EDF Guyane et de la D.U.M. Services Réseaux.
L'entreprise est soumise au statut national des IEG ; elle comprend plus de 11 salariés.
[T] [Q] a été élu membre titulaire du comité d'établissement d'EDF GUYANE le 29.11.2007 et désigné membre représentant le personnel à la commission secondaire du personnel collège 7 à 11, le 15.04.2009.
Le 13.05.2009 la SA ELECTRICITE DE FRANCE a notifié au salarié son maintien en poste le 12.05.2009 à effet du 18 suivant à 00h pour assurer ses fonctions de dispatcher au vu du préavis de grève déposé par une intersyndicale regroupant notamment le syndicat SUD Energie Guyane auquel [T] [Q] est affilié, pour une durée illimitée. [T] [Q] a participé au mouvement de grève et a déposé une demande d'absence pour la journée du 18.05.09 pour ce motif.
L'employeur lui a fait remettre par huissier de justice le 18.05.09 d'une part un courrier du même jour du chef de réseaux, JC ALARCON, comprenant un rappel de la consigne de relancer les turbines de la Centrale de Petit Saut et de mettre les turbines à combustion en fonctionnement, accompagné d'un constat du refus du salarié d'appliquer les consignes et d 'une notification des conséquences de son refus et de son comportement ; d'autre part un courrier également du même jour émanant de D. [O] Directeur du centre EDF Guyane.
Une retenue d'un montant de 182,41 € brut ayant été effectuée à tort sur le bulletin de salaire de juin 2009, [T] [Q] a saisi la juridiction prud'homale en référé ; l'employeur a néamoins préparé un chèque de ce montant le 27.08.09 qui a été refusé par le salarié puis la SA ELECTRICITE DE FRANCE a procédé au virement de cette somme le 31.08.09 sur le compte de son salarié. Une nouvelle erreu de paiement a été constatée par l'employeur dans un courrier du 22.09.09 pour un montant de 48,54 € brut.
[T] [Q] a été convoqué le 30.06.09 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé le 06.08.09 mais reporté au 18.08.2009 ; par exploit d'huissier du 15.09.09, la SA ELECTRICITE DE FRANCE a notifié la traduction du salarié devant la commission secondaire du personnel puis [T] [Q] a été convoqué le 03.12.09, par courrier et par exploit d'huissier, devant cette commission à la date du 17.12.09, qui a délivré un procès verbal de carence ; enfin [T] [Q] a été convoqué par exploit d'huissier à un second entretien préalable fixé le 13.01.10 auquel le salarié ne s'est pas présenté. L'employeur lui a notifié le 15.01.10 toujours par exploit d'huissier une mise à pied d'un mois avec privation de salaire en appplication des dispositions de l'article 6 du statut national des IEG et de la circulaire PERS 846 du 16.07.1985, reposant sur le motif : 'avoir délibérément refusé d'exécuter un ordre de sa hiérarchie destiné à permettre la réalimentation de clients privés d'électricité'.
C'est dans ces conditions que le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 07.07.2009 qui a rendu sa décision le 31.01.2012.
La cour d'appel de Paris a, en particulier, dans un arrêt du 16.09.2010 rendu sur l'appel formé par la SA ELECTRICITE DE FRANCE à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13.11.2009 en formation de référé par le même conseil, confirmé cette décision qui avait constaté l'incompétence de la juridiction pour voir déclarer nulle la mise à pied disciplinaire après avoir infirmé cette ordonnance en ce qu'elle avait déclaré caduque la procédure de licenciement.
[T] [Q] a adressé un courrier de réclamation à son employeur le 30.07.10 tendant à se voir appliquer des repos compensateurs générés par des heures supplémentaires, à la rémunération de ses temps de pause et à l'indemnisation de ses congés payés annuels.
Il a réitéré ses demandes le 26.04.11 en présentant un décompte détaillé.
Un blâme avec inscription au dossier a été notifié au salarié le 13.07.2011 pour les motifs suivants : absences injustifiées répétées, avoir modifié de manière unilatérale les plannings de quart préétablis par la hiérarchie, avoir soustrait le planning de roulement du GR Système, comportement agressif envers ses collègues de travail et sa hiérarchie.
Son conseil a mis en demeure la SA ELECTRICITE DE FRANCE le 29.03.12 de régler des heures de délégation syndicale prises au titre de l'année 2011 et restées non payées à hauteur de 4.009,01 € ; le syndicat SUD Energie Guyane a saisi l'inspection du travail d'une discrimination syndicale à l'encontre de [T] [Q] le 04.06.2012 et l'administration a adressé un courrier à l'employeur le 06.06.12. Le 28.06.2012, la SA ELECTRICITE DE FRANCE a adressé au conseil de [T] [Q] un chèque de 3.767,41 € correspondant au 'montant du préjudice subi' par le salarié.
SUR CE :
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.
Sur la nullité de la mise à pied disciplinaire :
Par adoption de motifs il y a lieu de confirmer la décision de la formation de départage qui, après avoir constaté la régularité formelle de la procédure disciplinaire, a annulé la sanction infligée à [T] [Q] en raison de l'absence de preuve par l'employeur de ce que les turbines de la centrale hydraulique de Petit Saut ne pouvaient pas être relancées sans risque sérieux d'avarie en raison d'un niveau trop faible d'eau d'une part et d'autre part du fait qu'il n'appartenait pas au salarié dans l'exercice de ses fonctions de dispatcher de mettre en fonctionnement des turbines à combustion de la centrale de [Localité 3] ; enfin il a été relevé que les consignes en cause n'étaient pas énoncées précisément.
Au surplus, tant les délais que la forme des diverses convocations et notifications prévues par le statut particulier de l'agent dans la circulaire PERS 846 ont été respectées, étant observé que l'employeur a pris la précaution de faire notifier ces documents par huisser de justice soit à son domicile soit chez l'employeur à partir du moment où le salarié, titulaire d'une simple boîte postale, n'allait pas chercher sa lettre recommandée ; l'huissier a délivré les notifications conformément à l'article 659 CPC en l'absence d'adresse suffisamment précise et alors que le salairé a refusé de donner des indications supplémentaires. Il est prévu des voies de recours internes ou gracieux qui n'ont pas été utilisées. Enfin la demande de congés annuels formée par [T] [Q] mentionnait la date du 20.12.09 alors que [T] [Q] a été convoqué à la séance de la commission secondaire le 17 décembre soit antérieurement ; enfin la sanction a été notifiée le 15.01.10 soit dans le délai d'un mois suivant l'entretien du 13.01.10 auquel il ne s'est pas rendu.
Sur le fond, la SA ELECTRICITE DE FRANCE s'est prévalue du principe constitutionnel de continuité du service public et des notes de service qui l'ont mis en oeuvre, pour contester au salarié le droit de grève en se fondant sur la jurisprudence administrative qui lui donne la possibilité de déterminer des limitations à l'exercice du droit de grève en vue d'éviter un usage abusif contraire aux nécessités d'ordre public. L'entreprise constate que [T] [Q] a délibérément refusé de respecter les directives hiérarchiques relatives à son maintien en poste pour la journée du 18.05.09 et à l'activité qu'il devait réaliser dans ce cadre, destinées à permettre de réalimenter par les moyens de production disponibles environ 15000 clients en situation de délestage. La SA ELECTRICITE DE FRANCE affirme qu'un agent maintenu en poste même s'étant déclaré gréviste ne peut être considéré comme gréviste au sens du droit du travail et doit respecter la relation de subordination inhérente au contrat de travail à défaut de quoi l'employeur est en mesure d'user de son pouvoir disciplinaire.
Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ; aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal de ce droit.
Lorsque le contrat de travail du salarié est suspendu par l'exercice du droit de grève, celui-ci peut néanmoins spontanément exécuter certaines de ses attributions relevant de ses obligations principales ; le pouvoir disciplinaire de l'employeur est alors maintenu, mais ce dernier doit alors démontrer que le comportement fautif est rattaché à l'exécution du contrat de travail.
Cependant, le prononcé d'une sanction à l'encontre d'un salarié gréviste nécessite une faute lourde et dans le cas d'un salarié gréviste bénéficiant d'un mandat électif, une autorisation administrative.
En l'espèce [T] [Q] a régulièrement fait valoir sa situation de gréviste auprès de son employeur, qui a validé cette demande, tout en se présentant à son poste de travail pour exécuter le maintien en poste ; il déclare avoir respecté les dispositions de l'arrêté du Préfet de Guyane du 03.05.1993 complété le 11.03.1998, qui définit les listes d'usagers prioritaires ainsi que les conditions du service minimum permettant que la durée des coupures d'alimentation n'excède pas 6 heures consécutives avec une durée minimale d'alimentation entre deux coupures de 3 heures au moins ; il produit le descriptif de son poste de dispatcher mentionnant que cet emploi fait partie des lieux stratégiques du département et constate qu'il est ainsi intervenu dans le respect de l'arrêté préfectoral.
L'employeur produit la 'note DAURES' du 10.10.1990 qui prévoit la situation du salarié dispatcher dont la fonction est considérée comme strictement nécessaire en cas de conflits sociaux, ce salarié pouvant alors être maintenu à son poste de travail pour assurer ses fonctions et, tout en étant gréviste, 'assurer les tâches de maintien de la sûreté et de la sécurité des installations dans les conditions d'exercice normal de leur fonction' ; ce n'est que dans le cas où l'entreprise estime que les agents dans cette position commettraient 'des actions se traduisant par une atteinte à la sûreté du fonctionnement du système électrique' qu'une procédure disciplinaire pourrait être envisagée. C'est à juste titre que le salarié oppose les éléments de cette note à son employeur qui ne l'a pas respectée, sans pour cela contrevenir à une disposition de nature réglementaire dont l'appréciation relèverait de la compétence administrative. Le salarié s'est soumis de son côté aux dispositions qui lui étaient applicables telles qu'elles ont été rappelées dans le cadre de l'instance.
Le salarié qui a bénéficié du rappel de salaire correspondant à sa mise à pied de par le jugement rendu en première instance fait valoir un préjudice moral distinct dont il ne précise pas le contours dans ses écritures alors qu'il sera dédommagé dans la présente décision au titre de la discrimination syndicale. Il convient de rejeter cette demande.
Sur l'indemnisation de repos compensateurs :
Le salarié indique avoir obtenu satisfaction par le paiement, courant 2013, de la somme de 10.035,62 € en avril 2013 ainsi que de 54,04 € en septembre 2013 outre 1.176,84 € au titre des congés payés non pris. Il évoque uniquement, pour solliciter une indemnisation complémentaire, la résistance abusive de son employeur contraint de régulariser sa situation après saisine de la juridiction prud'homale. Dans son message du 20.12.2012 l'employeur fait état du règlement d'un solde de 'RCO'. Le retard dans le règlement de cette créance a nécessairement produit un préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 100 €.
Sur la nouvelle demande de dommages intérêts pour résistance abusive correspondant au manquement de l'employeur au regard de son obligation d'informer le salarié de ses droits acquis en terme de repos compensateur, il est justifié par la SA ELECTRICITE DE FRANCE de ce que [T] [Q] recevait bien de son employeur les annexes aux bulletins de paie concernant les éléments variables du temps de travail, détaillant de manière explicite le solde de repos compensateur ; le salarié n'a pas choisi de remplir le formulaire de demande d'absences prévu à cet effet. La faute de l'employeur n'est dans ces conditions pas démontrée.
Pour le reste, la décision prise en formation de départage doit être là encore approuvée.
Sur le paiement d'heures de délégation syndicale :
Si le syndicat SUD EDF Guyane bénéficie d'heures de délégation accordées globalement à la section mais aussi au délégué syndical, il appartient au salarié de démontrer qu'il a utilisé une partie du crédit d'heures accordé à son syndicat ainsi qu'il le revendique pour janvier et février 2010 : en cela il produit des bordereaux de demandes d'absences au motif 'syndicat' pour la période allant du 19 au 22.01.10, les 28, 29 et 30.01.10 (activité CE), du 02 au 04.02.10 (activités syndicales), du 06 au 08.02.10 (mandat syndical), du 12 au 14.02.10 (activités syndicales) et enfin du 14 au 16.02.10 (activités CE).
Il avait auparavant été dédommagé depuis mai 2008 pour des motifs similaires, ainsi qu'il est mentionné dans les annexes aux bulletins de paie communiquées, sous la rubrique 'section syndicale crédit d'heure autre'.
En effet, les dispositions conventionnelles telles qu'elles sont exposées dans la 'note d'application' du 25.01.11 prévoyaient explicitement que les membres des sections syndicales constituées par les organisations représentatives pouvaient utiliser les crédits d'heures.
Mais [T] [Q] réclame le paiement des heures prises en délégation syndicale au taux des heures supplémentaires alors qu'il ne démontre aucunement avoir exercé son activité syndicale en dehors de son temps de travail, étant précisé que les bulletins de salaire correspondants ne sont pas transmis.
Il doit donc être débouté de ce chef.
Sur les indemnités de service continu ou de panier :
Le jugement des premiers juges a écarté à juste titre la demande formée par le salarié tendant au paiement des indemnités de service continu pour les journées des 19 et 20 avril 2010 et a fait droit à celle relative aux indemnités de panier pour la période allant du 03 au 10.12.09 ; l'employeur a exécuté la décision rendue sur ce point. Le salarié ne produit pas le bulletin de paie correspondant. Il ne démontre pas ne pas avoir été réglé de sa créance et doit donc être débouté de sa demande en paiement et de la demande indemnitaire.
Sur le rappel de salaire du mois de septembre 2010 :
[T] [Q] fait état d'une retenue sur salaire de 535,92 € sur son bulletin de paie de octobre 2010 au titre du mois précédent alors qu'il produit des demandes d'absences pour les 6, 9 et 10 septembre, qui portent le tampon de son employeur et qui sont relatives à des heures de délégation CE ou pour activités CE et syndicales ; il verse aux débats également une réclamation formée par le délégué du personnel le 09.09.10, le tout, sans que la SA ELECTRICITE DE FRANCE justifie de ce que le contingent mensuel attribué au syndicat SUD ait été dépassé.
Le principe de l'utilisation de ces heures de délégation a été précédemment retenu sans qu'il soit besoin pour le salarié de démontrer une qualité de délégué syndical.
Par suite il convient de condamner la SA ELECTRICITE DE FRANCE au paiement de la somme réclamée de 1.080,41 €.
Sur l'indemnisation du temps de pause :
Cette question a été évoquée en réunion des délégués du personnel le 25.02.10, l'employeur se retranchant derrière les dispositions dérogatives du code du travail (article D 3131-1) en raison de la nécessité d'un service continu ; [T] [Q] a rappelé à son employeur dans un courrier du 30.07.10 qu'il exerçait son activité seul en continu sur plus de 6 heures consécutives sans bénéficier d'un temps de pause légal de 20 mn et a réitéré ses prétentions le 24.01.11 ; l'employeur a constaté à deux reprises la réalité de cette problématique sans apporter de réponse précise et complète.
Il est en effet constant que [T] [Q] exerce seul son activité au cours de son quart en continu sur des plages horaires dépassant 6 heures en étant contraint de rester sur place, l'employeur considérant qu'il lui appartient de s'organiser pour ne pas être dérangé pendant 20 mn, afin de pouvoir se restaurer notamment, 'même s'il ne lui est pas totalement possible de s'extraire de l'activité de surveillance'.
Dès lors, et au vu des photos du local de travail communiquées, il y a lieu de dire que durant ces pauses le salarié est resté nécessairement, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, à la disposition de l'employeur qui par suite devait lui rémunérer ces temps au taux des heures supplémentaires puisque venant en sus des heures habituellement effectuées.
Il y a lieu de faire droit à la demande présentée par [T] [Q] respectant la prescription quinquennale soit 15.316,60 €.
Sur le reclassement professionnel :
L'employeur fait observer que le salarié ne prétend plus se comparer à son collègue JL [E] en termes de progression de carrière en relevant que ce dernier détient actuellement un niveau de classification inférieur à celui de [T] [Q]. Ce dernier revendique un avancement 'au choix' sans 'GF supplémentaire puisqu'il est en butée dans le poste qu'il occupe'. Cependant la SA ELECTRICITE DE FRANCE lui oppose, pour justifier de sa situation, son refus de venir se présenter aux entretiens annuels depuis 2009 et son absence de mobilité, alors même que l'emploi de dispatcher correspond à des points 562 une position F et une plage de GF de 9 à 11 et que le salarié est positionné GF 11 NR 175 position F au maximum de ce niveau.
Les prétentions du salarié sur ce point doivent être rejetées ainsi qu'il a été décidé en première instance.
Sur le harcèlement moral et / ou la discrimination syndicale :
La présente décision fait état de manquements de l'employeur vis à vis de son salarié, qui peuvent comme tels laisser présumer un harcèlement moral. Cependant, la SA ELECTRICITE DE FRANCE a répondu à ces faits en faisant valoir pour chacun l'exercice de son pouvoir de direction.
En revanche, la discrimination syndicale est fondée dès lors que l'on constate un défaut d'objectivité dans la gestion de l'employeur vis à vis de son salarié syndiqué qui s'est vu sanctionné disciplinairement à l'occasion de l'exercice normal de son droit de grève, et qui n'a pas été en mesure d'utiliser le crédit d'heures attribué conventionnellement à son organisation syndicale ; enfin le temps de pause du salarié n'a pas été rémunéré régulièrement régalors qu'il l'était pour d'autres salariés,
En réparation du préjudice subi, la SA ELECTRICITE DE FRANCE devra payer au salarié la somme de 20.000 €.
Il serait inéquitable que le salarié ne soit pas défrayé d'une partie des frais exposés non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement contradictoirement :
Confirme partiellement le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Industrie chambre 2 en formation de départage en ce qu'il a :
- annulé la sanction de mise à pied prononcée le 15.01.2010 et condamné en conséquence la SA ELECTRICITE DE FRANCE à payer à [T] [Q] la somme de 7.358,92 € au titre du salaire de mise à pied du 19 janvier au 17 février 2010,
- condamné la SA ELECTRICITE DE FRANCE à payer à [T] [Q] en deniers ou quittance la somme de 232,87 € au titre des indemnités de service continu du 3 au 10 décembre 2009 ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que la SA ELECTRICITE DE FRANCE devait payer à son salarié des heures de délégations syndicales dans la limite du contingent attribué au syndicat Sud Energie Guyane ;
Dit que la SA ELECTRICITE DE FRANCE devait rémunérer [T] [Q] de ses temps de pause ;
Dit que [T] [Q] a subi une discrimination syndicale ;
En conséquence, condamne la SA ELECTRICITE DE FRANCE à payer à [T] [Q] :
- 100 € à titre d'indemnité pour résistance abusive ;
- 1.080,41 €.à titre de rappel de salaire pour le mois de septembre 2010,
- 15.316,60 € au titre de l'indemnisation des temps de pause de 2005 à 2010,
- 20.000 € à titre d'indemnité pour discrimination syndicale,
Dit que les condamnations prononcées et confirmées ayant une nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que les autres condamnations ayant une nature indemnitaire de réparation portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la SA ELECTRICITE DE FRANCE aux entiers dépens et à payer à [T] [Q] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT