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15/01/2016 | FRANCE | N°14/08597

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 15 janvier 2016, 14/08597


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 15 Janvier 2016

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08597

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 13/14336





APPELANT

Monsieur [V] [X]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Sandrine MILON, avocat au barreau de PARIS, toque : K0156 substitué par M

e Simon CLEMENCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0156







INTIMEE

SAS G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

représentée par M. [G] [K] (DRH) en vertu d'un po...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 15 Janvier 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08597

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 13/14336

APPELANT

Monsieur [V] [X]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Sandrine MILON, avocat au barreau de PARIS, toque : K0156 substitué par Me Simon CLEMENCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0156

INTIMEE

SAS G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

représentée par M. [G] [K] (DRH) en vertu d'un pouvoir spécial et Me Catherine BARBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0345 substitué par Me Hélène LAM, avocat au barreau de PARIS, toque : P0345,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [V] [X] né le [Date naissance 1] 1976 a été recruté le 5 juillet 2011 en qualité d'agent d'exploitation pour un emploi d'agent de sécurité, chef de poste par la société NEO SECURITY spécialisée dans la surveillance et le gardiennage moyennant une rémunération horaire de 11,30 euros.

Cette société tombée en liquidation judiciaire en juin 2012, le marché relatif à la surveillance des sites américains auquel était affecté M. [X] a été repris par la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE qui l'informe le 9 août 2012 du transfert de son contrat.

Il est convoqué par lettre datée du 5 mars 2013 à un entretien préalable fixé au 22 mars 2013 et mis à pied à titre conservatoire'; le salarié ne s'est pas rendu à cet entretien et Monsieur [V] [X] est licencié pour faute grave par lettre du 25 mars 2013.

Contestant son licenciement, il saisit le 25 septembre 2013 le conseil de prud'hommes de Paris pour voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes au titre notamment des indemnités légales de rupture et rappel de primes de qualité.

Par jugement en date du 3 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Paris 'a':

- requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse

condamné la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE à payer à Monsieur [V] [X] les sommes suivantes :

- 1.542 euros à titre de mise à pied

- 2.057 euros à titre de préavis

- 205,70 euros à titre de congés payés afférents

- 682,92 euros à titre d'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation. Le jugement a débouté le salarié du surplus de ses demandes et a condamné la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE aux dépens.

Le 25 juillet 2014 Monsieur [V] [X] a interjeté appel de ce jugement notifié le 17 juillet 2014.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffe le 29 octobre 2015, Monsieur [V] [X] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de confirmer les dispositions relatives aux sommes accordées au titre de la mise à pied, du préavis et congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement.

Il demande la réformation du jugement déféré et de condamner l'employeur à lui verser :

- 24.'683,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse

- 154,20 euros au titre des congés payés afférents à la mise à pied conservatoire

- 3.397,50 euros au titre de l'attestation pôle emploi incomplète.

Monsieur [V] [X] demande également à la cour de constater qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et de condamner ce dernier à l'indemniser de son préjudice moral à hauteur de 12.'341,66 euros.

Il sollicite également le paiement de la prime de qualité à hauteur de 1.650 euros outre 165 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi que la somme de 716,62 euros à titre d'heures supplémentaires outre 71,66 euros à titre de congés payés y afférents.

Il demande également la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 170,22 euros au titre du non-paiement de l'indemnité d'habillage et de déshabillage outre 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes soit le 24 septembre 2013.

Par conclusions visées par le greffe le 29 octobre 2015, la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions, de le condamner à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'audience des débats, les parties ont soutenu oralement les écritures susvisées auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

Il convient de rappeler à titre liminaire que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; en cas de doute, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre du 25 mars 2013 énonce les motifs de licenciement de la manière suivante':

« Le 29 janvier 2013 je vous ai écrit par LRAR pour vous demander de bien vouloir nous faire parvenir avant le 28 février :

l'arrêté préfectoral de délivrance votre carte professionnelle

ou, à défaut, tout récépissé récent de demande réalisée auprès des organismes compétents pour la délivrance de cette carte dont la détention est obligatoire pour l'exercice de vos fonctions.

Vous n'êtes pas allé chercher ce courrier recommandé et cette demande vous a été remise en main propre le 20 février 2013.

Pour autant, vous n'avez pas régularisé votre situation au 29 février 2013.

Le 5 mars 2013, je vous ai en conséquence adressé une lettre de convocation à un entretien préalable un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire ; l'entretien était volontairement fixé à une date suffisamment lointaine soit le 22 mars 2013 pour vous permettre de régulariser votre situation dans l'intervalle.

Or je n'ai eu strictement aucune nouvelle de vous jusqu'au 22 mars, date à laquelle vous n'avez pas même jugé utile de vous présenter à l'entretien préalable.

Ce même jour, j'ai en revanche réceptionné un courrier de votre part daté de la veille et aux termes duquel vous expliquiez que vous aviez remis à Madame [X], dès avant le courrier du 29 janvier, une copie du récépissé de demande de carte professionnelle si bien que vous me demandiez de reconsidérer la procédure en cours à votre encontre.

Était joint à votre courrier un récépissé de demande de carte professionnelle datant du mois de mars' 2009

J'avais bien entendu connaissance de l'existence de ce document à votre dossier avant de vous écrire le 29 janvier 2013, mais c'est précisément en raison de l'ancienneté de cette demande et de l'absence de régularisation intervenue à la suite de celle-ci que je vous avais demandé de faire le nécessaire.

Pour votre information, le Conseil National des Activités Privées de Sécurité désormais chargé de délivrer la carte professionnelle s'engage à faire le nécessaire dans les 10 jours suivant la demande, si bien que vous aviez largement le temps de faire le nécessaire pour vous mettre en règle depuis le 29 janvier 2013, sinon depuis le 5 mars.

Contre toute attente, vous n'avez pas jugé utile d'entamer la moindre démarche en ce sens, ce que je regrette et ce qui me contraint à procéder à votre licenciement pour faute grave'.'».

La cour observe que l'employeur auquel le contrat de travail de Monsieur [V] [X] a été transféré était légitime à lui demander de justifier de la délivrance de sa carte professionnelle exigée pour l'exercice des fonctions d'agent de sécurité en vertu de l'article 75 de la loi 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui a modifié l'article 6 de la loi 83-629 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités de sécurité privée, étant précisé que depuis la loi du 14 mars 2011 et le décret du 22 décembre 2011 mettant en place le Conseil National des Activités Privées de Sécurité et ses délégations territoriales permettaient un traitement des nouvelles demandes par ces organismes au fur et à mesure de leur déploiement sur le territoire.

Il est avéré que le salarié n'a pas immédiatement obtempéré à la demande de son employeur, en se contentant de lui envoyer le récépissé de demande de carte professionnelle en date du 24 mars 2009, soit un récépissé ancien autorisant provisoirement le salarié à exercer les fonctions d'agent de sécurité dans l'attente de la délivrance de la carte professionnelle et dont la société était informée pour l'avoir retrouvé dans le dossier du salarié lors de la reprise du marché à la société NEO SECURITY ;

Néanmoins, les courriels échangés par le salarié avec le Conseil National des Activités Privées de Sécurité entre le 8 mars et le 18 mars 2013 démontrent que le salarié a entrepris des démarches pour accélérer le traitement de délivrance de sa carte professionnelle en insistant sur le caractère urgent de cette délivrance pour éviter son licenciement initié par son employeur.

Contrairement à ce qu'indique la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE, le salarié a tenu au courant son employeur de ces démarches puisqu'il lui a écrit le 18 mars 2013 pour lui demander de reporter l'entretien préalable à la semaine suivante; il expliquait à son employeur : « je fais toute réserve quant aux conséquences préjudiciables de la mise à pied que vous avez décidée à mon encontre au prétexte de la non présentation de mon numéro de carte professionnelle.

En effet je vous ai informé que faute d'avoir retrouvé ces éléments dans mes archives personnelles, je les ai réclamés auprès de la préfecture de Seine Saint Denis, puis de la CNAPS, qui, après plusieurs relances devraient me les remettre sous une semaine.

Mais face au harcèlement que je subis (pour ')ce qui n'est qu'un simple problème de régularisation administrative je tiens à rappeler les faits suivants':

d'une part vous n'ignorez pas que c'est la société G4S elle-même qui a déposé en 2009 mon dossier d'obtention de ma carte professionnelle auprès de la préfecture (je vous en ai d'ailleurs présenté le récépissé que G4S m'a remis à cette occasion). Il est donc pour le moins anormal que vous prétendiez au nom de la société G4S n'avoir aucun élément à ce titre';

d'autre part, vous n'ignorez pas non plus que j'ai remis en main propre à votre secrétaire Madame [X] le 25 janvier 2013 à 17H30 (soit avant notre rendez-vous) et ce en présence de Monsieur [B]- l'ensemble des documents attestant de l'obtention de ma carte professionnelle. Cette remise était destinée à obtenir une aide de la part de G4S pour intervenir auprès de la CNAPS et régulariser le plus rapidement possible votre demande.

Pour être complet, je vous rappelle ci-après les documents que Madame [X] a photocopiés':

Récépissé de demande de carte professionnelle 'numéro de dossier': '..deux attestations de réussite''.

Le 20 février 2013, Monsieur [B] m'a effectivement remis une copie de votre lettre où vous notifiez le délai du 28 février 2013 pour me mettre à jour. J'ai bien sur signé la copie et l'ai remise en mains propres à Monsieur [B].

Toutefois je constate que vous avez ignoré l'aide que j'ai sollicitée sans même m'en prévenir, alors que ma démarche en déposant ces documents était au contraire de mettre en pratique la collaboration qui devrait prévaloir entre un employeur et ses collaborateurs.

Au contraire alors que je suis employé dans vos équipes depuis le 4 août 2012 c'est seulement le 25 février 2013 que sous réserve de graves sanctions disciplinaires vous m'apprenez qu'il faille vous remettre ma carte professionnelle avant le 28 février 2013 '.à moins que vos intentions obéissent déjà à un autre but'.» A ce courrier étaient joints les échanges de mail avec le CNAPS notamment en mars 2013.

L'employeur ne peut se prévaloir de ne pas avoir reçu ce courrier recommandé dont il a été avisé le 19 mars 2013 selon mentions postales, dès lors qu'il n'a pas cru devoir retirer ce pli recommandé émanant de son salarié au motif d'un défaut de procuration de ses employés, cette circonstance étant inopposable au salarié qui a prévenu son employeur des démarches en cours et de la régularisation prochaine.

De fait dès le 21 mars 2013, le salarié se voyait délivrer sa carte professionnelle qu'il a adressée à son employeur par pli recommandé le 26 mars 2013 et le même jour par courriel.

Malgré ces informations, l'employeur dans son courrier du 26 mars 2013 a considéré cet envoi tardif comme postérieur à son licenciement notifié le matin même par lettre du 26 mars 2013 et reprochait à son salarié sa désinvolture manifeste pour ne pas s'être rendu à l'entretien préalable et ne pas l'avoir prévenu plus tôt des nouvelles démarches entreprises'; l'employeur indiquait que «'l'extrême désinvolture avec laquelle vous avez accueilli mes demandes et me conforte en conséquence dans ma décision.»

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que si le salarié n'a pas fait montre d'une très grande réactivité aux demandes de son employeur, il a toutefois entrepris des démarches de régularisation de sa situation en 2009, puis en 2013 dont il a averti son employeur peu avant l'entretien préalable du 22 mars 2013 même si l'employeur a de son propre chef ignoré ce courrier qui l'avertissait de ce que la régularisation devait intervenir prochainement et est de fait intervenue le 21 mars 2013 avec une information de l'employeur envoyée le 26 mars 2013.

Les griefs (Le grief)d'absence de démarche n'est donc pas avéré pas plus que ne l'est celui d'absence de carte professionnelle celle-ci datant du 21 mars 2013, soit antérieurement à la notification du licenciement. De ce fait déjà, le licenciement s'avère sans cause réelle et sérieuse.

En outre au vu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, de l'absence d'un quelconque incident professionnel et de la propre passivité relative de l'employeur à exiger de son salarié la régularisation de sa situation quant à la délivrance de la carte professionnelle, la cour considère que la sanction ultime du licenciement est disproportionnée par rapport au manquement du salarié dont le manque de réactivité peut seul être retenu à l'exclusion de toute désinvolture.

La cour confirme le jugement qui a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'absence de cause réelle et sérieuse, le salarié est fondé à obtenir':

-une indemnité compensatrice de préavis exactement fixée à 2.057 euros, montant non critiqué par les parties, outre les congés payés y afférents tels qu'exactement alloués par le jugement confirmé sur ce point.

-un rappel de salaire pour privation indue du salaire pendant la mise en pied conservatoire d'un montant de 1.542 euros, non critiqué par les parties , auquel il convient d'ajouter la somme de 154,20 euros à titre de congés payés comme le soutient à juste titre le salarié';

-une indemnité de licenciement fixée à 682,92 euros, montant non critiqué par les parties';

-des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doivent être fixés en application de l'article L. 1235-5 du code du travail eu égard à l'ancienneté du salarié (21 mois)'; le licenciement sans cause réelle et sérieuse cause nécessairement un préjudice au salarié licencié'et le jugement qui a débouté le salarié de sa demande à ce titre sans aucun motif doit être infirmé';

Eu égard à son ancienneté, à son âge et à sa situation professionnelle dont il justifie (chômage indemnisé pendant quelques mois), son préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 8.227,76 euros, sur la base d'une rémunération mensuelle de 2.056,94 euros non critiquée'; le salarié est débouté du surplus de sa demande faute de justifier de l'ampleur du dommage à la hauteur de la somme qu'il réclame.

Sur l'attestation Pole Emploi

Le salarié indique avoir perdu 90 jours d'indemnités journalières de chômage soit 3.397, 50 euros qu'il réclame en raison des trois mois mis par la société pour compléter l'attestation Pôle Emploi.

Il ressort des échanges de courriels entre M. [X] et la société des 24 et 26 avril 2013 que le reçu pour solde de tout compte n'était toujours pas complet à cette date puisqu'il était prévu un reçu complémentaire'; le courrier adressé le 13 juin 2013 au salarié par Pôle Emploi établit que l'attestation délivrée le 25 mars 2013 par l'employeur était largement incomplète'et qu'elle n'a été complétée qu'après le 27 juin 2013 à la demande du salarié.

Cette remise tardive a causé nécessairement au salarié un préjudice'; ce dernier n'est pas constitué de la perte définitive des allocations chômage dues dont le salarié ne rapporte pas la preuve mais dans le différé de l'indemnisation chômage'; ce préjudice est intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 900 euros'; le salarié est débouté du surplus de sa demande.

Sur le harcèlement moral

L'article 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article 1154-1 du code du travail, en cas de litige le salarié doit établir la matérialité de faits précis et concordants de nature à faire présumer un harcèlement moral à charge par l'employeur ensuite de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et s'expliquent par des éléments objectifs.

En l'espèce, le salarié se prétend victime de harcèlement moral du fait de la tentative de rétrogradation de la part de son nouvel employeur, de la privation de la prime qualité, des modifications intempestives de son planning et d'une atteinte à son honneur dans la mesure où l'employeur a prétendu remettre en cause son aptitude à exercer ses fonctions en l'absence de carte professionnelle.

S'agissant de la prime de qualité mensuelle de 150 euros, elle était expressément prévue par l'avenant du 5 juillet 2011 et régulièrement payée au salarié jusqu'à sa suppression par la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE à compter d'août 2012.

La prime était versée sous réserve que les critères suivants soient réalisés': relationnel client, suivi formation des agents (formations sur site et contractuelles, suivi des procédures sur le site (consigne ponctuelle et générales), tenue du poste et des agents, qualité de l'accueil, suivi du matériel sur site, respect des horaires, de la ponctualité des agents, réactivité face à des situation imprévues. Et le non-respect de l'un des critères au moment de l'entretien avec la cliente entrainait l'amputation de 15% sur la prime contractuelle.

Vainement la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE justifie-t-elle la suppression de cette prime au motif qu'elle était liée à son statut de chef de poste chez un autre client que l'ambassade des Etats Unis ; en effet, tant le contrat de travail que l'avenant du 5 juillet 2011 qui emploient le salarié comme agent de sécurité chef de poste ne réservent la prime à l'activité du salarié chez un client particulier.

Du fait du transfert du contrat de travail de Néo Sécurity, la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE était tenue des avantages contractuels acquis par le salarié comprenant sa prime de qualité; au demeurant le salarié indique n'avoir toujours travaillé que pour l'ambassade des Etats Unis et les conditions demeurées inchangées de son activité après le transfert ouvraient droit à la prime de qualité, alors que l'employeur ne démontre et n'allègue même pas que l'entretien mensuel avec le client aurait conduit à l'amputation de la prime conformément aux prévisions contractuelles.

Le salarié est fondé en sa demande de versement de la prime de qualité due entre août 2012 et avril 2013, sauf à réduire le montant à 1.350 euros pour tenir compte de l'erreur de calcul du salarié, outre la somme de 135 euros au titre des congés payés y afférents.

Le salarié établit par ailleurs que l'employeur lui a présenté un avenant à son contrat de travail qu'il lui demandait de signer au terme duquel il renonçait au libellé d'emploi de chef de poste et à la prime de qualité'et donc au différentiel de salaire correspondant au coefficient 185 de chef de poste et en contrepartie, l'employeur versait une prime de 92,50 euros en 2013 et 2014 avec déduction de l'augmentation indicielle conventionnelle année après année jusqu'à ce que cette prime devienne nulle.

Ce faisant l'employeur a tenté de modifier substantiellement le contrat de travail et de supprimer les avantages contractuels qu'il tenait de son contrat, et ce même si la mention de chef de poste dans le contrat de travail initial et sur les bulletins de paie reçus depuis son embauche était discutable au vu de la grille de classification conventionnelle'qui distingue l'agent de maîtrise et l'agent d'exploitation.

La suppression injustifiée de sa prime mensuelle, suivie d'une tentative de rétrogradation puis de demandes pressantes de sa carte professionnelle sous menace de licenciement caractérisent des agissements de nature répétée de nature à porter atteinte aux droits du salarié et caractérisent un harcèlement moral'; le préjudice causé par ce harcèlement sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 7.500 euros. Le salarié est débouté du surplus de sa demande faute de justifier de l'ampleur du dommage allégué, étant précisé que les modifications de plannings invoquées sont isolées et ouvraient droit à des indemnités spécifiques, en sorte que le salarié ne démontre pas le préjudice en résultant.

Sur les heures supplémentaires

Si le salarié produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées entre octobre 2012 et mars 2013 pour un volume de 45,5 heures et une somme de 716,62 euros, l'employeur établit que le calcul du salarié est erroné comme méconnaissant l'accord de modulation annuelle dès lors que certaines semaines étaient d'une durée supérieure à 35 heures et d'autres inférieures à cette durée, ces durées se compensant sur l'année; le contrat de travail prévoyait ainsi une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures pour tenir compte des variations.

Les tableaux 43 à 47 53 et 24 du salarié qui ne tiennent pas compte de cette modulation non critiquée ne sont pas pertinents.

Au demeurant il n'est pas contesté que le salarié a perçu des rémunérations correspondant aux heures supplémentaires effectuées telles que mentionnées sur plusieurs bulletins de salaires ( décembre 2012, janvier et février 2013 notamment) et un reçu pour solde de tout compte complémentaire en date du 13 mai 2013 faisant apparaître des heures supplémentaires à hauteur de 1.112, 81 euros dans le cadre de la modulation annuelle, somme de nature à démontrer que le salarié a été entièrement rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires.

Sa demande en paiement nouvelle en appel est rejetée comme non fondée.

Sur l'indemnité pour temps d'habillage et de déshabillage

Les bulletins de paie produits par l'employeur montrent que contrairement à ce que soutient à tort le salarié il a continué à percevoir sa prime d'habillage et de déshabillage en sorte que le salarié rempli de ses droits à ce titre doit être débouté de sa demande.

Sur les autres demandes

Conformément aux articles 1153 et 1153-1, les intérêts au taux légal courront à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation s'agissant des créances salariales et à compter de l'arrêt s'agissant des créances indemnitaires.

L'issue du litige commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et d'y ajouter la condamnation de la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE qui succombe largement en ses prétentions aux dépens d'appel.

L'équité commande de condamner la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE à payer à Monsieur [V] [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter l'employeur de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu'il a écarté la faute grave et a condamné la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE à une indemnité de préavis avec congés payés, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire au titre de la mise à pied, avec intérêts au taux légal et aux dépens,

L'infirmant sur le surplus et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [V] [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE à payer à Monsieur [V] [X] les sommes suivantes':

- 154,20 euros à titre de congés payés afférents à la mise à pied conservatoire,

- 1'.350 euros au titre de la prime de qualité outre 135 euros au titre des congés payés afférents

Les dites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2013,

- 8.227,76 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 900 euros à titre de dommages intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi

- 7.500 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral

Les dites sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt

Déboute Monsieur [V] [X] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et d'indemnité pour temps d'habillage et déshabillage,

Condamne la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE à payer à la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société G4S SECURE SOLUTIONS FRANCE aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/08597
Date de la décision : 15/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/08597 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-15;14.08597 ?
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