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14/01/2016 | FRANCE | N°13/23595

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 14 janvier 2016, 13/23595


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 JANVIER 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23595



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 09/03795





APPELANTS



Madame [P] [K] [D] épouse [W]

Née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 1]
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[Adresse 5]



Représentée et ayant pour avocat plaidant, Me Annick LUCAS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0839



Monsieur [T] [W]

Né le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 3]

...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 JANVIER 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23595

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 09/03795

APPELANTS

Madame [P] [K] [D] épouse [W]

Née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée et ayant pour avocat plaidant, Me Annick LUCAS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0839

Monsieur [T] [W]

Né le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée et ayant pour avocat plaidant, Me Annick LUCAS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0839

Mademoiselle [H] [W]

Née le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée et ayant pour avocat plaidant, Me Annick LUCAS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0839

INTIMÉE

BARCLAYS BANK PLC

RCS PARIS sous le n°381. 066. 281

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentée et ayant pour avocat plaidant, Me Henri DE LANGLE de la SELARL HENRI DE LANGLE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0663

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [C] [W]

Né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représenté et ayant pour avocat plaidant, Me Didier SALLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0924

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Par jugement rendu le 22 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action concernant les virements intervenus le 13 juin 2008, débouté Madame [P] [W], [T] [W] et [H] [W] de l'ensemble de leurs demandes, débouté la société BARCLAYS BANK de sa demande d'indemnisation au titre du caractère abusif de la procédure, condamné Madame [P] [W] et [T] [W] à payer à la société BARCLAYS BANK la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné Madame [P] [W], [T] [W] et [H] [W] aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 9 décembre 2013, Madame [P] [W], [T] [W] et [H] [W] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2015, Madame [P] [W], [T] [W] et [H] [W] demandent à la Cour :

- de déclarer leur appel recevable et bien fondé,

- de réformer le jugement et statuant à nouveau,

- de dire qu'il résulte de la volonté des parties que Monsieur [C] [W] et Madame [P] [W] ont fait à leurs enfants mineurs une donation de titres en nue-propriété en se réservant l'usufruit et que par suite de la vente de ces titres, les sommes d'argent ont été déposées sur des comptes démembrés en nue-propriété/usufruit afin de respecter les conditions de la donation,

- en conséquence de constater que les usufruitiers ne disposaient pas d'un quasi-usufruit,

- de dire que la responsabilité de la société BARCLAYS BANK est engagée à raison des fautes commises dans la gestion des comptes ouverts au nom de [T] [W] et de [H] [W], notamment en ce qu'elle a procédé à des virements sans ordres, au mépris des règles de fonctionnement applicables à ces comptes, et a failli à son obligation de surveiller les comptes,

- de débouter la société BARCLAYS BANK de l'ensemble de ses demandes,

- de dire que la société BARCLAYS BANK est tenue de réparer les conséquences dommageables résultant des fautes commises,

- de condamner la société BARCLAYS BANK à payer à [H] [W] la somme de 600.000 euros représentant le montant des sommes indûment retirées des comptes n°'574.05670101 et n°574.056 70102,

- de condamner la société BARCLAYS BANK à payer à [T] [W] la somme de 600.000 euros représentant le montant des sommes indûment retirées des comptes n°'574.05550101 et n°574.05550102,

- de dire que les condamnations seront productives des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- de condamner la société BARCLAYS BANK à payer à Madame [P] [W] la somme de 60.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause la privation de ses droits d'usufruitière,

- de condamner la société BARCLAYS BANK à payer solidairement à Madame [P] [W], [T] [W] et [H] [W] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la société BARCLAYS BANK aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures signifiées le 28 septembre 2015, la société BARCLAYS BANK demande à la Cour :

- de la recevoir en son appel provoqué,

- in limine litis :

- de dire que la demande formée par [H] [W] et [T] [W] s'analyse en une demande de restitution par les usufruitiers d'une nue propriété dont le fait générateur n'est pas né, l'usufruit n'étant pas fini,

- en conséquence de juger leurs demandes irrecevables,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré non prescrites les contestations portant sur les deux virements de 300.000 euros chacun opérés le 12 juin 2008 sur le compte de [T] [W] et statuant à nouveau,

- de dire que [T] [W] a expressément renoncé au droit d'agir postérieurement au 30 août 2008 et que sa première contestation est du 25 octobre 2008,

- de juger que [T] [W] est dépourvu du droit d'agir et juger ses demandes irrecevables en ce qu'elles portent sur une somme d'argent en nue-propriété de 600.000'euros et juger que Madame [P] [W] est en conséquence dépourvue du droit d'agir et juger ses demandes irrecevables en ce qu'elles portent sur les éventuels fruits de fruits de la somme d'argent en usufruit de 200.000 euros,

- à titre subsidiaire:

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de dire que les virements critiqués sont réguliers en ce qu'ils ont été ordonnés par les quasi-usufruitiers des comptes et surabondamment par les administrateurs légaux, s'agissant de [H] [W] et superfétatoirement par un mandataire titulaire d'une procuration s'agissant de [T] [W],

- de dire que la banque n'a manqué à aucun devoir d'information, de conseil, de vigilance ou de surveillance,

- en conséquence de confirmer le jugement et de débouter [H] [W], [T] [W] et Madame [P] [W] de l'ensemble de leurs demandes,

- très subsidiairement :

- de dire que la banque, tiers au sens de l'article 455 alinéa 3 du Code civil, ne peut être garant de l'emploi des fonds,

- en conséquence de débouter Monsieur [C] [W], Madame [P] [W], [H] [W] et [T] [W] de l'ensemble de leurs demandes,

- encore plus subsidiairement :

- de dire que seule la responsabilité de Madame [P] [W] et de Monsieur [C] [W] peut être recherchée en leur qualité d'usufruitiers,

- dire que seule la responsabilité de Madame [P] [W] et de Monsieur [C] [W] peut être recherchée en leur qualité de représentants légaux de [H] [W],

- en conséquence de débouter [H] [W] et [T] [W] de leurs demandes,

- à titre infiniment subsidiaire :

- si par extraordinaire le tribunal estimait qu'un préjudice réparable serait survenu et lui serait imputable, de dire qu'il serait la conséquence directe des ordres donnés par Monsieur [C] [W] et Madame [P] [W] et de les condamner solidairement à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- en tout état de cause :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré non prescrites les contestations portant sur les deux virements de 300.000 euros chacun opérés le 12 juin 2008 sur le compte de [T] [W],

- de débouter Monsieur [C] [W], Madame [P] [W], [H] [W] et [T] [W] de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner solidairement Monsieur [C] [W], Madame [P] [W], [H] [W] et [T] [W] à payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 juillet 2014, Monsieur [C] [W] demande à la Cour :

- de débouter la société BARCLAYS BANK de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la société BARCLAYS BANK à payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

SUR CE

Considérant que Monsieur [C] [W] et Madame [P] [D], épouse [W], ont effectué en mars 2001 au profit de leurs deux enfants alors mineurs, [T] [W], né le [Date naissance 3] 1989 et [H] [W], née le [Date naissance 1] 1993, des donations d'actions de la société créée en 1989 par Monsieur [C] [W] ; que ces donations ont été effectuées en nue-propriété avec réserve d'usufruit et ont été évaluées, pour les besoins des déclarations fiscales de dons manuels, à la somme de 2.000.000 francs s'agissant des donations du père à chacun de ses enfants et à la somme de 1.000.000 francs s'agissant des donations de la mère à chacun de ses enfants ;

Considérant qu'en 2003 et 2004, quatre comptes ont été ouverts dans les livres de la société ING SECURITIES BANK, aux droits de laquelle vient la société BARCLAYS BANK : deux comptes démembrés en nue-propriété et usufruit pour chaque enfant, avec respectivement le père et la mère pour usufruitier, chacun des deux enfants disposant de la somme de 400.000 euros sur les comptes dont le père était usufruitier et de 200.000 euros sur les comptes dont la mère était usufruitière ;

Considérant que Madame [P] [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [H] [W], et [T] [W], estimant que la société BARCLAYS BANK avait commis des fautes dans la gestion de ces comptes démembrés, ont fait assigner, par acte d'huissier de justice du 27 février 2009, la société BARCLAYS BANK devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ;

Considérant que par acte d'huissier de justice du 21 juillet 2009, la société BARCLAYS BANK a fait assigner Monsieur [C] [W] pour obtenir sa condamnation à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle ; que les deux affaires ont été jointes et que c'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu ;

Considérant qu'en réponse aux fins de non recevoir invoquées par la banque, les appelants soutiennent que l'action tend à établir l'existence de fautes engageant la responsabilité de la société BARCLAYS BANK et qu'ils ont intérêt à agir; que sur la prescription, ils indiquent que le défaut d'observation dans le délai de deux mois de l'envoi des relevés bancaires n'entraîne pas renonciation à rechercher la responsabilité de la banque;

Que sur le fond, ils reprochent à la banque des fautes dans la gestion des comptes démembrés en prétendant qu'elle a commis un manquement au devoir de surveillance des comptes ; qu'ils expliquent que les fonds ont pour origine les donations d'actions de la société ETIC, que les actions sont exclues du domaine du quasi-usufruit invoqué par la banque, qu'il s'agit d'un usufruit conventionnel, que la société BARCLAYS BANK n'a pas respecté la destination des sommes déposées sur les comptes, que Monsieur [C] [W] effectuait des actes de disposition et que l'attention de la société BARCLAYS BANK aurait du être alertée par les virements opérés depuis les comptes de [T] [W] et de [H] [W] vers les comptes de leur père ; qu'ils allèguent aussi que la société BARCLAYS BANK devait vérifié les pouvoirs du donneur d'ordre, que Monsieur [C] [W] n'agissait pas au nom de Madame [P] [W], qu'il ne disposait en qualité d'usufruitier ou d'administrateur légal d'aucun pouvoir de disposition; qu'ils allèguent que la société BARCLAYS BANK ne pouvait ignorer que les ordres de virement exécutés au profit de Monsieur [C] [W] avaient pour objet d'augmenter la couverture nécessaire sur les marchés boursiers et que ces ordres étaient sans lien avec les pouvoirs d'administrateur légal, que des opérations ont été effectuées sans ordre de Madame [P] [W], même sur les comptes dont elle avait l'usufruit, et que l'autorisation temporaire du 12 juin 2008 ne peut valoir instruction de procéder aux virements du 20 mai 2008 ; qu'ils estiment par ailleurs que la société BARCLAYS BANK a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de Madame [P] [W], de Monsieur [C] [W] et de [T] [W] devenu majeur en ne l'informant de la portée de la procuration donnée à son père ;

Considérant qu'en réponse, la société BARCLAYS BANK fait valoir in limine litis que la demande formée par [H] [W] et [T] [W] s'analyse en une demande de restitution par les usufruitiers d'une nue propriété dont le fait générateur n'est pas né, l'usufruit n'étant pas fini, en application de l'article 587 du Code civil ; que les contestations portant sur les deux virements de 300.000 euros chacun opérés le 12 ou 13 juin 2008 sur le compte de [T] [W] sont irrecevables faute de droit d'agir, en l'absence de contestation dans le délai de deux mois prévu par le contrat, la première contestation étant du 25 octobre 2008 ;

Que subsidiairement sur le fond, elle prétend qu'elle n'a commis aucune faute concernant le devoir de vigilance, que seules les anomalies apparentes ne peuvent échapper au professionnel normalement diligent, que les trois virements reprochés sont réguliers, puisque Monsieur [C] [W] et Madame [P] [W] avaient le pouvoir de les ordonner :

- en vertu de leur qualité d'usufruitiers, en application de l'article 587 du Code civil in fine, puisque l'usufruitier a le droit de se servir de la somme d'argent à charge de le rendre à la fin de l'usufruit et qu'en pratique Monsieur [C] [W] et Madame [P] [W] ont systématiquement prélevé des fonds sur les comptes litigieux avant de reconstituer la contre valeur dans des délais variables, sauf pour les derniers ordres,

- en vertu de leurs qualité d'administrateurs légaux s'agissant de [H] [W] ;

- en vertu, pour Monsieur [C] [W], de sa qualité de mandataire de [T] [W] s'agissant des virements opérés sur ces comptes, ce dernier ayant le 23 juin 2008 régularisé la procuration donnée à son père ;

Qu'elle considère qu'elle n'a pas commis de manquement au devoir d'information et de conseil ; qu'elle ajoute que Madame [P] [W] est elle-même une professionnelle de la banque et que la procuration donnée par [T] [W] est claire et explicite ; qu'enfin elle mentionne que le préjudice n'est pas né et actuel et n'est qu'éventuel, qu'il n'est au surplus pas justifié ;

Considérant que la société BARCLAYS BANK soutient en premier lieu que les demandes de [T] [W] et [H] [W] sont irrecevables faute d'intérêt à agir ; qu'elle estime que la demande formée par [H] [W] et [T] [W] s'analyse en une demande de restitution par les usufruitiers d'une nue propriété dont le fait générateur n'est pas né, puisque l'usufruit n'est pas fini, en application de l'article 587 du Code civil ;

Considérant que les appelants recherchent la responsabilité de la société BARCLAYS BANK pour des manquements à ses obligations contractuelles concernant les comptes dont ils sont titulaires ;

Considérant qu'ils justifient ainsi avoir un intérêt à agir et que la fin de non recevoir invoquée par la société BARCLAYS BANK pour ce motif doit être rejetée ;

Considérant que la société BARCLAYS BANK prétend en second lieu que les contestations portant sur les deux virements de 300.000 euros chacun opérés le 13 juin 2008 sur le compte de [T] [W] sont irrecevables, en l'absence de contestation dans le délai de deux mois prévu par le contrat ;

Considérant qu'elle se fonde sur les relevés de compte qui comportent la mention suivante: 'le présent relevé retrace les opérations passées à votre compte sauf erreur ou omission. Sans observation de votre part dans un délai de deux mois, nous considérerons que vous avez approuvé le présent document ainsi que le solde qui en résulte' ;

Considérant cependant que le défaut d'observation dans le délai de deux mois de l'envoi des relevés bancaires n'entraîne pas renonciation du titulaire du compte à rechercher la responsabilité de la banque pour des fautes contractuelles ;

Considérant que les demandes concernant les deux virements de 300.000 euros opérés le 13 juin 2008, formulées dans l'assignation du 27 février 2009, ne sont donc pas prescrites et que la demande de la société BARCLAYS BANK d'irrecevabilité de ces prétentions doit être rejetée ;

Considérant que sur le fond, les appelants reprochent à la société BARCLAYS BANK des fautes dans la surveillance des comptes démembrés ; qu'ils font grief au tribunal d'avoir jugé que les usufruitiers disposaient d'un quasi-usufruit et d'avoir méconnu la nature des donations faites en mars 2001;

Considérant qu'aux termes de l'article 587 du Code civil,'si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution' ;

Considérant que les appelants versent aux débats les déclarations fiscales de dons manuels faites le 16 février 2001 et enregistrées le 15 mars 2001:

- par Madame [P] [W] au profit de [T] [W] de la nue propriété de 200 actions de la société ETIC, évaluée à 500.000 francs,

- par Madame [P] [W] au profit de [H] [W] de la nue propriété de 200 actions de la société ETIC, évaluée à 500.000 francs,

- par Monsieur [C] [W] au profit de [T] [W] de la nue propriété de 400 actions de la société ETIC, évaluée à 1.000.000 francs,

- par Monsieur [C] [W] au profit de [H] [W] de la nue propriété de 400 actions de la société ETIC, évaluée à 1.000.000 francs ;

Considérant que les comptes dont [T] [W] et [H] [W] sont nus propriétaires et Monsieur [C] [W] usufruitier ont été ouverts le 3 novembre 2003 auprès de la banque ING SECURITIES BANK, que le même jour, il a été demandé le transfert du portefeuille du CREDIT LYONNAIS à la banque ING SECURITIES BANK et que le 27 janvier 2004 un 'virement [W]' de 300.000 euros a été fait sur chacun des deux comptes ;

Considérant que les deux comptes dont [T] [W] et [H] [W] sont nus propriétaires et Madame [P] [W] usufruitière ont été ouverts le 1er juillet 2004 et qu'un ordre de transfert du 1/3 du portefeuille provenant des comptes dont Monsieur [C] [W] était usufruitier a été donné le même jour ;

Considérant que les appelants ne donnent aucune précision sur les actions de la société ETIC données en nue propriété et qu'ils ne peuvent tirer argument de ces dons manuels en nue propriété de valeurs mobilières en février 2001 pour démontrer que les fonds déposés sur les comptes démembrés ouverts en novembre 2003 et juillet 2004 proviennent de la vente de ces actions de la société ETIC ;

Considérant qu'il ressort des relevés de ces quatre comptes qu'au cours des années 2006 à 2008, ces comptes ont fait l'objet de mouvements de débits pour alimenter principalement le compte personnel de Monsieur [C] [W], mais également pour faire des placements sur des comptes à terme, et que les fonds débités étaient systématiquement compensés par des mouvements au crédit, jusqu'en mai 2008 ;

Considérant que ces mouvements n'ont pas fait l'objet de contestation à l'époque par les appelants et qu'ils ne sont pas non plus critiqués dans leurs écritures ; que l'usage ainsi fait des fonds par Madame [P] [W] et Monsieur [C] [W] montre qu'ils se sont comportés comme des quasi-usufruitiers ;

Considérant dans ces conditions que les appelants ne justifient pas que la volonté des usufruitiers lors de l'ouverture des comptes le 3 novembre 2003 et le 1er juillet 2004 était le seul remploi des actions de la société ETIC ;

Considérant qu'à défaut d'établir que l'usufruit des comptes porte sur des actions, ils sont mal fondés à prétendre que les usufruitiers ne disposaient pas en l'espèce d'un quasi-usufruit ;

Considérant qu'en application de l'article 587 du Code civil, dans le cadre du quasi-usufruit, l'usufruitier peut utiliser les sommes déposées sur le compte, à charge de les restituer au nu-propriétaire au terme de l'usufruit ;

Considérant que Madame [P] [W] et Monsieur [C] [W] pouvaient donc se faire remettre les fonds disponibles sur les comptes dont ils étaient respectivement usufruitiers ;

Considérant que s'agissant des comptes dont Monsieur [C] [W] était usufruitier, celui-ci a lui-même donné les ordres de virement au débit de ces comptes, conformément à ses pouvoirs d'usufruitier, notamment l'ordre de virement du 7 octobre 2008 du compte de [H] [W] sur le compte personnel de Monsieur [C] [W], critiqué par les appelants ;

Considérant qu'en raison des opérations habituellement pratiquées, consistant en des virements au profit du compte personnel de Monsieur [C] [W], compensés postérieurement par des virements au profit des comptes démembrés, et en l'absence d'anomalie apparente, la société BARCLAYS BANK qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients, n'a pas commis de manquement à son devoir de surveillance ;

Considérant que s'agissant des comptes dont Madame [P] [W] était usufruitière, les appelants reprochent précisément à la société BARCLAYS BANK l'absence d'instruction donnée par Madame [P] [W] concernant deux virements du 20 mai 2008 destinés à transférer les sommes de 200.000 euros vers les comptes dont Monsieur [C] [W] était usufruitier ;

Considérant que ces deux virements ont été effectués à la demande de Monsieur [C] [W] et sans ordre écrit de Madame [P] [W] ; qu'il n'est pas contesté qu'il en avait été de même pour les opérations réalisées de 2006 à mars 2008 sur ces deux comptes et qui n'ont pas été contestées par Madame [P] [W] ;

Considérant que les appelants versent aux débats le courriel adressé le 12 juin 2008 à la banque par Madame [P] [W] dans les termes suivants : 'je vous confirme mon accord pour le virement de 2 fois 300.000 euros des comptes de [H] [W] et [T] [W] vers le compte de [C] [W], à titre provisoire et pour servir de couverture aux opérations initiées par [C] [W]' ;

Considérant que cet accord écrit, donné moins d'un mois après les virements du 20 mai 2008, vient confirmer que Madame [P] [W] a, de manière certaine, ratifié les deux précédents virements effectués sur les comptes dont elle était usufruitière;

Considérant dans ces conditions qu'il est établi que Monsieur [C] [W] a donné les ordres de virement du 20 mai 2008, avec l'accord de Madame [P] [W] et qu'il a ainsi agi en vertu d'un mandat tacite de son épouse ;

Considérant que les virements ont été régulièrement effectués dans le cadre des pouvoirs de quasi-usufruitiers de Monsieur [C] [W] et Madame [P] [W] et que les appelants ne démontrent donc pas que la société BARCLAYS BANK a commis une faute en exécutant les virements litigieux ;

Considérant que les appelants invoquent aussi un manquement de la société BARCLAYS BANK à ses obligations d'information et de conseil à leur égard ;

Considérant que Madame [P] [W] prétend qu'elle n'aurait pas été informée du motif du virement au profit de Monsieur [C] [W], mais qu'elle a expressément autorisé ce virement le 12 juin 2008 ;

Considérant en outre que Madame [P] [W] était 'chargée d'affaires banques et institutions financières' dans la société NATIXIS ASSET MANAGEMENT et qu'elle n'établit pas que la société BARCLAYS BANK a manqué à ses obligations d'information ou de conseil à son égard, tant en sa qualité d'usufruitière, qu'en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure ;

Considérant qu'il est encore reproché par [T] [W] à la banque de ne pas l'avoir informé de la portée de la procuration donnée à son père ;

Considérant que par acte du 23 juin 2008, [T] [W] a signé une procuration au profit de Monsieur [C] [W], de faire fonctionner le ou les comptes titres ou espèces ouverts à son nom et que cet acte comporte une description détaillée et précise des pouvoirs conférés dans le cadre de cette procuration, de sorte que [T] [W] ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir été informé de la portée de cette procuration ;

Considérant en conséquence que les appelants doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société BARCLAYS BANK et que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que la demande subsidiaire de la banque à l'encontre de Monsieur [C] [W] est dès lors sans objet ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Considérant que les appelants, ainsi que Monsieur [C] [W], qui succombent, supporteront leurs frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BARCLAYS BANK les frais non compris dans les dépens, exposés en appel et qu'il convient de condamner solidairement Madame [P] [W], [T] [W], [H] [W] et Monsieur [C] [W] à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne solidairement Madame [P] [W], [T] [W], [H] [W] et Monsieur [C] [W] à payer à la société BARCLAYS BANK la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne solidairement Madame [P] [W], [T] [W], [H] [W] et Monsieur [C] [W] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/23595
Date de la décision : 14/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/23595 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-14;13.23595 ?
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