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14/01/2016 | FRANCE | N°13/04340

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 14 janvier 2016, 13/04340


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 14 Janvier 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04340

13/04388

13/05778

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX section RG n° F09/00989





APPELANTE

SAS NESTLE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représ

entée par Me Anne-bénédicte VOLOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Mohamed CHERIF, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020







INTIME

Monsieur [H] [Q]

Chez M. et ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 14 Janvier 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04340

13/04388

13/05778

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX section RG n° F09/00989

APPELANTE

SAS NESTLE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Anne-bénédicte VOLOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Mohamed CHERIF, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIME

Monsieur [H] [Q]

Chez M. et Mme [V] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Pierre REYNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1685

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

M. Bruno BLANC, Conseiller

M. Philippe MICHEL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, délibéré prorogé ce jour

- signé par Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [H] [Q] a été engagé le 13 juin 1996 en qualité de Responsable de secteur, statut VRP par la SAS NESTLE FRANCE, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, avec reprise de son ancienneté au 19 septembre 1994, pour un salaire mensuel composé à partir du 1er novembre 1998 d'un fixe de 9.750 F augmenté d'une prime d'ancienneté et d'une rémunération variable, soit un salaire mensuel moyen de 3.752 € brut dans les derniers état des relations contractuelles régies au sein de la SAS NESTLE FRANCE qui compte plus de onze salariés des relations contractuelles par la convention collective de l'industrie laitière et de la chocolaterie-confiseries-confiseries (FNIL) exclusive du statut VRP.

A compter du 1er novembre 1998, M. [Q] qui exerçait précédemment ses activités sur le Finistère, a été rattaché à la force de vente du secteur France NORD, couvrant pour partie les départements des Yvelines et du Val d'Oise.

En 2008, l'employeur a procédé à la requalification du poste de M. [Q] en "responsable de secteur - agent de maîtrise".

Convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement le 28 mai 2009, M. [Q] a fait l'objet le 29 juin 2009 d'un avertissement.

M. [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de MEAUX le 29 juillet 2009, aux fins d'annulation de l'avertissement notifié le 29 juin 2009.

M. [Q] était placé en arrêt maladie par son médecin traitant du 29 octobre 2009 au 8 mai 2010, date à laquelle il bénéficia d'une reprise d'activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, avant d'être placé en arrêt maladie par son médecin traitant à compter du 18 février 2011.

M. [Q] a fait l'objet le 24 février 2011 d'une convocation à un entretien préalable retournée à l'employeur comme n'ayant pas été retirée.

Après le retour d'une seconde convocation adressée par voie recommandée le 21 mars 2011,la société NESTLE FRANCE adressait le 1er avril 2011 à M. [Q] un courrier par Chronopost, l'invitant à fournir, avant le 7 avril 2011, ses explications écrites sur les faits qui lui étaient reprochés.

M. [Q] a été licencié par lettre du 11 avril 2011 pour faute grave constituée par la déclaration mensongère de visites d'hypermarchés de son secteur, non visités depuis plusieurs mois.

Le 28 juin 2011, dans le cadre d'une seconde procédure, ultérieurement jointe à la procédure initiale, M. [Q] saisissait le Conseil de prud'hommes de MEAUX aux fins notamment de faire juger que le licenciement intervenu le 11 avril 2011 était dénué de cause réelle et sérieuse et faire condamner la société NESTLE FRANCE à lui payer avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation, application faite de l'article 1154 du Code civl :

- 45.000 € en réparation du préjudice moral et du harcèlement moral subi ;

- 26.920,47 € au titre de rappel de salaire (garantie maintien de salaire sur la période de janvier à mars 2010) ;

- 2.692,04 € au titre des congés payés afférents ;

- 25.512 € au titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- en application du principe à travail égal-salaire égal :

- 123.349,49 € au titre de rappel de salaire pour période de juillet 2004 à avril 2011 ;

- 12.334,94 € au titre des congés payés afférents ;

- 2.839,06 € au titre de rappel sur l'intéressement ;

- 12.661,20 € au titre de rappel sur la participation ;

- 115.546,89 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

- 7.884 € à titre d'indemnité pour utilisation d'un bureau à domicile ;

-1.659,60 € au titre de la restitution de versements indus concernant le véhicule de fonction ;

- 60.032 € à titre d'indemnité pour rupture abusive ;

- 11.256 € à titre d'indemnité de préavis ;

- 1.125,60 € au titre des congés payés afférents ;

- 24.763,20 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 22.400 € au titre de la perte d'usage d'un véhicule ;

Outre l'exécution provisoire, M. [Q] demandait au Conseil de prud'hommes de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour est saisie de l'appel partiel de la société NESTLE FRANCE limité au licenciement abusif et de l'appel partiel de M. [Q] contre le jugement de départage du Conseil de prud'hommes de MEAUX en date du 29 mars 2013 qui a annulé l'avertissement du 29 juin 2009 et déclaré le licenciement de M. [Q] dépourvu de cause réelle et sérieuse pour condamner la société NESTLE FRANCE à lui payer :

- 60.032 € à titre d'indemnité pour rupture abusive ;

- 11.256 € à titre d'indemnité de préavis ;

- 1.125,60 € au titre des congés payés afférents ;

- 12.292,50 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 900 € au titre de la perte d'usage d'un véhicule ;

- 2.650 € à titre d'indemnité pour utilisation d'un bureau à domicile ;

Le Conseil des prud'hommes de MEAUX a par ailleurs ordonné l'exécution provisoire, alloué 1.000 € à M. [Q] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et l'a débouté le salarié du surplus de ces demandes.

Vu les écritures du 29 octobre 2015 au soutien des observations orales par lesquelles la société NESTLE FRANCE demande à la cour de :

- Constater que M. [Q] s'est rendu coupable d'un manquement grave,

- Constater que M. [Q] ne remplit plus les conditions légales pour se prévaloir du statut de VRP,

- Constater qu'il ne rapporte pas la preuve de faits susceptibles de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral,

- Constater qu'il ne démontre pas avoir été victime d'une violation du principe à travail égal, salaire égal,

- Constater qu'il ne rapporte pas la preuve de faits susceptibles de laisser supposer l'existence d'une discrimination syndicale,

- Constater que rien ne justifie l'octroi d'une indemnisation pour utilisation professionnelle du

domicile personnel,

- Constater que rien ne justifie le remboursement des diverses sommes dont M. [Q] sollicite le remboursement,

- Constater que M. [Q] a été rempli de l'intégralité de ses droits au titre de son maintien de salaire et de son indemnisation maladie,

- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

'condamné la société NESTLE France à payer à M. [Q] les sommes suivantes :

- 60.032 € au titre d'indemnité de rupture abusive du contrat de travail,

- 11.256 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.125,60 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 12.292,50 € au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 900 € au titre de la perte d'usage d'un véhicule,

- 2.650 € à titre d'indemnité pour utilisation d'un bureau à domicile,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la société NESTLE France aux entiers dépens,

' ordonné à la société NESTLE France de remboursés aux organismes concernés l'équivalent

d'un mois d'allocations chômage perçues par M. [Q].

- Constater la libération de la somme de 30.000 € consignée actuellement à la caisse des dépôts et consignation

- Débouter M. [Q] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

- Condamner M. [Q] à lui régler la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures du 29 octobre 2015 au soutien de ses observations orales au terme desquelles M. [Q] demande à la cour d'annuler l'avertissement du 29 juin 2009 et de juger que le licenciement intervenu le 11 avril 2011 était dénué de cause réelle et sérieuse pour faire condamner la société NESTLE FRANCE à lui payer avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation, application faite de l'article 1154 du Code civil :

- 45.000 € en réparation du préjudice moral et du harcèlement moral subi ;

- 26.920,47 € au titre de rappel de salaire (garantie maintien de salaire sur la période de janvier à mars 2010) ;

- 2.692,04 € au titre des congés payés afférents ;

- 25.512 € au titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- en application du principe à travail égal-salaire égal :

- 123.349,49 € au titre de rappel de salaire pour période de juillet 2004 à avril 2011 ;

- 12.334,94 € au titre des congés payés afférents ;

- 2.839,06 € au titre de rappel sur l'intéressement ;

- 12.661,20 € au titre de rappel sur la participation ;

- 115.546,89 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

- 7.884 € à titre d'indemnité pour utilisation d'un bureau à domicile ;

- 1.659,60 € au titre de la restitution de versements indus concernant le véhicule de fonction ;

- 60.032 € à titre d'indemnité pour rupture abusive ;

- 11.256 € à titre d'indemnité de préavis ;

- 1.125,60 € au titre des congés payés afférents ;

- 24.763,20 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 22.400 € au titre de la perte d'usage d'un véhicule ;

M. [Q] demande en outre à la cour de condamner la société NESTLE FRANCE sous astreinte à lui remettre des bulletins de salaires conformes aux condamnations à intervenir, mentionnant notamment son statut V.R.P. cadre à partir de janvier 2008 et à lui verser 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la jonction des procédures

Les procédures enregistrées sous les numéros RG 13/04340, RG13/04388 et RG 13/05778 concernant le litige opposant M. [Q] à la SAS NESTLE FRANCE, il y a lieu dans le cadre d'une bonne administration de la justice, d'ordonner leur jonction sous le numéro RG 13/04340.

Sur le statut VRP

Quelles que soient ses attributions, un salarié peut se prévaloir de la qualification de représentant de commerce, dès l'instant qu'elle lui a été contractuellement reconnue.

Pour infirmation de la décision entreprise, M. [Q] fait essentiellement valoir que son employeur a modifié ses bulletins de salaire en y portant la mention : "statut A.M." alors qu'avant janvier 2008 ne figurait que la mention " responsable de secteur, niveau 7", induisant une perte du statut de V.R.P. qu'il détenait depuis 1996 et jamais modifié par un quelconque avenant contractuel ou accord d'entreprise.

M. [Q] expose qu'en dépit des termes de son contrat de travail et de ceux des conventions collectives FNIL et ALLIANCE 7 renvoyant les VRP à la convention collective nationale interprofessionnelle du 3 octobre 1975, l'employeur prétend qu'il dépendrait de ces conventions, alors qu'il est titulaire de la carte de V.R.P. exclusif pour NESTLE FRANCE, et par ce biais le rétrograder au statut d'agent de maîtrise.

Pour confirmation, la société NESTLE FRANCE soutient que le statut de VRP ne s'applique qu'aux personnes qui ont une activité de prospection, qui consiste dans la visite d'une clientèle à l'extérieur de l'entreprise dans le but de prendre ou provoquer des ordres et suppose l'existence

d'une zone stable de prospection précisément définie, de sorte que dont le contrat de travail de M. [Q] qui prévoit que la société peut être amenée à modifier le secteur qui lui était initialement défini ou lui demander de prendre un poste dans une autre région ou une autre fonction ne satisfait pas aux conditions du statut, outre que le descriptif de ses missions et responsabilités du responsable de vente démontre qu'il n'exerçait manifestement pas une activité de prospection et ce, nonobstant la référence au statut de VRP figurant dans le contrat de travail.

En l'espèce, dès lors que M. [Q] a été engagé en qualité de VRP et qu'aucun avenant au contrat de travail n'a remis en cause cette qualification, celle-ci ne peut lui être déniée, le changement de secteur opéré en 1998 dans des conditions au demeurant non précisées, et conservé depuis cette date, étant à cet égard indifférent.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réformer la décision entreprise de ce chef, de dire que M. [Q] avait conservé la qualité de VRP, statut cadre relevant de la convention collective nationale interprofessionnelle du 3 octobre 1975 et d'ordonner à l'employeur de remettre à M. [Q] un bulletin de salaire récapitulatif par année rectifié de ce chef dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur l'avertissement

En application des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, par courrier en date du 29 juin 2009, la SAS NESTLE FRANCE a adressé à M. [Q] une lettre d'avertissement ainsi motivée :

' le 7 avril dernier, vous avez refusé de réaliser votre entretien annuel d'activité avec Mme [T] expliquant que vous ne souhaitiez pas échanger sur ce sujet, que vous ne voyez plus votre avenir chez NESTLE et que vous ne trouviez plus d'intérêt dans votre mission... Le 18 mai... vous avez confirmé vos précédents propos, affirmant qu'ils étaient réfléchis, que vous ne vous voyez plus responsable de secteur, que vous n'attendiez plus rien de NESTLE et que votre implication était moindre...Lors de l'entretien préalable, vous avez confirmé l'ensemble de ces propos et indiqué que vous restiez dans le même état d'esprit...'

Par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une juste application de la règle de droit et une exacte appréciation des faits et documents de la cause en retenant au visa des dispositions des articles L 2281-1 et suivants du code du travail que les propos dénoncés par l'employeur et contestés par le salarié l'ont été dans le cadre de l'entretien annuel d'activité de la NESTLE FRANCE, organisé comme un moment d'échange et d'écoute, permettant notamment de préparer les évolutions professionnelles et d'identifier les besoins en développement et en formation, de sorte que l'employeur, après avoir invité M. [Q] à s'exprimer librement au cours de cet entretien, ne peut ensuite prendre une sanction à son encontre au motif qu'il aurait exprimé ses doléances, dès lors qu'il n'est démontré aucune malveillance.

Il y a lieu par conséquent de confirmer l'annulation de l'avertissement du 29 juin 2009.

Sur la rupture :

Si le principe du contradictoire impose aux parties de communiquer à leur adversaire, les observations et leurs pièces à une date antérieure aux débats, suffisamment éloignée pour leur permettre d'en débattre utilement, il ne fait pas obstacle à ce que la partie qui estime qu'une pièce a été communiquée trop tardivement au regard du principe sus-rappelé, en demande le rejet des débats, y compris après l'appel des causes.

En l'espèce, il est établi que la lettre de M. [G] produite par l'employeur sous le numéro 83 a été communiquée à M. [Q] un mois avant l'audience, ce délai étant suffisant pour le salarié pour y répondre et ce, sans que la circonstance qu'elle ne soit pas conforme aux exigences du code de procédure civile ne permette de l'écarter des débats.

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut , à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;

Mais l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ;

Par ailleurs, une sanction déjà prononcée fait obstacle au prononcé d'une seconde sanction pour les mêmes faits ; la première peut être rappelée lors d'un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n'est possible que si elle n'est pas antérieure de plus de trois ans ;

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi motivée:

Suite à notre courrier du 31 mars 2011 (Chronopost XY603827463EE), que vous avez réceptionné le 1er avril 2011, par lequel nous vous exposions les faits qui vous sont reprochés, et n'ayant pas reçu de votre part d'explications dans le délai qui vous était imparti, nous avons Ie regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Nous revenons sur les faits suivants qui justifient la faute grave que nous invoquons. Nous vous avons adressé, le 24 février 2011 par L.R.A.R. (1A 038 225 6450 7), un courrier de convocation à entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement qui nous est revenu non réclamé après le délai postal de 15 jours de mise à disposition.

Nous avons eu connaissance depuis, de votre absence de votre domicile à la date de l'entretien. A cet effet, nous vous avons adressé une seconde convocation, le 21 mars 2011 (1A03B 225 64 69 9) qui nous est également revenue non réclamée, le 8 avril 2011. Or, vous avez confirmé lundi 28 mars 2011, à l'assistante de région votre reprise. si nous avons bien noté que vous étiez en formation sociale et syndicale du 29 au 31 mars 2011.

Aussi, dans la mesure où vous n'êtes pas allé retirer les courriers de convocation que nous vous adressions, nous nous avons été contraints de vous exposer par courrier en date du" 31mars 2011, les faits qui vous sont reprochés, que nous reprenons ci-après :

Vous occupez le poste de Responsable de Secteur GMS depuis le 19 septembre 1994, et plus spécifiquement au sein de la Direction des Ventes HM Sale, depuis février 2007, sur un secteur à très fort potentiel commercial pour l'entreprise (5ème secteur pour l'Epicerie Nestlé, 1er secteur pour la force de vente Hypermarchés Sale, sur la France).

Pour mémoire, sur le secteur dont il a la charge, le Responsable de secteur représente» Nestlé auprès des clients qui lui sont confiés par l'entreprise. ll a la responsabilité du développement des produits Nestlé qu'il présente.

Principalement, ce poste consiste à :

- Assurer et développer la présence de nos produits auprès des Grandes et moyennes surfaces (mettre en oeuvre la politique commerciale en magasin, vendre des optimisations en magasins),

- Mettre en oeuvre et optimiser ta politique merchandising

-Vendre et assurer la mise en place d'opérations promotionnelles en magasins

Après un arrêt maladie de plus de 6 mois, lors de votre retour à votre poste en mi-temps thérapeutique en mai 2010, nous avons aménagé votre activité en vous laissant la responsabilité de 7 Hypermarchés Limitrophes à votre lieu d'habitation sur les 18 que comptent votre secteur, à savoir: Auchan [Localité 1] ; Carrefour [Localité 2] ; Carrefour [Localité 3] ; 2 magasins Leclerc (3600 m2 et 2900 m2) à [Localité 4] ; Leclerc [Localité 5] Leclerc [Localité 6].

Mi janvier 2011, [Z] [G], votre responsable hiérarchique recevait une demande du Chef de département du magasin Leclerc de [Localité 4] de le contacter.

Lors d'un rendez vous le 20 janvier 2011, le Chef du Département Epicerie Sale du magasin Leclerc (3 600 m2), de [Localité 4], informe [Z] [G] qu'il ne vous a pas rencontré depuis plus de 6 mois et lui demande de remédier à la situation. D'autant qu'il attendait la visite du responsable de secteur Nestlé pour organiser l'opération Puériculture 2011, opération promotionnelle majeure pour cette catégorie de magasin en ce début d'année.

Cette absence de visite client se traduisant notamment au travers des taux de présence des produits Nestlé dans ce magasin (DN) et de la part de linéaire en chute en fin d'année 2010

(vs juillet 2010) :

o Taux présence Nutrition Infantile : - 6,2 pts

o Taux présence Culinaires : -16 pts

o Part de Linéaire Nutrition infantile : - 3,3 pts

o Part de Linéaire Culinaires : - 7,4 pts

Et d'une absence constatée par [Z] [G], lors de sa visite au magasin, des produits innovations en Nutrition et Culinaires.

Par ailleurs, vous déclarez sur l'outil de reporting de votre activité (Statigest) des visites à ce magasin (9 en 2010 et 2 en 2011), en totale contradiction avec les affirmations du responsable de rayon.

Dans la prolongation de son rendez vous au Leclerc [Localité 7], [Z] [G] s'est rendu au magasin Auchan de [Localité 1], où il a rencontré la Chef de rayon Epicerie. Celle-ci, l'informe avec beaucoup de mécontentement, que l'opération puériculture a été mise en place sans aucun contact ni support du responsable de secteur Nestlé. Et que l'animatrice en point de vente commandée par Nestlé est arrivée en magasin sans que le magasin ne soit prévenu. Le 14 février 2011, le second de rayon lui confirmait, qu'il ne voyait plus de commercial Nestlé depuis 18 mois.

Pourtant, vous déclarez des visites au magasin d'Auchan [Localité 1] (15 en 2010 et 6 en 2011) Enfin, le responsable alimentaire du magasin Leclerc d'[Localité 5] qui a également demandé à rencontrer un responsable, a confirmé à [Z] [G], le 17 février 2011, lors d'un rendez vous en magasin, qu'il ne vous a pas rencontré depuis au moins six mois. Et que pour l'opération puériculture 2011, n'ayant pas eu de visite de votre part pour le conseiller et l'aider dans sa mise en place, il lui reste du stock qu'il nous demande de considérer au travers d'une nouvelle offre promotionnelle, non prévue pour Nestlé. En tout état de cause. il refuse désormais de vous voir dans son magasin.

La encore, vous déclarez des visites au magasin Leclerc d'[Localité 5] (6 en 2010 et 3 en 2011).

Seule date confirmée par le responsable de rayon du magasin : le 16 février 2011, veille du rendez vous de [Z] [G], il vous a aperçu dans le magasin, mais vous n'êtes pas venu le voir.

Le diagnostic des rayons effectué avec le responsable alimentaire vient confirmer votre absence: le mobilier Aides à la cuisine Nestlé a été démonté, faute de recommandation de votre part. [Z] [G] a du négocier le jour de son rendez-vous une nouvelle implantation linéaire Nestlé ;

Le 7 mars, lors de la visite de préparation de mise en place de ce linéaire, [Z] [G] relevait 40 références Nestlé manquantes au rayon Nutrition infantile ; et 15 références Nestlé manquantes au rayon Culinaires alors que vous déclariez le 16 février 2011 sur votre relevé d'activité un taux de transformation dans ce magasin à 100 %, soit aucune référence manquante.

Ces éléments se trouvent confortes par une absence totale de demande de Publicité au point de vente (PLV) et d'aide merchandising, sur les 7 magasins dont vous avez la responsabilité notamment au titre des opérations puériculture, temps fort au premier trimestre des enseignes Hypermarchés.

Point sur lequel vous avez été relancé par [Z] [G] le 25/01/2011 et sur lequel vous n'avez jamais répondu et, vous avez cessé depuis, par ailleurs, tout contact téléphonique (A l'exception du 16 février où vous avez répondu à son appel au sujet du rapatriement de votre véhicule de fonction immobilise).

Vous n'avez pas répondu a notre courrier du 31 mars 2011 et n'avez donc apporté aucune explication qui nous permette de modifier notre appréciation des faits.

Ainsi, par ces manquements professionnels délibérés et répétés, vous n'avez pas rempli votre obligation contractuelle de visite auprès des clients qui vous sont affectés, et de surcroît, vous avez déclaré à tort des visites que vous n'avez semble t il pas réalisées.

Vous avez ainsi non seulement contrevenu à votre obligation de loyauté à l'égard de la Société, mais également nuit au bon fonctionnement de l'entreprise et porte atteinte à son image et à sa réputation auprès de tiers, et un préjudice financier significatif sur un secteur à fort potentiel commercial pour l'entreprise.

Compte tenu de la gravité de vos agissements et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Par conséquent, j'ai le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Pour infirmation de la décision ayant déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la société NESTLE FRANCE fait essentiellement valoir qu'elle établit à l'encontre de M. [Q] une absence de prospection dans trois magasins, une inexécution de ses obligations contractuelles mais également l'établissement de reporting mensonger sur le logiciel de suivi, induisant une perte de confiance faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Pour confirmation, M. [Q] qui sollicite que la lettre de M. [G] communiquée en pièce 83 tardivement soit écartée des débats, soutient d'une part qu'à les supposer établis les faits concernant le Leclerc de [Localité 4] étaient connus dès le 20 janvier 2011, que l'employeur produit des témoignages indirects en contradiction avec d'autres pièces produites , notamment par lui-même.

En l'espèce, dès lors qu'il est établi que c'est par un courrier recommandé adressé par son employeur le 24 février 2011, que M. [Q] a été convoqué à un premier entretien préalable pour des faits découverts le 21 janvier 2011, ce dernier ne peut se prévaloir d'aucune prescription concernant les griefs articulés à son encontre.

En revanche, ainsi que l'a relevé le premier juge, la faiblesse probatoire des pièces et attestations produites par la société NESTLE FRANCE ne peut être compensée par l'étude non signée qu'elle a elle-même établie concernant le secteur aménagé de M. [Q] à son retour de mi-temps thérapeutique et que ne peut pallier la lettre de M. [G].

A cet égard, le courriel adressé le 21 janvier 2011 par Mme [S], affirmant que le rayon n'avait pas visité depuis deux ans, en ce qu'il ne constitue pas un témoignage direct ne peut être tenu pour probant mais en outre est contredit par la justification par le salarié d'une prise de contact avec l'intéressée sur la période litigieuse, étant observé que ce commercial a été en arrêt maladie un peu plus de sept mois.

Par ailleurs, s'agissant des témoignages rapportés par l'étude diligentée par la société NESTLE FRANCE, les affirmations attribuées en particulier aux salariés du supermarché LECLERC d'[Localité 5] sont contredites par M. [A], agent de maîtrise, du rayon épicerie.

Ainsi l'employeur ne rapporte pas la preuve que M. [Q] dont il n'est pas soutenu qu'il n'aurait pas rempli les objectifs qui lui étaient assignés, aurait frauduleusement renseigné le logiciel sur lequel il reportait l'ensemble de ses visites..

Au surplus, outre le fait que M. [Q] ne rencontrait pas systématiquement les responsables de rayon, il est établi que non seulement sur la période de deux années précédant le mois de janvier 2011, le salarié se trouvait soit en arrêt de travail pour maladie (du 29 octobre 2009 au 7 mai 2010, du 06 septembre 2010 au 19 septembre 2010 puis du 25 octobre 2010 au 7 novembre 2010,) ou placé sous le régime du mi-temps thérapeutique (du 10 mai 2010 au 05 septembre 2010, du 29 septembre 2010 jusqu'au 24 octobre 2010, et à compter du 08 novembre 2010) mais qu'en outre, suite aux recommandations du médecin du travail, il avait été dispensé de fréquenter le magasin AUCHAN [Localité 1], au sein duquel l'implantation se faisait de nuit, de sorte qu'il ne peut sérieusement lui être reproché, comme le fait l'employeur une inexécution de son contrat de travail comme ne remplissant aucune des fonctions pour lesquelles il avait été engagé.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. [Q] est dénué de caractère réel ou sérieux, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise de ce chef.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 16 ans et 7 mois pour un salarié âgé de 38 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, en particulier, de la perte de l'avantage en nature que constituait son véhicule de service, de la difficulté avéré à se remettre en recherche d'emploi et de l'obligation de vendre le bien immobilier dont il ne pouvait plus assumer le remboursement du prêt, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 60.032 €, € à titre de dommages-intérêts . 

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif, pour les sommes non autrement contestées.

En outre, s'agissant de l'usage du véhicule de fonction dont le salarié a été privé pendant la période correspondant à la durée du préavis, l'intéressé est fondé à réclamer une indemnité de 900€ à ce titre.

Il y a lieu dans ces conditions de confirmer la décision entreprise de ces chefs.

Sur le rappel de salaire au titre de la garantie maintien de salaire sur la période de janvier 2010 à mars 2011 :

Pour infirmation de la décision entreprise de ce chef, M. [Q] fait valoir qu'au terme de l'accord d'entreprise dénommé 'STATUT NESTLE FRANCE', conclu le 09/12/1996, l'employeur garantit à ses salariés, toutes catégories confondues, le maintien du salaire net couvrant une durée maximale de 150 jours pour les non cadres, et de 270 jours pour les cadres ayant plus de 15 ans d'ancienneté, notamment en cas d'arrêt de maladie sans hospitalisation, une garantie prévoyance couvrant une partie seulement de la rémunération du salarié en arrêt de maladie au delà.

M. [Q] précise qu'aucun de ses arrêts maladie n'a duré plus de 120,5 jours consécutifs et n'a eu pour effet de dépasser le seuil de 150 jours minimum garanti aux non-cadres et a fortiori de 270 jours, de sorte que la garantie maintien de salaire à 100% par l'employeur devait en toute hypothèse s'exercer, qu'en outre l'employeur n'a tenu compte ni du mi-temps thérapeutique ni des jours de congés auxquels M. [Q] avait droit.

La société NESTLE FRANCE réfute les arguments développés par M. [Q], arguant de ce que son salaire a été maintenu à 100 % jusqu'en juillet 2010 conformément au régime qui lui était applicable en qualité d'agent de maîtrise, puis à 75 % dans le cadre du relais pris par l'institut de prévoyance sur la base d'une moyenne de ses salaires 2009 établie à la somme de 3.813,11 € brut.

En l'espèce, il est constant qu'en sa qualité de cadre ayant une ancienneté de plus de 15 ans, M. [Q] bénéficiait d'une garantie de maintien de salaire de 270 jours, dont il n'est pas établi qu'elle ait été dépassée.

Le salarié produit le décompte suivant, non autrement contesté :

Bulletins de paye Brut versé Salaire de référence Rappels de salaire brut

Janvier 2010 2.966,26 3.752,00 785,74

Février 2010 1.964,42 3.752,00 1.787,58

Mars 2010 -70,72 3.752,00 3.822,72

Avril 2010 2.670,81 3.752,00 1.081,19

Mai 2010 3.091,72 3.752,00 660,28

Juin 2010 2.786,17 3.752,00 965,83

Juillet 2010 1.141,66 3.752,00 2.610,34

Août 2010 924,68 3.752,00 2.827,32

Septembre 2010 1.840,66 3.752,00 1.911,34

Octobre 2010 2.695,50 3.752,00 823,17

Novembre 2010 174,84 3.752,00 3.626,55

Décembre 2010 3.580,11 3.752,00 182,43

Janvier 2011 3.407,26 3.752,00 344,74

Février 2011 1.507,23 3.752,00 2.244,77

Mars 2011 678,93 3.752,00 3.073,07

Total : 29.359,53 56.280,00 26.920,47

Compte tenu des développements qui précèdent et au regard du décompte précité, il y a lieu de condamner ce dernier à lui verser la somme de 26.920,47€ brut à titre de rappel de salaire, outre 2.692,04 € au titre des congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour infirmation de la décision entreprise en ce qui concerne le harcèlement moral, M. [Q] qui évoque un abandon de sa hiérarchie, fait essentiellement valoir que son employeur a tenté à plusieurs reprises de le rétrograder et a exercé des pressions sous forme de remontrances, ou de promesses non tenues lui ôtant toute perspective professionnelle, de tentatives d'abuser de son état de faiblesse en lui faisant signer des avenants à son contrat de travail lourds de conséquences, de blocage de son accès à l'intranet de l'entreprise, de tentatives d'exclusion pour l'encourager à démissionner, en particulier au moyen de l'entretien EAD, conçu et réalisé comme un instrument de domination des salariés, en ne lui reversant pas les indemnités de sécurité sociale à l'égard desquelles il était subrogé et en opérant un traitement discriminatoire de ses demandes de congés-formation en raison de son appartenance syndicale, qu'ainsi la société NESTLE FRANCE est directement responsable de la dégradation progressive de son état de santé, caractérisée par un syndrome anxio-dépressif en lien avec le climat de tension entretenu par l'employeur.

La société NESTLE FRANCE réfute les arguments de M. [Q], arguant de ce que la preuve d'agissements fautifs répétés de sa part n'est pas rapportée, qu'elle a toujours porté une attention particulière à ce salarié, que la dégradation de son état de santé ne suffit pas à caractériser le harcèlement allégué, que l'avertissement est intervenu en raison du refus à trois reprises du salarié de participer à son entretien d'évaluation annuel après le rejet de sa candidature soutenue par son N+1 au poste de visiteur médical et de son désinvestissement caractérisé par la baisse des ventes sur son secteur.

La société NESTLE FRANCE ajoute que le salarié qui ne peut prétendre au statut de VRP, n'a fait l'objet ni de rétrogradation, ni de discrimination fondée sur son appartenance syndicale et que la dégradation de son état de santé est imputable à des difficultés d'ordre privé.

En l'espèce, les circonstances que la candidature de M. [Q] aux fonctions de visiteur médical n'ait pas été satisfaite, qu'un litige ait pu l'opposer à son employeur concernant la reconnaissance du statut sous lequel il avait été engagé et sur le versement de la totalité de son salaire pendant ses arrêts maladie, voire l'obligation qui lui était faite de transmettre par la voie hiérarchique ses demandes de congés formation, ne permettent pas de présumer l'existence à son égard d'un harcèlement.

En revanche, ces circonstances associées aux tentatives de l'employeur de faire signer au salarié à deux reprises des avenants le plaçant à temps partiel alors qu'il était en mi-temps thérapeutique, à une gestion hasardeuse et pénalisante de la garantie de salaire pour un salarié dont il n'ignorait la fragilité de l'état de santé, d'un avertissement prononcé à l'encontre de M. [Q] au terme de l'entretien AED, en ce qu'elles ont participé au moins pour partie à la dégradation de l'état de santé de M. [Q], prises dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En toute hypothèse, l'employeur qui se prévaut du soutien dont M. [Q] aurait bénéficier de la part de sa hiérarchie, y compris en tronquant le courrier du médecin du travail tout en feignant d'ignorer la portée de ses avis et des informations régulières dont il disposait sur la dégradation de l'état de santé du salarié, ne peut sérieusement, soutenir y compris en invoquant l'opinion d'un des membres du CHSCT, qu'il n'avait pas mesurer l'ampleur de cette dégradation qui pour lui, trouvait son origine dans des difficultés conjugales.

Dans un tel contexte, même à supposer que l'absence de nomination de M. [Q] aux fonctions de visiteur médical soit fondée sur les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que la déception qui en est résulté pour le salarié ait pu participer à la dégradation de son état de santé, l'employeur qui ne peut sérieusement tout à la fois prétendre que les erreurs concernant la rémunération de M. [Q] d'août 2010 aient été prises en compte, notamment au travers de tentatives d'explication mais sans pour autant rétablir la situation, laissé le salarié dont la souffrance psychologique lui était connu, confronté de surcroît à des difficultés financières, ne peut en outre justifier par aucun élément objectif le fait de sanctionner le même salarié pour avoir exprimé au cours d'un entretien d'évaluation puis d'un entretien préalable son mal-être et sa démotivation liée à l'absence de perspective professionnelle en dépit de ses bonnes évaluations antérieures et de sa volonté d'évoluer, ou le fait de tenter de lui faire signer des avenants à son contrat de travail pour prendre en compte sans nécessité, son placement en mi-temps thérapeutique.

Faute pour l'employeur de démontrer que ces faits étaient justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement, il y a lieu d' infirmer la décision entreprise et de condamner la société NESTLE FRANCE à verser la somme de 10.000 € à M. [Q] à ce titre.

Sur la discrimination et l'atteinte au titre du principe à travail égal-salaire égal :

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine , de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance , vraie ou supposé, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; en cas de litige cette personne doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instructions qu'il estime utiles ;

De même le salarié qui se prétend lésé par une discrimination salariale, une atteinte au principe général "à travail égal, salaire égal", doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant l'inégalité de traitement dont se plaint le salarié ;

Il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié qui a soumis au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de rémunération, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En ce qui concerne la discrimination au titre de son activité syndicale, les éléments produits par M. [Q] , en l'espèce la prétendue ignorance de son appartenance à la CGT depuis 2008, le premier refus de convoquer le CHSCT concernant sa situation opposé aux représentants du personnel, le harcèlement moral dont il a fait l'objet, en ce qu'ils ne permettent l'établissement d'aucun lien entre eux et l'appartenance syndicale de M. [Q], ne constituent pas les éléments de fait exigés, laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

S'agissant de la violation du principe "travail égal-salaire égal", en se comparant de manière abstraite au montant maximum de rémunération figurant sur une grille établie par son employeur, alors qu'au demeurant, il établit à la faveur de sa demande au titre du rappel de salaire 2010, qu'il en avait perçu en moyenne le montant en 2009, M. [Q] ne soumet pas à la cour d'élément de fait susceptible de caractériser une atteinte au principe d'égalité des rémunérations.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise de ces chefs et de débouter M. [Q] des demandes formulées à ces titres.

Sur le travail dissimulé :

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

L'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture; la demande en paiement d'heures supplémentaires n'a pas pour effet de rendre irrecevable la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire ; le montant de l'indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail ; cette indemnité qui sanctionne la violation de dispositions légales se cumule avec les indemnités de nature différente résultant du licenciement, et notamment avec l'indemnité de licenciement ;

En l'espèce, l'application erronée par l'employeur des règles relatives à la garantie de salaire due à M. [Q] au titre de ses congés maladie et des périodes où il bénéficiait d'un mi-temps thérapeutique, en réduisant la garantie litigieuse à la période applicable aux agents de maîtrise, ne révèle en soi une intention de dissimulation, a fortiori s'agissant d'une compensation de salaire relative à des périodes de suspension du contrat de travail ou d'activité réduite dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique et ce, même si le manquement constaté à ce titre peut être retenu comme participant du harcèlement moral subi par le salarié.

Sur les autres demandes

-Quant à l'indemnisation de l'utilisation d'un bureau à domicile :

Au regard de l'avenant au contrat de travail en date du 9 février 2010, instituant au profit de M. [Q] à compter du 1er janvier 2009 une indemnisation liée à l'utilisation d'un espace de son domicile privé pour les outils bureautiques et professionnels, d'un montant mensuel de 50 €, M. [Q] est fondé à réclamer un rappel d'indemnité de 2.650 € pour l'utilisation de cet espace la période comprise entre le 30 juillet 2004 et le 31 décembre 2008 en application de l'article L 3245-l du Code du travail, mais également le règlement de cette indemnité entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, faute pour l'employeur de distinguer entre les périodes où en raison de son arrêt de travail, son contrat de travail était suspendu et des périodes où il était placé en mi-temps thérapeutique, l'occupation et l'utilisation de l'espace n'étant pas interrompu pendant ces périodes, de sorte qu'il y a lieu d'allouer en outre au salarié une indemnité de 1.200 € pour la période postérieure au 1er janvier 2009, soit un total de 3.850 €.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision entreprise dans cette limite.

- Quant à la restitution de versements indus concernant le véhicule de fonction :

Les moyens soutenus par M. [Q] l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;

Sur le remboursement ASSEDIC

En vertu l'article L 1235-4 ( L 122-14-4 alinéa 2 ancien) du Code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la société NESTLE FRANCE, employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 13/04340, RG13/04388 et RG 13/05778 sous le numéro RG 13/04340 ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avertissement du 29 juin 2009 et déclaré le licenciement de M. [H] [Q] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société NESTLE France à payer à M. [H] [Q] les sommes suivantes:

- 60.032 € au titre de la rupture de son contrat de travail ;

- 11.256 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1.125,60 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 12.292,50 € au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 900 € au titre de la perte d'usage d'un véhicule ;

- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

et débouté M. [H] [Q] des demandes formulées au titre de la discrimination, de l'application du principe "travail égal-salaire égal", au titre du travail dissimulé ainsi qu'au titre de la restitution des versements indus concernant le véhicule de fonctions.

LE RÉFORME pour le surplus,

statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS NESTLE FRANCE à payer à M. [H] [Q] :

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du harcèlement moral subi ;

- 26.920,47 € au titre de rappel de salaire (garantie maintien de salaire sur la période de janvier à mars 2010) ;

- 2.692,04 € au titre des congés payés afférents ;

- 3.850 € au titre de l'indemnisation de l'utilisation d'un bureau à domicile ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE à la SAS NESTLE FRANCE de remettre à M. [H] [Q] un bulletin de paie récapitulatif par année portant mention de sa qualité de VRP statut cadre, conformément au présent arrêt dans un délai de trois mois à compter de sa signification, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

CONDAMNE la SAS NESTLE FRANCE à payer à M. [H] [Q] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS NESTLE FRANCE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SAS NESTLE FRANCE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [H] [Q] dans les limites des six mois de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SAS NESTLE FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Rémy LE DONGE L'HENORET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/04340
Date de la décision : 14/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°13/04340 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-14;13.04340 ?
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