RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 13 Janvier 2016
(n° , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01268
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 13/00594
APPELANTE
Madame [K] [P]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparante en personne
assistée de Me Amine GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB194
INTIMEE
SAS MONDELEZ FRANCE BISCUIT PRODUCTION venant aux droits de la SA LU FRANCE
N° SIRET : 433 085 149 00261
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me David CALVAYRAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller faisant fonction de président de chambre
Madame Chantal GUICHARD, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juillet 2015
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller faisant fonction de président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les conclusions de Madame [K] [P] et celles de la société MONDELEZ France BISCUITS PRODUCTION anciennement dénommée LU France visées et développées à l'audience du 17 novembre 2015.
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, ET DES PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [K] [P] a été engagée par la société LU France devenue MONDELEZ France BISCUITS PRODUCTION appartenant au groupe DANONE le 2 juillet 1984 sur le site d'[Localité 4].
En 2001 le groupe DANONE a présenté un projet de réorganisation de son pôle biscuits au niveau européen ainsi qu'un plan de sauvegarde de l'emploi. Deux fermetures d'usines étaient envisagées pour la filiale LU France à [Localité 4] et [Localité 3], d'autres usines accueillant la production de celles-ci afin de concentrer les lignes de production et assurer la sauvegarde de la compétitivité du pôle biscuit en raison du contexte économique international de perte de parts de marché. Cette réorganisation prévoyait pour la société LU France la suppression de 848 postes et la création de 290 postes. La fermeture des usines d'[Localité 4] et de [Localité 3] a eu lieu entre mars 2003 et juin 2004.
La salariée a été licenciée pour motif économique le 29 août 2004.
Madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry le 10 juin 2013.
Par jugement du 16 décembre 2014, la salariée a été déboutée de ses demandes en raison de la prescription, les dépens étant mis à sa charge et la société étant déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [P] a interjeté appel le 3 février 2015 du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evry.
La salariée sollicite l'infirmation du jugement au motif que :
- la prescription n'est pas acquise car elle n'a eu connaissance de la consécration de ses droits qu'à compter des décisions de justice définitives de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat en 2011 et 2012,
- le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse car la cause économique soit la menace sur la compétitivité du secteur d'activité n'est pas établie, et cette réorganisation n'avait d'autre but que d'augmenter les bénéfices,
Elle sollicite :
- De juger recevable sa demande,
- De juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- De juger que la salariée a de ce fait subi un préjudice certain qu'il convient de réparer,
- De condamner la société MONDELEZ France à lui verser la somme suivante au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 44 320 euros,
- De condamner l'intimée au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.
La société MONDELEZ France demande :
A titre liminaire :
- Juger que l'action est prescrite,
- Confirmer le jugement,
En tout état de cause :
- Condamner la salariée à verser à la société MONDELEZ France la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre principal :
- Juger que le licenciement est régulier et bien fondé,
- La débouter de ses demandes,
A titre subsidiaire :
- Constater que l'appelante ne produit aucun élément de nature à caractériser un préjudice supérieur à 6 mois de salaire,
- Limiter le montant des dommages et intérêts à hauteur d'une somme à égale à 6 mois de salaire ou à tout le moins, ramener celui-ci à de plus justes proportions.
DECISION
La société MONDELEZ France soulève à titre liminaire la prescription de l'action en contestation du bien fondé du licenciement. Les textes modifiés par la loi du 17 juin 2008 et la loi du 14 juin 2013 ont réduit le délai pour engager une procédure à 5 ans puis à 2 ans et visent expressément comme point du départ du délai de prescription le jour où la personne a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; le fait générateur en matière de licenciement est la notification du licenciement.
L'appelante soutient que la prescription n'est pas acquise car la Cour de cassation a déclaré le 26 juin 2012 non admis les pourvois formés par la société LU France contre les arrêts rendus le 2 décembre 2010 par la cour d'appel de Paris aux termes desquels le licenciement a été considéré comme sans cause réelle et sérieuse et le Conseil d'Etat a rendu un arrêt le 23 mars 2011 sur pourvoi de la société LU France contre des arrêts rendus par la cour administrative d'appel de Versailles qui ont considéré que l'employeur avait failli à son obligation de reclassement. Ayant pris connaissance de ces décisions, l'appelante a décidé de saisir le conseil de prud'hommes d'Evry qui a rendu la décision dont appel et reprend l'argumentation de la cour d'appel de Paris du 2 décembre 2010 en ce que le motif économique n'est pas établi et le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. Elle soutient qu'elle n'a eu connaissance de ses droits et du caractère légitime et fondé qu'au moment où les décisions ont été rendues et que le point du départ du délai de prescription n'est pas le licenciement mais la connaissance de ses droits.
La Cour relève que la saisine du conseil de prud'hommes remonte au 10 juin 2013, qu'elle est donc antérieure à la promulgation de la loi du 17 juin 2013, que par conséquent tout débat sur l'application de ces dernières dispositions légales est inopérant, cette loi n'ayant pas vocation à recevoir application dans ce litige,
En retenant l'application de la loi du 17 juin 2008 et de ses dispositions transitoires fixant une prescription de 5 ans, force est de constater que la salariée dont le licenciement a été notifié le 30 juin 2004 n'a pas agi pendant une dizaine d'années. Or le délai de prescription de l'action en contestation d'un licenciement court à compter de la notification de celui-ci, excepté lorsque le licenciement est soumis à une autorisation de l'administration du travail ultérieurement annulée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Les demandes de la salariée sont donc irrecevables car atteintes par la prescription sans que celle-ci puisse utilement soutenir qu'elle n'a eu connaissance de ses droits que lorsque d'autres salariés qui avaient engagé une procédure ont obtenu gain de cause et que ce sont ces décisions qui lui ont permis de connaître l'étendue de ses droits.
L'équité commande de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles'; succombant en son appel, la salariée appelante supportera la charge des dépens exposés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la demande était prescrite,
Déclare les demandes irrecevables,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Laisse à Madame [P] la charge des dépens.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT
FONCTION DE PRÉSIDENT