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13/01/2016 | FRANCE | N°13/11338

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 13 janvier 2016, 13/11338


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 13 JANVIER 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11338



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2013 -Tribunal de Commerce de RENNES - RG n° 2012F00177





APPELANTE



SA ETABLISSEMENTS [W] [Y]

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

pri

se en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

As...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 JANVIER 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11338

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2013 -Tribunal de Commerce de RENNES - RG n° 2012F00177

APPELANTE

SA ETABLISSEMENTS [W] [Y]

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Christian BOURGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

INTIMÉE

SAS AGCO DISTRIBUTION

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

N° SIRET : 501 42 8 4 377

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Patrick BETTAN de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078

Assistée de Me Jean LECASBLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R004

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

Mme Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS

La Société par actions simplifiée A.G.C.O. DISTRIBUTION ('AGCO', filiale du groupe américain AGCO propriétaire de la marque Fergusson depuis 1994, distribue les matériels de cette marque, tracteurs et machines de récolte, en qualité de concédant.

La Société Établissements [W] [Y] (Ets [Y]') a distribué en concession les produits de la marque MASSEY FERGUSON depuis de nombreuses années.

Le dernier contrat de concession signé par les parties le 30 novembre 2005 a pris effet le 30 novembre 2005. Il prévoyait qu'en contrepartie d'un engagement de non-concurrence et d'exclusivité de marque, les Ets [Y] disposeraient de l'exclusivité de la distribution des produits de la marque MASSEY FERGUSON'sur un large territoire couvrant une centaine de cantons en Normandie et en Bretagne.

L'article 10 du contrat stipulait que le contrat était conclu à durée indéterminée et que chacune des parties pouvait y mettre fin par notification écrite par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant un préavis d'au moins un an.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2010, la Société AGCO a appliqué cet article 10 et a notifié aux Ets [Y] sa volonté de mettre fin à la relation commerciale au 31 janvier 2012, soit à l'issue d'un préavis de deux ans.

Conformément au même article 10 du contrat, la Société AGCO a également exprimé dans sa lettre du 28 janvier 2010 sa volonté de lever l'exclusivité territoriale au 1er août 2010 afin de permettre aux parties de réorganiser leurs affaires avant la rupture à intervenir dix-huit mois plus tard.

Malgré les protestations des Ets [Y] à l'encontre de cette décision et plusieurs échanges entre les parties, la société AGCO a maintenu sa décision. Dès le premier août 2010, six distributeurs étaient implantés sur le territoire concédé aux Ets [Y].

Les relations commerciales ont donc pris fin au 31 janvier 2012 après l'écoulement d'un préavis de 2 ans.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

Par acte du l6 mars 2012, les Ets [Y] ont assigné la Société AGCO devant le Tribunal de commerce de Rennes pour obtenir réparation de la rupture brutale des relations commerciales imputable à la Société AGCO sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce :

rupture brutale partielle à compter du 1er août 2010 ;

rupture brutale totale à compter du 31 janvier 2012.

Par jugement du 23 mai 2013 le Tribunal de commerce de Rennes a :

Vu l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ;

Débouté la Société Ets [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la brutalité de la rupture des relations commerciales entre la Société Ets [Y] et la Société AGCO ;

Débouté la Société AGCO de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamné la Société Ets [Y] à verser à la Société AGCO la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes ;

Condamné la Société Ets [Y] aux entiers dépens.

La Société Ets [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions du 28 septembre 2015, la société Etablissements [Y] demande à la Cour de :

DIRE la Société Ets [Y] recevable et fondée en son appel ;

Vu l'article 10 du contrat de concession du 30 novembre 2005 ;

Vu les articles L. 442-6-1-5° et L. 442-6-I-2° du code de commerce ;

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 23 mai 2013 ;

Statuant à nouveau ;

DIRE que la Société AGCO a rompu sans préavis suffisant, partiellement à effet du 1er août 2010, puis totalement à effet du 31 janvier 2012, la relation commerciale exclusive poursuivie avec l'entreprise personnelle, puis la Société Ets [Y] pendant 60 ans ;

CONDAMNER la Société AGCO à payer à la Société Ets [Y] à titre de dommages et intérêts :

en réparation de l'insuffisance du préavis de rupture partielle de la relation commerciale à effet du 1er août 2010, la somme de 1 088 766 € ;

en réparation de l'insuffisance du préavis de la rupture totale de la relation commerciale à effet du 31 janvier 2010, la somme de 3 403 567 € ;

CONDAMNER la Société AGCO au paiement des intérêts au taux légal desdites sommes à compter du 6 mars 2012, date de l'exploit introduction d'instance, conformément à l'article 1153-1 du code civil, ou, en tout état de cause, à titre de complément de dommages et intérêts ;

DÉBOUTER la Société AGCO de son appel incident, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la Société AGCO au paiement de la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société AGCO aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 21 septembre 2015, la société AGCO demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article L.442-6-I-5° du Code de Commerce,

Vu le Contrat de Concessionnaire agricole,

Vu les pièces versées aux débats et la jurisprudence,

CONSTATER que la société AGCO a fait bénéficier les Ets [Y] d'un préavis de 24 mois à la suite de la rupture de la relation commerciale entre les parties.

DIRE ET JUGER que ce préavis est raisonnable et suffisant.

En conséquence,

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les Ets [Y] de leur demande de dommages et intérêts au titre de la «rupture brutale» de leur relation commerciale.

DÉBOUTER les Ets [Y] de leur demande de dommages-intérêts à ce titre.

DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas eu de «rupture partielle» de la relation commerciale.

En conséquence,

CONFIRMER de ce chef le jugement dont appel.

DÉBOUTER les Ets [Y] de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Vu les articles 70 et 548 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER les Ets [Y] à payer à la société AGCO la somme totale de 72 830 euros à titre de dommages et intérêts en considération des infractions caractérisées à leur contrat et aux man'uvres dolosives qu'ils ont commises durant leur préavis, en réparation du préjudice matériel et moral subi par la société AGCO.

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné les Ets [Y] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

CONDAMNER les Ets [Y] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Très subsidiairement,

NOMMER tel Expert- Comptable qu'il plaira à la Cour avec une mission classique afin de déterminer contradictoirement le préjudice des Ets [Y] résultant d'une éventualité de rupture brutale ou partielle de la relation commerciale entre les parties.

CONDAMNER les Ets [Y] en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SELARL des DEUX PALAIS (Me Patrick BETTAN) en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé des faits et des moyens développés par les parties, la cour renvoie expressément aux écritures de celles-ci.

SUR CE :

Sur la rupture brutale des relations commerciales :

Considérant que les parties s'opposent sur la durée du préavis que devait donner la société AGCO, que la société Ets [Y] fait état d'un durée très ancienne des relations commerciales et de sa dépendance économique liée à son obligation de non-concurrence, que la société AGCO soutient que la durée fixée par le premier juge est satisfaisante et permet à la société de s'organiser pour l'avenir,

Considérant selon les pièces du débat que le courrier adressé le 28 janvier 2010 par AGCO aux Ets [Y] précisait : «Je suis au regret de vous informer de notre décision de mettre fin au contrat de concessionnaire qui nous lie et ce, conformément aux dispositions de l'article 10 dudit contrat. En conséquence, nos relations commerciales devraient prendre fin le 30 janvier 2011. Néanmoins, nous souhaitons porter ce délai au 31 janvier 2012, période se décomposant ainsi : 31 juillet 2010 pour ce qui concerne l'exclusivité, 31 janvier 2012 pour ce qui concerne la double distribution.»,

Considérant encore que selon les pièces du débat, il apparaît que les parties entretiennent des relations commerciales depuis de très nombreuses années sans toutefois être d'accord sur le point de départ de leurs relations ; que la société Ets [Y] le fixe à l'année 1951 exposant qu'au cours de cette année-là, Monsieur [Y] a commencé l'exécution d' un contrat d'agent pour le compte de Massey-Harris, puis à partir de l'année 1954 pour Massey-Ferguson à la suite de la fusion de Massey-Harris avec la société Ferguson, qu'en 1970, Mr [Y] a apporté son fonds de commerce à la société Ets [Y], qu'en 1971, était signé un contrat de concessionnaire avec la société Massey-Ferguson, que les parties reconduisaient depuis cette époque leurs relations par la signature de contrats de distribution ; que la société AGCO fait remonter à l'année 1971 les relations qu'entretiennent les parties,

Sur la régularité de la rupture :

Considérant que le courrier du 28 janvier 2010 respecte les termes de l'article 10 du contrat selon lequel chaque partie pouvait mettre fin au contrat par notification écrite moyennant un préavis d'un an ; que la faculté de rompre le contrat n'est subordonnée à aucune motivation particulière (et d'ailleurs le courrier ne fait état d'aucune motivation) de sorte que les développements sur les motifs de la rupture sont sans intérêt pour la solution du litige,

Sur la durée des relations commerciales :

Considérant qu'en cas de modification de l'identité du partenaire, il convient de rechercher si les parties ont entendu poursuivre la relation commerciale initiale ; qu'en l'espèce, certes des contrats ont pu être signés avec Monsieur [Y] jusqu'à ce qu'il fasse apport de son fonds à la société Ets [Y] mais il apparaît, selon les documents versés aux débats, que c'est lors de la signature du contrat du premier novembre 1971 que la société AGCO a manifesté sa volonté de poursuivre les relations engagées en 1968 avec Monsieur [Y], substituant la société Ets [Y] à ce dernier ; que la durée de la relation commerciale à considérer est ainsi de quarante-trois ans,

Sur la durée du préavis :

Considérant que la durée du préavis est fixée selon la société Ets [Y] en prenant compte de l'état de dépendance économique, de l'activité spécifique de vente de matériel agricole en relation directe avec le cycle des récoltes, des investissements qu'elle a pu réaliser à la demande de la société AGCO ; que cette dernière fait valoir que la durée du préavis ne saurait être proportionnelle à la durée des relations commerciales, qu'il convient de considérer que la durée de vingt-quatre mois consentie en l'espèce était raisonnable et suffisante, qu'elle conteste les circonstances particulières dont fait état la société Ets [Y],

Mais considérant que la durée des relations commerciales est fixée au regard de la durée des relations commerciales et des autres circonstances en cours au moment de la rupture ; que certes, la société Ets [Y] a pu invoquer un état de dépendance économique résultant des clauses d' exclusivité territoriale et d'approvisionnement se trouvant dans le contrat, que AGCO a sans cesse rappelées et pour la dernière fois en 2008 mais que la cour constate que les parties ont entendu aménager le préavis pour en tenir compte ; que par ailleurs, la société Ets [Y] ne peut se plaindre de ce que le cycle des ventes n' a pas été pris en compte par le délai octroyé, bénéficiant de deux saisons pleines, et enfin, que, si pour bénéficier d'aides financières de AGCO en vue d'un «repositionnemenet concurrentiel», elle a du procéder à des investissements immobiliers très peu avant la rupture (notamment, l'agrandissement du site du Rheu en 2009), elle n' a pas perdu le bénéfice de ces investissements pour ses autres activités et ses éventuelles activités futures,

Considérant que compte tenu des circonstances entourant la rupture, la société les Ets [Y] a bénéficié d'un délai de vingt-quatre mois qui apparaît suffisant,

Sur la rupture partielle des relations des parties :

Considérant que la société Ets [Y] fait valoir que la société AGCO ne lui a pas permis d'exécuter le préavis dans les conditions normales : qu'elle a usé de man'uvres déloyales à son égard durant le préavis, en ne l'associant plus aux publicités, en lui interdisant toute commande de matériel de stock ou de démonstration, en accordant des conditions préférentielles à ses nouveaux concessionnaires et en nommant six concessionnaires dès le premier août 2010 ; qu'elle a rompu ainsi partiellement les relations commerciales dans le cadre du préavis ; qu'elle expose qu'elle a été contrainte de signer le contrat de 2005 dont elle n'acceptait pas les termes relatifs à la résiliation, sauf à voir résilier le contrat de distribution qui la liait à AGCO, et que l'application de l'alinéa 2 de l'article 10 du contrat a pour effet de créer à sa charge une obligation caractérisant un déséquilibre significatif à son détriment ; que la société AGCO fait valoir que les parties ont aménagé contractuellement par des abandons réciproques la fin de leurs relations commerciales et que la modification de la relation commerciale qui en résulte n'est pas assimilable à une rupture partielle de ces relations ; qu'elle conteste toute man'uvre déloyale de sa part durant le préavis,

Mais considérant tout d'abord que les man'uvres déloyales invoquées par la société Ets [Y] ne sont pas établies : qu'elle a été destinataire d'une proposition publicitaire «MF» (Massey-Ferguson) lui permettant de participer au dossier spécial «Tracteurs» dans le magazine du 21 octobre 2011 à laquelle elle n'a pas répondu ; qu'elle ne justifie pas que la société AGCO lui a refusé des commandes par le courrier du 12 juillet de la société AGCO qui rappelait seulement que les commandes en fin de préavis devaient être en «proportion avec le potentiel de vente sur la période restant à courir» ; qu'enfin, les comparaisons sur les prix ne sont étayées par aucune pièce comptable pour justifier les conditions préférentielles qui auraient été faites de façon déloyale,

Considérant ensuite que l'article 10 alinéa 2 du contrat précisait : «A l'expiration des six premiers mois de préavis et en dérogation aux dispositions de l'article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis ' à-vis d'Agco, à son obligation d'exclusivité de marque et Agco aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires Agco sur le territoire défini à l'annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir.» ;

Que cette clause prévoit un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d'exclusivité territoriale et d'approvisionnement exclusif et constitue l'aménagement contractuel de l'exécution du préavis en cas de rupture du contrat ; qu'elle n'a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l'article L 442-6 I 5 ° du Code de commerce et ne s'analyse pas en rupture partielle des relations commerciales ;

Que cette clause ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties ; que la contestation de la société Ets [Y] lors de la signature du contrat de 2005 a porté non pas sur la disposition de l'article 10 alinéa 2 qu'elle critique actuellement mais sur la disposition qui concernait la possibilité pour le concédant de retirer de plein droit et à tout moment les «cantons noirs» c'est-à-dire ceux dans lesquels le concessionnaire n'avait réalisé aucune vente de matériel sur une période de vingt-quatre mois ; qu' ainsi, la société Ets [Y] ne justifie pas que la société AGCO lui a imposé les dispositions de l'article 10 alinéa 2 ; qu'enfin, cette clause n'est pas dépourvue de réciprocité effective et le fait que la société [Y] ait tiré ou non parti de cet abandon ou ait renoncé à s'en prévaloir ne saurait avoir d'effet sur sa validité ;

Considérant que la société Ets [Y] ne peut faire état d'une rupture brutale partielle au cours du préavis,

Sur la demande reconventionnelle de la société AGCO :

Considérant que la société AGCO soutient que la société Ets [Y] n'a pas respecté ses obligations contractuelles au cours du préavis, lui reprochant d'avoir procédé à des ventes hors secteur, d'avoir réalisé des publicités pour des ventes à pertes, d'avoir perçu des primes cumulées irrégulièrement ; que la société Ets [Y] conteste ces reproches,

Mais considérant tout d'abord que la publicité par internet qui n'est pas interdite a nécessairement des effets au-delà du territoire et de la clientèle affectée au distributeur ; qu'à la suite de la visite que le client a faite du site et du contact qu'il a pris, une vente de matériel peut être conclue avec le distributeur sans que le fournisseur puisse lui reprocher une vente hors réseau ; que les lignes directives de la Commission européenne sur les restrictions verticales admettent la vente passive ;

Considérant encore que la pratique de «prix à perte» ne fait l'objet d'aucune démonstration précise de la part de AGCO, notamment par les deux pièces qu'elle verse aux débats et n'a fait, au moment où elle est censée avoir eu lieu, l'objet d'aucune remarque de la part d' AGCO, comme le souligne la société Ets [Y],

Considérant enfin que des ventes de tracteurs auraient donné lieu à des perceptions multiples de primes ; que la société Ets [Y] fait valoir que ces ventes sont étrangères au litige, que ces primes ont été répercutées sur les prix et ont profité aux clients, que le contexte ne lui permettait pas de pratiquer avec une marge de concessionnaire, que le préjudice matériel n'est pas justifié,

Considérant selon les pièces versées aux débats que la matérialité des deux ventes réalisées à l'automne 2010 de deux tracteurs au profit de clients qui n'étaient pas ceux pour lesquels les primes avaient été sollicitées n'est pas contestable ; que ces ventes ont permis à la société [Y] de percevoir des primes ( primes de repositionnement ( 3500 Euros), de 3% ETA ( 3 768, 81 Euros) et de bienvenue ( 4 000 Euros) pour la vente Blouet / Earl Mesnil et primes de repositionnement ( 3 500 Euros), de 3% ETA ( 4 060, 14 Euros) et de bienvenue ( 4 000 Euros) pour la vente Marchard / Earl Leplu) qu'elle a répercutées sur le prix de vente des tracteurs qu'elle a facturés à l'Earl Mesnil et l'Earl Leplu ;

Considérant que la cour peut connaître de la demande de la société AGCO dans le cadre d'une demande reconventionnelle,

Considérant que la société AGCO ne justifie pas précisément du préjudice qu'elle a subi en raison de ces ventes en précisant quelles étaient les conditions que ces acquéreurs ne satisfaisaient pas pour bénéficier de ces primes ; que toutefois, la société Ets [Y] reconnaît que la vente au profit de l'Earl Leplu ne pouvait donner lieu à la perception des primes 3% Eta (3768,81 Euros) et de bienvenue ( 4000 Euros) ; que le préjudice matériel de la société AGCO sera fixé à la somme de 7 768, 81 Euros,

Considérant que le préjudice moral résultant de ces pratiques sera indemnisé par l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de 2 000 Euros,

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRMANT sur la demande de la société AGCO,

CONDAMNE la société Ets [Y] à payer à la société AGCO la somme de 7 768,81 Euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, et celle de 2 000 Euros pour réparation de son préjudice moral,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

CONDAMNE la société Ets [Y] à payer à la société AGCO Distribution la somme de 8 000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles,

CONDAMNE la société Ets [Y] aux entiers dépens.

Le GreffierLa Présidente

Vincent BRÉANTFrançoise COCCHIELLO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/11338
Date de la décision : 13/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°13/11338 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-13;13.11338 ?
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