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08/01/2016 | FRANCE | N°12/08368

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 08 janvier 2016, 12/08368


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 08 Janvier 2016 après prorogation

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08368

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 11/01483





APPELANTE

Madame [N] [X] née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 1]

non comparante, représentée par Me Arnaud CONS

TANT, avocat au barreau de PARIS, toque : T07







INTIMEES

SAS M&C SAATCHI.CORPORATE

[Adresse 2]

représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 08 Janvier 2016 après prorogation

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08368

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 11/01483

APPELANTE

Madame [N] [X] née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 1]

non comparante, représentée par Me Arnaud CONSTANT, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

INTIMEES

SAS M&C SAATCHI.CORPORATE

[Adresse 2]

représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

SAS M&C SAATCHI.GAD

[Adresse 2]

représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Frédérique LOUVOGNE, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [N] [X] née le [Date naissance 1] 1966 gérante de la société ERA CONSEIL, se prévalant de services de conseils en événementiels et de relations de presse fournis entre 2008 et 2010 au bénéfice de la société M & C SAATCHI CORPORATE dénommée aujourd'hui M & C SAATCHI LITTLE STORIES en exécution d'un contrat de partenariat et de la rupture abusive de ce contrat le 21 juin 2010 a saisi le 18 janvier 2011 le conseil de prud'hommes de Paris pour voir requalifier son contrat de partenariat en contrat de travail, voir dire injustifiée la rupture de ce contrat et obtenir diverses sommes notamment à titre d'indemnités de rupture, dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement en date du 8 février 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [N] [X] de toutes ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a débouté la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [N] [X] a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffe le 6 octobre 2015, Madame [N] [X] demande à la cour d'infirmer le jugement et de':

- Dire qu'elle était dans un lien de subordination vis-à-vis de M&C SAATCHI

- Dire qu'elle était liée par un contrat de travail avec M&C SAATCHI du 1er septembre 2008 au 21 septembre 2010

- Dire que la rupture de ce contrat à l'initiative de M&C SAATCHI s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- Requalifier le contrat de partenariat du 2 janvier 2009 en contrat de travail

- Condamner M&C SAATCHI à lui payer la somme de 75.000 euros au titre du travail dissimulé

- Condamner M&C SAATCHI à lui remettre les bulletins de paie correspondants, l'attestation destinée aux Assedic et le certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard

- Condamner M&C SAATCHI à lui payer la somme de 21.875 euros au titre de l'indemnité de congés payés

- Condamner M&C SAATCHI à lui payer la somme de 75.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner M&C SAATCHI à lui payer la somme de 3.750 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

En tout état de cause,

- Condamner M&C SAATCHI à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner M&C SAATCHI aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 6 octobre 2015, la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES demande à la cour de dire que le conseil de prud'hommes est incompétent pour statuer sur la validité du contrat de prestations unissant deux sociétés au profit du tribunal de commerce de Paris, Madame [N] [X] n'étant pas salariée mais gérante de la société ERA CONSEIL, prestataire de services de la société M & C SAATCHI CORPORATE, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit Madame [N] [X] non salariée de cette dernière société, de mettre hors de cause la société M & C SAATCHI GAD, de condamner Madame [N] [X] à verser aux sociétés M & C SAATCHI LITTLE STORIES et M & C SAATCHI GAD la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience des débats, les parties ont soutenu oralement les écritures susvisées auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

La cour observe en exergue que Madame [N] [X] ne formule aucune demande à l'encontre de la société M&C Saatchi Gad en sorte que sa mise hors de cause s'impose.

Par ailleurs, si dans le dispositif de ses écritures Madame [N] [X] sollicite la condamnation de la société M&C Saatchi, l'entête de ses conclusions vise la société M&C Saatchi Little Stories anciennement dénommée M&C Saatchi Corporate et c'est cette société intimée qui conclut dans la procédure.

Enfin sans que soient indiqués à la cour les liens entre les société Me&Us, la société M&C Saatchi Corporate et la société M&C Saatchi Gad, tous noms qui apparaissent sur les différents documents, échanges de courriels et pièces produits aux débats, les parties ne discutent pas que c'est à l'égard de la société M&C Saatchi Little Stories anciennement dénommée M&C Saatchi Corporate qu'il est invoqué une relation de partenariat dont la requalification en contrat de travail est sollicitée.

En l'absence de contrat de travail écrit et en présence d'un contrat de partenariat conclu le 2 janvier 2009 entre la société ERA CONSEIL- dont Madame [N] [X] est la gérante - et la société ME&US aux droits de laquelle vient la société M&C Saatchi Little Stories anciennement dénommée M&C Saatchi Corporate, il appartient à Madame [N] [X] de rapporter la preuve qu'elle était liée à cette dernière société par un contrat de travail.

A cet égard, l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles l'activité s'est exécutée. Par ailleurs, selon l'article L. 8221-6 du code du travail les dirigeants des personnes morales inscrites au registre du commerce et des sociétés sont présumés ne pas être liés par un contrat de travail avec un donneur d'ordre; cette présomption peut être renversée lorsque ces personnes se trouvent placées dans un lien de subordination à l'égard d'un donneur d'ordre ou d'ouvrage.

Or tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, il n'est pas contesté que Madame [N] [X] est gérante de la société ERA CONSEIL créée en 2006, société de conception, organisation, gestion, conseil en évènementiels et communications, relations publiques.

C'est la société ERA CONSEIL qui a conclu le 4 mars 2008 avec la société Me&Us un contrat de prestations aux termes duquel cette dernière société confiait à la société ERA CONSEIL le soin d'organiser des rencontres avec des journalistes, prévoir la médiatisation du prix terre des femmes moyennant une somme forfaitaire convenue de 20.000 euros.

Ce contrat a été suivi d'un contrat de partenariat entre les deux mêmes sociétés le 24 avril 2008 puis le 2 janvier 2009. Elles convenaient ainsi que':'«' ERA CONSEIL effectuera pour le compte des clients de Me&Us des missions de relations de presse, de relations publiques et d'événementiel. Dans le cadre des missions qui lui seront confiées en partenariat par Me&Us, ERA CONSEIL s'engage à respecter et suivre scrupuleusement les directives de l'Agence Me&Us. ERA CONSEIL s'engage à mener à bien les missions confiées conformément aux règles de l'art et selon les plus hauts standards de la profession.'»

Madame [N] [X] ne conteste pas davantage que c'est dans le cadre de ces relations contractuelles que sa société a été conduite à exécuter des prestations mais prétend voir requalifier ces relations contractuelles en contrat de travail et voir dire abusive la rupture formalisée le 21 juin 2010 par la société Me&Us du contrat du 2 janvier 2009.

Cette requalification ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes qui ne peut qu'examiner la relation de Madame [N] [X] avec la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES. En particulier, il n'appartient pas au conseil de prud'hommes de vérifier si le contrat de sous-traitance qu'opérait le contrat de mission du 4 mars 1978 était conforme ou pas aux exigences légales de la loi du'31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ; à supposer avérées les irrégularités de ce contrat au regard de cette dernière loi, elles ne peuvent être soulevées par Madame [N] [X] tiers à ce contrat et en toute hypothèse elles ne pourraient suffire à caractériser un contrat de travail entre Madame [N] [X] et la société Me&Us.

En réalité il appartient à la cour seulement de vérifier dans quelles conditions de fait Madame [N] [X] a été amenée à fournir des prestations au bénéfice de la société Me&Us ; en premier lieu, la cour observe que c'est en sa qualité de gérante de la société ERA CONSEIL que Madame [N] [X] a effectué des prestations pour le compte de la société Me&Us représentée elle-même par Madame [S] [U].

A cet égard, peu importe que Madame [N] [X] ait été présentée aux clients de la société Me&Us comme une partenaire, utilisait des cartes de visites la présentant comme telle et qu'elle ait pu utiliser certains des moyens matériels mis à sa disposition par la société Me&Us (notamment boîte mail, locaux), dès lors qu'il est également établi par les échanges de courriels produits que Madame [N] [X] avait conservé sa boîte mail détenue au sein de ERA CONSEIL, qu'elle restait libre de son planning et de ses dates de congés.

Certes une proximité certaine a existé entre les deux sociétés Era Conseil et Me&Us mais qui s'inscrivait dans la relation de partenariat conclue entre elles, sans que pour autant soit caractérisée une relation salariale de Madame [N] [X] à l'égard de la société Me&Us ; en ce sens, l'étroite collaboration entre les deux sociétés ERA Conseil et Me&Us s'est concrétisée par un travail partagé entre Madame [N] [X] et Mme [U], chacune restant respectivement salariée des sociétés ERA CONSEIL et Me&Us.

Contrairement à ce qu'indique Madame [N] [X], si les nombreuses pièces produites démontrent des échanges suivis entre les deux sociétés, elles établissent également que Madame [N] [X] qui agissait pour le compte de la société ERA CONSEIL disposait d'une indépendance suffisante à l'égard de la société M&C Saatchi.

Les directives données par la société Me&Us s'expliquent parfaitement par la légitime attente du donneur d'ordre par rapport à son prestataire sans pour autant caractériser une subordination juridique de Madame [N] [X] à la société Me&Us. A cet égard, les sanctions évoquées dans certains courriels ne relevaient pas du pouvoir disciplinaire d'un employeur mais concernaient les conséquences du non respect de la mission précisée au contrat de partenariat.

L'attestation de Madame [T] qui argue de sa qualité d'attachée de presse et avoir été sous la subordination de Madame [X] (pièce 20 de la salariée) n'est pas convaincante dans la mesure où salariée de la société M&C Saatchi, elle a dans l'attestation produite par l'employeur ( pièce 36 ) fait état seulement de son lien de subordination juridique avec Madame [U]; les différents courriels échangés par l'appelante avec des salariés de M & C SAATCHI LITTLE STORIES ne traduisent pas qu'elle était leur supérieur hiérarchique mais sont des échanges induits par la nécessaire connaissance des informations nécessaires à la société ERA Conseil pour accomplir au mieux la prestation confiée par M & C SAATCHI LITTLE STORIES.

Le travail salarié au bénéfice de la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES est d'autant moins caractérisé qu'il résulte des comptes annuels 2008 et 2009 que la société Era Conseil avait une activité effective générant un chiffre d'affaires respectivement de 186.731,55 euros et de 169.276, 96 euros, avec des charges et une masse salariale importante démontrant que Madame [N] [X] était rémunérée par cette dernière société, alors que les prestations effectuées par la société ERA CONSEIL au profit de la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES en exécution des contrats de prestation et de partenariat donnaient lieu à paiement d'honoraires selon factures produites encaissées par ERA CONSEIL.

En outre, s'il est indiscutable que la société ERA CONSEIL avait pour principal client la société Me&Us, il est également établi qu'elle avait d'autres clients tels que la société Shiseido et Microsoft comme cela s'évince des échanges de courriels produits émanant de Madame [N] [X] à l'adresse mail d'ERA Conseil- à son interlocutrice chez Me&Us Madame [U].; ainsi contrairement à ce qu'indique l'appelante au soutien de sa thèse, la société ERA CONSEIL n'était pas dans la dépendance économique de la société Me&Us puisqu'après la cessation des relations contractuelles entre les deux sociétés, la société ERA CONSEIL représentée par Madame [N] [X] a poursuivi son activité ainsi qu'en témoigne l'organisation par cette dernière de l'événement Trophées de l'Ecologie en juin 2011 et auparavant de certains événements Yves Rocher en 2010 et 2011 (cf courriel du 10 janvier 2012- pièce 30 de la société intimée).

En définitive et sans que la cour soit tenue de répondre en détail à l'argumentation de Madame [N] [X], cette dernière n'établit pas ni que M & C SAATCHI LITTLE STORIES se soit, par ses exigences, comportée en employeur et a dépassé son rôle de donneur d'ordre qui doit s'impliquer pour faire respecter les obligations prises notamment au profit de la société Yves Rocher, ni que Madame [N] [X] avait perdu toute liberté d'action pour accomplir la prestation conventionnellement demandée.

Les nombreux échanges sont révélateurs de la relation suivie qui existe nécessairement entre prestataires pour promouvoir leur réussite dans l'atteinte des objectifs assignés par le client Yves Rocher notamment, et d'une exécution qui ne s'opérait pas par la subordination juridique de Madame [N] [X] mais par une collaboration devant aboutir le cas échéant à des prises de participation de Madame [N] [X] ou de ERA CONSEIL dans le capital de M & C SAATCHI LITTLE STORIES.

Ainsi la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un contrat de travail liant Madame [N] [X] à la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES et sous couvert de qualification d'un contrat de travail entre elle et la société M & C SAATCHI LITTLE STORIES, Madame [N] [X] tente de soumettre à la cour le litige opposant les deux sociétés commerciales à l'occasion de leur contrat de partenariat.

Le jugement qui a débouté l'appelante de ses demandes doit être confirmé.

L'issue du litige conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés en application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter ainsi les parties de leur demande respective de ce chef.

Succombant en son appel l'appelante est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Met hors de cause la société M & C SAATCHI GAD,

Déboute les parties de leur demande respective d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [N] [X] aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/08368
Date de la décision : 08/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/08368 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-08;12.08368 ?
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