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07/01/2016 | FRANCE | N°15/00275

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 07 janvier 2016, 15/00275


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 07 Janvier 2016

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00275



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/12568





APPELANT

Monsieur [U] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

comparant en p

ersonne,

assisté de Me Dominique CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0526





INTIMÉES

SA CRYOLOR

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

N° SIRET : 318 335 734 00022

repré...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 07 Janvier 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00275

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/12568

APPELANT

Monsieur [U] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Dominique CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0526

INTIMÉES

SA CRYOLOR

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

N° SIRET : 318 335 734 00022

représentée par Me Romain NAIRI, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0461

SA AIR LIQUIDE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Cyprien PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [U] [R], qui avait été engagé le 1er septembre 1983 en qualité de dessinateur par la société Cryolor qui fait partie du groupe Air Liquide, est parti à la retraite le 30 juin 2012. Estimant qu'il devait bénéficier du régime de retraite supplémentaire de la société Air Liquide, il a saisi la juridiction prud'homale le 19 novembre 2012 d'une demande de condamnation 'conjointe et solidaire' des sociétés Air Liquide et Cryolor au paiement de la garantie de ressources dont il a été privé.

Par jugement du 1er décembre 2014 notifié le 27 décembre, le Conseil de prud'hommes de Paris a mis hors de cause la société Air Liquide et a débouté M. [R] de sa demande en le condamnant aux dépens.

M. [R] a interjeté appel de cette décision le 5 janvier 2015.

A l'audience du 26 novembre 2015, il demande à la Cour d'infirmer le jugement et de juger qu'il est bien fondé à obtenir le bénéfice de la garantie de ressources contractuellement prévue en application de l'avenant n°8 de l'accord de décembre 1978, régularisé entre la société Air Liquide et ses organisations syndicales représentatives, de constater qu'il avait la qualité d'assimilé cadre et devait de ce fait relever de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Paris, d'annuler en conséquence le jugement du 1er décembre 2014, et de condamner 'conjointement et solidairement' la société Cryolor et la société Air Liquide à lui payer la somme de 40845,69 € au titre de la garantie de ressources dans le cadre de la retraite dont il a été privé, arrêtée au mois de novembre 2015 sous réserve de réactualisation, outre celle de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ordonnant 'l'exécution provisoire de la décision'.

Il fait valoir qu'ayant été recruté à la suite d'annonces passées par Air Liquide, il s'est vu remettre lors de son engagement un document relatif à sa 'carrière à Cryolor et dans le groupe Air Liquide' qui le faisait bénéficier de tous les avantages du groupe comme la garantie IACAL visée à l'accord de décembre 1978 et rappelée dans le cadre de la garantie de ressources intitulée 'fiche n°8 votre retraite' qui lui a été remise. Il s'estime donc fondé à bénéficier de cet avantage contractuel. Il soutient de surcroît qu'indépendamment de tout lien de subordination, la société Air Liquide doit être considérée comme co-employeur compte tenu de la confusion d'intérêts, d'activité et de direction existant entre les deux sociétés. Il souligne à cet égard que le matériel de transport et de stockage produit par Cryolor est un maillon indispensable au fonctionnement de Air Liquide, que la gestion sociale de Cryolor était assurée par Air Liquide, notamment en ce qui concerne le plan d'épargne, la prévoyance, la retraite, le logement, la participation et les intéressements et plus généralement tous les avantages sociaux ainsi qu'il résulte de la note de service du 22 septembre 2011 et de l'AG de mai 2011 d'Air Liquide, et que cela s'est manifesté en ce qui le concerne dès son embauche, puis par l'établissement des bulletins de paie et des règlements qui étaient effectués par Air Liquide, enfin que les dirigeants de Cryolor étaient des anciens dirigeants de Air Liquide. Il estime ainsi que la société mère s'est immiscée dans la gestion sociale de sa filiale et doit donc être considérée comme le dirigeant de fait de celle-ci.

La SA Cryolor demande pour sa part la confirmation du jugement et la condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que M. [R] était exclusivement son salarié et qu'elle-même est une entreprise autonome disposant de directions propres, la société Air Liquide n'étant jamais intervenue dans la gestion de son personnel. L'accord de retraite supplémentaire 'garantie de ressources' ne s'appliquant pas à son personnel, elle s'estime donc non concernée par la revendication de son ancien salarié.

La SA Air Liquide demande pareillement la confirmation du jugement, sa mise hors de cause, le rejet de l'ensemble des demandes et la condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que M. [R] n'a jamais travaillé pour elle et que l'accord collectif relatif au régime de retraite signé le 12 décembre 1978 n'a été instauré que pour les membres de son personnel puis étendu à ceux de deux de ses filiales mais pas à ceux de Cryolor. Elle fait valoir qu'il n'y a pas eu de co-emploi, n'ayant jamais eu M. [R] sous sa subordination juridique et n'étant jamais intervenue ni en ce qui concerne son embauche, ni en ce qui concerne les directives de travail données à l'intéressé par son seul supérieur hiérarchique, ni en ce qui concerne sa carrière et ses promotions ou sa rémunération, ses seuls interlocuteurs ayant été ses responsables au sein de Cryolor. Elle souligne que le fait d'appartenir à un même groupe ne permet pas d'en induire qu'elle donnait des directives à Cryolor et que la simple imbrication des intérêts avec sa filiale ne suffit pas à caractériser le co-emploi en l'absence d'immixtion dans la gestion économique et sociale de l'entreprise. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'appelant ne justifie pas pouvoir bénéficier de la garantie de ressources.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Attendu en premier lieu que la décision d'attribution d'un dossier à une section du conseil de prud'hommes constitue une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours ; que la Cour n'a donc pas à se prononcer sur le bien-fondé de l'ordonnance de la présidente du Conseil de prud'hommes de Paris du 16 décembre 2013 qui a transféré l'attribution du dossier de M. [R] de la section encadrement à la section industrie, cette décision n'étant pas susceptible d'entraîner l'annulation du jugement ;

Attendu ensuite qu'il convient de relever que l'accord collectif dont M. [R] se prévaut, intitulé 'départ en retraite-accord de décembre 1978", a été signé entre la société Air liquide et les organisations syndicales représentatives en son sein afin d'instaurer, pour 'toute personne bénéficiaire de l'Institution d'Allocations Complémentaires Air Liquide et ayant à la fois un minimum d'ancienneté à Air liquide de 10 ans et l'âge minimum de 60 ans,... une garantie des ressources à la retraite d'un montant au moins égal à 70% de sa rémunération brute au moment du départ' ; que l'accord était donc clairement réservé au personnel d'Air liquide, et que s'il a été étendu par avenant n°2 du 30 mars 1989 au personnel des sociétés CFPO et TAEMA puis par avenant n°3 du 23 janvier 1991 au personnel de la société Chemoxal, tel n'a pas été le cas pour le personnel de la société Cryolor ; que M. [R] ne justifie aucunement que la plaquette 'votre retraite Fiche n°8" qui est en sa possession et qui ne vise que le personnel d'Air liquide lui ait été remise par son employeur et ait une quelconque valeur contractuelle le concernant, alors qu'elle n'est pas annexée à son contrat de travail, étant d'ailleurs postérieure à celui-ci puisqu'elle est datée de juin 1990, alors que sa lettre d'engagement du 1er septembre 1983 par la société Cryolor comporte tout un volant de dispositions complémentaires relatives à son statut collectif, parmi lesquelles un paragraphe relatif à la retraite indique qu'elle est assurée dans les conditions des régimes généraux de retraite sans faire aucune référence au régime en vigueur chez Air liquide ; que l'appelant ne peut donc soutenir que ce régime 'lui était réservé contractuellement' ;

Attendu enfin que, hors le cas de l'existence d'un lien de subordination, que M. [R] ne revendique pas avec la société Air liquide, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;

Or attendu qu'il n'existe aucune confusion d'activités entre les sociétés Cryolor et Air Liquide, la première exploitant une activité de fabrication de stockage et de matériel de transport cryogénique pour les gaz liquéfiés et relevant de la convention collective de la métallurgie de la Moselle, quand la seconde produit des gaz et applique la convention collective nationale de la chimie ; que le fait que les activités soient complémentaires comme le souligne M. [R], s'il est relativement fréquent au sein d'un même groupe, n'entraîne cependant aucune confusion des deux sociétés dès lors que l'intérêt commun n'engendre aucune disparition de l'intérêt économique propre de la filiale ; que les sociétés, qui ont chacune un siège social distinct, justifient également par leurs extraits Kbis avoir une direction distincte, leurs organigrammes faisant apparaître une autonomie de la filiale et le fait que certains dirigeants de celle-ci aient pu faire carrière à une autre époque au sein d'Air liquide, ce qui n'est pas rare dans un groupe, ne caractérisant pas une immixtion de la direction de la société mère au sein de sa filiale ; que de la même façon, l'approbation des comptes consolidés au niveau du groupe ou l'adoption de projets d'apports partiels d'actifs à la filiale lors d'AG mixtes ne correspond qu'au fonctionnement institutionnel au sein d'une société mère et de sa filiale ; qu'enfin, cette confusion qui seule peut entraîner une situation de co-emploi si elle est poussée à un point tel qu'elle fait disparaître l'indépendance de l'employeur juridique à l'égard d'un employeur économique de fait, n'est pas davantage démontrée par une immixtion de la société mère dans la gestion du personnel de Cryolor ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient M. [R], Air Liquide n'est pas intervenue lors de son embauche, la petite annonce qu'il produit à la suite de laquelle il aurait été prétendument embauché étant datée du 26 novembre 1989, ne concernant pas son poste et émanant de 'Cryolor, groupe Air liquide', si bien qu'elle ne démontre rien, et les lettres et le télex qu'il a reçus d'Air liquide en décembre 1982 et mars et avril 1983 au sujet de sa candidature à des emplois de dessinateur ou d'acheteur auxquels il n'a pas été retenu démontrant au contraire la totale autonomie de la filiale Cryolor qui l'a engagé par la suite en septembre 1983 ; que la société Air liquide n'est pas intervenue au cours de sa carrière pour décider de ses promotions ni des augmentations de salaire qui sont annoncées pour le 'personnel de Cryolor' sur les bulletins de paie qui sont établis par Cryolor ; que l'appelant croit pouvoir tirer une immixtion du fait que les enveloppes d'envoi des bulletins de paie portaient un affranchissement émanant de 'Air liquide- DRP/AdP-P' et que les virements de son salaire émanaient de 'Air Liquide/ Cryolor', là où l'on ne peut voir qu'économies d'échelle par une gestion commune du service de paye, sans qu'il soit démontré que cela ait influé sur les décisions prises à l'égard du personnel ; que si Air liquide a reçu les souscriptions de M. [R] aux augmentations de capital 'réservée aux salariés du groupe', c'est bien parce que c'est cette qualité de salarié du groupe qui ne lui est pas déniée qui lui ouvrait ce droit ; que la note d'organisation de la Direction des Relations et du Développement social (DRDS) du 22 septembre 2011 qui annonce la création, au sein d'Air Liquide SA, de cette direction chargée d'assurer les relations avec les institutions représentatives du personnel au niveau du groupe et de 'conseiller et accompagner le développement d'un dialogue social de qualité au sein de chacune des filiales en France', ne tend qu'à établir que, ainsi qu'elle l'énonce en préalable, 'dans le domaine social, chaque filiale assure, dans le respect des principes d'action et des règles de gouvernance du groupe, la déclinaison des politiques RH, dialogue avec les institutions représentatives du personnel et veille au maintien d'un climat social de qualité', ce qui signifie que l'indépendance de chaque filiale n'empêche pas la cohésion au sein du groupe ; que le fait que cette cohésion n'ait pas été jusqu'à l'instauration d'un système de retraite commun à toutes les filiales ne peut être reproché à l'une et l'autre des sociétés comme une prétendue discrimination alors que l'autonomie juridique de chaque société au sein du groupe les autorise à avoir un régime d'accords collectifs distincts ; que l'appelant ne fait pas plus la démonstration par le numéro de matricule mentionné sur ses bulletins de paie qui dépasserait le nombre de salariés chez Cryolor que cette société ait perdu son autonomie dans la gestion de son personnel ;

que c'est donc par des motifs pertinents que la Cour adopte expressément que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de M. [R] tendant à se voir reconnaître le bénéfice du régime de retraite propre aux salariés d'Air liquide ;

Et attendu qu'il ne paraît pas inéquitable compte tenu de la situation respective des parties de laisser à la charge des deux sociétés intimées leurs frais de procédure ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision attaquée en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Condamne M. [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/00275
Date de la décision : 07/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/00275 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-07;15.00275 ?
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