La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2016 | FRANCE | N°14/13577

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 07 janvier 2016, 14/13577


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 07 Janvier 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13577



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - section encadrement - RG n° F11/3077





DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [H] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Daniel RAVEZ, avocat a

u barreau de PARIS, toque : B1024





DEFENDERESSE AU CONTREDIT

SAS OURSON BLEU

N° SIRET : 309 411 015

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine GIRARD REYDET, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 07 Janvier 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13577

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - section encadrement - RG n° F11/3077

DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [H] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

SAS OURSON BLEU

N° SIRET : 309 411 015

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine GIRARD REYDET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0862

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame CANTAT, conseiller le plus ancien , pour le président empêché et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur le contredit formé par Monsieur [H] [I] à l'encontre d'un jugement rendu, le 16 septembre 2014, par le conseil de prud'hommes de Créteil qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance pour connaître du litige l'opposant à la SAS OURSON BLEU ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 19 novembre 2015, de Monsieur [H] [I] qui demande à la Cour de :

- qualifier la relation contractuelle en relation de travail à compter du mois de janvier 2007,

- dire le conseil de prud'hommes de Créteil compétent,

- évoquer le fond du litige,

- condamner la SAS OURSON BLEU au paiement de la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 19 novembre 2015, de la SAS OURSON BLEU qui demande à la Cour de :

- rejeter le contredit,

- dire le conseil de prud'hommes incompétent,

- à titre subsidiaire, dire n'y avoir lieu à évoquer le fond de l'affaire,

- condamner Monsieur [H] [I] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

SUR CE, LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Il résulte des pièces produites et des débats que':

- la SAS OURSON BLEU, qui est une société de transports ambulanciers, a obtenu, le 1er mars 2006, le marché public para médicalisé et médicalisé de l'hôpital de [Localité 2] pour une durée de 4 ans, et a fait appel, dans ce cadre, à des médecins urgentistes, dont le docteur [H] [I], qu'elle a rémunérés en leur versant des honoraires,

- en 2009, trois de ces médecins, dont le docteur [H] [I], ont créé une société civile de moyen, la société ACTIMED FRANCE, et une société civile professionnelle, la SCP ACTIMED, qui a alors facturé à la SAS OURSON BLEU l'ensemble des prestations des trois médecins,

- la SAS OURSON BLEU a refusé, au mois d'août 2009, de continuer à recevoir les factures de la SCP ACTIMED, alors qu'elle devait établir les règlements au nom des médecins concernés, puis de payer ces médecins lorsqu'elle a appris qu'ils n'effectuaient pas toujours personnellement le transport des malades et faisaient travailler des médecins remplaçants qu'ils recrutaient pour effectuer des missions à leur place,

- la SAS OURSON BLEU a, suite au refus de ces médecins de fournir les notes d'honoraires des médecins remplaçants, mis fin à sa collaboration avec eux à compter du 1er juillet 2010,

- la SAS OURSON BLEU a notamment, par lettre du 29 juin 2010, notifié au docteur [H] [I] la rupture de sa collaboration au motif qu'il surfacturait ses honoraires en n'effectuant pas tous ses engagements mensuels et en se faisant remplacer par d'autres médecins à moindre coût, celui-ci facturant'en effet :

- 900 euros sa journée de travail à la SAS OURSON BLEU et payant son remplaçant 300 euros,

- 300 euros par transport en cas de garde de nuit à la SAS OURSON BLEU et payant son remplaçant 100 euros,

- la SAS OURSON BLEU a cependant accepté de continuer sa collaboration avec le docteur [H] [I] à la condition qu'il accepte que ses remplaçants facturent directement leurs prestations à la société, puis, par lettre recommandée en date du 19 juillet 2011, elle a mis définitivement fin à la relation contractuelle.

Monsieur [H] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, le 9 novembre 2011, afin de se voir reconnaître la qualité de salarié et d'obtenir diverses sommes liées à sa prestation de travail et à la rupture de la relation contractuelle.

La SAS OURSON BLEU a soulevé, in limine litis, l'incompétence de la juridiction prud'homale, au motif que les demandes relevaient de la compétence exclusive du tribunal de grande instance.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent au motif que le contrat qui liait les parties ne présentait pas les caractéristiques d'un contrat de travail.

Monsieur [H] [I] a formé un contredit de compétence.

MOTIVATION

Sur la qualification des relations contractuelles

Considérant qu'aux termes de l'article L.1411-1 du code du travail «'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient'» et qu'«'il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'», qu'il y a contrat de travail, ce qui détermine donc la compétence de la juridiction du travail, lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération et que, spécialement, le lien de subordination ainsi exigé est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le fait que le travail soit effectué au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution';

Que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité litigieuse';

Qu'il appartient, en conséquence, au juge d'examiner ces conditions de fait et de qualifier la convention conclue entre les parties, sans s'arrêter à la dénomination qu'elles avaient retenue entre elles';

Considérant qu'il n'est pas contesté que'Monsieur [H] [I] n'a ni signé de contrat de travail avec la SAS OURSON BLEU, ni reçu de bulletins de paye de celle-ci'; qu'il lui appartient, dans ces conditions, d'établir la réalité d'une relation salariée avec cette société ;

Considérant que Monsieur [H] [I] produit notamment à l'appui de son argumentation :

- le contrat d'exercice libéral, du 21 juin 2010, qu'il a conclu avec la SAS OURSON BLEU,

- des relevés de transports de nuits et de week-end qu'il a effectués,

- ses fiches de demandes d'honoraires de 2010 : 21.300 euros en février, 25.800 euros en mars, 18.150 en avril, 21.300 euros en mai, 25.500 euros en juin, 15.900 euros en septembre, 25.200 euros en octobre, 24.300 euros en novembre, 29.400 en décembre,

- ses fiches de demandes d'honoraires de 2011': 32.700 euros en janvier, 25.800 euros en février, 17.400 euros en mars, 15.000 en avril, 24.900 euros en mai, 22.800 euros en juin, 11.100 en juillet,

- des courriers du Conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'Ordre des médecins dont il ressort que le statut libéral du praticien ne semble par correspondre à la réalité de la relation existant entre la SAS OURSON BLEU et le docteur [H] [I], notamment en raison de sa soumission à des horaires de travail et à des astreintes,

- la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 juillet 2011, par laquelle la SAS OURSON BLEU a mis définitivement fin à la relation contractuelle aux motifs que ses absences répétées désorganisaient le planning de l'entreprise, qu'il avait refusé d'effectuer un transport médicalisé du service de réanimation de l'hôpital de [Localité 2] à 17h le 18 juillet, au prétexte qu'il avait un rendez-vous personnel, alors qu'il était prévu qu'il intervienne jusqu'à 20h, qu'il avait tenté le même jour de dérober un véhicule d'intervention rapide de marque Renault Laguna stationné dans le garage et dans sa précipitation avait arraché un extincteur de son support mural, que devant sa détermination il avait été autorisé à partir avec le véhicule, et enfin qu'il s'était présenté le 19 juillet sans l'intention de reprendre ses fonctions et de restituer le véhicule, ce qui empêchait ses collègues d'accomplir leurs missions';

Considérant que la SAS OURSON BLEU verse plusieurs pièces aux débats pour démontrer que Monsieur [H] [I] ne se considérait pas comme salarié et n'était lié par aucun lien de subordination':

- les contrats signés par Monsieur [H] [I] avec ses remplaçants, notamment les docteurs [F], [K] et [B], sans en informer la SAS OURSON BLEU, mentionnant le paiement d'honoraires par le médecin remplacé d'un montant de 300 euros pour la journée et de 100 euros par transport des week-ends,

- des plannings ne mentionnant pas les noms des médecins remplaçants,

- une attestation de Madame [E], secrétaire au sein de la SAS OURSON BLEU, qui déclare qu'elle a contrôlé jusqu'au mois de juin 2010 toutes les feuilles de transports médicalisés, qu'elle a constaté que certaines feuilles n'étaient pas remplies par le docteur [I] et que dans la case «'médecin transporteur'» il n'y avait aucun nom et qu'elle a également constaté que celui-ci avait continué à se faire remplacer par des inconnus même après s'être engagé à effectuer lui-même les transports,

- un bulletin de paye au nom de Monsieur [H] [I] établi au mois d'avril 2010 par le centre hospitalier [Établissement 1] de [Localité 1] pour un montant brut de 2.233,68 euros, alors qu'il a envoyé le même mois à la SAS OURSON BLEU une note d'honoraires de 18.150 euros,

- un devis établi par Monsieur [H] [I] ayant pour objet d'assurer des formations dans le centre de rééducation et d'appareillage de [Localité 3]';

Considérant qu'il ne ressort d'aucun des documents produits que Monsieur [H] [I] recevait des ordres, ou des directives, en ce qui concerne les tâches à accomplir et les soins à apporter, ou pouvait être sanctionné pour ses manquements même lorsqu'ils étaient patents';

Que, par contre, ces documents démontrent que Monsieur [H] [I]':

- organisait librement son emploi du temps en acceptant mensuellement les jours et les heures pendant lesquels il était disponible pour effectuer des prestations et en se faisant remplacer certains jours d'intervention initialement prévus sans en informer la SAS OURSON BLEU,

- recrutait seul et payait directement ses remplaçants sans en informer la SAS OURSON BLEU,

- fournissait, parallèlement à ses activités pour la SAS OURSON BLEU, des prestations rémunérées à d'autres structures médicales';

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur [H] [I] ne se trouvait pas placé, de quelque manière que ce soit, dans un lien de subordination vis-à-vis de la SAS OURSON BLEU et que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail';

Que le conseil de prud'hommes est, dès lors, incompétent pour connaître du litige qui oppose les parties';

Qu'il y a lieu de rejeter le contredit de compétence, de confirmer le jugement déféré, de dire le conseil de prud'hommes de Créteil incompétent, de dire le tribunal de grande instance de Créteil compétent et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction'pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;

Considérant que les frais de contredit seront mis à la charge de Monsieur [H] [I], qui sera par ailleurs condamné à payer à la SAS OURSON BLEU la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

PAR CES MOTIFS

Rejette le contredit de compétence,

Confirme le jugement déféré,

Dit le conseil de prud'hommes de Créteil incompétent,

Dit le tribunal de grande instance de Créteil compétent,

Renvoie l'affaire devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige,

Condamne Monsieur [H] [I] à payer à la SAS OURSON BLEU la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [H] [I] aux frais du contredit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/13577
Date de la décision : 07/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°14/13577 : Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-07;14.13577 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award