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17/12/2015 | FRANCE | N°15/02837

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 17 décembre 2015, 15/02837


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 17 Décembre 2015

(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02837



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section commerce - RG n° 13/14939





APPELANT

Monsieur [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]
r>comparant en personne,

assisté de Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663





INTIMEE

EPIC RATP

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 775 663 438 01906

représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 17 Décembre 2015

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02837

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section commerce - RG n° 13/14939

APPELANT

Monsieur [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663

INTIMEE

EPIC RATP

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 775 663 438 01906

représentée par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [W] [K], qui était employé depuis le 8 octobre 1982 par la RATP en dernier lieu en qualité d'agent de conduite et manoeuvre des ateliers de [Localité 4], s'est vu notifier le 15 juillet 2013 une mesure disciplinaire du second degré consistant en une descente d'échelle avec changement de fonctions, puis, n'ayant pas accepté cette rétrogradation, a été révoqué le 23 septembre 2013, après nouvel avis du conseil de discipline, au motif de manquements graves à la probité par la perception de sommes d'argent provenant d'un trafic de revente de métaux du site.

Il a saisi la juridiction prud'homale le 11 octobre 2013 d'une demande de paiement de

diverses indemnités au titre de la rupture.

Par jugement du 16 février 2015, le conseil de prud'hommes de Paris l'a débouté de sa demande et condamné aux dépens.

M. [K] a interjeté appel de cette décision le 12 mars 2015.

A l'audience du 17 novembre 2015, il demande à la Cour d'infirmer le jugement et de condamner la société à lui payer, avec les intérêts au taux légal, les sommes de :

- 6851,54 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 685,15 € au titre des congés payés sur préavis

- 30 755,47 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 123 327,72 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en ordonnant la remise d'une attestation pour Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Il fait valoir que la procédure disciplinaire conventionnelle n'a pas été respectée par la RATP, les comptes rendus de l'enquêteur rapporteur ne faisant pas état de la proposition de mesure disciplinaire de sa direction ni de précédents en violation de l'article 160 du statut du personnel, et le président du Conseil de discipline n'ayant pas donné son avis malgré le partage des voix du second Conseil de discipline, en violation de l'article 163. Il conteste par ailleurs avoir participé d'une quelconque manière à un trafic de pièces métalliques, ayant simplement accepté deux fois de la part d'un prestataire de l'argent dont il ignorait la provenance et qu'il pensait provenir de la benne de récupération des petites pièces métalliques du site. Il considère donc que le grief à l'origine de sa révocation n'est pas établi, l'employeur ayant lui-même considéré dans un premier temps que les faits qu'il lui reprochait n'étaient pas suffisamment graves pour justifier cette sanction.

L'EPIC RATP demande pour sa part la confirmation du jugement et la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'ayant appris par une lettre anonyme l'existence d'un trafic de rails et de traverses sur le site des ateliers de la [Localité 4], elle a diligenté une enquête qui a révélé un écart important de 236 barres de 18 mètres de long de rail entre le stock comptable et le stock physique, quatre salariés reconnaissant leur participation à ce trafic qui mettait en cause des employés de la société Colas Rail qui était en charge des travaux de maintenance sur le réseau métropolitain et de la société Challancin à qui incombaient le chargement et le déchargement des trains de travaux ; que le principal instigateur du trafic au sein de la société Colas Rail ayant mis en cause M. [K] qui serait venu le voir en se plaignant de ne rien toucher et à qui il aurait remis à 3 ou 4 reprises de l'argent, l'intéressé a alors reconnu avoir reçu cet argent. Elle considère donc que la réalité des faits reprochés est établie, dès lors qu'il n'a jamais été reproché à M. [K] d'avoir pris part au trafic mais bel et bien d'avoir perçu en toute connaissance de cause des sommes d'argent provenant de ce trafic, manquant ainsi à son obligation de loyauté. Elle rappelle que si le salarié est en droit de refuser une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, l'employeur est alors lui-même en droit de prononcer une autre sanction y compris le licenciement. Elle considère par ailleurs que la simple saisine du Conseil de discipline valait proposition d'une sanction du second degré de la part de la direction puisqu'elle n'est prévue que dans ce cas et que le président du Conseil de discipline n'avait pas à donner son avis puisqu'aucun membre du conseil n'a sollicité un vote. Elle soutient en tout état de cause que l'irrégularité de la procédure ne saurait retirer à la révocation sa cause réelle et sérieuse, dès lors que les droits de la défense ont été respectés. Enfin, elle souligne le caractère exorbitant des demandes indemnitaires formées.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Attendu que le non-respect d'une disposition conventionnelle relative à une procédure disciplinaire de licenciement ne saurait priver la rupture de cause réelle et sérieuse que s'il constitue la violation d'une garantie de fond ou s'il a eu pour effet de priver le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense ;

Attendu qu'aux termes de l'article 160 du statut du personnel de la RATP, l'enquêteur-rapporteur chargé de l'instruction de l'affaire soumise au Conseil de discipline dresse un rapport destiné à celui-ci, qui fait obligatoirement état de la proposition de mesure disciplinaire formulée par le directeur dont relève l'agent et mentionne en conclusions les mesures de même nature qui auraient déjà été retenues dans des cas semblables ; qu'en l'espèce, tant le rapport établi par l'enquêteur-rapporteur pour la séance du 19 juin 2013 du Conseil de discipline que celui établi pour la seconde séance du 2 septembre 2013 ne mentionnent une quelconque proposition de sanction du directeur de M. [K], ni de 'précédents' comparables ; que toutefois, les rapports se réfèrent aux notifications adressées les 6 juin et 19 août 2013 à M. [K] par le directeur de l'Unité voie dont il dépendait, de sa décision de le faire comparaître devant le Conseil de discipline, lesquelles indiquent chacune viser à proposer à son encontre 'une mesure disciplinaire du second degré pouvant aller jusqu'à la révocation', comme le prévoit le statut, en l'absence d'autre précision ; que par ailleurs, l'absence de mesures prononcées dans des cas similaires ne permet pas de considérer la procédure comme irrégulière et ne peut être davantage retenue comme causant grief à l'agent ;

Attendu qu'aux termes de l'article 163 du statut, 'le Conseil de discipline émet, hors de la présence de toute personne étrangère au conseil à l'exception de l'enquêteur-rapporteur, un avis sur la mesure disciplinaire à appliquer. Si un membre du conseil en fait la demande, il est procédé à un vote au scrutin secret. Seuls prennent part au vote les trois membres de la direction et les trois représentants du personnel. En cas d'égalité des voix, le président indique en cours de séance l'avis personnel qu'il donnera au Directeur général.' ; qu'en l'espèce, le conseil de discipline s'est mis en partage de voix tant lors de sa séance du 19 juin (les représentants du personnel proposant une descente d'échelle avec changement de fonction et les représentants de la direction une mesure de révocation) que lors de celle du 2 septembre 2013 (où les représentants du personnel ont proposé deux mois de mise en disponibilité d'office sans traitement et les représentants de la direction une mesure de révocation), et le président n'a pas indiqué quel était son avis personnel ni ne l'a fait connaître au Directeur général, comme le texte statutaire le lui imposait ; que cependant, lorsque les procédures conventionnelles protectrices des droits du salarié contre son licenciement ont été mises en oeuvre par l'employeur, l'absence d'avis du conseil de discipline régulièrement saisi qui résulte de ce que ses membres n'ont pu se départager ou que le président n'a pas émis d'avis personnel n'a pas pour effet de mettre en échec le pouvoir disciplinaire de l'employeur et de rendre irrégulière la procédure de révocation ; que le conseil de discipline ayant été régulièrement saisi et les garanties de défense du salarié ayant été respectées, l'irrégularité en question est sans effet sur la validité de la procédure ;

Et attendu qu'il résulte des pièces produites au dossier qu'à la suite de la dénonciation anonyme d'un trafic de rails et traverses au sein des ateliers de la [Localité 4] en date du 5 mars 2013, la RATP a diligenté une enquête, établi un inventaire surprise des stocks comptables et physiques qui a révélé un important écart, et entendu tous les personnels concernés ; que l'audition de M. [Q], chef d'atelier au sein de la société Colas sur le site de la [Localité 4], qui s'est présenté de sa propre initiative après avoir été mis en cause, a permis d'établir un important trafic portant dans un premier temps sur la récupération de ferraille remontant des chantiers puis sur le détournement de morceaux de rails découpés sur place avec la complicité des responsables du site ;  que les personnes mises en cause ont reconnu au moins pour partie le trafic ; que M. [Q] a révélé qu'il avait également 'remis 3 ou 4 fois de l'argent à M. [K] [W] à hauteur de 300 ou 400 € à chaque fois. Il était venu me voir et se plaignait de ne rien toucher. J'ai demandé l'accord préalable de MM. [V] et [G] (responsables du site). Ils ont accepté à hauteur maximale de 400 euros. Ils m'ont demandé d'arrêter de lui en verser au bout de trois ou quatre voyages.' ; que M. [K], entendu deux fois, a reconnu s'être vu remettre deux fois de l'argent par M. [Q] (200 € et 250 €) entre avril et juin 2012, niant être allé lui demander de l'argent, rien ne lui ayant été demandé en échange par l'intéressé ; qu'il a reconnu également être au courant de la récupération de vieilles matières par l'entreprise Colas dans des bennes de ferrailles, qui servait 'au casse-croûte des gars' selon ce que lui avait dit son supérieur, et avoir vu de vieux rails coupés sur une zone qui ne correspondait pas à leur zone de stockage normale ; qu'il indique aujourd'hui encore avoir pensé que ses collègues de travail lui avaient préparé une enveloppe afin de l'aider financièrement compte tenu de la maladie de sa femme, sans s'expliquer sur le fait que cette initiative provenait d'un employé de la société Colas ; que pour autant, la matérialité des faits reprochés est bien établie, puisque la lettre de révocation fait état de 'la perception d'argent liquide dans le cadre d'un trafic de revente de vieilles matières sur le site de production des ateliers de la [Localité 4]', et non de la participation à ce trafic, et ne mentionne pas un trafic de rails neufs dont M. [K] nie avoir eu connaissance ; que la perception de ces sommes dont il a reconnu, lors de son entretien du 27 mai, qu'il pensait qu'elles venaient 'de la benne de petites pièces métalliques de Colas', constitue un manquement à son obligation de loyauté et de probité à l'égard de l'employeur d'autant moins acceptable que sa très grande ancienneté dans l'entreprise justifiait de la part de l'employeur une totale confiance en lui ; que l'agent, qui s'était vu notifier une mesure disciplinaire moins sévère dans un premier temps puisque ne consistant qu'en une simple rétrogradation, ne peut reprocher à l'employeur d'avoir, décidé de sa révocation, puisque si lui-même était en droit de refuser la modification du contrat de travail découlant de sa 'descente d'échelle avec changement de fonctions', ce refus autorisait l'employeur à prendre une autre sanction plus sévère ; que la révocation repose donc sur un motif réel et sérieux et le jugement sera confirmé qui a rejeté les demandes d'indemnités à ce titre ;

Et attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la RATP ses frais de procédure compte tenu de la situation respective des parties ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/02837
Date de la décision : 17/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/02837 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-17;15.02837 ?
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