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17/12/2015 | FRANCE | N°13/04703

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 17 décembre 2015, 13/04703


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 17 Décembre 2015

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04703



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section commerce - RG n° F12/03976





APPELANT

Monsieur [D] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (ALGERIE)<

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comparant en personne, assisté de Me Grégoire BRAVAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1339





INTIMEE

SAS POMME DE PAIN

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 582 15 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 17 Décembre 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04703

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section commerce - RG n° F12/03976

APPELANT

Monsieur [D] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (ALGERIE)

comparant en personne, assisté de Me Grégoire BRAVAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1339

INTIMEE

SAS POMME DE PAIN

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 582 15 0 0 41

représentée par Me Marie-estelle NIVOIT NOEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1258

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 215, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [D] [K], par ailleurs étudiant, a été engagé par la société POMME DE PAIN en qualité d'employé polyvalent, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Par courrier daté du 8 mars 2012, M. [D] [K] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 mars suivant. Par courrier en date du 21 mars 2012, il a été licencié pour faute grave.

Le 5 avril 2012, M. [D] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 22 mars 2013, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société POMME DE PAIN au paiement des sommes suivantes :

- 1 634,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 163,44 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 144,13 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 561,14 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre 56,11 euros au titre des congés payés afférents,

- 700 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre les dépens.

Il a débouté M. [D] [K] de ses demandes formées au titre de l'exécution du contrat de travail.

Le 13 mai 2013, M. [D] [K] a interjeté appel de ce jugement. La société POMME DE PAIN a formé appel incident.

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 13 novembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par M. [D] [K], qui demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris sur les sommes allouées en écartant la faute grave et de condamner en outre la société POMME DE PAIN au paiement, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société devant le bureau de conciliation, des sommes suivantes :

- 5 720 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 945 euros à titre de rappels de salaire, outre 394,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral,

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Vu les conclusions déposées le 13 novembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par la société POMME DE PAIN, qui demande à la Cour, à titre principal, de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions et, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'exécution du contrat

Attendu, en premier lieu, qu'il résulte de la convention collective de la restauration rapide que le salarié de niveau I échelon 2 assure des tâches simples, répétitives et variées, qu'il emploie des instruments professionnels, qu'il assure notamment l'encaissement, le comptage et la vérification de sa caisse, ainsi que la transmission partielle des modes opératoires ; que le salarié de niveau II échelon 1 exerce les mêmes tâches, mais que celles-ci sont plus variées et plus complexes, que le salarié peut être amené à former les nouvelles recrues et assurer la manipulation d'argent (vérification de l'ensemble des caisses, préparation du dépôt en coffre de la recette ainsi que son enregistrement) ;

Attendu que M. [D] [K] sollicite un rappel de salaires pour la période comprise entre janvier 2008 et mars 2012, en soutenant qu'il exerçait en réalité des fonctions de responsable de boutique dès lors qu'il avait la responsabilité d'ouvrir ou de fermer celle-ci, qu'il accomplissait des tâches administratives et qu'il gérait les remises bancaires ; que, toutefois, la simple ouverture ou fermeture de la boutique, ainsi que des remises d'argent à la banque à quelques reprises, lesquelles n'induisent pas nécessairement un travail de vérification tel que prévu par la convention susmentionnée, ne permettent pas d'affirmer que M. [D] [K] aurait été responsable de boutique comme il le revendique ; qu'au demeurant, l'intéressé a reconnu lui-même, dans un courrier du 20 mars 2012, devoir rendre compte à un responsable de boutique : « N'y a-t-il pas un responsable de boutique' N'est-ce pas à lui de vérifier que le travail est fait correctement et les consignes respectées' N'est-ce pas au responsable de boutique qu'il faut demander des comptes pour ce genre de litige ' » ; qu'enfin, dans un courrier du 30 mai 2011, il a évoqué la vérification de la caisse par le directeur de la boutique, ce qui démontre qu'il ne s'agissait pas d'une de ses tâches habituelles, laquelle était précisément dévolue au responsable de la boutique ;

Attendu en conséquence que, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, M. [D] [K] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire ;

Attendu, en second lieu, que M. [D] [K] invoque une exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société POMME DE PAIN, qui résulterait, d'une part, d'un changement non justifié de boutique et, d'autre part, de mauvaises conditions de travail ; que, toutefois, M. [D] [K] ne l'établit pas, alors au demeurant que le lieu d'affectation a été modifié, sans que la légalité de cette modification ne soit remise en cause, suite à des plaintes, nombreuses mais non étayées, du salarié à l'égard de la directrice de la boutique où il était anciennement affecté et que les pièces produites par la société POMME DE PAIN démontrent que celle-ci se souciait des conditions de travail de ses salariés ; que, dès lors, M. [D] [K] sera également débouté de cette demande ;

Sur le licenciement

Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. [D] [K] a été licencié aux motifs suivants :

« [...] Nous avons reçu le samedi 3 mars 2012 une plainte d'un client habituel du restaurant Pomme de Pain [Adresse 4] qui a consommé, ce jour-là, samedi 3 mars, deux menus club fromage 50 cl au sein du restaurant Pomme de Pain [Adresse 4] en début d'après-midi, et qui nous a fait part de défaut indéniable de qualité concernant le sandwich qui lui a été servi : le sandwich club qui lui a été servi ne comportait ni jambon, ni bacon, contrairement à ce qui est stipulé sur la recette.

Le client s'en est plaint auprès du vendeur, qui après avoir repris le sandwich a remis celui-ci à l'employé présent en production, c'est-à-dire vous-même, en vue de redonner un nouveau sandwich, conforme à ce qui aurait dû être servi au client.

Or le client affirme dans sa plainte du 3 mars 2012 que deux minutes plus tard, on lui a remis le sandwich qu'il avait déjà commencé, avec une minuscule tranche de jambon, et une tranche de bacon : le client a d'ailleurs pris la photo du sandwich.

Ce même client précise également que l'autre sandwich club, commandé plus tôt, ne contenait pas non plus de bacon. Ce client habitué du restaurant [Adresse 4] nous a fait part de sa grande déception pour ce manque de qualité, en nous demandant de mettre en oeuvre les mesures qui s'imposent pour corriger ce défaut indéniable de prestation.

Or après analyse, le client nous ayant également envoyé copie du ticket de caisse, il s'avère que sur le créneau horaire concerné (ticket émis à 14h22), vous étiez le seul en production, et que c'est donc forcément vous qui avez préparé et servi les sandwichs de ce client, et que c'est bien à vous qu'il incombait de refaire le sandwich dudit client : les plannings de la journée concernée montrent bien que vous étiez seul présent sur ce créneau horaire en production.

Lorsque je vous ai exposé ces éléments lors de l'entretien du 16 mars dernier, vous n'avez pas contesté le fait que vous étiez le seul en production au moment des faits.

Par ailleurs, je vous ai également rappelé le fait que lors de deux entretiens informels que nous avions eus les 18 et 26 janvier derniers (entretiens sollicités à votre demande), vous m'aviez fait part de votre souhait de quitter l'entreprise, sans démissionner, et vous aviez souhaitez obtenir une somme de 5 000 euros pour partir de l'entreprise, et qu'en cas de non-acceptation de la part de la société sur ce départ et sur cette somme, vous vous réserviez le droit de diffuser à l'externe des photos et vidéos susceptibles de porter préjudice à l'image de l'entreprise.

Devant cette situation que j'assimilais à du chantage, alors que j'avais émis l'hypothèse de procéder à une rupture conventionnelle, je n'ai pas souhaité répondre positivement à vos injonctions menaçantes.

Toujours lors de l'entretien du 16 mars, je vous ai ensuite précisé que le jeudi 8 mars 2012, nous avons été informés de la mise en ligne sur internet (site YOUTUBE) d'une vidéo montrant les cuisines du restaurant Pomme de Pain de [Adresse 4] dans lequel vous êtes affecté, cette vidéo montrant des produits alimentaires, mais avec des commentaires qui sont de nature à porter préjudice à l'image de la société Pomme de Pain.

Je vous ai informé du fait qu'une plainte avait été déposée à votre encontre par la société Pomme de Pain, auprès des services de police, dès le 8 mars 2012 au motif de chantage : la plainte, bien que les vidéos ne soient pas signées, a été jugée recevable par les services de police.

Lorsque je vous ai exposé tout cela lors de notre entretien du 16 mars, vous avez nié être l'auteur de la mise en ligne de ces vidéos [...] » ;

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail ; que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque;

Attendu que la société reproche à son salarié, d'une part, l'élaboration d'un sandwich non conforme à la recette car ne contenant ni jambon ni bacon ; que le client à qui ce sandwich a été servi s'est plaint de cette omission ; que le même sandwich a été complété par une tranche trop petite de jambon et une tranche de bacon, sans être refait ; que M. [D] [K] était seul en production à 14h22 ; que c'est donc lui qui a, à tout le moins, complété de manière insuffisante ledit sandwich, en contradiction avec les prescriptions de la société, sans que le salarié puisse se retrancher, dès lors qu'il ne les établit pas, derrière d'hypothétiques instructions contraires du directeur du restaurant [Adresse 4] ; qu'il s'agissait en outre, selon le salarié lui-même, d'une pratique courante de sa part, qu'il justifie par les consignes susmentionnées qu'il n'établit nullement et qu'il n'a jamais évoquées avant la procédure de licenciement, alors même que M. [D] [K] n'hésitait pas à se plaindre des difficultés qu'il pouvait rencontrer dans le cadre de son travail ; qu'il résulte de ce qui précède que le premier grief est établi ;

Attendu que la société invoque par ailleurs la diffusion sur Internet de vidéos sur le magasin Pomme de Pain dans lequel M. [D] [K] était affecté, avec des commentaires préjudiciables à l'image de la société, suite au refus de celle-ci de faire droit aux demandes qu'il avait formulées dans le cadre d'une négociation de rupture conventionnelle ; que, cependant, aucun élément n'établit avec certitude que ladite vidéo émanerait de M. [D] [K], d'autant que le représentant de la société qui a porté plainte a précisé qu'aucun employé ne l'avait vu enregistrer une telle vidéo ; qu'ainsi, si les circonstances dans lesquelles cette vidéo a été mise en ligne sont troublantes, les pièces produites par la société POMME DE PAIN ne permettent pas d'imputer avec certitude la diffusion litigieuse à M. [D] [K] ; qu'en revanche, le comportement, énoncé dans la lettre de licenciement et rappelé dans les conclusions de l'intimée, consistant à réclamer la somme de 5 000 euros dans le cadre d'une rupture conventionnelle, à défaut de quoi seraient diffusées des images compromettantes sur l'hygiène au sein des boutiques Pomme de Pain, est suffisamment établi par les échanges écrits intervenus à ce sujet ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que M. [D] [K] ne respectait pas les recettes des sandwichs qu'il préparait ; que, surtout, il a essayé d'obtenir la somme de 5 000 euros dans le cadre de la discussion engagée, à son initiative, dans le cadre d'un projet de rupture conventionnelle, par la menace de diffusion de vidéos compromettantes ; que ces faits constituent une faute d'une gravité telle que, ajoutée en outre au non-respect des consignes en matière de réalisation des sandwichs, elle justifiait la rupture immédiate du contrat de travail ;

Attendu par conséquent qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute grave et de débouter M. [D] [K] de l'ensemble de ses prétentions au titre de son licenciement ;

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [D] [K] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ; qu'en revanche il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais de procédure de première instance et d'appel ; que les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront ainsi rejetées ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [D] [K] de ses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail ;

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant :

DÉBOUTE M. [D] [K] de l'ensemble de ses prétentions ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [D] [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/04703
Date de la décision : 17/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/04703 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-17;13.04703 ?
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