RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 16 Décembre 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05020 BDC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/06982
APPELANT
Monsieur [G] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me France BUREAU POUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0777
INTIMEE
SA NUMATIC INTERNATIONAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 395 033 988
représentée par Me Salim BOUREBOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1515
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Benoit DE CHARRY, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoît DE CHARRY, Président
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Madame Céline HILDENBRANDT, vice-président placé
Greffier : Mme Eva TACNET, greffière stagiaire en pré-affectation, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Eva TACNET, greffière stagiaire en pré-affectation à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur [G] [P] a été engagé par la SA NUMATIC INTERNATIONAL par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er avril 2003 et son dernier emploi était celui de coordinateur des ventes nationales.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Ayant été, selon lui, évincé de la société le 22 janvier 2009 sur ordre verbal du dirigeant britannique de la société, Monsieur [G] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS pour, au principal, voir dire le licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, subsidiairement, compte tenu de la prise d'acte de rupture du contrat de travail par courrier d'avocat du 29 janvier 2009, pour voir dire que les agissements fautifs et répétés de l'employeur justifient la rupture de contrat à ses torts s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre infiniment subsidiaire pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à raison de son comportement fautif et pour obtenir la condamnation de cet employeur à lui verser diverses créances salariales et indemnités.
Reconventionnellement, la SA NUMATIC INTERNATIONAL a sollicité la condamnation de Monsieur [P] à lui verser une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et a demandé que cette condamnation se compense avec toute somme éventuellement due au demandeur.
Par jugement en date du 23 mars 2015 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- dit que la prise d'acte du 29 janvier 2009 produit les effets d'une démission,
condamné la SA NUMATIC INTERNATIONAL à payer à Monsieur [G] [P] la somme de 6.270,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- débouté Monsieur [G] [P] du surplus de sa demande,
- l'a condamné à payer à la SA NUMATIC INTERNATIONAL 18.105 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.810,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- ordonné la compensation des sommes,
- débouté la SA NUMATIC INTERNATIONAL du surplus de ses demandes,
- partagé les dépens par moitié entre les parties.
Monsieur [G] [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 18 mai 2015.
Monsieur [G] [P] soutient qu'il a été licencié verbalement le 22 janvier 2009 et que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à titre subsidiaire, il fait valoir qu'un avocat a adressé en son nom à son employeur, le 29 janvier 2009, une lettre contenant prise d'acte de la rupture du contrat alors qu'il n'avait pas reçu mandat exprès de le faire, de sorte que ce courrier n'a aucune valeur ; à titre infiniment subsidiaire, compte tenu de la prise d'acte de la rupture du contrat par courrier du 29 janvier 2009, il estime que les agissements fautifs et répétés de l'employeur justifient la rupture du contrat aux torts de ce dernier et que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à titre très infiniment subsidiaire, il impute à son employeur des agissements fautifs et répétés justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
En conséquence, il sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la société NUMATIC INTERNATIONAL à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2009 :
- 1300 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de déplacement de janvier 2009 arbitrairement supprimé, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2009,
- 6270,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 18'105 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis (3 mois x 6035 euros),
- 1810,50 euros au titre des congés payés y afférents,
- 7083 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ou 26'554 euros s'il s'agit d'une résiliation judiciaire du contrat de travail,
- 160'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 40'000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1382 du code civil,
- 3800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [P] demande que soit ordonnée :
- la remise de documents de rupture rectifiés et conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil,
la condamnation de la société NUMATIC INTERNATIONAL aux entiers dépens.
En réponse, la SA NUMATIC INTERNATIONAL fait valoir que la preuve d'un licenciement verbal n'est pas rapportée, que les manquements imputables à l'employeur ne sont pas établis et en tout cas ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat de travail.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement, le débouté de Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à lui verser 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties visées par le greffier, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement verbal
Selon Monsieur [P], il a été informé téléphoniquement par son supérieur hiérarchique le jeudi 22 janvier 2009 qu'il était licencié et qu'il ne pouvait plus revenir dans l'entreprise jusqu'au mercredi 28 janvier suivant.
Monsieur [P] ajoute qu'il a été privé immédiatement de la carte bancaire et de la carte d'essence, accessoires indispensables à ses fonctions, outre le changement de serrure de l'entreprise, équivalant à une remise de clés, et qu'il a été privé de salaire. Il se réfère également à un document diffusé publiquement auprès des clients et partenaires de la société NUMATIC INTERNATIONAL dans lequel il est indiqué «'comme vous le savez probablement, notre Direction anglaise a remercié en janvier 2009 quatre cadres dirigeants'dont le directeur général le directeur financier pour malversations financières », ainsi qu'à un courriel du 24 janvier 2009 dans lequel Monsieur [B] exigeait sa démission.
Il déduit de ce qui précède que, le 22 janvier 2009, son employeur a rompu verbalement son contrat de travail de sorte que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société NUMATIC INTERNATIONAL conteste formellement avoir verbalement licencié son salarié le 22 janvier 2009 et fait valoir que ce dernier n'en rapporte aucune preuve. Elle admet la suspension des cartes bancaires et d'essence mais fait valoir que cette mesure à caractère général concernait l'ensemble des cartes de l'entreprise et qu'elle était justifiée par le constat d'un détournement de plus d'un million d'euros.
Monsieur [P] ne rapporte pas la preuve de l'existence et de la teneur de la conversation téléphonique qu'il aurait eue le 22 janvier 2009 avec Monsieur [Y], directeur général, accompagné de Monsieur [B], dirigeant de la société NUMATIC INTERNATIONAL Ltd dont la SA NUMATIC INTERNATIONAL est filiale.
Ils ne démontre pas qu'il lui a été interdit de se présenter dans l'entreprise à compter de cette date, comme il ne démontre ni le changement des serrures ni la privation de salaire.
Le courrier dont il fait état, non daté mais postérieur de plusieurs mois au 22 janvier 2009, puisqu'il se réfère à un précédent courrier du 7 juillet de cette année-là, et qui rappelle que la direction anglaise a remercié quatre cadres dirigeants français, ne mentionne pas les noms des personnes remerciées et ne précise que la fonction de deux d'entre elles, le directeur général et le directeur financier, de sorte qu'il ne peut en être tiré la preuve de ce que Monsieur [P], coordinateur des ventes nationales, était l'une de ces personnes.
Dans le courriel du 24 janvier 2009 adressé au nom de Monsieur [B] à Monsieur [Y], ce dernier est sommé de proposer le remboursement de sommes transférées de Numatic à d'autres sociétés et de remettre sa démission ainsi que celle de plusieurs personnes dont [G] [P]. Ce courriel est postérieur à la date du licenciement verbal allégué et il s'évince de son contenu que, tout comme Monsieur [Y], Monsieur [P] était toujours considéré comme salarié par son employeur puisque ce dernier était dans l'attente de leur démission.
Le retrait des cartes de paiement par l'employeur ne concernait pas seulement Monsieur [P]. Elle constituait une mesure de prudence compte tenu des suspicions raisonnables qu'avait l'employeur de l'existence de malversations. Il ne privait pas l'intéressé de la possibilité de poursuivre son activité en raison de ce qu'un véhicule de fonction était mis à sa disposition, que ses frais lui étaient remboursés, et qu'il lui était versé une indemnité forfaitaire de frais kilométriques mensuelle de 1300 euros.
En conséquence, la cour considère que l'employeur de Monsieur [P] ne lui a pas signifié verbalement la rupture du contrat de travail et n'a pas pris de mesures l'empêchant de poursuivre son travail qui traduiraient un licenciement verbal.
Sur la prise d'acte de la rupture
Sur la lettre de prise d'acte de la rupture
Le 29 janvier 2009, Me [X], avocat à Paris, a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à la société NUMATIC INTERNATIONAL SA dans lequel il est indiqué :
«'C'est en ma qualité d'avocat de Messieurs... et [G] [P], salariés de la société NUMATIC INTERNATIONAL SA que je vous adresse la présente.(...) En conséquence, Messieurs .. et [P] ne peuvent que prendre acte de cette rupture à vos torts exclusifs et en sollicitent immédiatement réparation de leurs préjudices devant le conseil de prud'hommes.»
Monsieur [P] fait valoir qu'il n'avait pas mandaté cet avocat pour adresser une prise d'acte à son employeur de sorte que ce courrier est sans effet à son égard.
La société NUMATIC INTERNATIONAL réplique que le litige qui peut exister entre Monsieur [P] et son avocat ne lui est pas opposable et qu'elle est fondée à se prévaloir du mandat apparent de l'avocat, mandat qu'elle n'avait pas à vérifier.
La prise d'acte n'est soumise à aucun formalisme particulier et il suffit qu'elle soit transmise directement à l'employeur le cas échéant par l'intermédiaire d'un avocat.
Si en principe le mandant n'est pas tenu de ce qui a pu être fait au-delà du pouvoir donné au mandataire, il en est autrement lorsqu'il résulte des circonstances que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans les limites de celui-ci. Le mandant peut alors être engagé sur le fondement d'un mandat apparent si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime. La légitimité de cette croyance suppose que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mandataire.
Au cas d'espèce l'auteur de la lettre est avocat, il s'est présenté comme étant celui de Monsieur [P] et s'est exprimé au nom de ce dernier. Le contenu du courrier démontre qu'il avait une connaissance approfondie de la situation de Monsieur [P], des déplacements de celui-ci, d'un accident de travail récent dont il avait été victime, ainsi que des données du litige. La déclaration de la prise d'acte de la rupture est en cohérence avec les griefs exprimés dans la lettre. Dans ces conditions, la société NUMATIC INTERNATIONAL pouvait légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat donné par Monsieur [P], et dans les limites de celui-ci, et les circonstances l'autorisaient à ne pas vérifier l'existence et les limites exactes des pouvoirs de l'avocat.
Le mandat apparent a pour effet d'obliger le mandant envers les tiers de sorte que le courrier du 29 janvier 2009 constitue une prise d'acte de rupture par Monsieur [P].
Sur les effets de la prise d'acte de la rupture
Monsieur [P] estime que les faits qu'il reproche à son employeur justifient la prise d'acte de sorte qu'elle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société NUMTIC INTERNATIONAL fait valoir que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite de ce contrat et que les griefs invoqués par Monsieur [P] sont très loin de constituer de tels manquements.
La prise d'acte, justifiée par des manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements de l'employeur et il appartient au juge du fond d'apprécier leur gravité. Le salarié ne peut pas invoquer un fait qu'il ignorait au moment de la rupture ou un fait postérieur à celle-ci.
Monsieur [P] fait valoir que sa prise d'acte est justifiée par le fait que son employeur l'a privé de son salaire et des accessoires indispensables à son travail : clés, carte bancaire, carte d'essence, portable, ordinateur, véhicule, a formulé des accusations sans preuve de délits graves, a exercé des pressions et des menaces d'action pénale, a divulgué des informations diffamatoires et a bloqué ses comptes bancaires.
La société NUMATIC INTERNATIONAL répond que la suspension des cartes bancaires et d'essence n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail, et que la restitution du portable, de l'ordinateur et du véhicule professionnel n'a été demandée que postérieurement à la prise d'acte et en raison de celle-ci, que la saisie conservatoire est également postérieure à la prise d'acte et que les faits sont si peu graves que, le 2 mars 2009, soit un mois après son départ, Monsieur [P] a exprimé le souhait de revenir dans l'entreprise.
La date de la prise d'acte est le 29 janvier 2009. À cette date, l'employeur avait fait bloquer les cartes bancaires et essence mises à la disposition de Monsieur [P]. Les autres faits invoqués par celui-ci pour justifier du bien fondé de la prise d'acte et démontrés sont postérieurs à celle-ci : le non-versement de l'indemnité forfaitaire de frais kilométriques est apparu sur le bulletin de paie du mois de janvier 2009 mis en paiement le 31 janvier ; la demande de restitution du véhicule de fonction, du téléphone portable et de l'ordinateur a été formulée par l'employeur le 13 février 2009 ; les accusations d'infraction pénale sont contenues dans une plainte du 19 mars 2009 ; la requête aux fins d'être autorisé à pratiquer une saisie conservatoire a été présentée le 31 juillet 2009. Les pressions et menaces ainsi que la divulgation d'informations diffamatoires ne sont pas prouvées.
En conséquence seuls pourraient avoir motivé la prise d'acte, les agissements de l'employeur antérieurs à celle-ci qui se résument au retrait de la possibilité d'utiliser deux moyens de paiement dont disposait le salarié.
Comme il a été dit plus haut, cette mesure n'était pas de nature à empêcher Monsieur [P] de poursuivre ses activités professionnelles, puisqu'il bénéficiait de la mise à disposition d'un véhicule automobile, du remboursement de ses frais et d'une allocation forfaitaire kilométrique.
De plus, Monsieur [P] a écrit à la société NUMATIC INTERNATIONAL le 2 mars 2009 une lettre par laquelle il indique «'enfin, j'espérais comme vous le savez, qu'un entretien avec Monsieur [B] permettrait de maintenir mon contrat, il n'a pas encore eu lieu'» ce qui démontre a posteriori qu'il considérait que ce contrat aurait pu se poursuivre nonobstant le comportement récent de son employeur.
La prise d'acte non justifiée produit les effets d'une démission.
Sur les demandes en paiement
De Monsieur [P]
Monsieur [P] demande que la société NUMATIC INTERNATIONAL soit condamnée à lui verser 1300 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de déplacement pour le mois de janvier 2009.
La société NUMATIC INTERNATIONAL fait valoir que cette indemnité est incohérente avec le fait que le salarié bénéficie d'une carte d'essence faisant double emploi.
Les bulletins de salaire produit aux débats font apparaître le versement chaque mois d'une somme forfaitaire de frais kilométriques d'un montant de 1300 euros. Il est établi qu'en janvier 2009 cette indemnité n'a pas été versée de sorte qu'elle reste due au salarié.
Monsieur [P] demande la condamnation de la société NUMATIC INTERNATIONAL à lui verser 6270,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
La société NUMATIC INTERNATIONAL soutient qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le paiement des congés payés, en l'état de sa créance de préavis.
Le montant dû à Monsieur [P] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés s'élève, ainsi qu'il résulte du bulletin de paie établi par l'employeur, à la somme sollicitée. Monsieur [P] fait valoir que cette indemnité ne lui a pas été versée et son adversaire ne démontre pas qu'il s'est libéré de cette obligation.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Monsieur [P] sollicite la condamnation de la société NUMATIC INTERNATIONAL à lui verser une indemnité conventionnelle de préavis, une indemnité de congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La prise d'acte produisant les effets d'une démission, ces demandes ne sont pas accueillies.
Monsieur [P] sollicite l'allocation de 40'000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil en faisant valoir que son employeur a usé de propos calomnieux auprès d'autorités judiciaires (juge d'instruction, juge de l'exécution, juridiction prud'homale) en le présentant comme un délinquant.
Si des dommages-intérêts peuvent être alloués au salarié en raison du préjudice subi par lui postérieurement au licenciement en raison d'une faute commise par l'ancien employeur, c'est à la condition de la démonstration par le salarié d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Au cas d'espèce, Monsieur [P] ne démontre pas qu'à l'occasion des différentes procédures judiciaires postérieures au licenciement, la SA NUMATIC INTERNATIONAL a, d'une manière malicieuse ou avec une légèreté blâmable, présenté son ancien salarié comme un délinquant.
La demande de dommages-intérêts ne sera pas accueillie.
De la société SA NUMATIC INTERNATIONAL
Cette société sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande en paiement d'une somme à la charge du salarié au titre du préavis et des congés payés afférents.
Monsieur [P] fait valoir que le premier juge n'avait aucune raison de le condamner à payer le préavis et les congés payés sur préavis, non dus à l'employeur.
En cas de démission du salarié, ce dernier, s'il n'exécute pas le préavis, est redevable envers son employeur d'une indemnité compensatrice de préavis.
L''article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable en l'espèce dispose que le délai-congé réciproque pour un cadre de la catégorie dont relève Monsieur [P] est de trois mois et qu'en cas d'inobservation du préavis par l'une ou l'autre des parties, et sauf accord entre elles, ce qui n'est pas le cas, celle qui ne respecte pas ce préavis doit à l'autre une indemnité égale aux appointements et à la valeur des avantages dont l'intéressé aurait bénéficié s'il avait travaillé jusqu'à l'expiration du délai-congé.
L'indemnité compensatrice de préavis correspond aux appointements y compris l'indemnité de congés payés qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période.
Son montant est identique quelle que soit l'origine de la rupture et quel qu'en soit le débiteur.
Au cas d'espèce, la prise d'acte de Monsieur [P] produisant les effets d'une démission et Monsieur [P] n'ayant pas effectué les trois mois du préavis, c'est à bon droit que le premier juge l'a condamné à verser à son ancien employeur la somme de 18'105 euros correspondants à trois mois de salaire ainsi que la somme de 1810 euros au titre des congés payés afférents.
La compensation des créances respectives sera confirmée.
Sur la demande de remise de documents sociaux
C'est le cas d'ordonner à la SA NUMATIC INTERNATIONAL de remettre à Monsieur [P] le solde de tout compte, le bulletins de salaire de janvier 2009, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes au présent arrêt.
Aucun motif ne justifie que cette disposition soit assortie d'une astreinte.
Sur les intérêts
Les créances salariales de Monsieur [P] porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation soit le 30 mars 2009.
La capitalisation des intérêts est de droit lorsqu'elle est demandée et elle s'opère par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont pu exposer à l'occasion la présente instance.
Il sera fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [P] de sa demande relative à l'indemnité kilométrique mensuelle,
Statuant sur le chef infirmé, condamne la SA NUMATIC INTERNATIONAL à payer à Monsieur [G] [P] 1300 euros,
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte du 29 janvier 2009 produit les effets d'une démission, a condamné la SA NUMATIC INTERNATIONAL à payer à Monsieur [G] [P] la somme de 6.270,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, a condamné Monsieur [G] [P] à payer à la SA NUMATIC INTERNATIONAL 19.915,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et a ordonné la compensation des sommes dues de part et d'autre,
Ajoutant,
Dit que les intérêts sur les sommes dues à Monsieur [G] [P] par la SA NUMATIC INTERNATIONAL au titre de l'indemnité kilométrique mensuelle et de l'indemnité de congés payés portent intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2009,
Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière au moins,
Ordonne à la SA NUMATIC INTERNATIONAL de remettre à Monsieur [P] le solde de tout compte, le bulletins de salaire de janvier 2009, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes au présent arrêt,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Fait masse des dépens et dits qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT